Intervention de Sabine Van Heghe

Réunion du 27 janvier 2022 à 10h30
Combat contre le harcèlement scolaire — Discussion générale

Photo de Sabine Van HegheSabine Van Heghe :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue le dépôt de cette proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire ; cette initiative contribue, face à ce fléau, au renforcement de la nécessaire prise de conscience collective et à la mobilisation de tous les acteurs. J’y suis d’autant plus sensible que c’est ce que demandait voilà quelques semaines la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement que j’ai eu l’honneur de présider aux côtés de notre collègue Colette Mélot, qui en était la rapporteure.

Nous passons par la loi, soit ; mais je regrette que le Gouvernement n’ait pas immédiatement pris la mesure du travail du Sénat et n’ait pas jugé utile de prendre en considération les conclusions de notre mission d’information, à moins qu’il ne l’ait tout simplement pas souhaité.

Nos trente-cinq propositions sont pourtant simples, pragmatiques, immédiatement applicables… Pourquoi, dès lors, attendre pour les mettre en œuvre ? C’est pourtant possible dans tous les établissements.

J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de dire mon incompréhension au ministre Jean-Michel Blanquer, dont je regrette l’absence ce matin.

L’ampleur du phénomène exige pourtant une action rapide et efficace, car 800 000 à 1 million d’élèves subissent une forme de harcèlement ou de cyberharcèlement durant leur scolarité, certains en venant malheureusement à attenter à leurs jours – j’ai aujourd’hui une pensée pour leurs proches.

C’est insupportable ; cela doit cesser. C’est pourquoi j’accueille positivement l’initiative de notre collègue député Erwan Balanant.

La plupart des dispositions de cette proposition de loi vont dans le bon sens, même si certaines relèvent du symbole.

Parmi les dispositions qui méritent un accueil positif, on note la nouvelle place donnée dans le code de l’éducation à la lutte contre le harcèlement scolaire ; l’extension de la définition du harcèlement scolaire au harcèlement universitaire et au cyberharcèlement ; l’application des nouvelles dispositions de lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement aux établissements privés ; le renforcement de la formation et de la sensibilisation de l’ensemble des personnels qui sont au contact des élèves.

Je suis favorable également à la saisie, pour les besoins de l’instruction, du matériel, téléphones ou ordinateurs, ayant servi au harcèlement, ainsi qu’à la confiscation de ce matériel à titre de peine complémentaire.

Le principal point de divergence entre notre groupe et les auteurs de ce texte avait trait à l’article 4 et à la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire assorti de peines particulièrement lourdes.

Sur proposition de Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois, cet article 4 a été intégralement récrit en commission, le délit spécifique de harcèlement scolaire étant supprimé et transformé en circonstance aggravante du délit de harcèlement. Cette nouvelle position répond en partie aux préoccupations des sénateurs de notre groupe.

Je rappelle que la mission d’information sénatoriale n’avait pas souhaité, dans son rapport, recommander la création d’un délit spécifique, préférant miser sur une meilleure prévention. Un tel renforcement des sanctions pénales risquerait de n’être qu’un « tigre de papier » aux effets très minimes.

D’autres modifications apportées par nos rapporteurs à la suite des travaux des commissions de la culture et des lois du Sénat vont dans le bon sens ; par exemple, les amendements visant à ce que les témoins de faits de harcèlement soient pris en charge au même titre que les victimes ou les auteurs. Telle était d’ailleurs l’une des préoccupations majeures de notre mission d’information.

Autre modification positive issue des travaux de commission du Sénat : l’obligation pour les établissements scolaires et universitaires de lutter non seulement contre le harcèlement scolaire, mais aussi contre le cyberharcèlement, le titre de la proposition de loi étant modifié en conséquence.

Notre groupe approuve également l’extension de l’obligation d’information annuelle des parents aux élèves. Une telle extension permet de rappeler aux élèves leurs droits et devoirs, ainsi que leurs ressources en cas de harcèlement, qu’ils soient témoins ou victimes.

Le travail du Sénat a contribué, sur certains points, à l’amélioration de cette proposition de loi, mais il constitue un recul par rapport au texte initial sur d’autres points.

Ainsi de l’exclusion du champ du texte des faits de harcèlement en provenance des enseignants ou du personnel des établissements : bien que ce phénomène soit très minoritaire, il existe et ne saurait être ignoré. Notre groupe présentera un amendement sur ce sujet à l’article 1er.

Je regrette également la suppression en commission de l’article 3 bis de la proposition de loi. Cet article prévoyait le renforcement des liens entre les établissements scolaires et les associations de lutte contre le harcèlement scolaire et de soutien aux victimes. Nous présenterons un amendement de rétablissement de l’article 3 bis dans une nouvelle rédaction.

Nous souhaitons par ailleurs rétablir par amendement l’article 6, supprimé en commission, qui prévoyait des stages de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire dans le cadre de stages de citoyenneté ou de formation civique existant déjà, ce dispositif faisant écho à l’une des préconisations de notre mission d’information.

Enfin, je veux exprimer mon incompréhension devant la suppression par notre commission de l’article 7 de la proposition de loi. Cet article prévoyait l’obligation pour les prestataires de services de communication en ligne de concourir à la lutte contre le harcèlement scolaire et universitaire.

Il y a selon moi une certaine incohérence, de la part de nos rapporteurs, à affirmer vouloir mieux lutter contre le cyberharcèlement tout en supprimant cet article 7. Nous proposerons donc le rétablissement de cet article en demandant que les hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet soient contraints de renforcer leur concours à la lutte contre ces types de harcèlement.

J’espère que la présidence française du Conseil de l’Union européenne sera l’occasion de progresser sur ces enjeux au niveau européen. Reste que l’actuelle absence de normes européennes contraignantes ne saurait empêcher le législateur français d’anticiper afin de mieux lutter contre un fléau en plein essor, qui touche potentiellement tous nos enfants.

Nous serons très attentifs au sort réservé à nos différents amendements, qui conditionnera notre position finale sur ce texte.

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