Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 27 janvier 2022 à 15h00
Gouvernance de l'aefe et création des instituts régionaux de formation — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jules Verne, Antoine de Saint-Exupéry, Victor Hugo, Mermoz, Jean Monnet, Stendhal, Camus, et j’en passe : autant de noms familiers de notre histoire littéraire, de notre histoire de France, mais surtout, autant de noms fièrement inscrits au fronton des écoles, des collèges et des lycées de l’enseignement français à l’étranger, partout dans le monde.

C’est à cela que l’on mesure l’apport de ce réseau pour nos compatriotes établis hors de France, qui y trouvent la possibilité de faire suivre à leurs enfants une scolarité conforme aux canons en vigueur sur le territoire national. Ils apprécient aussi la capacité de rayonnement de ce réseau, qui nous permet de partager cette culture, ce savoir et cette capacité d’apprendre avec des ressortissants de bien d’autres pays.

Notre ambition, partagée, je le sais, sur toutes les travées, a été réaffirmée par le Président de la République en mars 2018 : il s’agit de faire resplendir ce trésor national.

C’est pourquoi, à partir de mars 2018, nous nous sommes attelés à préparer un véritable plan d’action pour le développement de l’enseignement français à l’étranger. Il s’agissait de mettre en œuvre la feuille de route qui avait été fixée, et qui prévoyait de doubler, d’ici à 2030, les effectifs d’élèves scolarisés dans les établissements français à l’étranger.

La présente proposition de loi en est une traduction législative de cette feuille de route : elle parachève les démarches mises en œuvre. Nous avions déjà sollicité, à l’époque, Samantha Cazebonne, pour éclairer les décisions et les actions du Gouvernement. Nous avions également consulté, naturellement, toutes les parties prenantes, notamment les représentants des enseignants, des différents personnels, des parents d’élèves et des anciens élèves.

La crise sanitaire est passée par là, mais on peut dire, je crois, que l’enseignement français à l’étranger a résisté, grâce à un soutien massif de l’État. Les aides directes, à elles seules, ont représenté 100 millions d’euros, mobilisés pour les établissements et les familles en difficulté – pour toutes les familles, françaises ou étrangères.

Non seulement le réseau a tenu bon, puisqu’aucun établissement n’a fermé ses portes, mais il a continué à se développer.

Il compte à ce jour, comme l’ont rappelé aussi bien le rapporteur que l’auteure de la proposition de loi, 552 établissements. Il n’y en avait que 522 en 2019. L’expansion se poursuit, donc.

La période de crise a été difficile – et elle n’est d’ailleurs pas terminée. Les élèves scolarisés dans l’enseignement français à l’étranger ont été les premiers à être touchés par la pandémie, avant les élèves français : dès le mois de janvier 2020, nos établissements situés en Chine ont été soumis aux premières contraintes. À cette occasion, je souhaite rendre hommage à l’ensemble de la communauté éducative, qui a su s’adapter.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est essentiel. Il porte sur trois grands enjeux : la formation des personnels, la gouvernance de l’AEFE et la réaffirmation du rôle de l’AEFE comme un pivot des opérateurs publics au service du réseau d’enseignement français.

Dès les premières concertations que j’ai conduites en 2019, la question de la formation est apparue centrale, pour que la croissance du réseau ne se fasse en aucun cas au détriment de la qualité des enseignements. Développer le réseau, c’est attirer de nouvelles familles par une offre éducative de qualité, gage d’une réputation que nous souhaitons maintenir et conforter. Il importe donc de déployer au service des enseignants, titulaires de l’éducation nationale ou non, une offre de formation, initiale ou continue, qui réponde à leurs besoins et leur permette d’adapter en permanence leurs compétences.

La création de 16 IRF, au service des personnels des 552 établissements, est une réponse à ce défi. Pour bien fonctionner, ceux-ci doivent être placés sous la gestion directe de l’AEFE.

La proposition de loi a trait également à la gouvernance de l’AEFE. Elle conforte, notamment, et même renforce, la place des parents d’élèves dans le conseil d’administration. C’est un engagement que j’avais pris en octobre 2019, lorsque nous avons présenté ce plan avec Jean-Yves Le Drian et Jean-Michel Blanquer.

Certains nous conseillaient de ne pas le faire, mais j’estime pour ma part qu’il est très bien de l’avoir fait. Ainsi, les parents d’élèves seront représentés, non plus par deux, mais par quatre représentants. Nous voulons marquer par là notre reconnaissance envers des familles, qui non seulement font confiance à notre modèle éducatif, mais le cofinancent par le droit d’écolage et participent activement à la vie de la communauté éducative.

Je salue également l’entrée au conseil d’administration de l’AEFE, en qualité d’expert, d’un représentant des anciens élèves. Ceux-ci, en effet, incarnent les valeurs de l’éducation française, et leur parcours, partout dans le monde, est un témoignage de la qualité de l’enseignement reçu.

C’est aussi en qualité d’expert que siégera au conseil d’administration un représentant des associations FLAM. Tant mieux : vous savez combien nous sommes attachés à ce dispositif, qui permet à des enfants français n’ayant pas la possibilité d’être scolarisés dans le réseau homologué, de conserver un contact régulier, construit, avec notre langue et notre culture.

Ce réseau est en train de se structurer admirablement, à travers une fédération internationale. Il ne compte pas moins de 160 associations, dans 38 pays. J’ai pu constater récemment, au Portugal, où le réseau se met en place après une installation réussie en Espagne, combien son déploiement répondait à des attentes fortes. C’est pourquoi j’ai souhaité augmenter significativement le budget dédié au soutien à ces associations, qui sera multiplié par trois en 2022, où il atteindra 1 million d’euros.

Les évolutions proposées vont dans le sens du renforcement du rôle du conseil d’administration de l’AEFE en tant que pilote stratégique et en tant qu’instance de dialogue.

Le rôle de l’Agence lui-même est conforté comme ensemblier du réseau d’enseignement français à l’étranger, comme cheville ouvrière de son développement. L’AEFE se voit en effet confier de nouvelles missions, notamment un rôle de conseil et d’accompagnement dans la création de nouveaux établissements, qui lui est désormais explicitement assigné par le code de l’éducation.

Les porteurs de projets, qu’il s’agisse d’investisseurs privés ou d’acteurs associatifs, peuvent bénéficier de l’expertise de l’AEFE grâce au service d’appui et de développement du réseau (SADR). Cette activité est en plein développement : une centaine de dossiers de demandes d’homologation ont été déposés pour la campagne 2021-2022, dont un tiers est suivi par le SADR.

L’AEFE est également partie prenante du nouveau dispositif d’octroi de la garantie de l’État aux emprunts immobiliers des établissements partenaires et conventionnés.

Je tiens à saluer le travail du sénateur André Ferrand, qui a dirigé l’Anefe pendant de nombreuses années. S’il n’était guère possible de maintenir l’action de cette dernière sous sa forme d’origine, j’ai toutefois tenu à faire en sorte que le savoir-faire développé en son sein soit préservé.

Le fait que l’Anefe puisse jouer un rôle d’expertise au sein du conseil d’administration de l’AEFE me paraît très précieux. L’Agence elle-même sera partie prenante du nouveau dispositif d’octroi que j’évoquais.

Je tiens d’ailleurs à signaler que nous réunirons pour la première fois dans le courant du mois de février la commission interministérielle d’octroi de la garantie de l’État, afin d’examiner les premiers dossiers de demandes de garantie. Nous avons clairement besoin de dispositifs opérationnels pour nous assurer que des extensions ou de nouvelles constructions puissent voir le jour, faute de quoi le développement du réseau serait à l’évidence freiné.

Même si la pandémie nous a obligés à gérer l’urgence, nous n’avons jamais perdu de vue l’objectif qui avait été assigné par le Président de la République en 2018. D’ailleurs, un certain nombre d’actions ont pu être menées nonobstant la crise sanitaire.

Je pense par exemple à la simplification de la procédure d’homologation, engagée par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en lien avec le ministère des affaires étrangères. Cette démarche a porté ses fruits, puisqu’on dénombre 55 établissements de plus qu’en 2018. Nous sommes donc sur un rythme de croissance d’une vingtaine de nouveaux établissements par an.

Nous avons demandé à nos chefs de poste et à nos ambassadeurs d’élaborer, en lien avec les acteurs concernés, des feuilles de route pour structurer ce développement et s’assurer que les extensions ou les nouveaux établissements n’entrent pas en concurrence directe avec l’existant. Il s’agit, non pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais de progresser de manière ordonnée et cohérente. Tel est le rôle que nous avons assigné au réseau diplomatique.

En matière de formation, nous ne sommes pas restés les deux pieds dans le même sabot. Nous avons créé le certificat d’aptitude à participer à l’enseignement français à l’étranger (Capefe), aujourd’hui proposé aux étudiants qui se destinent à une carrière d’enseignant dans tous les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé).

En outre, de nouveaux outils de pilotage ont été mis en place. Certes, les services respectifs du ministère des affaires étrangères et de l’éducation nationale échangent régulièrement. Mais je tenais à ce que le dialogue s’établisse aussi entre les ministres. Il arrive en effet que des demandes de part et d’autre ne puissent pas aboutir parce que chacun reste campé sur ses positions. Or, à un moment, il faut des décisions politiques pour avancer.

Le conseil interministériel d’orientation de l’enseignement français à l’étranger a donc été réuni sous l’autorité des ministres voilà plusieurs mois ; il le sera de nouveau à l’avenir.

Nous soutenons la présente proposition de loi, dont l’ambition s’inscrit pleinement dans les orientations qui sont les nôtres et dans celles que le conseil d’administration de l’AEFE a définies hier en adoptant le contrat d’objectifs et de moyens 2021-2023. La feuille de route stratégique est donc partagée.

Le texte qui vous est soumis donne à l’AEFE et à l’ensemble du réseau les moyens de se développer, afin que cet instrument unique contribue toujours plus au rayonnement de notre langue, de notre culture et de notre modèle éducatif dans le monde.

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