Intervention de Anne Ventalon

Réunion du 27 janvier 2022 à 10h30
Combat contre le harcèlement scolaire — Discussion générale

Photo de Anne VentalonAnne Ventalon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, devenu une grande cause nationale, le harcèlement scolaire suscite enfin un intérêt à la mesure des souffrances qu’il engendre.

Il a, hélas ! fallu nombre d’existences brisées pour que ce fléau quitte la rubrique des faits divers pour s’installer dans le débat public.

Si certains drames ont enfin alerté les autorités, ils ne constituent que l’aperçu le plus tragique d’un phénomène qui, à des degrés de gravité très divers, gangrène notre école et notre société.

Si le droit pour les élèves de vivre leur scolarité sans oppression ni anxiété relève de la cause nationale, cette cause mérite donc un engagement sincère et massif, au-delà des effets de manche législatifs.

En effet, ce ne sont pas quelques sentences votées dans cette enceinte qui mettront fin à un mal aussi insidieux qu’ancien, réclamant un combat quotidien au sein de chaque classe, couloir de collège ou cour de récréation.

Comme l’ont souligné nos rapporteurs, ainsi que Mme Colette Mélot dans son excellent rapport de septembre 2021, le délit de harcèlement figure déjà dans notre code pénal. Une qualification superfétatoire ne changerait donc pas le quotidien des élèves dont l’enfance ou l’adolescence est saccagée. Sans compter que, l’âge de la responsabilité pénale étant fixé à 13 ans, les peines d’amende et de prison seraient sans effet sur de nombreux cas de harcèlement, qui se manifestent dès l’école primaire.

Il reste alors d’avoir le courage de mener un travail concret et minutieux, qui ne s’effectue pas avec des déclarations de principes, mais réclame que des moyens humains soient mobilisés.

D’abord, il faut aider les enseignants à reconnaître le harcèlement, en leur dispensant des formations psychosociales.

Ensuite, l’action de l’ensemble des professionnels qui œuvrent dans les établissements doit être coordonnée, en puisant dans les responsabilités de chacun pour mobiliser les compétences utiles dans le combat contre le harcèlement.

Il faut ainsi affirmer la place des assistants d’éducation (AED), indispensables à l’harmonie de la vie scolaire, qui pourraient se voir confier des missions de veille éducative dans les moments informels que représentent les intercours.

J’en profite pour soutenir la démarche de ma collègue Toine Bourrat, dont l’amendement vise à prolonger les contrats de ces acteurs essentiels au-delà de six ans : pourquoi se séparer de personnels expérimentés qui connaissent parfaitement les établissements et leurs difficultés ?

Il convient également de coordonner les actions des conseillers principaux d’éducation (CPE) avec celles des assistantes sociales, des infirmières scolaires, des psychologues de l’éducation nationale.

Ces intervenants travaillent au plus près des élèves. Mais encore faut-il, d’une part, renforcer leurs synergies en leur permettant de décloisonner leurs approches et, d’autre part, pourvoir aux postes vacants. Combien de personnels de santé manquent aujourd’hui dans nos établissements, alors qu’ils devraient agir pour la prise en charge des élèves ? À titre d’exemple, dans le département de l’Ardèche, dont je suis l’élue, le collège Roqua attend son assistante sociale depuis avril 2021.

Frapper d’interdit le harcèlement en le sanctionnant par la loi est nécessaire, mais la menace du code pénal n’est guère dissuasive chez de jeunes enfants, et c’est très en amont qu’il faut agir, avant même que les faits ne soient commis.

Il faut pour cela former les jeunes esprits dans le cadre de l’enseignement moral et civique, afin de leur faire connaître et accepter les différences.

Les équipes mobiles de sécurité pilotées par les rectorats participent à cette sensibilisation ; mais ce patient travail effectué sur le terrain doit être renforcé et généralisé.

Le dispositif « sentinelles et référents » constitue aussi une réponse initiative intéressante. En formant les élèves au repérage des souffrances de leurs camarades isolés, il leur permet de s’impliquer et de rompre avec la passivité des témoins dont se nourrit le harcèlement.

Cependant, cette éducation des enfants à la responsabilité ne doit pas conduire les adultes à se décharger de la leur. Le rôle de ces derniers, à commencer par les parents, doit demeurer primordial. C’est la raison pour laquelle il m’apparaît fondamental de les associer très en amont à la lutte contre le harcèlement. L’école a doublement besoin d’eux, tant pour reconnaître les signes avant-coureurs chez une victime que pour transmettre à leurs enfants l’interdit du harcèlement. Aucun enfant ne naît victime ou bourreau ; aussi les parents doivent-ils être considérés comme les acteurs incontournables de la lutte contre ces dérives.

Lors de l’examen qui va s’ouvrir, nous allons certainement enrichir ce texte, mais aucune loi ne suppléera la volonté politique dont vous êtes, madame la ministre, la dépositaire. Donnez à nos professeurs, aux équipes accompagnantes, à la médecine scolaire, les moyens d’accomplir leur vœu le plus cher : voir chaque élève prendre le chemin de l’école avec sérénité !

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