Intervention de Elisabeth Moreno

Réunion du 27 janvier 2022 à 10h30
Combat contre le harcèlement scolaire — Discussion générale

Elisabeth Moreno :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Michel Blanquer, qui participe aujourd’hui à Strasbourg à une réunion des ministres de l’éducation de l’Union européenne. Je sais qu’il aurait aimé être présent ce matin à vos côtés.

La proposition de loi que nous évoquons aujourd’hui est importante non seulement pour le ministère de l’éducation nationale, mais aussi pour l’ensemble du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité être présente, pour débattre du bien-être de nos enfants et de nos adolescents, sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui est aussi, à n’en pas douter, au centre de vos préoccupations. Ce bien-être est indispensable non seulement à leur épanouissement, mais aussi à leur réussite.

En transmettant aux jeunes générations les valeurs et principes de la République et en leur enseignant le respect de la dignité de la personne humaine, nous luttons contre toutes les formes de discriminations et préparons nos enfants à mieux vivre ensemble.

En créant des internats d’excellence, des cités éducatives ou les petits-déjeuners gratuits pour les enfants les plus modestes, nous favorisons l’égalité des chances et plaçons nos élèves dans les conditions optimales d’apprentissage et de réussite. Toutefois, malgré tous nos efforts, certains élèves vivent de grandes souffrances à l’intérieur et à l’extérieur de l’école, victimes de leurs propres camarades.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le sujet que nous abordons est grave. Faisons appel à nos souvenirs, à ces moments de notre scolarité où nous avons été soit victimes, soit témoins de harcèlements scolaires empoisonnant la vie d’un enfant à l’âge de l’insouciance. Vous avez probablement toutes et tous un nom ou un visage qui vous revient à la mémoire.

Au moment où je vous parle, j’ai une pensée toute particulière pour Dinah, qui a mis fin à ses jours à l’âge de 14 ans, au mois de novembre dernier. Je pense à la souffrance de ses proches et à la douleur de sa mère, Samira Gonthier, avec qui j’avais eu l’occasion d’échanger à la suite de ce drame.

Moqueries, insultes, humiliations, racket, bousculades, isolement, exclusion peuvent être le lot quotidien d’enfants qui subissent les affres infligées par d’autres enfants harceleurs. Nous ne nous habituerons jamais à ce que des vies d’enfants et d’adolescents soient brisées, parfois de façon irrémédiable, par ce véritable fléau du quotidien. Nous devons combattre sans relâche le harcèlement à l’école, partout où il se trouve et partout où il s’immisce.

Notons par ailleurs que le harcèlement ne s’arrête pas aux portes des écoles. Souvent, les mêmes victimes et les mêmes harceleurs se croisent en dehors des établissements scolaires, parfois dans le monde virtuel.

En effet, si les actions menées depuis 2017 ont permis de contenir le harcèlement physique, la progression rapide et exponentielle du harcèlement en ligne doit aujourd’hui nous alerter et nous conduire à redoubler d’efforts.

C’est pourquoi nous avons pris de nouvelles mesures fortes.

Dès 2017, nous avons engagé un plan volontariste et ambitieux pour combattre le harcèlement à l’école, autour de trois grands axes : prévenir, intervenir et former.

Notre action en matière de prévention s’illustre notamment par l’inscription dans la loi qu’aucun élève ne doit subir de la part d’autres élèves des faits de harcèlement.

Nous avons également évoqué l’interdiction du téléphone portable au collège, le renforcement de l’éducation aux médias et à l’information avec le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (Clemi), la collaboration avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les plateformes des réseaux sociaux, pour, notamment, améliorer la prévention du cyberharcèlement.

Nous avons lancé cinq campagnes de prévention : Revenge porn, rôle des témoins, dynamique de groupe, premier degré ou, encore, cyberharcèlement.

Je pense aussi au développement des prix « Non au harcèlement », avec le prix annuel contre le cyberharcèlement lancé en 2017 et le prix spécial écoles élémentaires, lancé en 2019. Aucun n’élève ne doit être laissé seul face au harcèlement. C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale a mis en place un numéro d’écoute, le 3020, ainsi qu’un numéro réservé à la lutte contre le cyberharcèlement, le 3018, en partenariat avec l’association e-Enfance, dont je tiens ici à saluer le travail.

Par ailleurs, nous avons amélioré la prise en charge des situations de harcèlement, en renforçant la formation initiale et continue des professeurs. Nous avons aussi créé le dispositif des élèves ambassadeurs, qui permet la sensibilisation entre les pairs. Nous avons également mis à disposition des ressources et des guides pour les personnels, les élèves et leurs familles.

La lutte contre le harcèlement est l’affaire de tous. Ce fléau dépasse nos frontières, et c’est pourquoi la France a été à l’initiative de la création de la Journée mondiale de lutte contre le harcèlement, fixée au premier jeudi de chaque mois de novembre. À la rentrée scolaire 2021, un nouveau cap a été franchi avec la généralisation du programme pHARe, le programme de lutte contre le harcèlement à l’école, à l’ensemble des établissements et la mise en place du « carré régalien » dans les rectorats.

La mobilisation de la communauté éducative autour de ce programme aura, j’en suis persuadée, des effets significatifs sur le climat scolaire et le bien-être de nos enfants et influera positivement sur les performances de notre système éducatif.

La proposition de loi du député Erwan Balanant, que je tiens à saluer pour son travail et sa détermination, s’inscrit dans la droite ligne de ce que nous avons fait jusqu’ici. Elle apporte une nouvelle pierre à l’édifice, notamment en élargissant la base légale du harcèlement scolaire.

Je connais la mobilisation du Sénat sur ce sujet et je veux saluer particulièrement le travail réalisé par la mission sénatoriale d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

Le harcèlement scolaire n’est pas une fatalité. Ensemble, nous pouvons l’éradiquer. Certains pays, certains établissements et certains professeurs, qui doivent nous inspirer, y parviennent tous les jours.

Pour ce faire, il faut sortir d’une logique exclusivement défensive pour passer à l’offensive. Nous devons mener une véritable politique du climat scolaire, qui promeut l’engagement des élèves, leur sens de l’intérêt général, du civisme et de l’empathie. Ces soft skills sont essentiels.

La lutte contre le harcèlement impose la mobilisation de chacun et de chacune des membres de la communauté éducative et, au-delà, de l’ensemble de la société.

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je sais que nos échanges seront nourris et constructifs, ce matin, sur ces sujets. Je vous remercie de votre mobilisation.

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