Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) est parvenue, le 5 janvier dernier, à un texte commun sur le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 sur la représentation des travailleurs de plateformes.
Ce texte a pour objet d’organiser un dialogue social entre les plateformes numériques et les travailleurs indépendants y ayant recours dans deux secteurs qui cristallisent le débat sur les questions de statut et de protection de ces travailleurs : la conduite de véhicule de transport avec chauffeur (VTC) et la livraison de marchandises en véhicule à deux ou trois roues.
Tout en regrettant la méthode suivie par le Gouvernement, qui choisit de passer par une nouvelle ordonnance pour compléter le cadre de ce dialogue social, et en observant les évolutions concomitantes du contexte européen, le Sénat avait globalement approuvé l’objectif de faire émerger des garanties collectives en faveur des travailleurs des plateformes par la voie de la négociation. Un accord répondant aux préoccupations du Sénat a ainsi pu être trouvé sur ce texte à l’issue d’échanges constructifs avec la rapporteure de l’Assemblée nationale, Carole Grandjean, que je remercie sincèrement de l’écoute dont elle a su faire preuve.
Le Sénat avait approuvé la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 sous réserve de quelques modifications. Deux amendements du Sénat relatifs à la nouvelle Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, l’ARPE, sont ainsi repris dans le texte de la CMP.
D’une part, l’objet de cet établissement public restera circonscrit à la régulation du dialogue social – et non pas des relations sociales – entre les travailleurs et les plateformes des deux secteurs concernés.
D’autre part, est confirmée la suppression de la présence d’un député et d’un sénateur au conseil d’administration de cet établissement public sous tutelle de l’État, en cohérence avec la volonté du Sénat de rationaliser les organismes extraparlementaires, même si ce point a fait débat jusqu’à hier soir.
En revanche, il a semblé préférable de renoncer au droit d’option que le Sénat avait prévu concernant les travailleurs qui seraient électeurs dans les deux secteurs d’activité, car sa mise en œuvre se serait écartée du droit commun applicable aux salariés et aurait pu engendrer des freins opérationnels à l’organisation des premières élections.
À l’article 2, le Sénat s’était efforcé d’opérer un tri afin de restreindre l’habilitation à prendre une nouvelle ordonnance aux dispositions apparaissant comme les plus urgentes ou techniques. Il avait notamment supprimé tous les éléments de l’habilitation concernant l’organisation d’un dialogue social au niveau de chaque plateforme, considérant que les principaux enjeux en matière de régulation de l’économie des plateformes se situaient au niveau sectoriel et que la mise en place d’un dialogue social de plateforme interviendrait éventuellement dans un second temps.
Ces modifications ont été maintenues dans le texte de la CMP, ce qui représente, de mon point de vue, une garantie importante.
Le Sénat avait, en conséquence, fixé la durée de l’habilitation à six mois, le délai de douze mois prévu par l’Assemblée nationale nous ayant paru excessif pour la mise en place du seul dialogue social de secteur. Sur ce point, la CMP a adopté une position intermédiaire, en fixant à neuf mois le délai pour prendre les ordonnances.
Le Sénat avait par ailleurs supprimé les alinéas visant à confier à l’ARPE, d’une part, un rôle de médiation entre plateformes et travailleurs, et, d’autre part, un rôle d’expertise, d’analyse et de proposition concernant l’activité des plateformes et de leurs travailleurs. Le texte de la CMP réintègre ces alinéas en tenant compte des réserves du Sénat : le rôle de médiation de l’ARPE ne concernera ainsi que les relations entre les représentants des travailleurs et les plateformes, et son rôle d’expertise s’exercera dans le cadre de sa mission de régulation du dialogue social.
Enfin, le Sénat avait souhaité inscrire directement dans le projet de loi les règles concernant les thèmes et la périodicité de la négociation obligatoire sectorielle. Il avait ainsi précisé à l’article 3, en lieu et place de l’habilitation de l’article 2, que les organisations représentatives au niveau d’un secteur devraient obligatoirement négocier, selon une périodicité fixée par accord collectif et au moins tous les quatre ans, sur trois thèmes structurants communs aux deux secteurs : la fixation du prix des prestations, le développement des compétences professionnelles et la prévention des risques professionnels.
Il n’a pas été possible d’aboutir à une rédaction commune de ces dispositions, en raison notamment des incertitudes qui demeurent sur leur compatibilité avec le droit européen de la concurrence. La CMP les a donc rétablies à l’article 2 sous la forme d’une habilitation, dont le champ a été précisé : il est clairement inscrit que les thèmes de négociation doivent notamment inclure les trois thèmes identifiés par le Sénat. L’article 3 a, en cohérence, été supprimé.
Au total, malgré sa forme contestable et les incertitudes qui demeurent, notamment du fait du lancement d’un chantier législatif au niveau européen, le texte ouvre une voie de régulation prometteuse pour les secteurs concernés afin d’améliorer les protections, aujourd’hui insuffisantes, dont bénéficient les travailleurs indépendants, et ce sans compromettre les bénéfices économiques offerts par le développement des plateformes.
Mes chers collègues, je vous invite donc aujourd’hui, au nom de la commission mixte paritaire, à adopter ce projet de loi.