La volonté d’allonger le délai pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse met en lumière deux types de réalités.
Les premières sont des inégalités sociales, et une inégalité territoriale totale dans l’accès à l’avortement. Le rapport de la délégation aux droits des femmes que préside Annick Billon, intitulé « Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité », l’a montré : cet accès n’est pas le même selon l’endroit où l’on réside en France.
Dans treize départements, il n’y a aucun gynécologue. Les femmes n’ont donc accès ni au suivi ni aux traitements gynécologiques. De plus, le nombre de lieux où l’on pratique l’avortement a baissé de plus de 20 %. Cette inégalité territoriale est plus que jamais une réalité.
Le second type de réalités est d’ordre médical. Comme l’a rappelé le sénateur Milon, si le délai a été fixé à douze semaines, c’est parce que l’embryon devient alors un fœtus : le crâne est formé, de même que l’ensemble des organes, et le sexe est déterminable. Cela pose un véritable problème éthique – nous pourrons y revenir.
Les professionnels, de même que les collèges et l’Académie nationale de médecine, évoquent unanimement des complications dangereuses et des manipulations aux conséquences lourdes pour les femmes qui seraient à ce stade de grossesse.
J’évoquerai par ailleurs deux points relatifs aux professionnels.
Premièrement, je souhaite vous interpeller sur le nombre insuffisant de sages-femmes, madame la ministre, car le nombre de diplômées est fixé par arrêté ministériel. Que faites-vous dans la région qui vous est chère, madame la ministre ? La faculté de Lille offre 40 places, celle de Poitiers 21 places pour quatre départements, celle de Limoges 18 places pour trois départements, et celle de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines 17 places pour 1, 2 million d’habitants. Quand vous déciderez-vous à former suffisamment de sages-femmes pour répondre aux besoins de notre pays ?
Deuxièmement, je tiens à me faire l’avocat des pharmaciens à cette tribune. Pourquoi les exclurait-on de la clause de conscience dont bénéficient les autres praticiens au motif que les cas dont nous avons connaissance se comptent sur les doigts d’une main ? On ne peut mettre en doute la détermination avec laquelle les pharmaciens répondent aux urgences et aux situations de détresse depuis des mois dans le cadre de la pandémie que nous traversons.
L’allongement du délai d’intervention n’est pas le fond du problème : il est urgent dans ce pays de se donner des moyens d’accueillir toutes les femmes, de répondre à leurs souffrances et aux demandes qu’elles formulent dans les délais en vigueur.
Il est également temps – je m’étonne que l’on n’ait pas insisté sur ce volet essentiel – de développer la formation et l’information, et ce dès le collège, car c’est à cet âge qu’il faut sensibiliser les jeunes à la sexualité et au respect, mais aussi aux risques et aux violences.
Il est impératif de développer les moyens alloués à la formation et à l’information pour que les droits des femmes progressent effectivement dans ce pays.