Intervention de Mélanie Vogel

Réunion du 19 janvier 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Question préalable

Photo de Mélanie VogelMélanie Vogel :

Le premier argument avancé en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable en dit long. Pour le traduire en termes un peu plus compréhensibles pour le grand public, comme cela ne concerne pas beaucoup de femmes, on considère qu’il n’est pas tellement important de s’en occuper.

Chaque année, environ 4 000 femmes se rendent à l’étranger pour procéder à une IVG après leur douzième semaine de grossesse. Sont concernées des femmes jeunes, précaires, victimes de violences et éloignées des centres de soins : ces femmes sont les plus susceptibles de ne pas parvenir à interrompre dans les délais légaux une grossesse qu’elles ne souhaitent pas poursuivre.

Ces difficultés peuvent également être liées à un déni de grossesse, qui constitue une expérience traumatisante en elle-même et d’autant plus difficile lorsqu’on ne souhaite pas poursuivre la grossesse.

Qu’arrive-t-il à ces femmes ? Aujourd’hui, en France, elles ont le choix entre plusieurs mauvaises options.

L’une d’entre elles est de se rendre à l’étranger – en Espagne, aux Pays-Bas – pour y subir une IVG. Ces femmes comptant souvent parmi les plus précaires, elles subissent la double peine puisque tout cela est naturellement à leurs frais : des foyers se ruinent pour pouvoir aller pratiquer une IVG à l’étranger, les femmes s’y rendent seules, se retrouvent dans une clinique où l’on ne parle pas français, dont elles repartent seules. Elles n’ont pas de congés maladie et doivent tout payer de leur poche.

D’autres femmes – personne ne semble s’en préoccuper – ne comptent pas parmi ces 4 000 qui se rendent à l’étranger parce qu’elles accouchent sous X après avoir poursuivi une grossesse contre leur gré. Mais ce traumatisme-là ne paraît pas vous déranger. Ce sont pourtant des drames par milliers que nous pouvons éviter en adoptant cette proposition de loi.

Non, nous n’avons pas le choix entre allonger les délais légaux et améliorer l’accès à l’IVG dès les premières semaines. Nous devons et nous pouvons faire les deux.

Il est certes gênant d’en débattre quand la position que l’on défend revient à ignorer ces drames. Oui, il est plus commode d’éviter le débat en adoptant une motion tendant à opposer la question préalable. À défaut, vous auriez défendu un tas d’amendements tendant à aller contre notre droit à disposer de notre corps et contre la reconnaissance que nous sommes les seules à savoir ce qui, de l’avortement ou de la poursuite d’une grossesse non désirée, est le moins traumatisant, ou, pour reprendre vos termes, ce qui est « anodin » ou non.

En adoptant cette motion tendant à opposer la question préalable que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas, le Sénat se prononce à rebours de ce que devrait être la France en Europe aujourd’hui : un exemple, au moment où la Pologne et le Texas ont presque totalement interdit l’avortement et où ce droit est remis en cause et attaqué partout.

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