J’aurais bien sûr préféré que la proposition de loi soit adoptée. J’aurais préféré vous convaincre, mes chers collègues !
Le vote de la motion tendant à opposer la question préalable consiste en fait à voter contre la proposition de loi. Je voterai, quant à moi, contre cette motion pour pouvoir voter pour la proposition de loi.
Je tiens à répondre aux collègues qui nous ont expliqué à grand renfort d’arguments physiologiques à quel point l’avortement au-delà de douze semaines devenait un acte horrible car, dans l’intervalle, l’embryon était devenu un fœtus. Pour ma part, depuis une trentaine d’années, je reçois régulièrement la propagande du lobby anti-IVG, notamment de petits poupons dans des pots de confiture couleur groseille sanguinolente visant à me montrer à quel point il est criminel de défendre l’avortement comme je le fais. Je suis donc assez peu sensible à ce type d’arguments.
Il faut bien comprendre que les femmes enceintes qui arrivent dans le cabinet d’un gynécologue obstétricien ou dans un centre d’orthogénie après le délai légal d’IVG partiront de toute façon à l’étranger.
Vous avez cité abondamment le professeur Nisand, qui après avoir défendu l’avortement, s’est reconverti dans la fertilité, se fixant comme objectif la naissance du maximum d’enfants. Mais je peux vous citer d’autres médecins – Laurence Cohen les a évoqués – qui, contrairement au professeur Nisand, continuent de pratiquer des avortements et d’accueillir des femmes en situation de détresse.
Je vous invite à vous rendre à la Maison des femmes de Saint-Denis et dans les autres structures qui se créent actuellement en France à l’image de cet établissement, et à discuter avec les médecins qui sont confrontés à la détresse des femmes. Que pensez-vous qu’ils leur répondent ? Ils les aident à trouver une solution, à partir à l’étranger s’il le faut. Certains organisent des quêtes dans les services de l’hôpital pour payer l’avortement que les femmes en grande difficulté ne peuvent pas se payer.
Il me paraît donc assez hypocrite et en fin de compte assez peu compatissant de s’acharner à expliquer l’aspect physiologique d’un avortement à treize semaines. Croyez-moi, les femmes sont au courant !
Quant aux médecins, je ne suis pas certaine que ceux qui refuseraient de pratiquer une IVG à quatorze semaines en pratiquent à douze semaines. En revanche, je connais des médecins qui pratiquent des avortements aujourd’hui, et qui en pratiqueront également à quatorze semaines. Ils reconnaissent que cet acte n’a rien de marrant, mais c’est aussi le cas de nombreux autres actes médicaux.
Croyez-vous qu’il soit anodin pour un médecin de pratiquer une double mastectomie sur une jeune femme porteuse d’un gène du cancer du sein ? §Certains médecins opposent d’ailleurs leur clause de conscience générale pour éviter de pratiquer ce type d’acte. Mais pour les autres, c’est un moment douloureux.
Être gynécologue obstétricien, c’est choisir le camp des femmes, pour mettre fin à leurs souffrances.