La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris la mort, samedi dernier, du brigadier Alexandre Martin, membre du 54e régiment d’artillerie d’Hyères.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.
Alexandre Martin a succombé à ses blessures à la suite de l’attaque du camp français de Gao, au cours de laquelle plusieurs autres de ses frères d’armes, nos soldats, ont également été touchés.
Au nom du Sénat tout entier, je veux saluer le courage de ce soldat, mort pour la France en luttant contre le terrorisme djihadiste au Sahel, et exprimer notre solidarité envers les blessés.
En notre nom à tous, je veux assurer sa famille et ses frères d’armes de notre profonde compassion et leur présenter nos pensées et nos condoléances attristées.
Je vous demande d’observer un court moment de recueillement en hommage à Alexandre Martin, qui a servi la France avec honneur et dévouement.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent une minute de silence.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et porte sur la situation aux frontières entre la Russie et l’Ukraine.
Monsieur le ministre, le conflit russo-ukrainien semble s’aggraver de jour en jour et les tensions qu’il provoque entre les Russes et les Occidentaux deviennent de plus en plus préoccupantes.
Hier encore, la Russie a effectué une série de manœuvres militaires, impliquant 6 000 hommes, des avions de chasse et des bombardiers, le long de sa frontière sud avec l’Ukraine et en Crimée, territoire annexé.
Ces opérations interviennent après le déploiement de chars et de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne, faisant craindre une possible invasion. Dans le même temps, l’Ukraine est également touchée par des cyberattaques ciblant notamment plusieurs sites gouvernementaux.
Les pays de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) ont, pour leur part, placé des forces en alerte et envoyé des navires et des avions de combat pour renforcer la défense en Europe de l’Est.
Réunis en visioconférence ce lundi, les dirigeants des États-Unis, des instances européennes, de l’OTAN et de plusieurs pays européens, dont la France et l’Allemagne, ont réaffirmé leur soutien sans réserve à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ils ont évoqué des sanctions très lourdes à l’encontre de la Russie en cas d’agression contre ce pays.
Parallèlement, des efforts diplomatiques, auxquels la France prend toute sa part, se poursuivent. Les dirigeants occidentaux ont exprimé leur désir commun d’une solution diplomatique et leur souhait de trouver une voie de désescalade. La France a, quant à elle, pris l’initiative de relancer les rencontres et les discussions dans le format Normandie.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, comment la France compte-t-elle agir pour élaborer une position unique et forte de l’Union européenne, susceptible de favoriser une résolution politique de cette crise ?
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le sénateur Dagbert, je ne vous cacherai pas que la situation est sous très grave tension. Comme l’a dit le Président de la République hier aux côtés du Chancelier allemand, la Russie se comporte comme une puissance de déséquilibre et il ne tient qu’à elle de devenir un acteur de désescalade. Nous sommes totalement mobilisés, avec nos partenaires européens, avec nos partenaires américains, pour enrayer la dynamique de l’escalade – il faut appeler les choses par leur nom.
Je voudrais souligner la grande unité qui existe aujourd’hui entre les Vingt-Sept, réunis à Bruxelles toute la journée de lundi sous présidence française.
La même unité s’observe à l’OTAN. Les entretiens que j’ai eus, avec le secrétaire d’État Blinken avant-hier, avec le secrétaire général de l’OTAN hier, montrent la force de cette unité autour de trois priorités.
D’abord, des sanctions massives seront imposées à la Russie si elle porte une nouvelle atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous y travaillons.
Ensuite, il faut tout faire pour que le dialogue avec la Russie se poursuive, afin de contribuer à la désescalade. Des discussions dans le format Normandie ont lieu aujourd’hui même à Paris. J’espère que d’autres propositions seront faites à la Russie, sur notre initiative, dans les différents cadres où se déroulent en ce moment les discussions, à l’OTAN ou à l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).
Enfin, nous sommes solidaires des pays de l’OTAN ou de l’Union européenne qui peuvent être affectés par cette crise. Il s’agit là de ce qu’on appelle les mesures de réassurance, que nous prenons à l’égard des pays baltes, et que nous prendrons, dans les jours qui viennent, à l’égard de la Roumanie.
Nous sommes donc dans une posture de défense collective, de dissuasion, de résilience européenne, mais aussi de contribution au dialogue. La présidence française est totalement mobilisée pour ces initiatives.
Je me rendrai moi-même à Kiev dans quelques jours avec mon homologue allemande. Puis, j’irai de nouveau en Roumanie pour assurer nos partenaires roumains de notre solidarité – Mme la ministre des armées se trouve d’ailleurs à Bucarest en ce moment.
Bref, monsieur le sénateur, la situation est très tendue, mais nous prenons toutes les initiatives nécessaires pour la faire embrayer sur un processus de désescalade.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel ainsi que MM. Alain Cazabonne et Pierre Louault applaudissent également.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Ma question s’adressait au ministre de l’éducation nationale, mais j’ai bien noté qu’il n’était pas parmi nous cet après-midi !
Madame la secrétaire d’État, je m’interroge sur votre perception de l’état de l’école, alors que le contexte de crise sanitaire affecte considérablement son fonctionnement depuis deux ans. Même si le ministre de l’éducation nationale défend ardemment ses réformes, son échec à la tête du ministère est patent.
La réforme du lycée est ratée. Alors que son objectif était de casser l’effet filière, elle a accru les inégalités sociales et territoriales.
Au collège, la diminution constante du nombre de postes pour privilégier les heures supplémentaires a abouti à un manque considérable d’effectifs, avec des remplacements non assurés, en particulier dans la période de crise sanitaire que nous vivons depuis deux ans.
À l’école élémentaire, la grande réforme du quinquennat, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone prioritaire, produit des résultats classés par les chercheurs dans le bas de la fourchette.
Cette réforme étant très consommatrice de postes, vous avez ponctionné des moyens sur un dispositif, appelé « Plus de maîtres que de classes », qui donnait pourtant entière satisfaction aux enseignants.
Bien que les textes prévoient toujours une semaine scolaire de neuf demi-journées, la quasi-totalité des écoles de ce pays fonctionne par dérogation sur quatre journées, un rythme dont on connaît la nocivité pour les enfants, mais qui satisfait nombre de lobbies périphériques à l’école.
Enfin, rien n’a été fait pour revaloriser sérieusement les carrières et les formations des enseignants. Le métier n’est plus attractif et nous courons à la catastrophe pour les recrutements.
Par ailleurs, la gestion de la crise sanitaire depuis deux ans est jugée erratique, irréaliste et inopérante par les enseignants, qui vous crient tous les jours leur souffrance.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il agir pour rétablir la confiance dans et autour de l’institution scolaire ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d ’ État auprès du ministre de l ’ éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l ’ éducation prioritaire. Monsieur le sénateur Magner, vous m’interrogez sur ma perception de la situation, mais je voudrais vous retourner la question, car je pense qu’elle est biaisée.
Protestations à gauche.
L’éducation nationale est le premier budget de l’État. Le Président de la République a créé un secrétariat d’État spécifique pour l’éducation prioritaire. Oui, dans le premier degré, la priorité est donnée aux savoirs fondamentaux.
Je suis étonnée de vous entendre dire que nos élèves n’auraient pas progressé grâce au dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone d’éducation prioritaire. Nous sommes d’ailleurs en train de dédoubler également les classes de grande section. Les résultats des premières cohortes, aujourd’hui en classe de CM1 et CM2, sont plutôt encourageants.
Marques de contestation à gauche.
Vous pouvez contester le bien-fondé de la réforme de la voie professionnelle et du baccalauréat, monsieur le sénateur. Moi, j’écoute les lycéens…
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d ’ État. Les lycéens se sont emparés de ces réformes et ils la saluent !
Protestations à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains.
Et que dites-vous du fait que les lycéennes disparaissent des filières mathématiques ?
Vous m’avez interrogée, monsieur le sénateur, sur l’attrait du métier et sur sa revalorisation. Nous avons fait, je le rappelle, un Grenelle de l’éducation, à l’occasion duquel nous avons revalorisé toutes les rémunérations, celles des professeurs comme les autres.
Je voudrais, enfin, vous parler de l’école inclusive, puisque nous avons accueilli plus de 400 000 élèves dans nos écoles, comme Sophie Cluzel le sait bien. Nous avons doté les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) d’un statut et avons revalorisé leur rémunération – pendant le dernier quinquennat, ils étaient recrutés sous contrat aidé…
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. Jacques-Bernard Magner . Puisque nous sommes encore en période de vœux et d’engagements électoraux, je souhaite, pour le prochain quinquennat, des moyens pour l’école et une revalorisation de la rémunération des enseignants.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido applaudissent également.
Monsieur le Premier ministre, parmi les préoccupations majeures de nos concitoyens figure l’égal accès à des soins abordables et de qualité, dans tous les territoires, quelle que soit la situation matérielle d’un malade. Il n’est pas acceptable que nos concitoyens les plus précaires soient contraints de renoncer à des soins, surtout dans la situation sanitaire actuelle.
Or la mise en place depuis le 1er janvier d’un forfait patient urgences de 19, 61 euros risque d’éloigner davantage des personnes déjà fragiles de l’accès aux soins, car elles ne pourront pas avancer les frais. Selon la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), près de 3 millions de personnes sont dépourvues de complémentaire santé et sont susceptibles de reporter des soins, ou d’y renoncer.
Le recours aux urgences est aujourd’hui le seul moyen d’accéder à une prise en charge rapide dans les zones sous-dotées en médecins généralistes, en milieu rural comme urbain.
Plus largement, c’est encore une fois la question du maillage du service public de la santé qui nous préoccupe. Le Président de la République l’a souligné hier dans la Creuse : le manque de médecins disponibles engendre une situation très critique, voire profondément inquiétante dans de nombreux territoires ruraux. Entre 6 et 8 millions de personnes vivent aujourd’hui dans un désert médical, où ni la médecine de ville ni des établissements de santé ne sont facilement accessibles. Il y aurait pourtant beaucoup à faire pour mieux articuler l’hôpital avec la médecine de ville.
Monsieur le Premier ministre, il est temps, vous le savez bien, de casser le cercle vicieux pour ces territoires. Démographie en baisse, recul des services publics, perte d’attractivité économique : tous ces facteurs s’entre-alimentent constamment, créant une spirale négative qui paraît ne pas avoir de fin.
Tous, nous sommes attachés au principe de l’égal accès au service public de la santé. Comment comptez-vous renforcer les politiques publiques concourant à ce principe fondamental de notre République ?
Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – Mme Nadia Sollogoub et M. Michel Canévet applaudissent également.
Monsieur le président Requier, vous me posez beaucoup de questions en même temps !
Je vais commencer par répondre à la première, qui concerne le forfait patient urgences. Merci de me donner l’occasion de rectifier un certain nombre de contre-vérités. Ce forfait a été instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, avec entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Il a été voté par le Sénat : c’est dire si c’est une mesure responsable !
Sourires approbateurs. – M. Jean-François Husson s ’ en félicite.
De quoi s’agit-il ? C’est une excellente mesure, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous avez bien fait de la voter.
Marques de contestation sur les travées du groupe RDSE.
Ce forfait concerne les usagers qui se rendent dans les services d’urgence sans que leur entrée à l’hôpital soit suivie d’une hospitalisation. Cela représente déjà beaucoup de monde !
Depuis très longtemps, ces situations donnaient lieu à un maquis de participations, dénoncé par des rapports parlementaires, y compris sénatoriaux. Personne n’y comprenait plus rien, et certains forfaits étaient considérables : vous avez mentionné la somme de 19, 61 euros, mais certains allaient jusqu’à 1 000 euros. Ces forfaits étaient pris en charge par les complémentaires. Vous dites que certains n’en ont pas : c’était déjà le cas auparavant. D’ailleurs, les hôpitaux se heurtaient à des difficultés de recouvrement, dont ils n’ont aucun besoin…
En fait, s’agissant de la participation financière préalablement exigée, cette mesure de simplification aura pour conséquence que, tous usagers confondus, on demandera moins qu’auparavant aux patients. Le nouveau système est plus simple, plus lisible, et il est meilleur pour les établissements de santé, lesquels assureront le plus souvent – j’y insiste – le recouvrement direct auprès des complémentaires santé.
Cette mesure a été débattue ici. Les associations d’usagers, qui sont particulièrement sourcilleuses sur ces sujets – et elles ont raison –, avaient donné un avis favorable. Loin de gêner l’accès aux soins, cette mesure apporte clarté et justice, et facilite la vie de nos concitoyens et des établissements de santé.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Alain Cazabonne applaudit également.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
D’après la Cour des comptes, la France n’était pas préparée à faire face à la covid en ce siècle pourtant annoncé comme celui des pandémies.
Pendant la crise, votre gouvernement, comme tous ceux qui l’ont précédé, a poursuivi les restructurations et les fermetures de centres hospitaliers. Selon la Drees, 25 établissements ont fermé en 2020. Les fermetures définitives de lits se multiplient, ainsi que les fermetures provisoires, par manque de personnel.
Plus les mois passent et plus la situation devient critique. Selon le syndicat des infirmiers, 7 500 postes d’infirmiers étaient vacants en juin 2020 ; 34 000 l’étaient en septembre, et on parle désormais de 60 000. Au-delà des chiffres, la tendance est là, grave, alimentée par un fort mouvement de démissions.
Dans une enquête menée auprès de 300 hôpitaux, la FHF (Fédération hospitalière de France) montre que la plupart ne parviennent plus à recruter. Plus de 1 300 élèves infirmiers ont abandonné leurs études depuis 2018. Même mouvement chez les sages-femmes.
La situation est si critique que l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France propose désormais de recruter des infirmiers en contrats à durée déterminée (CDD) de six mois, à un salaire de 3 000 euros mensuels auquel s’ajoute une prime de 4 000 euros. C’est une initiative irrespectueuse envers les fonctionnaires hospitaliers en place, qui luttent depuis deux ans et qui voient cette pratique s’ajouter à l’intérim mercenaire.
Quelle fuite en avant ! Force est de constater que, faute d’un changement radical du système de santé, le choc d’attractivité n’a pas eu lieu après le Ségur. Cette semaine, une nouvelle mobilisation des professionnels est prévue. Que compte faire le Gouvernement pour prendre enfin la mesure de la situation et stopper l’hémorragie de personnel ?
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa et M. Gilbert-Luc Devinaz applaudissent également.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
Madame la sénatrice Poncet Monge, les tensions à l’hôpital sont bien réelles, et elles ne sont pas nouvelles. Il est vrai qu’elles ont été amplifiées par la cinquième vague épidémique, avec le double impact des variants delta et omicron, sans parler des virus hivernaux.
Pour faire toute la lumière sur ces tensions, dont vous avez décrit certains contours, le ministre Olivier Véran avait demandé une enquête. Celle-ci a porté sur plus de 1 100 établissements. Elle a montré que la baisse globale de capacités était relativement légère. En matière de ressources humaines, elle révèle un absentéisme, en octobre et novembre, très légèrement supérieur à ce qui avait été constaté en 2019. Elle souligne enfin la diminution des effectifs réels, liée à des départs de soignants, reflétant des réalités différentes d’une profession à l’autre. Ces tensions ont bien sûr des impacts sur les services d’urgence.
Pour faire face à cette situation, des mesures structurelles sont nécessaires. Mais nous devons aussi apporter des réponses immédiates.
Le ministre a donc annoncé la prolongation jusqu’à la fin février du doublement de la majoration de rémunération des heures supplémentaires. C’est une juste reconnaissance de la mobilisation de nos professionnels de santé au cours des derniers mois.
Nous devons également veiller à ce que la mobilisation soit collective. Établissements de santé publics, privés, secteur ambulatoire : tous doivent prendre leur part dans cette période compliquée. Nous sommes particulièrement attentifs aux tensions sur les services d’urgence, de pédiatrie et de maternité. Vous avez évoqué les sages-femmes : les agences régionales de santé sont mobilisées et prêtes à mettre en place les mécanismes de solidarité territoriale nécessaires – mécanismes que vous avez votés dans le cadre de Ma santé 2022.
Vous avez parlé d’investissement. Il faut en effet des actions structurelles. Je rappelle à cet égard l’effort sans précédent qu’a représenté le Ségur de la santé : 30 milliards d’euros pour revaloriser les rémunérations de ceux qui soignent et réinvestir dans le système de santé, avec notamment 19 milliards d’euros pour l’investissement courant.
M. Alain Richard applaudit.
Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse montre que, décidément, vous ne pouvez pas porter une nouvelle politique de santé.
À Beaujon et Bichat comme dans le groupe hospitalier Nord Essonne, vous poursuivez les restructurations et les suppressions de postes. Une réforme radicale du système de santé est nécessaire, et les soignants y invitaient dès 2018. Vous ne l’avez pas entreprise.
Nous devons donner des perspectives nouvelles à un personnel qui nous rappelle sans cesse que le soin ne sera jamais une marchandise.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Esther Benbassa et Émilienne Poumirol ainsi que M. Patrice Joly applaudissent également.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.
C’est désormais une certitude : l’inflation fait de nouveau partie du paysage économique. Elle s’établit à 5 % dans la zone euro, bien au-delà des prévisions des économistes.
Heureusement, le choc est plus modéré en France. La question ne porte pas sur les causes de cette inflation. Personne ne remet en cause le « quoi qu’il en coûte ».
Du moins, personne ne l’a contesté au plus fort de la crise, quand notre pays mobilisait ses forces pour lutter contre le virus.
La question porte sur les conséquences, à court terme comme à long terme, de cette inflation. À court terme, le Gouvernement a mis en place des dispositifs d’urgence, qui ont largement atténué ses effets. Je ne veux pas relancer ces débats, que nous avons déjà eus ici.
Ma question porte sur les conséquences à long terme de l’inflation.
Parmi les scénarii possibles, celui d’un relèvement des taux d’intérêt inquiète. Ce risque n’a jamais paru aussi élevé. Aux États-Unis, le patron de la Banque fédérale a reconnu que l’inflation n’avait rien de transitoire. Il laisse entendre qu’il pourrait relever les taux pour éviter une crise sociale. En Allemagne, le rendement des obligations d’État à dix ans est repassé au-dessus de zéro, une première depuis 2019. Il est hautement improbable que la France soit épargnée.
Face à cette hypothèse, notre pays a deux atouts : la croissance la plus forte et l’inflation la plus faible de toute la zone euro. Mais, madame la ministre, il a une faiblesse : sa dette publique. Le gouverneur de la Banque de France a rappelé hier que le taux d’entêtement actuel n’est pas soutenable à long terme.
Ma question est donc simple, madame la ministre : comment évaluez-vous le risque de relèvement des taux d’intérêt ? Pouvez-vous nous rassurer sur la capacité de la France à rembourser sa dette ?
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Alain Richard, Martin Lévrier et Yves Bouloux applaudissent également.
Monsieur le sénateur Capus, comme vous le signalez dans votre introduction, la France a deux atouts : la croissance la plus forte et l’inflation la plus faible de la zone euro.
Cette situation favorable s’explique par une politique, celle du « quoi qu’il en coûte ». Cette politique, vous l’avez souligné, n’a pas été contestée. Surtout, elle a aidé à relancer la croissance, puisqu’elle a préservé l’outil de production et les compétences, ce qui a permis un redémarrage extraordinairement rapide.
Lors de la crise de 2008, les mesures prises avaient, certes, permis de sauver le système bancaire européen, mais elles avaient eu deux inconvénients.
D’une part, le chômage partiel étant trop bas, nous avions constaté une véritable hémorragie d’emplois : en particulier, 139 000 emplois avaient été supprimés dans l’industrie.
D’autre part, la fiscalité s’était alourdie trop rapidement, ce qui avait bloqué le rebond de la croissance.
Ayant appris de la gestion des crises passées, nous abordons cette situation de reprise dans les meilleures conditions possible.
Vous avez raison d’insister sur la dette. Je souligne, pour ma part, ce que l’économiste Paul Krugman a déclaré : la gestion de la crise en France, d’un point de vue économique, est une des meilleures du monde. D’ailleurs, l’Institut des politiques publiques nous dit que, si nous n’avions pas pris ces mesures, nous aurions accumulé dix points de PIB supplémentaires de dette.
Cette stratégie, que vous avez soutenue, a donc été la bonne. Comment ferons-nous, demain, pour gérer ce problème de dette ? De fait, 115 % du PIB, c’est évidemment beaucoup.
Nous devrons veiller à la crédibilité de la gestion de nos finances publiques.
M. Jérôme Bascher s ’ exclame.
Pour l’instant, les ministres des comptes publics qui se sont succédé, et le ministre de l’économie, ont toujours fait mieux que le budget qu’ils avaient annoncé. Au cours de cette mandature, nous sommes sortis de la procédure de déficit excessif qu’avait intentée la Commission européenne. Cette crédibilité limitera les conséquences d’une hausse des taux.
Protestations à droite. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot et M. Emmanuel Capus applaudissent également.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Madame la ministre, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière un renforcement des mesures de soutien aux entreprises de restauration, aux traiteurs et aux acteurs de l’événementiel, dont l’activité est affectée par les restrictions sanitaires. Ces mesures, utiles, laissent cependant sur le rebord de la route de nombreuses entreprises pénalisées à cause des effets de seuil ou des conditions d’éligibilité trop restrictives.
Chaque semaine, je suis interpellée sur le terrain par des chefs d’entreprise exaspérés par ce qu’ils considèrent comme une usine à gaz.
C’est le cas d’un restaurateur en grande difficulté financière, mais qui ne peut pas bénéficier du dispositif Coûts fixes, car se situant juste en dessous des 50 % de chiffre d’affaires perdus ; ou encore d’un traiteur, exclu lui aussi du dispositif, bien qu’ayant perdu deux tiers de son chiffre d’affaires, mais avec un excédent brut d’exploitation positif parce qu’il a été contraint de réduire ses achats et son personnel en décembre.
Vous comprendrez aisément l’exaspération et le sentiment d’injustice que peuvent ressentir ces professionnels. Ils ne s’expliquent pas pourquoi le « quoi qu’il en coûte » ne ruisselle pas jusqu’à eux. Quelles solutions concrètes pouvez-vous leur apporter alors qu’ils s’inquiètent un peu plus chaque jour pour leur avenir et leur survie ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la sénatrice Gruny, tout d’abord, le « quoi qu’il en coûte » a sauvé non seulement des dizaines de milliers d’entreprises, mais également des centaines de milliers d’emplois, en particulier dans les secteurs que vous évoquez, c’est-à-dire l’hôtellerie, les cafés et la restauration.
Ayant personnellement accompagné la mise en place du fonds de solidarité, je puis témoigner d’une réalité très simple : l’argent de cette prétendue « usine à gaz » est arrivé en moins de deux semaines sur le compte en banque d’entreprises qui ne s’attendaient pas à une telle réactivité de l’État. Voyez les comparaisons internationales : la France est l’un des pays qui a agi le plus rapidement, et elle a été capable de faire ruisseler le « quoi qu’il en coûte » au plus près de nos compatriotes, en particulier des indépendants.
Je m’étonne que vous fassiez référence à l’effet de seuil pour un professionnel ayant perdu un peu moins de 50 % de son chiffre d’affaires. Le dispositif a été modifié et s’applique dès que la perte atteint 30 % ; la personne dont vous parlez y est donc éligible.
M. Alain Richard acquiesce.
Votre témoignage peut laisser à penser que certains restaurateurs, cafetiers ou hôteliers ont besoin d’un accompagnement. Je les invite à prendre contact avec les services de l’État pour en bénéficier et savoir précisément ce à quoi ils ont droit.
Au-delà des mesures générales, applicables à tout le monde, nous pouvons accompagner individuellement chaque entreprise. D’ailleurs, c’est déjà ainsi que nous procédons pour traiter les entreprises en difficulté. Nous pouvons établir des plans de remboursement jusqu’à dix ans sous l’égide du tribunal de commerce, et même sans cela, comme l’a récemment annoncé Bruno Le Maire, avec la participation à la médiation du crédit.
Je le dis donc très clairement, il faut que les professionnels prennent l’attache des services de l’État. Certes, il n’est peut-être pas naturel de demander conseil ou appui aux services fiscaux. Mais nous sommes aujourd’hui dans une position d’accompagnement. Notre boussole, c’est de préserver l’emploi et l’outil de travail des indépendants.
Madame la ministre, j’entends vos arguments. Mais il serait nettement préférable que tout passe par les chambres consulaires et les préfets. Aujourd’hui, il faut traiter les situations au cas par cas en faisant un travail de dentellière.
Vous évoquez le secteur de l’événementiel. Mais n’oublions pas que les PME de l’industrie aussi sont asphyxiées par les coûts de l’énergie et des matières premières. Il faut que vous soyez à leurs côtés.
Décentralisez et venez au plus près du terrain ! La réponse que vous venez de m’apporter est très parisienne ; sur le terrain, c’est beaucoup plus compliqué.
Vous avez pris une veste au mois de juin dernier ; nous espérons bien que vous en prendrez une nouvelle au mois d’avril prochain !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Pierre Médevielle applaudit également.
Je souhaite interpeller le Gouvernement sur la mise en œuvre du Ségur de la santé.
De nombreux rassemblements ont eu lieu lundi devant les permanences des parlementaires finistériens, et le phénomène existe aussi partout ailleurs en France. Des usagers, des personnels et des responsables d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux viennent dénoncer les incohérences de la mise en œuvre du Ségur de la santé. Il est temps d’y remédier.
Je prendrai trois exemples.
D’abord, pourquoi avoir décidé d’augmenter la rémunération des personnels des services d’aide à domicile gérés par des associations à but non lucratif et pas celle des personnels des services gérés par les collectivités territoriales ou par les organismes privés lucratifs ?
Ensuite, les mesures financières décidées depuis le 1er octobre dernier en faveur des services de soins infirmiers à domicile ne peuvent pas être mises en œuvre faute de décrets d’application. Pourquoi ces décrets ne sont-ils toujours pas parus près de quatre mois après la décision ?
Enfin, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé le 8 novembre dernier qu’une conférence sur les métiers de l’accompagnement social et médico-social se tiendrait avant le 15 janvier. Nous sommes le 26 janvier, et il ne s’est rien passé. Qu’en est-il ?
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
Monsieur le sénateur, votre question me permet de faire le point sur les actions menées depuis plusieurs mois par le Gouvernement pour soutenir les professionnels de santé et du soin dans le cadre du Ségur de la santé, après dix ans de sous-investissements.
Le Ségur est de loin le plus important plan de soutien à notre système jamais engagé par une majorité présidentielle.
Mme Sophie Primas le conteste.
Avec les accords du 13 juillet, nous avons abouti à une revalorisation immédiate de plus de 1, 5 million de personnels de santé pour 8 milliards d’euros par an. Dès le mois de décembre 2020, les personnels non médicaux et les sages-femmes de la fonction publique ont eu une revalorisation socle de 183 euros mensuels au moins ; sans compter que nous avons également – vous le savez bien – revalorisé les grilles des personnels soignants, médico-techniques et de la rééducation depuis le mois d’octobre 2021.
Les personnels médicaux ne sont pas en reste. Nous avons fusionné les premiers échelons de rémunération et amélioré leur fin de carrière avec des nouveaux échelons. Nous avons mis en place des primes managériales et revalorisé l’indemnité d’engagement de service public exclusif.
Surtout, contrairement à l’idée selon laquelle il y aurait des « oubliés du Ségur » – c’est une expression que l’on entend souvent –, nous avons choisi en responsabilité, je le crois, de répondre aux problématiques spécifiques des professions concernées par une perte d’attractivité, chaque profession n’étant pas confrontée aux mêmes difficultés. C’est sur le fondement avéré de la perte d’attractivité des métiers que nous avons méthodiquement étendu les revalorisations à plusieurs reprises, au-delà de l’ambition initiale du Ségur.
Vous le savez, deux protocoles d’extension avec les organisations syndicales ont été signés à l’issue d’une mission que le Premier ministre avait confiée à Michel Laforcade à propos des structures sanitaires, médico-sociales financées par l’assurance maladie et des structures médico-sociales publiques et privées non lucratives.
La Conférence des métiers du social et du médico-social se tiendra le 18 février prochain, sous l’égide du Premier ministre.
Nous avons mis en place un comité de filière de la petite enfance. Il sera compétent pour traiter des rémunérations, de la formation, des carrières et des passerelles entre les différents métiers.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous couvrons bien l’ensemble des métiers concernés par le soin de nos compatriotes dans notre pays.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le secrétaire d’État, le groupe Union Centriste ne conteste pas que le Ségur de la santé a permis des avancées. Mais il convient, me semble-t-il, d’entendre les aspirations de la population. Je regrette que vous n’ayez pas répondu à deux de mes trois questions.
Il est effectivement temps que la Conférence ait lieu, car les attentes sont fortes sur le terrain. Comme parlementaires, nous avons du mal à répondre à nos concitoyens quand ils nous interrogent sur les avancées qui ont été obtenues.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ma question s’adressait à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Aujourd’hui sort l’ouvrage Les Fossoyeurs, dans lequel l’auteur, Victor Castanet, décrit, à la suite d’une enquête menée durant trois ans, la maltraitance organisée dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés lucratifs du groupe français Orpéa, leader mondial sur le marché.
Ce secteur est particulièrement marqué par des dérives lucratives : sous-effectif constant, dépenses réduites et, en conséquence, souffrance au travail du personnel soignant et accompagnant, qui se répercute sur les personnes âgées comme sur les familles.
Cette étude n’est pas la première à dénoncer la marchandisation de la fin de vie, et à quel prix ! Notre groupe pointe ce problème depuis longtemps.
Le Gouvernement compte-t-il assurer un véritable contrôle pour empêcher que de telles dérives ne se reproduisent, en particulier dans ces établissements privés lucratifs ? Et dans quel délai ?
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, qui aurait également pu vous répondre. Comme vous le savez, elle a contracté le covid et ne peut donc être présente.
Je tiens à vous faire part de mon émotion – je pense que vous la partagez – et à avoir une pensée pour les résidents et les familles de résidents ayant pu subir les violences décrites dans l’ouvrage que vous avez mentionné. Rien ne peut justifier de tels faits s’ils sont avérés ! Ils sont extrêmement graves, et l’ensemble du Gouvernement, à l’instar, je le crois, des parlementaires, les condamne fermement.
Un établissement en particulier est évoqué dans le livre. Vous le savez probablement, l’agence régionale de santé avait diligenté une inspection inopinée en 2018 à la suite de réclamations et de signalements qui avaient déjà été adressés à l’époque. Les révélations récentes laissent cependant penser que la situation était bien pire que ce dont nous avions alors connaissance.
Toute la lumière doit être faite sur les pratiques de cet Ehpad. La ministre Brigitte Bourguignon a demandé aux services de l’État de mener une enquête flash dans les meilleurs délais.
Mais les faits rapportés soulèvent d’autres questions, sur lesquelles nous demandons au groupe Orpéa, dont le directeur général a été convoqué par Brigitte Bourguignon, de s’expliquer, là aussi, dans les plus brefs délais.
Au-delà de cette situation particulière, je rappelle que le Gouvernement avait agi dès le début du quinquennat pour soutenir l’ensemble des soignants et des professionnels des établissements accueillant des personnes âgées. Dès 2018, nous avons installé une commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, qui rassemblait de nombreux experts. Elle a remis ses travaux au Gouvernement l’année dernière, permettant d’aboutir à une définition de la maltraitance plus précise et transversale aux âges, à l’autonomie et au handicap.
Peut-être, madame la sénatrice, mais toujours est-il que cette définition de la maltraitance est désormais inscrite dans la loi, le texte relatif à la protection des enfants ayant été adopté définitivement hier.
Par ailleurs, l’État s’est fortement engagé pour moderniser un certain nombre d’Ehpad, avec un investissement de plus de 2 milliards d’euros, et, surtout, pour renforcer la présence de soignants dans les établissements. Ainsi, 10 000 soignants supplémentaires viendront s’ajouter dans les cinq années à venir aux 10 000 qui avaient déjà été recrutés en 2017. En outre, vous le savez, il y a eu en urgence un plan de recrutement de 40 000 personnels de soins dans ces établissements pour prendre soin de nos aînés.
Monsieur le secrétaire d’État, vous dites que « rien ne peut justifier » de tels actes. Mais, concrètement, vous faites quoi ?
Nous vous parlons d’un problème systémique, qui révèle une crise du libéralisme, et vous nous apportez des réponses ponctuelles. Il aura fallu une crise d’une telle ampleur pour que l’on redonne quelques moyens aux Ehpad. De même, c’est seulement en fonction de l’actualité, la parution d’une enquête, que vous réagissez aujourd’hui.
Nous connaissons la détresse des personnels, confrontés à des dilemmes éthiques inhumains : rester dans un secteur en manque de moyens constants pour prodiguer des soins décents ; ou bien le quitter alors même qu’il y a un manque de professionnels dans ces métiers.
C’est le business : tout est rationalisé, jusqu’au rationnement des couches et des biscottes ! Des maisons de retraite sont rachetées par des multinationales et des fonds d’investissement, le tout avec de l’argent public ! Vous n’en avez pas dit un seul mot.
L’une des grandes promesses d’Emmanuel Macron était de faire une loi structurante sur le grand âge ; celle-ci n’a jamais vu le jour.
Il nous faut un véritable service public du grand âge. Les Ehpad dépendant des groupes privés qui se sont rués vers l’or gris aux dépens de la qualité de vie de leurs patients doivent être mis sous tutelle.
L’État ne doit plus laisser faire, car les personnes âgées ne sont pas des marchandises. Le grand âge doit sortir du marché !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, Nantes a connu le week-end dernier un nouveau déferlement de violence urbaine. Vous avez annoncé hier l’engagement d’une procédure de dissolution du groupuscule d’ultragauche « Nantes révoltée » ; nous vous l’avions demandé avec la présidente de région et la députée de Nantes. C’est une bonne nouvelle. Je vous en remercie.
Je vous ai écouté attentivement hier à l’Assemblée nationale. Permettez-moi de vous corriger. Vous faites débuter ces violences à la loi Travail. À tort ! Les violences ont commencé avec le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Mme Valérie Boyer applaudit.
Depuis, Nantes est devenue la capitale des manifestations ultraviolentes. Vous avez cédé aux zadistes en renonçant à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, donnant raison aux ultraviolents et envoyant le message politique irresponsable que la violence paye dans notre pays !
Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.
Je rappelle également que 95 % des manifestations à Nantes ne sont pas déclarées. Cela aussi, nous le dénonçons depuis des années. Ajoutez à cela la complaisance d’élus locaux encourageant l’ultragauche, qui défile aux cris de « Mort aux flics », et vous avez à Nantes le résultat que chacun connaît.
Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous attendu d’être à deux mois de l’élection présidentielle pour dissoudre un groupuscule qui détruit Nantes depuis des années ?
Madame la sénatrice, je vous remercie de m’avoir remercié d’engager une procédure de dissolution à l’égard du groupe concerné.
D’ailleurs, la première à m’avoir félicité est votre présidente de région, qui a salué le courage du Gouvernement ; comme vous l’avez citée, j’imagine que votre démarche est concertée.
Je le rappelle, si nous n’avons pas pris une telle décision plus tôt, c’est parce qu’il a fallu attendre l’adoption de la loi Séparatisme (loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République), qu’une grande partie de votre groupe n’a pas votée, pour disposer des moyens juridiques permettant de le faire.
MM. Martin Lévrier, Joël Guerriau et André Guiol applaudissent.
Madame la sénatrice, depuis que nous sommes en responsabilité, quinze groupes d’ultragauche, d’ultradroite ou islamistes – en majorité, ce sont des groupes islamistes – ont été dissous. Depuis que je suis ministre de l’intérieur, sous l’autorité du Premier ministre, je formule une proposition de dissolution quasiment tous les quinze jours. Les groupes en question ne sont pas apparus avec la loi El Khomri. Ils existent, selon les cas, depuis 2002, 2004, 2016, voire depuis 1995.
Nous avons agi en respectant le droit, sur la base d’une loi votée après une discussion sur la liberté d’association, qui a été difficile, y compris avec votre groupe, madame la sénatrice. Je ne vous reprocherai pas tous les termes que j’ai entendus ici…
Mais je me réjouis de disposer aujourd’hui des armes qui me permettent, en tant que ministre de l’intérieur, de proposer des dissolutions. Celles-ci ont systématiquement été validées par le Conseil d’État.
Selon vous, nous aurions cédé à Notre-Dame-des-Landes et ce serait la cause des difficultés que nous connaissons aujourd’hui. Dans ce cas, je me demande bien pourquoi nous avons hérité de ce dossier, qui n’avait jamais été réglé en trente ans !
Mme Laurence Garnier. Monsieur le ministre, la réalité, vous la connaissez. Vous avez laissé Nantes s’enfoncer dans la violence.
Exclamations sur les travées du groupe RDPI.
Les Nantais ne sont pas dupes de telles manœuvres. Ils savent pertinemment que vous ne rattraperez pas en deux mois ce que vous n’avez pas fait pendant cinq ans.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, le constat est amer : jamais les tensions entre la communauté enseignante et leur ministre n’ont été aussi fortes. Cette défiance est la pire ennemie de l’efficacité des politiques publiques.
On vous a entendue sur la prétendue « dérive islamo-gauchiste » des universités. Mais, bizarrement, on ne vous a pas entendue sur le manque de moyens de ces dernières.
Le Président de la République, lui, aurait trouvé une solution merveilleuse : faire payer les étudiants. Il me paraît insensé de penser que l’on va augmenter les moyens et le niveau des universités en faisant payer les étudiants !
Outre les moyens, le problème est en réalité celui de l’orientation : l’inégalité d’accès à l’information sur les filières conduit à des taux d’échec record, notamment lors de la première année de licence.
Comment est-il possible de faire peser la réussite des élèves uniquement sur le financement de l’université sans rompre le principe d’égalité ?
C’est une erreur de penser que la gratuité est le problème. Le principal problème, c’est l’orientation, un problème intimement lié au manque d’information ; votre plateforme Parcoursup en est la preuve. C’est aussi pour cela que l’on retrouve toujours plus d’étudiants en première année de licence.
Madame la ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire pour l’orientation, afin que l’université soit un vrai choix de carrière adapté aux envies et compétences de chacun ?
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Monsieur le sénateur Rémi Cardon, vous parlez d’un « échec record » à propos du taux de passage de la première à la deuxième année de licence. Je vous le confirme, en 2017, nous avions atteint le record d’échecs. Mais j’ai le plaisir de vous annoncer – je suis sûre que vous l’aviez remarqué – que nous avons augmenté de dix points le taux de passage entre la première et la deuxième année de licence.
Vous indiquez que l’important est de pouvoir mieux financer l’université. La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants – je crois qu’elle n’a pas été votée de ce côté-ci de l’hémicycle –, c’est un milliard d’euros de plus pour le premier cycle ; la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, c’est 25 milliards d’euros supplémentaires !
Selon vous, ce serait trop peu. Pour ma part, je pense que ce n’est déjà pas mal. Je puis vous l’assurer, sur le terrain, les gens commencent à voir la différence.
Vous continuez à prétendre, alors que j’y ai déjà répondu et que le Président de la République s’est de nouveau exprimé sur le sujet, que notre solution serait d’augmenter les droits d’inscription. Je vous rappelle que, depuis trois ans, nous les avons gelés ; cela n’avait jamais été fait sous les gouvernements précédents.
Exclamations sur les travées du groupe SER.
Monsieur le sénateur, je crois que, là encore, vous essayez d’alimenter des fantasmes.
Protestations à gauche comme à droite.
Madame la ministre, moi aussi, je vais vous donner un chiffre : un jeune sur six a arrêté ses études. Voilà le bilan de votre quinquennat et de votre mandature !
La semaine dernière, vous avez menti devant les députés – je vous renvoie à la lecture d’un article de Mediapart daté d’hier –, à moins qu’il ne s’agisse de méconnaissance de vos dossiers ou d’incompétence. Vous avez déclaré que 100 % des logements du Crous avaient été rénovés. Or le Crous dit lui-même que des logements sont encore en cours de rénovation. Vous aviez fixé l’objectif de 100 % de rénovation au cours du quinquennat ; vous êtes une nouvelle fois à côté de la plaque. Si même le Crous vous contredit, c’est pour le moins ennuyeux !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« L’enfer est pavé de bonnes intentions », écrivait Bernard de Clairvaux.
Le bouclier tarifaire appliqué pour contenir la hausse des prix du gaz est, quant à lui, une véritable bombe à retardement pour nos concitoyens les plus démunis.
Mis en place en loi de finances pour 2022 afin de geler l’augmentation des tarifs gaziers jusqu’au 1er juillet, ce dispositif offre une couverture louable face à l’augmentation de la demande mondiale et la restriction de l’offre. Il ne s’applique toutefois qu’aux habitations individuelles ou collectives justifiant d’une consommation inférieure à 150 mégawattheures et dotées d’un contrat réglementé gaz B1. Or ce sont des critères auxquels ne répondent malheureusement pas les bailleurs sociaux, chargés d’acheter le gaz en amont avant de le redistribuer à leurs locataires.
Les organismes HLM vont ainsi subir de plein fouet la hausse des tarifs et n’auront d’autre choix que de répercuter celle-ci sur les factures de leurs locataires.
Je parle ici non pas d’augmentations de quelques euros à la marge, mais bel et bien de hausses pouvant s’échelonner de 40 euros à 250 euros de provisions de charges supplémentaires par mois, et ce jusqu’à la fin de la saison de chauffe.
C’est une ironie des plus mordantes lorsque l’on fait état des engagements pris par votre gouvernement pour protéger le pouvoir d’achat des Français !
Monsieur le Premier ministre, dans quels délais comptez-vous revenir sur ce dispositif, qui, s’il n’est pas rectifié de façon rétroactive, risque de mettre une fois de plus à l’amende nos concitoyens les plus fragiles ?
Monsieur le sénateur Antoine Lefèvre, vous l’avez souligné, nous avons pris sans attendre des mesures fortes pour protéger le pouvoir d’achat des Français face à cette augmentation importante des prix de l’énergie.
Je pourrais évoquer le chèque énergie, soit 100 euros pour 6 millions de ménages – cela s’ajoute aux 150 euros versés normalement en mai –, ou l’indemnité inflation, soit 100 euros pour 38 millions de ménages, qui vont ainsi voir leur pouvoir d’achat soutenu. Nous avons effectivement décidé – c’est une mesure nationale très forte – de geler les tarifs réglementés de l’électricité, en plafonnant leur hausse à 4 %, et les tarifs du gaz.
La question que vous posez concerne les ménages qui n’achètent pas directement le gaz à un fournisseur à tarif réglementé, mais qui sont dans des contrats collectifs, en particulier ceux qui sont souscrits par les organismes de logements sociaux.
Ces organismes de logements sociaux nous ont effectivement fait part voilà quelques jours à peine de difficultés, sachant qu’ils ne sont pas tous dans la même situation. Certains sont chauffés à l’électricité ou au réseau de chaleur. D’autres sont avec des contrats individuels pour les locataires, qui sont donc bien protégés. D’autres encore achètent eux-mêmes en contrat collectif le gaz, et ces contrats collectifs sont dans un certain nombre de cas eux-mêmes protégés, parce qu’indexés sur les tarifs réglementés, et dans d’autres cas, non.
Les situations de défaillances qui nous sont remontées concernent des fournisseurs de gaz qui, n’étant plus en capacité de fournir, demandent aux organismes de logement social d’en changer. Là, nous sommes au prix du marché.
Face à une telle situation, monsieur le sénateur, le Gouvernement continuera évidemment à travailler pour améliorer encore la protection des Français. Bruno Le Maire, Barbara Pompili et moi-même sommes en train d’examiner, sous l’autorité du Premier ministre, toutes les solutions possibles pour protéger tous les Français.
Merci, madame la ministre. Qualifier ce problème de « malencontreux oubli » serait un bel euphémisme, pour peu que l’on passe en revue les cinq années de négligence à l’égard du logement social.
Je pense aux coupes budgétaires opérées trois années de suite, au doublement de la TVA sur la construction de logements sociaux, à la très controversée réduction des APL (aides personnalisées au logement), au ralentissement sans précédent du rythme des constructions et, dernièrement, à la désindexation du plafond de ressources pour bénéficier de la réduction du loyer de solidarité.
Nous savions qu’à vos yeux les maisons individuelles étaient devenues un « non-sens écologique ». Désormais, c’est l’habitat collectif à loyer modéré qui en prend pour son grade.
Décidément, il ne sera pas exagéré de dire que, tout au long de ce quinquennat, le Gouvernement aura eu un sacré problème avec le logement social !
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Lundi soir, Pierre Ludet, fonctionnaire de police affecté à la brigade spécialisée de terrain (BST) du XVe arrondissement de Marseille mettait fin à ses jours avec son arme de service. Pierre avait 22 ans. Il était champion d’arts martiaux. Il était très apprécié par tous ses collègues et avait toute la vie devant lui.
Avant ce geste désespéré, huit autres fonctionnaires de police ont mis fin à leurs jours depuis le 1er janvier : une hécatombe !
Je tiens à adresser au nom du groupe Union Centriste mes plus sincères condoléances à la famille de Pierre, à ses proches et à ses collègues, mais également à avoir une pensée pour tous les fonctionnaires de police, de gendarmerie, des douanes et de l’administration pénitentiaire qui ont mis fin à leurs jours ces dernières années.
À chaque nouveau drame, il y a un nouveau message du Gouvernement et une émotion sincère. Mais après ? Qu’est-ce qui peut pousser un ou une fonctionnaire de police à commettre l’irréparable ? Telle est la vraie question qui doit être posée.
Le manque d’effectifs, le vieillissement des matériels ou des locaux peuvent être des éléments qui constituent ce mal-être.
Il est vrai que votre ministère a augmenté les effectifs et les moyens matériels alloués à la police et à la gendarmerie ; j’en ai eu la preuve dans mon département. Pourtant, ce mal-être et cette détresse sont toujours là !
Monsieur le ministre, on en arrive peut-être à ce geste ultime lorsque l’on considère que son travail perd petit à petit de son sens malgré la foi profonde que l’on a de la justice et de la défense de ses concitoyens. Pouvez-vous indiquer au Sénat les actions que vous avez mises en œuvre et surtout celles que vous allez engager pour mettre fin à cette funeste série ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, je m’associe évidemment à votre message de soutien face à la détresse des policiers et des gendarmes qui se sont suicidés depuis le début de l’année.
En moyenne, il y a plusieurs dizaines de suicides par an – c’était le cas l’année dernière – au sein de l’administration que j’ai l’honneur de diriger. Et cela se produit souvent avec l’arme de service, dans les locaux des brigades de gendarmerie ou dans les commissariats de police.
Je connaissais le fonctionnaire que vous évoquez. Major de sa promotion, il faisait partie de la centaine de nouveaux effectifs que nous avions envoyés à Marseille. Il avait choisi les quartiers nord. Il était courageux ; le Président de la République l’avait également rencontré. Il était plein de jeunesse. Son geste touche bien entendu toute la police nationale, ses collègues de Marseille et pose des questions à l’administration qui le dirigeait.
Si l’essentiel de ces suicides – et je ne dis évidemment pas cela pour les minimiser – ont un lien direct avec la vie personnelle des fonctionnaires concernés, et si le fait d’être policier ou gendarme et d’avoir son arme de service contribue malheureusement à des passages à l’acte plus que dans d’autres services de l’État, l’administration ne se dédouane pas face aux drames que nous connaissons.
En 2019, mon prédécesseur avait mobilisé des moyens très importants pour pouvoir lutter contre les suicides dans la police nationale. J’ai décidé de les faire évaluer par une société de conseil extérieure.
La semaine dernière, à ma demande, le directeur général de la police nationale a réuni l’ensemble des syndicats. D’un commun accord, il a été décidé de recruter une vingtaine de psychologues dans les services les plus difficiles de la police nationale et d’accorder davantage de moyens budgétaires et humains aux associations, notamment à celles qui aident les familles des policiers qui se suicident. En outre, indépendamment des conseils de leur hiérarchie, les agents pourront contacter une cellule « policiers victimes » lorsqu’ils se sentent en difficulté.
Je vous remercie d’avoir posé cette question délicate, monsieur le sénateur. Il n’existe pas de mesures miracles, mais je vous assure que nous essayons de faire le maximum pour les policiers.
MM. Ludovic Haye, François Patriat, Arnaud de Belenet et Pierre Louault applaudissent.
Je vous remercie pour vos explications, monsieur le ministre.
Les faits sont têtus : tous les jours, des policiers commettent l’irréparable, en dépit de toutes les mesures qui sont prises. C’est sans doute le signe que celles-ci ne sont pas suffisantes et que ces actes traduisent un mal beaucoup plus profond.
Il faut aussi écouter et accompagner, car la dimension humaine est beaucoup plus importante que les aspects matériels.
Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adressait initialement à M. le ministre de l’éducation nationale.
Lundi dernier, le comité de suivi de la réforme des affectations en classe de seconde pour l’académie de Paris a recommandé la fin du recrutement sur dossier pour les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand, au profit d’une plateforme informatisée que tout le monde connaît, Affelnet.
Depuis, le rectorat a indiqué qu’il fallait faire évoluer le recrutement, mais par étapes, pour rendre le changement acceptable pour les communautés éducatives. On le voit, le discours est devenu un peu plus flou, mais le recteur Kerrero a pour sa part indiqué qu’il convenait d’ouvrir le recrutement à l’ensemble des collégiens et d’instaurer des quotas de boursiers.
Le Gouvernement entend-il effectivement inscrire ces deux établissements d’excellence dans un processus de discrimination positive ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.
Votre question, monsieur le sénateur Piednoir, me permet d’aborder un sujet central, celui de l’égalité républicaine, du mérite de nos élèves et de la reconnaissance de leur travail.
La réforme de l’affectation au lycée engagée par l’académie de Paris depuis la rentrée 2020-2021 a déjà démontré son efficacité, notamment en ce qu’elle a renforcé la mixité sociale. Par ailleurs, contrairement à ce qui avait pu être avancé, nous ne constatons pas de fuite vers l’enseignement privé.
En ce qui concerne les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand, ils entrent en effet dans la procédure, car leur situation devait évoluer. Il n’y avait jusqu’à présent aucun critère d’admission explicite, aucun barème, alors que toute décision d’affectation doit pouvoir être objectivement justifiée, notamment en cas de recours des familles.
M. Roger Karoutchi s ’ agace.
Monsieur le sénateur, ce n’est pas la fin de la méritocratie scolaire
C’est, au contraire, son rétablissement dans les lycées d’excellence.
Nos objectifs sont clairs : en pleine cohérence avec l’esprit de l’école républicaine, nous voulons promouvoir la transparence, l’équité, le mérite et rendre ces lycées potentiellement accessibles à tous les élèves parisiens, sur la base de leurs seuls résultats scolaires.
Madame la secrétaire d’État, votre argumentation pourrait se résumer en quelques mots : cachez ces bons élèves que je ne saurais voir…
Je comprends évidemment votre intention d’ouverture sociale, mais je réfute la corrélation entre le statut de boursier et les performances académiques d’un collégien. Je déplore l’abandon des parcours d’excellence dans l’enseignement public, …
… le constat de la « honte » de nos élites et cette nouvelle étape dans la déconstruction de la méritocratie républicaine, à laquelle votre gouvernement était pourtant si attaché au début du quinquennat.
Notre pays, figurez-vous, est fier de ses filières d’excellence. Quoi que vous en disiez, madame la secrétaire d’État, celles-ci sont ouvertes à tous, indépendamment de leurs origines sociales. Je fais confiance aux professeurs pour détecter et convaincre leurs meilleurs élèves d’y postuler.
Notre pays aspire à autre chose qu’à la convergence des établissements vers une moyenne d’indicateurs technocratiques ou à la construction d’un « indice de position sociale » totalement artificiel.
Notre pays, celui des Lumières, est fondamentalement attaché à ce que le talent l’emporte sur la naissance. Il faudrait donc surtout multiplier ces établissements d’excellence pour permettre à tous d’y accéder et faire prévaloir, enfin, le bulletin scolaire sur toute autre considération.
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mmes Sonia de La Provôté et Catherine Morin-Desailly applaudissent également.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la ministre, le mois dernier, le taux d’inflation dans la zone euro s’est élevé à 5 % sur un an. Et ce n’est qu’un début !
Sans être statisticiens, les Français constatent chaque jour, impuissants, la hausse des prix de nombreux produits de première nécessité. Pain, café, pâtes, sucre, fruits et légumes : les prix explosent, en particulier ceux de l’énergie et du carburant, qui a augmenté de 25 % en un an.
Cette flambée des prix affecte particulièrement les Français aux revenus modestes, les plus fragiles, nos territoires ruraux et tous nos concitoyens qui sont contraints d’utiliser leur véhicule pour se déplacer et aller travailler.
Pour répondre à la situation, le Premier ministre vient d’annoncer le relèvement de 10 % du barème de l’indemnité kilométrique. Un pansement sur une jambe de bois !
Cette proposition favorisera probablement moins de 5 % des foyers français, certainement parmi les plus aisés. Les salaires stagnent, les retraites sont péniblement revalorisées de 1, 1 %, les prix flambent. Le pouvoir d’achat des Français est en berne.
Madame la ministre, que répondez-vous à tous ceux et toutes celles qui doivent, chaque jour, choisir entre manger, se chauffer ou faire le plein pour aller travailler ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la sénatrice Féret, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, actuellement auditionnés à l’Assemblée nationale.
La première façon d’améliorer le pouvoir d’achat, c’est de faire en sorte qu’un plus grand nombre de Français trouvent un emploi, et que ces emplois soient mieux rémunérés. C’est très exactement la politique que nous avons mise en œuvre depuis 2017, madame la sénatrice, en créant un million d’emplois sur ces quatre dernières années et en ramenant le taux de chômage à son plus bas niveau depuis dix ans, alors même que nous venons de traverser la crise la plus importante de ce siècle.
Nous avons également fait en sorte que le travail paye mieux. Avec la prime d’activité, ce gouvernement a permis à un travailleur payé au SMIC, qui touche environ 1 270 euros de son entreprise, de percevoir une rémunération nette proche de 1 500 euros. Sans oublier la défiscalisation des heures supplémentaires et toutes les mesures que nous avons prises pour accompagner les personnes qui touchent les minima sociaux, notamment l’augmentation sans précédent de l’allocation aux adultes handicapés – je veux saluer à ce titre l’action menée par Sophie Cluzel.
Ces différentes mesures ont payé.
Vous mentionnez l’augmentation du coût de la vie, madame la sénatrice. Votre constat est parfaitement exact, mais, là encore, nous n’avons pas tardé à agir de façon ciblée, au travers du chèque énergie mentionné par Emmanuelle Wargon et du chèque inflation, afin de couvrir l’augmentation du coût de l’énergie et des carburants.
Mme Cécile Cukierman proteste.
Ce sont autant de mesures très concrètes, qui ont permis au pouvoir d’achat des Français d’augmenter en moyenne de 2, 2 % en 2020. À l’inverse, dans ce contexte de crise massive, d’autres pays ont été confrontés à une vraie baisse du pouvoir d’achat. Je vous suggère de mener des comparaisons !
Nous allons poursuivre notre action, mais nous ne pouvons nous satisfaire de votre caricature.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
J’entends vos arguments, madame la ministre, mais je veux des réponses concrètes.
Depuis des semaines, nous, socialistes, proposons une baisse de la TVA à 5, 5 % sur les carburants pour soulager les Français, quitte à le faire de façon temporaire.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle ! L’urgence aujourd’hui est d’accompagner la sortie de crise des ménages, de tous ceux qui sont pris à la gorge par les hausses de prix.
L’urgence, c’est aussi d’augmenter significativement les bas salaires, en particulier le SMIC.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
On ne peut avoir, d’un côté, le « quoi qu’il en coûte », et, de l’autre, quelques miettes pour tous les Français qui voient leur pouvoir d’achat diminuer au fil des mois.
Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je remercie M. le secrétaire d’État de bien vouloir répondre à cette question, qui s’adressait à Mme la ministre du travail.
Tout ça pour ça !
Le 20 décembre dernier, vous organisiez une concertation avec les partenaires sociaux sur l’obligation d’un passe sanitaire au travail.
Le 21 décembre, les organisations syndicales indiquaient qu’elles n’y étaient pas favorables et les organisations patronales faisaient part de leurs réserves.
Toutes affirmaient néanmoins être d’accord pour renforcer le télétravail.
Mme la ministre Élisabeth Borne confirmait elle-même qu’il existait un consensus sur le télétravail et qu’elle pouvait compter sur la responsabilité des employeurs et des salariés pour le renforcer.
Néanmoins, le 28 décembre, coup de tonnerre ! Vous écrasiez la concertation et vous annonciez aux partenaires sociaux vouloir mettre en place des sanctions administratives pour les entrepreneurs qui ne respecteraient pas l’obligation du télétravail.
Dans la foulée, toutes les organisations patronales jugeaient que ces amendes étaient une ineptie, alors que les entreprises avaient eu une conduite exemplaire depuis le début de la pandémie.
Dans la foulée, nous vous indiquions combien cette idée était clivante et inopérante. Loin de nous écouter, vous avez continué à jeter l’opprobre sur une catégorie de Français, les chefs d’entreprise…
Surtout, alors que l’encre du projet de loi était à peine sèche, le Premier ministre annonçait la fin du télétravail obligatoire et la ministre du travail déclarait de son côté « vouloir rendre la main aux entreprises le 2 février prochain ».
Monsieur le secrétaire d’État, merci d’éclairer le Parlement en nous confirmant que votre amendement visant à sanctionner les entrepreneurs n’aura finalement été opérant que neuf jours… Tout ça pour ça !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Loïc Hervé applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.
Madame la sénatrice Frédérique Puissat, je sens presque un peu de contrariété dans le ton de votre question. Vous connaissez bien les entreprises, moi aussi. Or il me semble que c’est bel et bien un sujet concret pour elles.
L’objectif n’est pas de distribuer des amendes comme on pourrait le faire à l’encontre d’un automobiliste mal garé dans la rue.
Les inspecteurs et les contrôleurs du travail commencent par rédiger des lettres d’observations et de mise en demeure, dans le cadre d’une procédure contradictoire, qui permet l’échange. Évidemment, s’il n’y a aucun mouvement de la part de l’employeur au regard de ce qui est attendu, cet échange peut déboucher sur une sanction administrative, à savoir une amende dont le montant a été réduit à 500 euros, de telle manière que la pression financière ne soit pas démesurée pour les TPE-PME.
Notez également, madame Puissat, que cette amende vise non pas uniquement le télétravail, mais l’ensemble des obligations opérationnelles de l’employeur destinées à protéger la santé de ses salariés, par exemple le respect des distances, le port du masque, la mise à disposition de gel hydroalcoolique et l’ensemble des éléments figurant dans le protocole.
Ce n’est donc pas une amende « télétravail ». C’est la possibilité donnée, lorsqu’il n’y a plus de discussion possible entre le contrôleur et l’employeur, de prononcer une sanction administrative. Faute de dispositions de ce type, l’alternative, en cas de problème, c’est le droit pénal, et tout le monde se retrouve alors devant le procureur de la République.
Je connais bien ces dispositions côté opérationnel ; il me semble que nous avons trouvé une solution pour que ce télétravail soit respecté par tous. C’est aussi une question d’équité, parce que de très nombreux chefs d’entreprise ont respecté l’ensemble des prérogatives gouvernementales.
Mme Frédérique Puissat. Finalement, monsieur le secrétaire d’État, nous parlons bien de neuf jours. Cette durée paraîtrait presque anecdotique si nous ne la rapportions pas à nos heures de débat sur le sujet – un faux débat d’ailleurs, qui se solda par une commission mixte paritaire non conclusive, alors que l’heure devrait plutôt être à la recherche de la concorde.
Exclamations sur les travées du groupe RDPI.
Mme Frédérique Puissat. Après les gilets jaunes, les ruraux contre les urbains, les vaccinés contre les non-vaccinés, on cherche à dresser les chefs d’entreprise contre le reste de la population. Ce nouveau clivage est de la responsabilité de votre gouvernement.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Jacquemet, Anne-Catherine Loisier et Catherine Morin-Desailly applaudissent également.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Loïc Hervé applaudit également.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le 16 octobre dernier, le Président de la République s’engageait « à préciser avant la fin de l’année par un décret du Gouvernement la manière dont les sapeurs-pompiers pourront mettre en œuvre les douze gestes techniques de secourisme et de soins ». En effet, la loi Matras offre à nos sapeurs-pompiers la possibilité de dispenser des actes de soin d’urgence, ceux qu’ils effectuent déjà concrètement tous les jours.
Cette disposition semble parfaitement logique lorsque l’on sait que 80 % de l’activité des SDIS (services départementaux d’incendie et de secours) relève aujourd’hui du secours à personnes.
Or, force est de constater que, pour l’heure, ce décret n’a pas été pris. Ma question est donc simple : qu’attendez-vous ?
Par ailleurs, les quatre rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat, dont je fais partie, ont pris la peine de vous écrire afin de vous éclairer sur le sens que le législateur entend donner à ces dispositions.
Sachez, monsieur le Premier ministre, que, si le décret à venir ne respectait pas la lettre de la loi, nous inviterions les présidents de SDIS à saisir le Conseil d’État afin que le décret soit annulé. Et si celui-ci respectait la lettre de la loi, mais en dénaturait l’esprit, nous modifierions la loi afin de le rendre caduc.
Enfin, je souhaiterais obtenir des explications sur l’absence de revalorisation des indemnités que perçoivent les SDIS lorsqu’ils assurent des carences ambulancières à la demande des SAMU. Là encore, malgré les promesses présidentielles, toujours rien !
Il n’y a pourtant aucune difficulté technique : il s’agit de modifier un chiffre dans un arrêté… Mais peut-être attendez-vous l’étude d’un cabinet de conseil pour procéder à cette modification… On n’est jamais trop prudent !
Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, les pompiers méritent vraiment mieux que des paroles en l’air, mieux que de la communication stérile, mieux que des discours de Sainte-Barbe. Il est grand temps d’agir !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d ’ État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l ’ enfance et des familles. Madame la sénatrice, les pompiers méritent mieux aussi que des sous-entendus ou des propos polémiques.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Je veux tout d’abord saluer l’engagement quotidien de nos pompiers. Toutes les sept secondes en France, une intervention est enclenchée : rares sont les services publics qui font montre d’un tel engagement et d’une telle densité de missions.
Cet engagement est reconnu par le Gouvernement, la majorité présidentielle et le Président de la République lui-même. La loi du 25 novembre 2021, qui vise à consolider notre modèle de sécurité civile, en a été un bon exemple. Je salue d’ailleurs votre engagement, madame la sénatrice, en tant que rapporteure de ce texte, aux côtés de vos collègues Loïc Hervé et Patrick Kanner.
Le Gouvernement est déterminé à faire paraître au plus tôt les textes d’application de cette loi, ainsi que vous le demandez fort légitimement.
D’ores et déjà, j’ai le plaisir de vous indiquer que l’arrêté interministériel qui acte la revalorisation du tarif national d’indemnisation des carences ambulancières à 200 euros est en cours de contreseing par les ministres de l’intérieur et de la santé – Gérald Darmanin s’associe à mon propos.
Merci, monsieur le sénateur !
Par ailleurs, s’agissant du décret relatif aux actes de soins d’urgence prévus à l’article 2 du texte, un arbitrage sera prochainement rendu. Le décret sera ensuite transmis au Conseil d’État. D’ici là, le Gouvernement vous consultera, madame la sénatrice, ainsi que les deux autres rapporteurs, sur le contenu de ce décret. L’article 2 prévoit également qu’un arrêté interministériel fixe les compétences nécessaires à la réalisation de ces actes et les modalités de formation des sapeurs-pompiers.
Afin d’être à la fois efficace et rigoureuse, la formation s’inscrira dans le cadre du référentiel national d’activités et de compétences des équipiers de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.
Madame la sénatrice, j’espère avoir répondu à vos interrogations.
Mme Nadège Havet et M. Didier Rambaud applaudissent.
Mme Françoise Dumont. Vous aviez imposé un calendrier contraint au Parlement pour que le Président de la République puisse faire des annonces au congrès des sapeurs-pompiers. Encore une fois, vous êtes dans la communication, et non dans l’action !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 2 février 2022, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.
Mes chers collègues, sur la proposition du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, la conférence des présidents a décidé qu’un débat d’actualité se tiendrait lors de chaque semaine de contrôle, après la séance de questions d’actualité au Gouvernement.
La conférence des présidents a inscrit le premier débat d’actualité mercredi 2 février.
Après concertation avec les groupes politiques, ce débat pourrait porter sur le thème : « Énergie et pouvoir d’achat : quel impact de la politique du Gouvernement ? » et aurait lieu sous forme de discussion générale.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, par lettre en date de ce jour, M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, demande le retrait de l’ordre du jour du mardi 1er février de la proposition de loi tendant à expérimenter un chèque emploi petites communes pour l’emploi d’agents contractuels et vacataires.
En conséquence, nous pourrions avancer le débat sur le thème : « Quelle politique ferroviaire pour assurer un maillage équilibré du territoire ? » à la suite du débat sur les menaces que les théories du wokisme font peser sur l’université, l’enseignement supérieur et les libertés académiques.
Le début du débat sur le suivi des ordonnances serait quant à lui décalé à dix-huit heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par lettre en date du 25 janvier, M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, demande le retrait de l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du mercredi 2 février de la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.
Il demande l’inscription à la place de ce texte d’un débat sur le thème : « L’amélioration de la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l’attention. »
Acte est donné de cette demande.
Ce débat se tiendrait sous la forme d’une discussion générale d’une heure.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévue par notre règlement.
L’ordre du jour appelle l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer relatif au siège de l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (projet n° 288, texte de la commission n° 366, rapport n° 365).
Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc le mettre aux voix.
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer relatif au siège de l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français, signé à Valenciennes le 15 avril 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
Le projet de loi est adopté définitivement.
L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes (texte de la commission n° 322, rapport n° 321).
La parole est à Mme le rapporteur.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) est parvenue, le 5 janvier dernier, à un texte commun sur le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 sur la représentation des travailleurs de plateformes.
Ce texte a pour objet d’organiser un dialogue social entre les plateformes numériques et les travailleurs indépendants y ayant recours dans deux secteurs qui cristallisent le débat sur les questions de statut et de protection de ces travailleurs : la conduite de véhicule de transport avec chauffeur (VTC) et la livraison de marchandises en véhicule à deux ou trois roues.
Tout en regrettant la méthode suivie par le Gouvernement, qui choisit de passer par une nouvelle ordonnance pour compléter le cadre de ce dialogue social, et en observant les évolutions concomitantes du contexte européen, le Sénat avait globalement approuvé l’objectif de faire émerger des garanties collectives en faveur des travailleurs des plateformes par la voie de la négociation. Un accord répondant aux préoccupations du Sénat a ainsi pu être trouvé sur ce texte à l’issue d’échanges constructifs avec la rapporteure de l’Assemblée nationale, Carole Grandjean, que je remercie sincèrement de l’écoute dont elle a su faire preuve.
Le Sénat avait approuvé la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 sous réserve de quelques modifications. Deux amendements du Sénat relatifs à la nouvelle Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, l’ARPE, sont ainsi repris dans le texte de la CMP.
D’une part, l’objet de cet établissement public restera circonscrit à la régulation du dialogue social – et non pas des relations sociales – entre les travailleurs et les plateformes des deux secteurs concernés.
D’autre part, est confirmée la suppression de la présence d’un député et d’un sénateur au conseil d’administration de cet établissement public sous tutelle de l’État, en cohérence avec la volonté du Sénat de rationaliser les organismes extraparlementaires, même si ce point a fait débat jusqu’à hier soir.
En revanche, il a semblé préférable de renoncer au droit d’option que le Sénat avait prévu concernant les travailleurs qui seraient électeurs dans les deux secteurs d’activité, car sa mise en œuvre se serait écartée du droit commun applicable aux salariés et aurait pu engendrer des freins opérationnels à l’organisation des premières élections.
À l’article 2, le Sénat s’était efforcé d’opérer un tri afin de restreindre l’habilitation à prendre une nouvelle ordonnance aux dispositions apparaissant comme les plus urgentes ou techniques. Il avait notamment supprimé tous les éléments de l’habilitation concernant l’organisation d’un dialogue social au niveau de chaque plateforme, considérant que les principaux enjeux en matière de régulation de l’économie des plateformes se situaient au niveau sectoriel et que la mise en place d’un dialogue social de plateforme interviendrait éventuellement dans un second temps.
Ces modifications ont été maintenues dans le texte de la CMP, ce qui représente, de mon point de vue, une garantie importante.
Le Sénat avait, en conséquence, fixé la durée de l’habilitation à six mois, le délai de douze mois prévu par l’Assemblée nationale nous ayant paru excessif pour la mise en place du seul dialogue social de secteur. Sur ce point, la CMP a adopté une position intermédiaire, en fixant à neuf mois le délai pour prendre les ordonnances.
Le Sénat avait par ailleurs supprimé les alinéas visant à confier à l’ARPE, d’une part, un rôle de médiation entre plateformes et travailleurs, et, d’autre part, un rôle d’expertise, d’analyse et de proposition concernant l’activité des plateformes et de leurs travailleurs. Le texte de la CMP réintègre ces alinéas en tenant compte des réserves du Sénat : le rôle de médiation de l’ARPE ne concernera ainsi que les relations entre les représentants des travailleurs et les plateformes, et son rôle d’expertise s’exercera dans le cadre de sa mission de régulation du dialogue social.
Enfin, le Sénat avait souhaité inscrire directement dans le projet de loi les règles concernant les thèmes et la périodicité de la négociation obligatoire sectorielle. Il avait ainsi précisé à l’article 3, en lieu et place de l’habilitation de l’article 2, que les organisations représentatives au niveau d’un secteur devraient obligatoirement négocier, selon une périodicité fixée par accord collectif et au moins tous les quatre ans, sur trois thèmes structurants communs aux deux secteurs : la fixation du prix des prestations, le développement des compétences professionnelles et la prévention des risques professionnels.
Il n’a pas été possible d’aboutir à une rédaction commune de ces dispositions, en raison notamment des incertitudes qui demeurent sur leur compatibilité avec le droit européen de la concurrence. La CMP les a donc rétablies à l’article 2 sous la forme d’une habilitation, dont le champ a été précisé : il est clairement inscrit que les thèmes de négociation doivent notamment inclure les trois thèmes identifiés par le Sénat. L’article 3 a, en cohérence, été supprimé.
Au total, malgré sa forme contestable et les incertitudes qui demeurent, notamment du fait du lancement d’un chantier législatif au niveau européen, le texte ouvre une voie de régulation prometteuse pour les secteurs concernés afin d’améliorer les protections, aujourd’hui insuffisantes, dont bénéficient les travailleurs indépendants, et ce sans compromettre les bénéfices économiques offerts par le développement des plateformes.
Mes chers collègues, je vous invite donc aujourd’hui, au nom de la commission mixte paritaire, à adopter ce projet de loi.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur Frédérique Puissat, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi « Travailleurs des plateformes ».
Le 5 janvier dernier, cette commission aboutissait à un accord sur ce texte, après une première lecture à l’Assemblée nationale, en septembre, et au Sénat, en novembre.
Je tiens à remercier particulièrement les membres de la CMP des deux assemblées. Ce travail collectif a permis d’aboutir à un texte ambitieux et équilibré, qui, conformément à l’engagement du Gouvernement, fournit un socle de droits nouveaux aux travailleurs des plateformes. C’était, en quelque sorte, votre conclusion, madame le rapporteur.
Ce texte repose sur une conviction : la négociation collective est la meilleure méthode pour bâtir une protection sociale adaptée aux travailleurs des plateformes.
Je rappelle que le premier objectif de ce projet de loi est de ratifier l’ordonnance du 21 avril dernier, consistant à faire émerger un dialogue social dans le secteur des plateformes de mobilité. Cette ratification est une première pierre posée en vue de la construction d’une véritable démocratie sociale dans le secteur, ce dont nous pouvons nous réjouir collectivement. Avec elle, nous voulons accompagner le développement des plateformes de mise en relation, tout en veillant à mieux protéger leurs travailleurs.
L’enjeu est de proposer les conditions d’un dialogue social structuré entre les plateformes et les travailleurs qui y recourent, afin de construire des droits nouveaux – rémunération minimale, formation professionnelle, santé au travail, un sujet qui m’est cher –, tout en respectant l’indépendance à laquelle nombre d’entre eux sont attachés.
Il s’agit aussi d’adapter le droit du travail aux nouvelles formes d’emploi. À cet égard, ce texte s’inscrit dans la continuité d’un travail de réflexion et de concertation approfondi, mené d’abord par Jean-Yves Frouin, puis par Bruno Mettling, que je tiens tous deux à remercier.
L’ordonnance du 21 avril dernier prévoit l’organisation d’une élection nationale, permettant aux près de 100 000 travailleurs des deux secteurs d’activité concernés, c’est-à-dire les chauffeurs de VTC et les livreurs à vélo, d’élire leurs représentants.
Cette élection, qui se tiendra du 9 au 16 mai 2022, leur permettra d’accéder pour la toute première fois à une représentation syndicale. Sa réussite est au cœur des missions confiées à la nouvelle instance de facilitation du dialogue social, également prévue par cette ordonnance : l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Élisabeth Borne a d’ailleurs participé, la semaine dernière, à la mise en place de cette autorité et à son premier conseil d’administration.
Cette installation, mesdames, messieurs les sénateurs, est une première étape importante. Elle marque notre volonté de voir se déployer rapidement les dispositions du projet de loi que vous êtes appelés à voter aujourd’hui.
Au-delà de l’organisation des élections, cette jeune autorité sera chargée d’accompagner les nouveaux représentants pour la réussite des premières négociations qui seront lancées. En effet, l’ARPE a vocation à devenir un facilitateur du dialogue social, en même temps qu’un observatoire des évolutions de l’activité du secteur des plateformes.
À ce stade, je veux saluer les avancées importantes permises sur ce texte par les deux chambres parlementaires, qui ont complété utilement les missions attribuées à cette autorité. Mme le rapporteur l’a rappelé à l’instant, mais j’y reviens succinctement. Dans ce projet de loi, deux nouveaux rôles lui ont ainsi été confiés : un rôle de reconnaissance des organisations représentatives des plateformes et un rôle de médiation en cas de différends entre les plateformes et les représentants des travailleurs.
L’enrichissement de ses missions permettra à l’ARPE d’accroître rapidement sa crédibilité et de gagner en efficacité.
Par ailleurs, le travail de la commission mixte paritaire a permis de préciser et de mieux définir les rôles d’expertise et de médiation dévolus à ce nouvel établissement public administratif, de sorte qu’il pourra prendre rapidement la mesure de son portefeuille et monter pleinement en puissance.
Au-delà de ces avancées, ce texte ouvre la voie à de nouveaux travaux législatifs, qui permettront de finaliser les modalités du futur dialogue social dans ce secteur.
C’est tout le sens de l’article 2, qui vous demande d’habiliter le Gouvernement à approfondir, par voie d’ordonnance, le cadre de la négociation collective entre les représentants des plateformes et de leurs travailleurs. Le recours à cette procédure répond à un impératif d’efficacité, qui rend nécessaire de finaliser le cadre de ce dialogue social avant la tenue des élections professionnelles au mois de mai, pour donner de la visibilité aux travailleurs des plateformes.
Je veux, à ce sujet, saluer le compromis obtenu quant à la définition des thèmes qui seront ouverts à la négociation collective. En faisant le choix de renvoyer cette liste de thèmes à la future ordonnance, l’Assemblée nationale et le Sénat démontrent, une fois encore, que leur travail de coconstruction est essentiel pour aboutir à des dispositifs équilibrés et utiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, ce texte de compromis pose les jalons d’un dialogue social dans le secteur des plateformes de mobilité. Nous pouvons en être fiers.
Nous sommes convaincus que cette méthode permettra de bâtir des protections nouvelles, répondant du mieux possible aux aspirations de près de 100 000 travailleurs indépendants.
Aussi, dans cet esprit de consensus qui nous a animés tout au long des débats, je vous invite à suivre les conclusions de la commission mixte paritaire et à voter très largement ce projet de loi, comme vous le demande Mme le rapporteur, pour renforcer les droits réels des travailleurs des plateformes.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
I. – L’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation est ratifiée.
II. – Le titre IV du livre III de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° et 2°
Supprimés
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 7345-1, les mots : « des relations sociales » sont remplacés par les mots : « du dialogue social » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article L. 7345-2, les mots : « un député et un sénateur, » sont supprimés.
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin :
1° De compléter les règles organisant le dialogue social de secteur, défini à l’article L. 7343-1 du code du travail, entre les plateformes mentionnées à l’article L. 7342-1 du même code et les travailleurs indépendants qui y recourent pour leur activité, en définissant :
a) Les modalités de représentation de ces plateformes ;
b) L’objet et le contenu des accords de secteur, notamment leur champ d’application, leur forme et leur durée, ainsi que les thèmes et la périodicité de la négociation obligatoire. Ces thèmes incluent notamment les modalités de détermination des revenus des travailleurs, les modalités du développement des compétences professionnelles et de la sécurisation des parcours professionnels des travailleurs ainsi que les mesures visant à améliorer les conditions de travail et à prévenir les risques professionnels auxquels les travailleurs peuvent être exposés en raison de leur activité ;
c) Les conditions de négociation, de conclusion et de validité des accords de secteur ;
d) L’articulation des accords de secteur avec les dispositions légales et réglementaires, les contrats conclus entre travailleurs indépendants et plateformes et les chartes établies en application de l’article L. 7342-9 dudit code ;
e) Les conditions d’application des accords de secteur ainsi que les modalités d’information des travailleurs indépendants sur ces accords ;
f) Les conditions dans lesquelles les accords de secteur peuvent être rendus obligatoires, par le biais d’une homologation décidée par l’État, pour toutes les plateformes et tous les travailleurs indépendants compris dans leur champ d’application ;
g) Les conditions dans lesquelles les organisations représentatives des travailleurs de plateformes et des plateformes au niveau des secteurs mentionnés à l’article L. 7343-1 du même code peuvent recourir à une expertise portant sur les éléments nécessaires à la négociation des accords de secteur et qui peut être d’ordre économique, financier, social, environnemental ou technologique ;
2°
Supprimé
3° De compléter les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi mentionnée à l’article L. 7345-1 du même code, afin de lui permettre :
a) De fixer, au nom de l’État, la liste des organisations représentatives des plateformes au niveau des secteurs définis à l’article L. 7343-1 du même code ;
b) D’homologuer, au nom de l’État, les accords de secteur ;
c) D’exercer un rôle de médiation entre les plateformes et les représentants des travailleurs indépendants ;
d) D’exercer un rôle d’expertise, d’analyse et de proposition concernant l’activité des plateformes et de leurs travailleurs dans le cadre de sa mission de régulation du dialogue social ;
4° De compléter les obligations incombant aux plateformes mentionnées à l’article L. 1326-1 du code des transports à l’égard des travailleurs indépendants qui y recourent, afin de renforcer l’autonomie de ces derniers dans l’exercice de leur activité :
a) En améliorant les modalités selon lesquelles ils sont informés sur les propositions de prestation, notamment en ce qui concerne la destination, et peuvent y souscrire, notamment en disposant d’un délai raisonnable pour se prononcer sur ces propositions ;
b) En leur garantissant une marge d’autonomie pour déterminer les modalités de réalisation des prestations, notamment en ce qui concerne l’itinéraire, et les moyens mis en œuvre à cet effet, tels que le matériel utilisé.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
(Supprimé)
Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre droit doit s’adapter en permanence aux évolutions d’un monde économique qui se transforme. Ainsi, le sujet de la protection des travailleurs liés à des plateformes numériques est devenu la préoccupation du législateur, conduisant notre Haute Assemblée à approfondir sa réflexion par la rédaction de plusieurs rapports.
En effet, si la mise en relation de travailleurs, de plateformes et de consommateurs crée de nouveaux services et des opportunités d’emplois, elle vient bouleverser les règles sociales habituellement attachées à l’exercice d’une profession salariée ou indépendante.
Cela est particulièrement vrai dans les deux secteurs de la conduite de VTC et de la livraison de marchandises en véhicule à deux ou trois roues, les travailleurs en relation avec des plateformes y étant exposés à des risques particuliers et à une certaine précarité. De plus, l’asymétrie des pouvoirs dans l’organisation des activités impose une vigilance particulière.
Le présent texte est particulièrement important, car il privilégie la voie du dialogue social pour assurer la protection des travailleurs des deux secteurs, au-delà de la question de leur statut juridique, qui semble, elle, devoir évoluer au niveau européen, comme l’a souligné notre rapporteur.
Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord avec les députés, lors d’une commission mixte paritaire conclusive à laquelle j’ai participé.
En mai 2020, dans le cadre de leur rapport sénatorial, nos collègues Frédérique Puissat, Catherine Fournier et Michel Forissier recommandaient, comme je l’avais souligné en première lecture, le développement de ce dialogue social au travers d’une meilleure représentation des travailleurs et des plateformes.
Ils prévoyaient par ailleurs des thèmes de négociation obligatoires, tels que la détermination des revenus des travailleurs, le développement de leurs compétences, la prévention des risques professionnels, qui présentent une importance particulière.
Notre rapporteur, Frédérique Puissat, a obtenu en CMP un accord des députés pour une nouvelle rédaction imposant le maintien de ces trois thèmes identifiés par le Sénat dans la négociation obligatoire au niveau des deux secteurs. C’est à cette condition que le Sénat a pu accepter l’habilitation donnée au Gouvernement pour fixer par ordonnance la définition des thèmes débattus et la périodicité de la négociation.
J’en profite pour saluer le travail de notre rapporteur, dont les connaissances et le sens de l’écoute ont été fort utiles pour améliorer ce texte.
En vertu de la rédaction proposée par le Sénat, l’habilitation porte sur l’organisation du dialogue social au niveau de chaque secteur, et non au niveau de chaque plateforme, ce qui aurait été prématuré et pourra être mis en place ultérieurement.
Notre Haute Assemblée a également mieux encadré les missions de l’ARPE, autorité créée pour organiser les élections professionnelles et accompagner le dialogue social. Nous avons souhaité recentrer son rôle sur la régulation de ce dialogue entre travailleurs et plateformes plutôt que sur la régulation de leurs relations sociales. La CMP a également suivi nos propositions en encadrant les pouvoirs de médiation de l’ARPE, ainsi que ses activités d’expertise.
Enfin, comme nous souhaitions éviter toute perte de temps dans l’organisation du dialogue social de ce secteur, nous avons retenu un délai de neuf mois pour la durée d’habilitation, délai plus avantageux que les douze mois initialement prévus par les députés, mais moins exigeant que les six mois que nous avions prévus en première lecture. Rappelons que le Gouvernement disposait de dix-huit mois dans le texte initial.
Ainsi le présent texte a-t-il été particulièrement enrichi par nos travaux.
L’étape fondamentale franchie aujourd’hui repose sur le poids donné à la négociation collective. Nous souhaitons que cette voie de régulation soit féconde, et qu’elle puisse par la suite être une source d’inspiration pour d’autres pays.
Aussi notre groupe votera-t-il ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la loi El Khomri, qui accordait aux travailleurs des plateformes le droit de créer une organisation syndicale, une loi était nécessaire pour l’organisation du dialogue social en leur sein. Était attendu, a minima, un cadre légal permettant un progrès significatif dans les conditions de travail souvent indignes de ces travailleurs, un cadre s’appuyant notamment sur le droit commun et les dispositions du code du travail.
Tel n’est pas le cas, et nous nous retrouvons, six ans plus tard, avec une proposition de cadre normatif du dialogue social qui n’est pas susceptible de favoriser la création de droits sociaux réellement protecteurs.
Après la promulgation de ce texte, les travailleurs des plateformes n’auront toujours pas de salaire minimum garanti, toujours pas de protection contre les licenciements par déconnexion de la plateforme, toujours pas d’encadrement de la durée maximale de travail, toujours pas de congés ni de jours de repos sanctuarisés et rémunérés.
Le texte sur lequel le Sénat et l’Assemblée nationale se sont accordés propose une légère compensation de ces manques à l’article 2, lequel dispose que le dialogue social mené avec les plateformes devra comprendre la fixation du prix des prestations, le développement des compétences professionnelles et la prévention des risques professionnels. Cependant, en renvoyant ces droits sociaux à la négociation collective, nous autorisons la création d’un droit du travail différencié, qui a toutes les chances de se montrer moins disant, car rien n’est fait par ailleurs pour corriger les inégalités nées du rapport de force entre les plateformes et les travailleurs.
Le dialogue social ne peut améliorer la situation des travailleurs d’une branche, quelle qu’elle soit, que si la puissance publique impose une base de négociation protectrice, en l’occurrence celle proposée par le code du travail, dont une des fonctions est de rééquilibrer le rapport de subordination entre l’employeur et les travailleurs.
Ce lien de subordination a été reconnu par plus d’une centaine de décisions de justice en Europe. Après une résolution du Parlement européen allant dans ce sens, la Commission européenne a présenté en décembre dernier une directive sur la présomption de salariat pour tous les travailleurs des plateformes. La Commission considère précisément que c’est le statut erroné d’indépendant qui empêche ces travailleurs de jouir des droits sociaux auxquels ils devraient sans cela avoir droit : salaire minimum, réglementation du temps de travail, protection sociale.
C’est donc le statut et le renvoi aux droits sociaux qui lui sont attachés qui protège les travailleurs, et non une prétendue autorégulation du dialogue social de parties placées dans des situations inégales, bien souvent synonyme de régression sociale.
Dans la documentation qui accompagnait son introduction en Bourse en 2019, Uber écrivait, page 30 : « Étant donné que nous prévoyons de réduire les incitations monétaires des conducteurs afin d’améliorer nos performances financières, nous nous attendons à ce que leur insatisfaction augmente ». La plateforme reconnaît ainsi cyniquement que la régulation des tarifs, qui échappe aux travailleurs, est susceptible de provoquer des insatisfactions liées à une baisse des rémunérations, mais que cela ne doit pas freiner de telles évolutions, la satisfaction des actionnaires étant prioritaire.
De fait, si Uber insiste tant sur l’indépendance de ses chauffeurs, c’est que leur requalification en salariés représenterait un surcoût significatif de l’ordre de 20 % à 30 %. La préservation des profits de cette firme tient donc entièrement sur la promesse mensongère de l’autonomie des travailleurs, renforcée par ce texte.
En effet, à l’Assemblée nationale, la rapporteure a précisé dans son rapport que l’objectif des dispositions, maintenues aux alinéas 16 et suivants de l’article 2 du texte de la CMP, était de « réduire le faisceau d’indices susceptibles de révéler l’existence d’un lien de subordination, tel que celui-ci est défini par la jurisprudence […], de telle sorte que “les risques de requalification de leur contrat commercial en contrat de travail” soient limités ».
Le but est donc de sécuriser les plateformes plus que de protéger les travailleurs. Au contraire, la demande de requalification sera rendue plus difficile encore.
Avec un dialogue social sans droits sociaux, nous maintenons près de 200 000 travailleurs en dehors de tout cadre légal, qui leur permettrait de se défendre équitablement face au management algorithmique, et nous privons la sécurité sociale d’importantes ressources.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas ce texte.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire chargé de la santé au travail et des retraites – au passage, pour les travailleurs des plateformes, la retraite, c’est zéro ! –, mes chers collègues, voici donc un dialogue social vidé de sa substance. Pour un autre avenir en faveur des travailleurs des plateformes numériques, plusieurs groupes politiques, dont le CRCE, ont, en plusieurs occasions, proposé des mesures concrètes, des mesures jamais votées par le Sénat.
Qu’avons-nous eu en retour de la part du Gouvernement depuis cinq ans ? Des textes d’une inefficacité navrante, et ce projet de loi n’y change rien. Bien plus grave, il vient consacrer la valeur travail comme une valeur malléable en fonction des modèles économiques, quelle que soit leur rentabilité. Elle serait aménageable selon la qualité des travailleurs, qualifiés ou non, ou selon la qualité estimée des prestations effectuées.
On aurait un statut d’indépendant qui serait différent selon que vous êtes travailleur économiquement dépendant de plateforme ou que vous êtes travailleur indépendant choisi. Le premier se verrait privé d’autonomie et serait corvéable à merci quand le second pourrait négocier librement ses prix et les caractéristiques de sa prestation.
Quelle contradiction !
Mes chers collègues de la partie droite de l’hémicycle ont voté à l’unanimité le rapport d’information sur l’« ubérisation » de la société, alertés par le risque de « plateformisation » de la société par les secteurs traditionnels ou les fonctions libérales. Seulement, au moment de réguler les plateformes numériques de travail, ils se sont retrouvés embarrassés devant l’avantage et le confort qu’il y a à trouver une petite main plus vite et pour moins cher.
Pour que le rouage de la servitude continue de tourner, il faut donc que le Gouvernement préserve le contrôle des plateformes de travail sur leurs travailleurs, tout en se dégageant d’une quelconque responsabilité.
Lors de l’adoption de ce texte en première lecture dans cet hémicycle, nous avions, à l’article 3, contraint chaque secteur à négocier certains thèmes, dont la fixation des prix. Pourquoi cela a-t-il disparu de la version finale ? No « explication » !
Le Président de la République a pourtant annoncé au Parlement européen que la création d’un SMIC européen était une priorité. Pourquoi alors refuser qu’une rémunération minimale soit l’objet du dialogue ? Si des indépendants peuvent normalement négocier leurs prix, on consacre ici le fait que tel n’est pas le cas pour ceux des plateformes. On officialise ainsi l’indépendance contrainte et l’autonomie à deux vitesses.
À l’alinéa 4 de l’article 2, il y a, parmi les thèmes de négociation obligatoire, « les modalités de détermination des revenus des travailleurs ». Comprenez la subtile manœuvre : c’est une chose d’imposer de se mettre d’accord sur une rémunération minimale, c’en est une autre d’imposer de discuter de la manière dont les revenus sont calculés par la plateforme. Même contradiction à l’alinéa 18 de l’article 2 : « en leur garantissant une marge d’autonomie pour déterminer les modalités de réalisation des prestations »… mais pas des prix ! Autonome, mais, quand même assujetti…
Par ailleurs, ce texte vient créer une juridiction dédiée aux plateformes. Selon l’article 2, alinéa 13, l’ARPE serait chargée « d’homologuer, au nom de l’État, les accords de secteur ». Pourquoi pas l’administration du travail ?
L’alinéa 14 lui assigne « un rôle de médiation entre les plateformes et les représentants des travailleurs indépendants ». Pourquoi pas le Médiateur des entreprises ?
Prenons le décret du 8 novembre 2021 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’ARPE. L’article R. 7345-10 du code du travail, qu’il crée, prévoit que le directeur général de l’autorité « autorise la rupture du contrat commercial des représentants désignés en application de l’article L. 7343-13 ». Une autorité administrative qui se prononce sur un contrat commercial… Vous êtes sûrs ?
On voit bien que cela a été pensé en dehors de toute objectivité. C’est pratique, quand on est déjà poursuivi pour travail dissimulé…
Et que dire des conditions de représentativité, d’une complexité kafkaïenne, qui feront gagner du temps aux plateformes plus qu’elles n’entraîneront l’adhésion des travailleurs ?
Enfin, il est légitime d’interroger l’opportunité de ce texte au regard de la proposition de la Commission européenne, qui, elle, porte une ambition en instaurant une présomption réfragable de relation de travail, allant ainsi dans le sens des décisions de justice européennes.
Dès lors, nous souhaitons que les travailleurs des plateformes bénéficient du même régime que les autres travailleurs, et non pas seulement d’un dialogue social façon « grand débat ». Ce texte entraîne trop d’incertitudes, en plus d’une inégalité de traitement entre travailleurs indépendants.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous aurez compris que nous voterons contre.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer les membres de la commission mixte paritaire, au premier rang desquels notre collègue rapporteur Frédérique Puissat, qui ont permis à nos deux chambres de s’orienter vers un accord sur un texte visant à organiser un dialogue social entre les plateformes numériques et les travailleurs indépendants qui y ont recours.
Ces dernières années ont vu l’émergence des plateformes numériques de mise en relation, qui ont offert une activité professionnelle à de nombreux travailleurs, principalement des jeunes sans formation et éloignés de l’emploi.
Si nous pouvons nous réjouir que ce public accède ainsi à un travail, il n’en reste pas moins qu’il convient de regarder avec attention les conditions dans lesquelles ces activités professionnelles sont réalisées.
Je note que le législateur, à la faveur de plusieurs travaux d’expertise, à la suite d’initiatives parlementaires, n’a pas manqué de « flécher » certaines limites de ce type d’activités.
Pour autant, notre corpus juridique n’est pas resté sans modification durant les dernières années : je pense à la loi El Khomri de 2016 ou à la loi l’orientation des mobilités (LOM) de 2019. Notre rapporteur l’a déjà rappelé.
C’est d’ailleurs sur le fondement de l’article 48 de la LOM que le Gouvernement a pris l’ordonnance du 21 avril 2021, que nous nous apprêtons à ratifier.
Si le présent projet de loi ne présente aucune mesure législative concernant l’amélioration des conditions de travail, pas plus que sur la santé des salariés des plateformes, il permettra, avec la ratification de l’ordonnance d’avril 2021, de jeter les bases d’un dialogue social et de favoriser l’émergence de garanties collectives en faveur des travailleurs des plateformes.
Nous croyons et soutenons qu’il est toujours préférable de laisser la place au dialogue social en première intention.
Toutefois, nous pensons aussi qu’en cas de défaillance du dialogue, si ce dernier restait stérile, il reviendrait au législateur de prendre ses responsabilités.
Le Sénat aura, quant à lui, apporté des avancées importantes sur ce texte, …
… principalement avec l’instauration du principe de périodicité de la négociation au niveau de chaque secteur, même si, à titre personnel, j’aurais préféré six mois à neuf mois. Nous avons également été à l’origine de précisions cruciales, comme la redéfinition du périmètre de l’ARPE.
Nous pouvons encore une fois nous réjouir de cette recherche de consensus. Aussi, je vous appelle, mes chers collègues, à soutenir un texte qui s’inscrit dans la lignée de la loi du 8 août 2016, laquelle a inscrit le principe de la responsabilité sociale des plateformes à l’égard des travailleurs indépendants.
Avant d’en terminer, je me permettrai d’interpeller le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État.
En consultant le Parlement sur l’ordonnance hasardeuse d’avril 2021, en vous proposant simplement d’instituer un dialogue social entre travailleurs indépendants et plateformes, vous avez, contre votre volonté, réveillé l’ardent besoin de recourir au code du travail, de rétablir la place de l’État face aux géants de l’ubérisation et de croire encore aux vieux principes du rapport de force. En vous frottant à l’univers du dialogue social, vous avez élevé la température de l’ancien monde, qui, d’ailleurs, n’a jamais été autant d’actualité.
La Commission européenne proposait, en décembre dernier, la présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes. Les Pays-Bas, la Belgique, l’Angleterre et la Californie ont multiplié les arguments en faveur de la qualification de « salariat » pour ces travailleurs. Enfin, la Cour de cassation a contredit le Gouvernement dans deux arrêts.
Le choix du Gouvernement de recourir aux ordonnances vous oblige et vous condamne à passer les étapes si vous ne voulez pas que ce texte reste à l’état de calmant destiné à bercer d’illusions des milliers de faux travailleurs indépendants dans la misère. Monsieur le secrétaire d’État, force est de constater qu’en matière de régulation et de maîtrise du fait numérique les choses avancent. Le volet numérique du discours du Président de la République, la semaine dernière, devant le Parlement européen, ainsi que la taxation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) laissent à penser, et à espérer, que nous en viendrons un jour à obliger les plateformes à rendre leurs algorithmes transparents.
En présidant l’Europe, la France doit désormais se hisser à la hauteur de sa responsabilité historique en prenant ce sujet à bras-le-corps, bien qu’elle ait déjà du retard sur ses partenaires.
En tout état de cause, le groupe Union Centriste votera favorablement ce texte.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. ( M. Jean-Claude Requier applaudit.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de réguler les relations sociales entre les plateformes numériques et les travailleurs indépendants.
Il est vrai que l’émergence de ces plateformes et, avec elle, l’apparition d’une nouvelle organisation du travail, nous amènent à nous interroger, notamment, sur le statut de ces travailleurs ou sur leurs droits sociaux. En somme, nous devons désormais prendre en compte le modèle économique de ces plateformes, afin de mieux protéger et de garantir suffisamment les droits des travailleurs qui y ont recours.
Le débat sur la détermination du cadre des rapports entre les plateformes numériques et les travailleurs ayant opté pour la microentreprise n’est pas nouveau. En effet, le législateur a déjà fait œuvre de régulation à plusieurs reprises, afin de rétablir un équilibre dans les relations qui lient ces travailleurs indépendants aux plateformes numériques.
Nos travaux s’inscrivent donc dans le prolongement de la loi du 8 août 2016, dite loi El Khomri, complétée par la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019. La première pose les fondements de la responsabilité sociale de ces plateformes, tandis que la seconde établit une charte déterminant les droits et les obligations des plateformes, ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elles sont en relation.
Dans la continuité de ces textes, et sans remettre en cause les statuts existants, le présent projet de loi a pour ambition de renforcer les droits des travailleurs indépendants, en permettant notamment de faire émerger des garanties collectives en faveur des travailleurs des plateformes par la voie du dialogue social.
Avant de poursuivre, il convient de rappeler que le développement de ces plateformes numériques est généralement considéré comme l’opportunité d’exercer une activité professionnelle pour de jeunes travailleurs sans formation et n’ayant parfois aucune expérience du monde du travail.
L’ubérisation croissante d’une partie de notre mode vie, qui s’est accélérée avec la crise sanitaire, nous amène à réfléchir à notre modèle social, car tout laisse à croire que ce modèle économique s’étendra probablement à d’autres secteurs d’activité. Il est donc nécessaire et urgent de fixer un cadre légal clair pour éviter toute précarisation du travail.
Il est nécessaire de construire un dialogue social entre les plateformes et les travailleurs indépendants. Je partage le point de vue de M. le secrétaire d’État sur ce sujet.
C’est pourquoi, dans son rapport de mai 2020 sur le droit social applicable aux « travailleurs indépendants économiquement dépendants », la commission des affaires sociales du Sénat avait déjà formulé des recommandations, afin de dépasser le débat sur le statut de ces travailleurs et de développer leurs droits de manière pragmatique, notamment par la voie du dialogue social.
Dans ce contexte, la commission des affaires sociales est restée fidèle à ses propositions lors de la préparation de ce projet de loi. Je tiens aussi à féliciter tous nos collègues qui ont participé à la commission mixte paritaire de la qualité du travail effectué.
L’ordonnance du 21 avril 2021, que l’article 1er du projet de loi vise à ratifier, permet aux travailleurs indépendants des plateformes de mobilité de désigner leurs représentants pour 2022.
Par ailleurs, on ne peut que saluer la création d’une Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) : ce nouvel établissement public aura pour rôle de réguler les relations entre les deux parties.
Mes chers collègues, ces dispositions ne constituent qu’une première étape dans l’élaboration d’un cadre permettant le développement du dialogue social entre les travailleurs indépendants et les plateformes, lesquelles peuvent encore être améliorées, comme tout texte législatif. Certes, le cadre du dialogue est défini, mais certaines questions restent à régler : le salaire minimum, la protection contre les licenciements, les droits du licencié ou, enfin, la détermination de la durée maximale de travail.
En conclusion, malgré ces dernières observations, notre groupe votera ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain renouvelle son opposition à ce projet de loi, en particulier à son article 1er, dont l’adoption aurait pour effet d’entériner la création d’un tiers-statut pour les travailleurs des plateformes, alors même que le risque d’expansion du phénomène d’ubérisation pèse sur un nombre croissant de secteurs d’activité.
L’idée d’un tiers-statut recule dans la plupart des pays européens, à la suite de la multiplication des décisions de justice reconnaissant le lien de subordination des travailleurs de ces plateformes, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Allemagne ou encore, récemment, aux Pays-Bas.
Dans son rapport, Jean-Yves Frouin a également clairement écarté ce statut dès décembre 2020, en proposant de salarier les travailleurs des plateformes via le portage salarial ou une coopérative d’activité et d’emploi.
C’est cette seconde option que nous préconisons depuis plusieurs années, afin de sécuriser la relation juridique des travailleurs tout en leur apportant de l’autonomie – ils y sont attachés – dans l’exercice de leur activité et en développant un modèle de plateforme numérique plus vertueux, s’inscrivant dans l’économie sociale et solidaire.
La proposition de loi de notre groupe visant à lutter contre l’indépendance fictive, portée par Olivier Jacquin et dont je fus le rapporteur, prévoyait en outre des mesures adaptées et efficaces.
Elle prévoyait, premièrement, la création d’une action de groupe au profit des travailleurs de plateformes, qui permettrait de les requalifier en tant que salariés ; deuxièmement, l’instauration d’une présomption de salariat dès lors que la majeure partie du revenu est issue de l’exploitation d’un algorithme, la charge de la preuve se trouvant ainsi inversée ; troisièmement, la capacité pour les conseils de prud’hommes de se prononcer sur les demandes de requalification et d’exiger la production des algorithmes utilisés.
Je rappelle que ces solutions sont déjà mises en œuvre dans d’autres pays européens, notamment en Espagne, et qu’elles sont préconisées par le Parlement européen, ainsi que par la Commission européenne dans la proposition de directive qu’elle a présentée le 9 décembre dernier.
Cette proposition vise à garantir la bonne détermination du statut professionnel des travailleurs de plateformes par le biais d’une présomption de salariat, pour laquelle elle fixe des critères d’appréciation. Elle inverse à son tour la charge de la preuve : il reviendra à la plateforme qui contesterait le statut de salarié de prouver qu’il n’existe pas de relation de salariat.
La Commission européenne fait ainsi clairement le choix du salariat, conformément au positionnement du Parlement européen et aux revendications des syndicats, et rejette le tiers-statut.
Elle propose en outre de renforcer la transparence dans l’utilisation des algorithmes par les plateformes de travail numériques et de créer le droit pour les travailleurs de contester des décisions automatisées.
Ce projet de directive va donc dans le sens que nous défendons et non dans la direction retenue dans le présent projet de loi.
Enfin, nous sommes opposés à l’article 2 du projet de loi, qui habilite le Gouvernement à compléter par voie d’ordonnance les règles organisant le dialogue social entre les travailleurs et les plateformes à l’échelon sectoriel.
Cet article intègre une partie des dispositions de l’article 3, qui a été supprimé, en prévoyant que l’ordonnance définira les thèmes et la périodicité de la négociation obligatoire.
Parmi ces thèmes figurent les modalités de détermination des revenus des travailleurs. Le Conseil d’État estime à cet égard que ce sera d’application incertaine, l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne permettant pas à des indépendants de dialoguer entre eux concernant leur rémunération. La question de la constitutionnalité de cette disposition peut donc être posée.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi et rappelle qu’il est urgent d’améliorer la protection de ces travailleurs précaires, qui sont malheureusement de plus en plus nombreux dans notre pays.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge et M. Fabien Gay applaudissent également.
La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 5 janvier dernier est donc parvenue à un accord sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes.
Nous nous réjouissons aujourd’hui d’examiner ses conclusions, d’autant que les désaccords entre nos deux chambres étaient nombreux et que le projet de directive pour améliorer les conditions de travail des personnes travaillant via une plateforme de travail numérique, présenté par la Commission européenne le 9 décembre dernier, est venu quelque peu bousculer nos travaux.
Une fois encore, le travail des rapporteurs, que je tiens d’ailleurs à féliciter et à remercier, a fait la preuve des bienfaits d’une démarche constructive et apaisée entre nos deux assemblés.
Ce texte était attendu. Il est en effet urgent, dans la lignée de la loi relative au travail et de la loi d’orientation des mobilités, de faire évoluer le cadre juridique qui gouverne les relations professionnelles entre les plateformes et les travailleurs indépendants, en particulier dans le secteur des voitures de transport avec chauffeur et dans celui de la livraison de marchandises.
Le développement exponentiel de ces plateformes et l’augmentation du nombre de travailleurs qui y ont recours appelaient en effet une réponse rapide. Seul un dialogue social renforcé est à même d’assurer à 50 000 travailleurs les droits et la souplesse que leur statut d’indépendant leur garantit.
L’ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation qu’il nous est proposé de ratifier est une pierre de plus que nous apportons à l’édification d’un cadre protecteur pour ces nouveaux travailleurs.
Cette ordonnance crée l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, un nouvel établissement public chargé de réguler les relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants. Elle prévoit également une élection nationale, à tour unique et par vote électronique, organisée afin de permettre aux travailleurs indépendants de désigner les organisations qui les représenteront. Ce scrutin aura lieu du 9 au 16 mai prochain. C’est un premier pas historique.
À l’article 1er, la commission mixte paritaire a jugé préférable de ne pas imposer aux travailleurs qui exercent une activité de conduite de VTC et de livraison de marchandises de choisir un secteur plutôt qu’un autre pour exercer leur droit de vote. Elle a estimé que cette solution présentait le risque de complexifier l’organisation des élections.
L’accord recentre par ailleurs la mission de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi sur la régulation du dialogue social, plutôt que sur celle des relations sociales.
Nous nous félicitons également qu’ait été réintroduit et affiné dans le texte le rôle de médiation de l’ARPE entre les plateformes et les représentants des travailleurs. Cette Autorité se voit également confier une mission d’expertise, d’analyse et de proposition concernant l’activité des plateformes et des travailleurs.
Conformément à la volonté du Sénat, qui jugeait ces dispositions prématurées, la commission a supprimé à l’article 2 les éléments de l’habilitation relatifs à l’organisation d’un dialogue social à l’échelon des plateformes pour ne conserver qu’un dialogue social de secteur.
Le Sénat et l’Assemblée nationale, attachés à encadrer davantage les futures dispositions relatives au champ de la négociation collective à l’échelle des secteurs, se sont par ailleurs entendus pour que l’habilitation définisse plus précisément les thèmes et la périodicité de cette négociation, sans qu’il soit nécessaire de conserver l’article 3.
Enfin, le texte soumis à notre approbation porte de six à neuf mois la durée de l’habilitation.
Mes chers collègues, il était crucial de finaliser le cadre de ce dialogue social au début de l’année 2022, afin que les premières élections des représentants des travailleurs des plateformes puissent avoir lieu dans les meilleures conditions.
Considérant le travail accompli par nos deux chambres, mais également le fait que ce projet de loi de ratification et d’habilitation est une étape indispensable, notre groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire.
M. Didier Rambaud applaudit.
La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. ( M. Jean-Pierre Decool applaudit.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2017, le verbe « ubériser » faisait son entrée dans nos dictionnaires, avec la définition suivante : « Déstabiliser et transformer, avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles technologies ». Depuis bien des années désormais, nous pouvons observer les conséquences de l’ubérisation de notre société.
Au départ, nous avons suivi la montée en puissance des VTC et le développement des premières applications. Depuis lors, les plateformes numériques se sont saisies de la livraison dans le domaine de la restauration. Elles connaissent un essor impressionnant depuis 2020 et le début de la pandémie que nous vivons toujours.
Toutefois, les transports et la nourriture ne sont pas les seuls secteurs économiques atteints par ce que l’on appelle « la plateformisation » du travail. Tous les jours fleurissent de nouveaux services. Il est donc juste de trouver un cadre juridique et social à la hauteur des enjeux, présents et à venir.
Notre économie évolue, certes, mais tout comme le marché de l’emploi. Ce n’est pas un secret : les entreprises peinent à recruter. Dans certains secteurs, c’est même dramatique.
En première lecture, nous avons déjà évoqué l’hétérogénéité des situations face à l’emploi, la différence entre l’emploi et l’activité, mais aussi la flexibilité que proposent les plateformes numériques, laquelle sous-tend le développement de ces nouvelles pratiques. Ces opportunités économiques correspondent aux évolutions de la société et aux nouvelles habitudes de vie.
Cependant, les risques de dérives existent ; ils sont même évidents. Il est donc impératif de créer des mécanismes de protection des travailleurs qui utilisent ces plateformes, qu’ils soient indépendants ou non. Un équilibre reste à trouver.
Ce projet de loi a le mérite de nous permettre d’aborder ce sujet majeur pour notre société et de nous interroger sur la meilleure façon de protéger les travailleurs indépendants.
Ce sujet est mondial. La Commission européenne a d’ailleurs publié le 9 décembre dernier une proposition de directive pour améliorer les conditions de travail des personnes travaillant via une plateforme de travail numérique.
Des axes forts y sont défendus sur le droit du travail et la protection sociale. Deux points méritent à mon sens notre attention : le statut professionnel et la transparence sur la gestion des algorithmes. Nous surveillerons les négociations entre les institutions européennes. Il est important d’avoir un cadre européen solide.
Quand l’heure de la transposition de la directive sera venue, nous devrons être prêts à discuter de ces sujets. J’espère que, d’ici là, nous aurons mis à profit le temps de la négociation pour entamer une réflexion profonde. Il reste tant à faire pour que l’utilisation de ces plateformes soit synonyme de protection pour les travailleurs indépendants qui y ont recours.
J’en viens au texte lui-même, et je salue le travail effectué par les deux chambres du Parlement.
Bien sûr, l’amélioration proposée par le Sénat à l’article 1er, qui vise à confier à l’ARPE la mission de réguler le dialogue social entre les travailleurs indépendants et les plateformes de l’ARPE, va dans le bon sens et clarifie le texte.
À l’article 2, je me félicite que les membres de la CMP se soient entendus sur la réduction à neuf mois du délai autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances. C’est un bon compromis, qui permettra une action rapide, même si, comme beaucoup ici, je regrette le choix de légiférer par voie d’ordonnances. J’aurais préféré que nous débattions plus longuement de ce sujet. Le Parlement a tout de même précisé et encadré certaines parties de l’habilitation.
Enfin, la suppression de l’article 3 adopté au Sénat est le signe que nous devons encore approfondir notre réflexion et notre travail.
Il est important d’apporter de la flexibilité au cadre que nous souhaitons mettre en place, car il doit pouvoir s’adapter aux évolutions encore nombreuses qui vont se matérialiser. De même, il est important de protéger les travailleurs indépendants en leur permettant d’avoir un dialogue et une relation équilibrés avec les plateformes, afin qu’ils puissent défendre leurs intérêts et obtenir des garanties collectives en fonction des secteurs.
Il faut aussi permettre la flexibilité que proposent ces plateformes numériques, tout en l’encadrant sérieusement pour éviter les abus.
Le travail qu’il nous reste à accomplir est donc immense, mais les premiers jalons sont posés, cela a été dit à plusieurs reprises. Pour cette raison, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les conclusions de la CMP.
MM. Jean-Pierre Decool et Marc Laménie applaudissent.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté vos remarques sur le projet de directive européenne. Le Gouvernement se félicite des avancées de la Commission européenne, qui visent elles aussi à renforcer les droits des travailleurs des plateformes, s’agissant notamment du management algorithmique, qui vient de nouveau d’être évoqué. Je vois que cette question tient à cœur à cette assemblée, comme du reste à l’Assemblée nationale.
Pour ma part, je suis convaincu que ces deux textes sont complémentaires. Ainsi, le projet de directive européenne fait place, lui aussi, à la négociation collective entre les plateformes et les travailleurs indépendants. Par ailleurs, cette directive prévoit la possibilité pour ces acteurs de conclure des accords.
Il y a donc bien une dynamique entre ces deux textes, celui que nous portons ici et celui de la Commission européenne, tous deux ayant les mêmes lignes directrices et visant à instaurer un dialogue social innovant.
Sur le fond, il est vrai que nous faisons face à des évolutions de la société – plusieurs d’entre vous l’ont dit – et à de nouvelles formes d’activités et d’emplois. Les aspirations à une forme de protection sociale sont légitimes, mais les aspirations à l’indépendance aussi. Ceux qui ont choisi cette forme d’activité souhaitent pouvoir s’organiser comme ils l’entendent.
Je pense que, avec ce texte et l’Autorité qu’il instaure, l’ARPE, nous innovons d’un point de vue social.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.
Pour conclure, madame la présidente, je tiens à remercier Mme le rapporteur, comme nombre d’entre vous l’ont déjà fait.
Ayant moi-même été dans une vie précédente rapporteur de l’Assemblée nationale pour des commissions mixtes paritaires, je sais quel travail cela représente de parvenir à un accord. Le travail ici a été bien fait et je vous en remercie, madame le rapporteur.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 91 :
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur (proposition n° 225, texte de la commission n° 368, rapport n° 367, avis n° 362).
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de cette proposition de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévue par notre règlement.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour examiner la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, laquelle a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, car elle offrira à nos compatriotes un véritable gain en matière de pouvoir d’achat.
La proposition de loi, telle qu’elle a été déposée, puis enrichie à l’Assemblée nationale, répond à deux objectifs essentiels, que le Gouvernement soutient.
D’une part, elle vise à garantir un libre choix aux Français et à leur permettre de changer à tout moment d’assurance, afin qu’ils bénéficient des meilleures garanties au meilleur tarif. Aujourd’hui, seuls 12 % des assurés sont couverts par un autre assureur que celui de leur banque prêteuse. Ce taux est parlant !
D’autre part, cette proposition de loi vise à réduire les discriminations d’accès des personnes atteintes ou ayant été atteintes d’une maladie de longue durée. C’est une question de justice sociale au regard des enjeux d’accès à la propriété.
Le marché de l’assurance emprunteur compte entre 20 millions et 25 millions de contrats actifs. Au cours de la dernière décennie, le législateur s’est penché à plusieurs reprises sur le sujet, afin que l’assurance emprunteur protège les assurés à un coût compétitif.
Les réformes qui se sont succédé depuis 2010 ont permis des avancées significatives. Le marché de l’assurance emprunteur pour le crédit immobilier s’est progressivement ouvert à la concurrence.
Je rappelle que, avant 2010, chacun devait adhérer au contrat de groupe qui pouvait lui être imposé par sa banque. Les emprunteurs ont depuis lors la possibilité de retenir l’assureur de leur choix, et ce choix n’est plus irrévocable. De plus, la possibilité de résilier son contrat est possible à tout moment jusqu’à douze mois après la signature de l’offre de prêt, puis à chaque échéance annuelle.
Ces réformes ont facilité le changement d’emprunteur et ont déjà offert des bénéfices substantiels aux consommateurs. Un bilan des précédentes réformes met en évidence un renforcement de la concurrence et ainsi une baisse de la tarification des contrats d’assurance emprunteur pour le plus grand nombre. Les chiffres sont là aussi éloquents : le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) fait état d’une baisse tarifaire de 20 % à 41 % pour tous les assurés depuis 2010.
Nous ne pouvons que nous en féliciter. Nous devons toutefois améliorer encore le dynamisme de ce marché et la protection du consommateur, au bénéfice de tous.
De nombreux acteurs, dont les associations de consommateurs, se font l’écho de difficultés concrètes rencontrées par nos concitoyens pour substituer le contrat proposé par la banque par un contrat alternatif, au travers d’une délégation d’assurance.
La possibilité de changer à tout moment son contrat d’assurance, qui, je le rappelle, fut soutenue par tous à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans le prolongement de réformes précédentes et constitue l’aboutissement cohérent d’une tendance de fond, poursuivie indépendamment des majorités.
Lors des dernières discussions, le Gouvernement avait rappelé la nécessité de traiter le sujet de la résiliation infra-annuelle de manière consensuelle au sein du CCSF, et je regrette qu’aucun consensus de place n’ait émergé.
Cette proposition de loi vient à point nommé. Elle est juste et protectrice du pouvoir d’achat des Français, un sujet qui est à l’ordre du jour. Comme nous l’avons fait dans d’autres domaines, nous entendons être au rendez-vous des attentes.
Le Gouvernement soutient donc les mesures permettant de rendre le dispositif de résiliation pleinement opérationnel : la transparence des décisions de refus de substitution d’assurance, la meilleure information des assurés, l’introduction d’un délai de production de l’avenant au contrat de crédit lors d’une substitution d’assurance, ou encore le renforcement des sanctions administratives à l’encontre des prêteurs et des assureurs aux pratiques dilatoires. Tout cela permettra de rapprocher le régime de ce type d’assurance de celui qui régit les autres contrats, comme les assurances auto et habitation, ou les complémentaires de santé.
J’évoquais le pouvoir d’achat ; pour un primo-accédant ayant emprunté, en moyenne, 234 000 euros à l’âge de 35 ans sur vingt-cinq ans, une telle mesure pourrait faire économiser sur la durée de son prêt entre 3 500 et 4 000 euros. Ce n’est pas rien.
Veillons à ce que cette mesure profite au plus grand nombre, sans porter atteinte aux mécanismes de mutualisation et de solidarité existant, au soutien des assurés les plus fragiles.
Le Gouvernement veille enfin, tout particulièrement, à l’effectivité de ces réformes menées au bénéfice de nos concitoyens. Il sera nécessaire de prévoir un bilan de la mise en œuvre de la résiliation infra-annuelle, par exemple un an ou deux ans après l’entrée en vigueur de la mesure.
J’ai naturellement examiné de près les travaux de la commission et je m’interroge : pourquoi avoir vidé de sa substance cette avancée ? En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez supprimé la possibilité de changer à tout moment de contrat d’assurance, alors même que vos collègues députés du groupe Les Républicains y étaient favorables.
Un certain nombre de candidats à l’élection primaire des Républicains portaient d’ailleurs cette mesure de bon sens, qui ne coûtera pas un seul euro à l’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. On crée du pouvoir d’achat et on ne crame même pas la caisse !
Sourires sur les travées du groupe RDPI.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
… investi intelligemment, pour soutenir les emplois dans ce secteur affecté par la crise pandémique.
La question est donc, non pas de savoir quel bord politique l’emporte dans ces débats, mais bien de faire en sorte que les consommateurs soient gagnants.
L’accession à la propriété représente beaucoup pour nos concitoyens ; elle est souvent l’objectif d’une vie et elle repose essentiellement sur le crédit immobilier, lequel est conditionné à la souscription d’une assurance emprunteur, qui elle-même peut parfois représenter parfois jusqu’à 30 % du coût total du crédit. C’est pourquoi il nous semble important de maintenir la rédaction initiale de la proposition de loi sur ce premier volet.
Le second pilier du texte est aussi très important. Il s’agit de permettre aux personnes en situation de risque aggravé de santé en raison d’une maladie ou d’un handicap de continuer à avoir accès à l’assurance emprunteur, donc à la propriété.
Je remercie, à ce titre, les parties prenantes de la convention Aeras (S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé). Cette convention, signée par les pouvoirs publics, les fédérations professionnelles de la banque, de l’assurance et de la mutualité et les associations de malades et de consommateurs, a pour objet d’élargir l’accès à l’assurance et à l’emprunt des personnes ayant ou ayant eu un problème de santé.
Leurs travaux ont permis de grandes avancées en 1991, en 2001, en 2007, en 2015, puis en 2016. Les dispositifs ont été régulièrement adaptés. Ainsi, le droit à l’oubli a été gravé dans le marbre en 2016, à l’occasion de la loi de modernisation de notre système de santé. La grille de référence Aeras offre également des possibilités plus larges d’accéder à l’assurance de prêts.
Ce cadre conventionnel est essentiel pour favoriser l’accès à l’assurance des plus fragiles, afin que les candidats à l’emprunt ne subissent pas une double peine, avec des refus, des exclusions de garanties et des surprimes importantes pour raisons de santé.
Il repose non sur l’occultation des situations personnelles, mais sur l’encadrement des pratiques à l’égard des plus fragiles. C’est le seul moyen efficace de garantir que les assureurs continuent d’assurer les plus fragiles dans des conditions raisonnables.
À l’inverse, supprimer le questionnaire, comme cela a été proposé à la majorité par la commission, risquerait d’entraîner, nous semble-t-il, un renchérissement massif des tarifs…
… et une suppression de la concurrence, car plus aucun assureur alternatif n’aurait de connaissance de ses assurés.
Méfions-nous des solutions de facilité qui sont séduisantes à première vue, mais qui sont susceptibles d’emporter l’effet inverse de celui que l’on recherche.
Nous avons opté depuis trente ans, toutes majorités confondues, pour un modèle qui repose sur la protection des plus vulnérables, en encadrant les pratiques et en intégrant tous les acteurs – banques, assureurs, associations – dans une convention de place. La collégialité des décisions relatives à l’évolution de la grille de référence Aeras et au dispositif du droit à l’oubli est indispensable. Ce modèle est d’ailleurs copié en Europe par d’autres États, que la France a inspirés.
Nous proposons aujourd’hui de renforcer encore ce régime ; la proposition de loi vise ainsi, notamment, à réduire autant que possible la durée de droit à l’oubli des anciens malades d’un cancer, qui est aujourd’hui de dix ans, et à augmenter le montant du plafond jusqu’auquel les modalités d’assurance des personnes malades sont encadrées, pour mieux les protéger. Nous visons ainsi 500 000 euros, au lieu de 320 000 euros aujourd’hui.
Vous l’avez compris, le Gouvernement soutient donc un retour à la résiliation infra-annuelle, ainsi qu’à l’ancienne rédaction de l’article 7 relatif à l’accès à l’assurance des plus fragiles, le tout au bénéfice de nos concitoyens, pour lesquels l’accession à la propriété constitue un droit essentiel.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, avant de vous présenter les travaux de la commission, je souhaite démentir un certain nombre de fausses informations, qui circulent dans le débat public, mais aussi en ce moment même dans l’hémicycle, au sujet de cette proposition de loi, et qui caricaturent inutilement les positions des uns et des autres.
Nous entendons souvent, par exemple, que cette proposition de loi permettrait enfin d’ouvrir à la concurrence ce marché, comme si elle allait le faire passer de l’ombre à la lumière, comme si ce marché était aujourd’hui fermé, comme si tout ce qu’avait voté le Sénat jusqu’à présent n’avait jamais existé.
Or c’est tout à fait faux. La concurrence existe déjà sur ce marché, et elle fonctionne bien. J’en veux pour preuve les conclusions du rapport du CCSF de 2020. Tout le monde s’inspire de ce travail, adopté par consensus entre les associations de consommateurs, les assurances et les banques, mais visiblement très peu de gens l’ont lu, ou alors ils l’ont fait en portant des verres déformants.
Permettez-moi de vous en citer plusieurs extraits.
Premièrement, « la part de contrats alternatifs dans les ventes d’assurance emprunteur progresse régulièrement pour atteindre 25, 5 % de la production annuelle ». En trois ans, les contrats alternatifs nés grâce à la concurrence se taillent donc déjà une part de marché de plus d’un quart du flux.
Deuxièmement, « les acteurs non bancaires de la délégation/substitution d’assurance – c’est-à-dire les assureurs alternatifs – ont connu une croissance de leur production en nombre de contrats – +46 % pour les assureurs et grossistes et +6 % pour les intermédiaires d’assurance –, à l’inverse des banques et bancassureurs, dont la production a reculé de 13 % environ ». Par conséquent, non seulement la concurrence fonctionne déjà, mais elle s’accélère !
Troisièmement, « l’un des effets majeurs des réformes et du développement de la concurrence observé sur le marché, au-delà de la multiplication des acteurs, est la baisse du prix de l’assurance emprunteur. » Au total, la baisse des tarifs a atteint 40 % depuis trois ans.
Mes chers collègues, des prix qui sont presque divisés par deux, 50 % de croissance pour les assureurs alternatifs et une part de marché d’un quart des nouveaux contrats : il me semble que nous sommes justement parvenus à instaurer une concurrence vertueuse sur ce marché, et nous pouvons en être fiers, car l’étape clé a été l’adoption de l’amendement Bourquin au Sénat.
Je souhaite d’ailleurs mettre fin, dès maintenant, à une présentation tout à fait trompeuse d’un chiffre déterminant, qui fait beaucoup parler de lui. On entend souvent dire que les bancassureurs ont conservé une part de marché de 85 %, ce qui apporterait la preuve que la concurrence ne fonctionnerait pas.
Or ce chiffre dit exactement l’inverse : les banques ont conservé 85 % du marché parce qu’elles ont baissé les tarifs sous la pression des concurrents dont nous avons permis l’entrée sur le marché ; elles ont conservé cette part de marché, car, face à cette pression, elles ont créé de nouveaux types de contrats, plus individualisés, notamment pour les profils sans risque. C’est très exactement ce que l’on attend de la concurrence.
En effet, le but de la concurrence n’est pas que tout le monde quitte Apple pour acheter chez Samsung, par exemple, mais que chacun ait le droit de le faire. Charge à Apple, ensuite, de rester attractif pour ses clients.
Le même raisonnement vaut ici. Il faut donc bien voir dans ce chiffre de 85 % la traduction concrète du succès de la concurrence. Les banques ont perdu des clients, mais elles en ont conservé d’autres, car elles n’ont eu d’autre choix que de baisser leurs tarifs.
Enfin, avant de vous présenter nos travaux, je souhaite revenir sur une autre fausse information qui circule : non, la résiliation à tout moment ne permettra pas de rendre entre 5 000 euros et 15 000 euros aux consommateurs.
Non, monsieur le ministre, elle ne permettra pas 550 millions d’euros d’économies par an. Ces chiffres sont considérablement surévalués, gonflés artificiellement pour impressionner, mais ils sont faux. Soit leurs hypothèses sous-jacentes ne sont jamais explicitées, soit il s’agit de configurations très rares.
Monsieur le ministre délégué, quels sont les vrais chiffres ? La direction générale du Trésor, qui relève du ministère de l’économie et qui soutient la proposition de loi, estime que le gain est en moyenne de 1 300 euros sur dix ans. Ce n’est pas rien, mais cela n’a strictement rien à voir avec les montants que certains martèlent dans le débat public, sans aucun fondement.
La question est la suivante : cette mesure va-t-elle entraîner des gains de pouvoir d’achat, tout en étant sans risque ? La réponse que nos deux commissions ont apportée est la suivante : tout porte à croire qu’elle n’aura quasiment pas d’effet positif, mais qu’elle comporte des risques majeurs que nous devons à tout prix éviter, car le jeu n’en vaut pas la chandelle. Je le répète, il ne faut pas croire aux économies de centaines de millions d’euros qui sont brandies pour impressionner.
Mes chers collègues, j’en conviens, la résiliation à tout moment est un concept qui a l’air séduisant, qui a l’apparence du bon sens, mais nos deux commissions, après des travaux poussés, ont constaté qu’il n’en était en réalité rien.
Nous considérons en effet que les avantages de cette mesure sont très faibles. Les assurés peuvent déjà résilier une fois par an, et les profils que cela intéresse l’ont déjà fait. Pour ceux qui ne l’ont pas fait, le problème ne réside pas dans ce délai de deux mois à respecter. Ils ne l’ont pas fait, car leur banquier leur a fait une contre-offre alléchante, car ils ne souhaitent pas le faire, ou encore, car ils ignorent qu’ils en ont le droit.
Résilier sur douze mois au lieu de deux ne va pas soudainement libérer des millions de gens : cela fait trois ans que ceux-ci ne sont plus prisonniers et que les profils sans risque qui font des économies en résiliant sont souvent des cadres, qui sont au courant de leurs droits et qui n’ont pas besoin de la loi pour savoir qu’ils peuvent partir.
Soit vous bénéficiez de la résiliation, et cette loi ne change rien pour vous ; soit vous gagnez en résiliant, et cette loi est donc inutile.
Si une mesure ne présente pas d’avantage, pourquoi ne pas tenter l’essai et la voter tout de même, me direz-vous ? Parce que, en revanche, elle comporte de sérieux risques, qui sont très inquiétants.
Les tarifs des plus de 55 ans ont déjà augmenté jusqu’à 33 % en trois ans. C’est peut-être cynique, mais c’est ainsi que cela se passe : les banques anticipent le flux et compensent leurs marges en exigeant des tarifs plus élevés sur tous ceux qui ne peuvent pas jouir de la concurrence, c’est-à-dire les profils au-delà de 45 ans ou de 50 ans, ou les publics fragiles, ou les ouvriers, les employés, etc. C’est cela qui est passé sous silence dans le débat public. Personne n’en parle, alors qu’il s’agit d’un fait majeur.
S’il n’y avait pas de concurrence sur le marché, je vous proposerais évidemment de voter la mesure, mais comme nous avons atteint un équilibre satisfaisant, qui fonctionne, il me semble qu’il ne faut surtout pas le fragiliser pour rien. Les gains sont minimes, voire inexistants, mais les risques sont certains et déjà observables.
Nous avons donc préféré conserver l’équilibre actuel et renforcer grandement les obligations d’information des prêteurs et des assureurs. Votre rédaction ne prévoit en effet aucune mesure de ce type, monsieur le ministre délégué. Quel est l’intérêt de pouvoir résilier à tout moment si vous ne le dites pas ? Nous proposons d’informer, de mettre en place un cadre bien établi pour permettre aux assurés de prendre leur décision tous les ans.
Un autre point nous pose problème. Nous n’oublions pas, monsieur le ministre, que votre gouvernement, il y a à peine un an – j’étais déjà rapporteur –, employait à l’Assemblée nationale les mêmes mots que moi pour refuser cette mesure.
Mais il y a eu un accord en commission mixte paritaire, qui a donné lieu à un vote positif !
Depuis lors, que s’est-il passé ? Le rapport du CCSF est paru, qui confirme absolument tout ce que je viens de vous dire. Pourtant, le Gouvernement a changé de position. C’est à ne plus rien y comprendre !
Ces sujets, mes chers collègues, restent de faible importance, au regard des avancées inédites que nous avons actées en commission s’agissant du questionnaire médical.
Je suis sûr que nous connaissons tous ici des personnes qui ont été frappées par la maladie et qui se sentent empêchées d’élaborer un projet de vie, car on leur refuse l’accès à la propriété, ou alors on le leur consent à des tarifs prohibitifs. Cette situation est injuste et déshumanisante, d’autant plus qu’elle frappe également les personnes guéries.
Comment, dès lors, se reconstruire et tourner la page si vous êtes constamment ramené à votre maladie, alors même que vous avez triomphé d’un combat long et douloureux ? Pourquoi exiger des surprimes pour le diabète, pour le cholestérol ou pour le VIH, alors que l’espérance de vie des personnes concernées est la même que pour les autres ? Combien de jeunes sont ainsi empêchés de mener une vie normale, d’accéder à la propriété, de se projeter dans l’avenir ?
Nous avons donc supprimé le questionnaire médical pour un grand nombre de prêts immobiliers, dans une logique de justice et d’égalité. J’ai conscience qu’il faut aller encore plus loin et je vous proposerai des amendements en ce sens dans quelques minutes, notamment pour réduire le délai du droit à l’oubli et pour augmenter le plafond de prêt.
Je tiens à le souligner, mes chers collègues, il s’agit d’une avancée inédite, historique, pour les personnes malades ou qui l’ont été ; il s’agit d’une mesure de solidarité importante, qui facilitera la vie de millions de nos concitoyens et qui renforcera la cohésion et le vivre ensemble dans ce pays. Enfin, je remercie notre ancien collègue Laurent Béteille, qui m’a beaucoup aidé dans ces travaux.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis de cette proposition de loi. J’ai conduit mes travaux en plein accord avec Daniel Gremillet, rapporteur au fond, et nos deux commissions ont adopté des amendements identiques, qui sont désormais intégrés au texte que nous examinons aujourd’hui.
Les éléments de la proposition de loi ont déjà été exposés par le rapporteur au fond. Pour ma part, je suis parti du principe selon lequel un système d’assurance a vocation à permettre une solidarité entre assurés et ne doit pas oublier les plus fragiles au profit exclusif de ce que les assureurs appellent les « bons risques ».
C’est pourquoi nous avons proposé une mesure ambitieuse : la suppression du questionnaire médical, afin de permettre aux profils les plus risqués d’accéder à la propriété sans devoir attendre des années pour bénéficier du droit à l’oubli.
Le Gouvernement s’oppose, étrangement, à cette suppression, pour des raisons difficiles à comprendre. Le questionnaire de santé conduit, en effet, à appliquer des surprimes, qui n’ont parfois plus de lien avec le risque réel sur l’espérance de vie, compte tenu des progrès médicaux.
Dans le dispositif que nous proposons, les prêts concernés seraient remboursés au plus tard à 65 ans, c’est-à-dire à un âge où le risque de décès ou d’invalidité reste encore limité, puisque l’on a encore une vingtaine d’années d’espérance de vie. Les assureurs seront donc toujours en mesure de répartir les risques entre les assurés. Le montant des primes pourra être déterminé par d’autres critères que le questionnaire de santé, tels que l’âge, la profession, le montant emprunté ou la localisation du bien acquis.
En outre, les données médicales manquent souvent pour donner un fondement objectif aux surprimes. Pour les emprunteurs porteurs du VIH, la surprime appliquée à la garantie décès peut s’élever jusqu’à 100 %, alors que leur espérance de vie est désormais semblable à celle des personnes non porteuses.
Au total, le questionnaire médical s’apparente à un révélateur de risques très perfectible. Il est donc naturel de le supprimer pour la plupart des emprunteurs. Peut-être le montant maximal de 200 000 euros ou le seuil d’âge de 65 ans doivent-ils être discutés ; nous le ferons.
Nous devons en débattre, de manière que le Sénat, une nouvelle fois, fasse progresser le système de l’assurance emprunteur au bénéfice de tous, de manière plus volontariste que la simple incitation à négocier qui figurait dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.
L’autre nécessité est de faciliter l’exercice du droit de résiliation. Disons-le encore, ce droit existe, et la concurrence est déjà réelle sur le marché de l’assurance emprunteur. Un quart des contrats d’assurance emprunteur sont aujourd’hui des contrats alternatifs, grâce aux évolutions législatives survenues depuis dix ans.
Le prix de l’assurance emprunteur a baissé pour toutes les catégories, selon le CCSF, sauf, semble-t-il, pour les plus de 55 ans. Ce dernier point doit nous alerter, car, quoi qu’en disent certains acteurs, il existe un vrai danger qu’une généralisation des contrats alternatifs ne conduise à une moindre mutualisation des risques entre assurés.
Avec la résiliation à tout moment, on peut craindre que « la péréquation entre “bons risques” et “mauvais risques”, mécanisme naturel dans une assurance, ne se [fasse] plus » : je cite ici les propos du Gouvernement, représenté par Mme Agnès Pannier-Runacher devant l’Assemblée nationale, le 2 octobre 2020. La position prise aujourd’hui par le Gouvernement me laisse donc perplexe.
Je me permets d’ailleurs de relever le malaise que nous avons perçu lors des auditions de votre administration, monsieur le ministre, à propos d’un texte sans doute vite rédigé, peut-être bâclé. Ce malaise était partagé également par la fédération France Assureurs, laquelle semble déchirée sur ce sujet, qui n’est pas aussi simple qu’on semble le dire.
La concurrence est d’ores et déjà ouverte pour les bons profils, qui peuvent l’exercer tous les ans, c’est-à-dire très souvent à l’échelle d’un prêt immobilier de vingt ou vingt-cinq ans. Nous devons nous préoccuper des plus fragiles.
Je crains aussi que la résiliation à tout moment n’aboutisse à une multiplication des actions de démarchage, alors même que les démarcheurs en assurance ne suivent pas toujours les bonnes pratiques, comme le rappelle un rapport récent du CCSF. Souhaitons-nous que les Français soient démarchés et harcelés ? Je n’en suis pas certain.
Nous avons donc proposé de revenir au compromis de la loi ASAP, c’est-à-dire d’accélération et de simplification de l’action publique, compromis voté par les deux assemblées. La date de résiliation sera parfaitement claire et connue des emprunteurs, car ceux-ci seront informés chaque année de leur droit de résiliation, comme l’a prévu la commission des affaires économiques.
Le texte de la proposition de loi, tel qu’il a été enrichi par l’examen en commission, permettra ainsi de réduire très fortement les risques de manœuvres dilatoires de la part des prêteurs.
Nous avons l’occasion de supprimer les injustices dont certains font l’objet en fonction de leur état de santé et de préserver un bon niveau de mutualisation. Nous sommes contre la dérégulation, monsieur le ministre, et nous sommes favorables à la mutualisation. Tel est mon état d’esprit et la position qui a été prise par la commission des finances.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ordre d’examen des amendements déposés sur cette proposition de loi a pour conséquence de nous contraindre à examiner les amendements visant à modifier l’intitulé du titre Ier avant ceux qui tendent à en modifier le contenu.
Si cela peut se comprendre d’un point de vue chronologique, la clarté des débats gagnerait à ce que nous débattions d’abord des amendements déposés sur les articles, que nous les votions et que nous passions ensuite aux amendements visant à modifier l’intitulé du titre.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques sollicite la réserve de l’examen des amendements n° 14, 25 rectifié et 32 après le vote des amendements portant sur l’article 6 et avant la discussion du titre II de la proposition de loi.
Je suis donc saisie d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen des amendements n° 14, 25 rectifié et 32 après l’article 6.
Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la réserve est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Salmon.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur. Ce sujet a été maintes fois abordé ces dernières années, certes, mais il est important pour le pouvoir d’achat des Français et pour tous ceux qui s’engagent dans un contrat de prêt avec une banque.
Plusieurs textes ont défendu le libre choix du consommateur et prévu des mesures pour accroître la transparence du marché : la loi de 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite Lagarde, la loi de 2014 relative à la consommation, dite Hamon, ou encore la proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur, présentée par Martial Bourquin et adoptée à l’unanimité au Sénat en 2019.
Cependant, 87, 5 % des contrats d’assurance sont encore détenus par des bancassureurs. Malgré sa libéralisation formelle, le marché de l’assurance emprunteur reste donc, dans les faits, un quasi-monopole bancaire.
Le groupe écologiste soutenait l’esprit du texte initial, qui cherchait à rendre l’assurance emprunteur moins lourde pour les Français et à leur permettre d’accéder à la propriété dans de meilleures conditions, de renégocier l’assurance associée à leur emprunt ou de résilier leur contrat quand ils le souhaitaient, de manière à obtenir le taux d’assurance le plus favorable possible.
En ce sens, la disposition phare du texte initial, à l’article 1er, permettait de répondre en partie à ces problématiques, en ouvrant la possibilité de résilier sans frais et à tout moment les contrats d’assurance emprunteur pour des crédits immobiliers, et en imposant plus de transparence aux banques. Cette mesure bienvenue fut adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
Pourtant, les modifications adoptées en commission mettent un coup d’arrêt à ce consensus en revenant au dispositif actuel de résiliation annuelle, réduisant quasiment à néant la portée de la proposition de loi.
Sauf à répondre pleinement aux lobbies bancaires, nous ne comprenons pas cette volonté d’en rester à un statu quo, qui maintient un secteur bancaire en situation de quasi-monopole, avec 87, 5 % du marché.
Dans le même temps, 56 % des demandes de résiliation n’aboutissent pas. La situation actuelle ne fonctionne donc pas !
Le risque mis en avant par les établissements bancaires quant au danger d’une démutualisation de l’assurance emprunteur nous paraît très largement exagéré : ces contrats sont tous extrêmement rentables, ce qui écarte de fait l’hypothèse que certains risques ne soient plus assurables avec la résiliation à tout moment.
La crainte d’une augmentation généralisée des cotisations des assurés à risques n’est pas avérée, dans la mesure où, comme le relève le rapport du CCSF de 2020, les assureurs alternatifs disposent déjà de parts de marché significativement plus importantes auprès de ces publics.
C’est pourquoi nous proposerons des amendements visant à restaurer la rédaction issue des débats à l’Assemblée nationale, afin d’obliger les banques à proposer des offres aussi compétitives que les compagnies d’assurances.
Si nous nous opposerons à cet article 1er totalement dénaturé, nous soutiendrons cependant les mesures qui tendent à renforcer globalement l’information des consommateurs et à lutter contre les manœuvres dilatoires des banques.
En ce sens, nous soutenons l’information annuelle relative au droit au changement d’assurance emprunteur. Nous proposerons également, par amendement, l’augmentation des sanctions administratives en cas de manquement aux obligations de transparence relatives au droit de résiliation.
Concernant le second volet du texte, qui tend à faciliter l’accès à l’emprunt et à l’assurance emprunteur des personnes ayant été atteintes de pathologie de longue durée, nous sommes, bien sûr, favorables à toute disposition allant vers une évolution du droit à l’oubli et vers une meilleure prise en compte des personnes atteintes de maladies graves, qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés pour trouver une assurance.
Nous souscrivons également à la suppression du questionnaire médical, décidée en commission, car ce document est insuffisamment encadré aujourd’hui. Cela facilitera l’accès à la propriété des profils considérés comme les plus risqués.
Ces quelques avancées ne sauraient toutefois offrir une réponse à la hauteur de l’enjeu que constitue une réelle dynamisation de la concurrence, qui serait profitable aux consommateurs. Il s’agit là, sans l’ombre d’un doute, de la seule forme de libéralisation économique que nous aurons soutenue durant cette mandature.
En conclusion, si les mesures initiales de ce texte devaient entraîner un transfert de revenus non négligeable des banques vers les emprunteurs et vers les assurances, et participer ainsi à la lutte contre les rentes bancaires, nous regrettons fortement, vous l’aurez compris, mes chers collègues, que le texte issu de la commission y mette un coup d’arrêt.
Nous nous abstiendrons donc sur cette proposition de loi.
M. Guillaume Gontard applaudit.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques, pour un rappel au règlement.
Je veux, à cet instant, faire un rappel au règlement pour répondre à notre collègue qui vient de s’exprimer.
Mon cher collègue, dans cet hémicycle, nous avons tout loisir de débattre, argument contre argument, donnée contre donnée. Je ne laisserai pas dire qu’un rapporteur ou un groupe politique se laisse influencer par les lobbies.
Vous avez pu assister à l’ensemble des auditions qui ont été conduites par le rapporteur – tous les membres de la commission y avaient accès. Vos propos sont donc tout à fait inadéquats.
Je tiens à rappeler, cordialement, mais très fermement, que, dans cette assemblée, nous ne travaillons pas pour les lobbies. Vous-même, vous avancez des chiffres dont on pourrait estimer qu’ils proviennent des lobbies.
Évitons de nous lancer ce genre d’invectives à la figure : c’est contre-productif pour la démocratie.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame la présidente.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fabien Gay.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte qui porte sur l’accès au marché de l’assurance emprunteur.
En somme, mes chers collègues, nous débattons pour tenter de rationaliser le capitalisme, ce qui n’est pas la tasse de thé du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, vous en conviendrez. §Par des pratiques dilatoires, le capitalisme refuse l’un de ses principes pourtant constitutifs, la concurrence libre et surtout non faussée.
En effet, en matière d’assurances emprunteur, les établissements bancaires s’arrogent la part du roi, soit 88 % d’un marché colossal de 7 milliards d’euros. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à s’adonner à des entraves à la concurrence par des procédés bien connus, comme le manque de clarté des documents précontractuels, des délais prévus au plus court entre la remise des documents et la signature de l’offre, une faible marge sur le crédit au profit de l’assurance pour attirer des emprunteurs ou encore des entraves à la résiliation.
Le capitalisme de marché rejette donc la notion même de concurrence, qu’il se plaît à appliquer à tous les autres dès qu’une activité lui échappe. Nous voilà donc face à un paradoxe : doit-on réintroduire du libéralisme afin de prémunir les emprunteurs des pratiques détestables auxquelles se livrent certains acteurs du secteur ? Avant de répondre, je m’autorise un petit détour historique.
L’histoire de la collectivisation des risques individuels est intrinsèquement associée au mutualisme. Elle s’est construite en s’opposant au principe d’une relation contractuelle fondée sur le « chacun paye selon ses risques ».
Au XIXe siècle, les sociétés de secours mutuels, avant tout ouvrières, se fondaient sur un lien d’association, une logique d’entraide réciproque qui allait à l’encontre de la logique d’équivalent, le donnant-donnant, propre à l’idéologie marchande. Ce lien concret se manifestait tant dans l’espace public qu’au travail ou dans la sphère privée : veillée des malades et des morts, soins aux veuves ou aux orphelins. L’assurance commerciale était alors rejetée par les milieux populaires.
Progressivement, l’entraide et les logiques mutualistes du quotidien ont cependant cédé le pas à la marchandisation et la bureaucratisation, en dissociant l’économique et le social.
Aujourd’hui, quel est le niveau de mutualisme et de collectivisation des risques en matière d’assurance emprunteur ? Il est quasiment inexistant. Il a fallu créer une convention Aeras pour forcer gentiment la main aux assureurs en tout genre, afin qu’ils mutualisent les risques ou plutôt qu’ils s’accordent sur des pratiques communes.
Ainsi, sur le millier de cas dit de troisième niveau, c’est-à-dire les personnes les plus à risques du fait de leur état de santé, les assureurs alternatifs en assument 40 %, alors qu’elles ne représentent que 12 % du marché. Les profils à risques sont donc délaissés par les établissements bancaires qui préfèrent choisir les « bons risques », tout en se délestant de ceux qui leur feraient l’affront de tomber malades ou de l’être déjà.
Nous proposerons donc un amendement visant à ce que tout individu puisse bénéficier d’un taux fixe pour les garanties décès et invalidité.
Je réponds maintenant à ma question initiale sur la libéralisation du marché pour améliorer la concurrence. Il faut en effet le libéraliser, faute de mieux, c’est-à-dire à défaut de pouvoir fixer des prix uniques, comme c’était le cas auparavant, selon des critères non intrusifs et objectivables.
Faute de mieux, il faudra mettre fin au cartel bancaire en situation de quasi-monopole, qui bénéficie d’avantages disproportionnés et fixe les conditions du marché.
Faute de mieux, car des individus se voient encore appliquer des surprimes de plusieurs dizaines de milliers d’euros et doivent pouvoir se libérer du joug de ce vol caractérisé.
Faute de mieux, car 68 % des primes reçues ne sont à ce jour pas décaissés. La lucrativité de cette activité n’est plus à démontrer.
Certes, le texte comporte quelques avancées, notamment l’amélioration de l’information. Cependant, la commission en a démantelé le principal dispositif, à savoir la possibilité de supprimer son assurance à tout moment et non plus seulement la première année, puis à date anniversaire. Cette disposition aurait selon nous favorisé les personnes les moins informées, celles qui n’ont pas négocié avant d’emprunter, celles qui ont subi les prix les plus élevés et les conditions de garantie les plus faibles, celles qui ont eu peur de ne pas pouvoir emprunter, celles enfin qui ne sont pas des fins connaisseurs du secteur de l’assurance.
Nous présenterons un certain nombre d’amendements et nous en débattrons. Mes chers collègues, nous déterminerons notre vote selon le sort que vous leur réserverez.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’achat d’une résidence principale constitue un objectif de vie pour une très grande majorité de Français. En effet, d’après un sondage Harris du mois de décembre 2021, ils sont 76 % à considérer qu’il faut être propriétaire avant la retraite. C’est un objectif stable dans le temps, car il est rassurant, notamment dans la perspective de cette période de retraite.
Malgré la crise, cette volonté n’a pas faibli. Elle a simplement évolué et le type de logement recherché a changé : désormais, les Français sont 55 % à privilégier les espaces extérieurs et 52 % la taille du logement.
En outre, l’immobilier reste une valeur refuge pour l’investissement. Selon un autre sondage du mois de septembre 2021, les trois quarts des Français aimeraient investir dans le locatif. Ils sont même 11 % à considérer que la crise sanitaire a renforcé leur intérêt pour l’investissement immobilier.
Cette situation nous conduit à envisager l’achat immobilier comme étant au cœur des préoccupations quotidiennes des Français. Par conséquent, les conditions d’obtention d’un prêt, notamment les dispositifs d’assurance emprunteur immobilier, doivent nous mobiliser.
Le Parlement, en particulier le Sénat, s’est régulièrement intéressé à ce sujet. Depuis dix ans, les conditions d’obtention et d’assurance des prêts immobiliers ont largement évolué. C’était nécessaire.
À chaque étape, l’ensemble des acteurs – les banques, les assurances et surtout les consommateurs – se sont emparés des évolutions permises par la loi Lagarde, la loi Hamon, l’amendement Bourquin. À chaque fois, les objectifs de ces réformes allaient dans le même sens : améliorer la transparence des processus pour les consommateurs, réduire les coûts d’emprunt en ouvrant le marché, en particulier assurantiel, tout en garantissant la qualité des emprunts et des assurances.
Cette concurrence entre les banques et les assurances a-t-elle abouti ? Certains considèrent que ce n’est pas le cas, d’autres que nous sommes arrivés à un équilibre absolu. La vérité est sans doute entre les deux. Toutefois, malgré le riche rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), nous manquons de données tout à fait objectives, stables et utilisables pour en juger. C’est d’ailleurs l’une des premières critiques que nous pourrions adresser au secteur de l’assurance emprunteur.
Alors que nous examinons la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, il ne s’agit pas de distribuer les bons et les mauvais points ni d’avantager les uns ou les autres.
Pour améliorer les droits des consommateurs, la boussole du groupe Union Centriste a été de cerner les difficultés auxquelles les emprunteurs étaient confrontés et de chercher à les résoudre sans déstabiliser l’équilibre de l’investissement immobilier.
Nous sommes arrivés à la conclusion que le rythme de résiliation d’une assurance n’était pas le cœur du problème. À ce jour, la résiliation est possible, de manière infra-annuelle au cours de la première année, puis une fois par an pendant toute la durée du prêt. Cette réforme n’a que quatre ans, dont deux de crise sanitaire ; il est donc difficile de se prononcer sur son efficacité.
En revanche, nous avons très clairement identifié certaines difficultés pour les emprunteurs : manque de transparence des dispositifs existants et des décisions des banques, faiblesse de l’information du consommateur, freins dans l’accompagnement des publics les plus fragiles.
Sur ces trois axes, nous saluons le travail réalisé par les deux rapporteurs et par la commission saisie au fond pour clarifier la notion de date d’échéance, obliger les banques à informer l’emprunteur de son droit à résiliation annuelle, à justifier complètement les motifs des refus qu’elles opposent et à informer le public du coût de l’assurance sur une durée de huit ans.
Enfin, la disposition qui a été introduite pour supprimer le questionnaire médical est bienvenue. Il s’agit là, à mon avis, d’une véritable mesure d’accompagnement social, car ce questionnaire était à l’origine d’inégalités fortes entre les consommateurs.
Grâce à toutes ces dispositions, même sans la résiliation infra-annuelle, le texte sort renforcé de nos travaux, au profit des consommateurs. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, telle qu’elle résulte de l’équilibre trouvé en commission.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, l’assurance emprunteur n’est pas un sujet nouveau au Parlement, encore moins dans cet hémicycle. Le marché de l’assurance emprunteur concerne des millions de Français, sur tout le territoire. Bien que la souscription d’une assurance ne soit pas juridiquement obligatoire, elle est très courante lors de l’octroi d’un prêt immobilier.
Cela peut se comprendre, compte tenu des sommes engagées – elles représentent souvent l’investissement de toute une vie – et de la durée du prêt, vingt ans en moyenne.
À la suite de mes collègues, je salue les avancées réalisées depuis plus de dix ans, de la loi Lagarde en 2010, jusqu’à la loi Sapin II en 2017, en passant par la loi Hamon en 2014. C’est un processus long. Les marges de manœuvre des emprunteurs se sont significativement accrues ces dernières années, même si le manque d’information des consommateurs sur leurs droits et certaines mauvaises pratiques persistent.
La proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans ce mouvement de renforcement des prérogatives des emprunteurs face aux assureurs. Elle prévoit la possibilité de résilier, non pas une fois par an, mais à tout moment, tout contrat d’assurance emprunteur. Telle qu’elle a été adoptée à la quasi-unanimité par les députés, elle pourrait marquer un renforcement significatif des droits des emprunteurs.
Toutefois, le travail accompli par la commission des affaires économiques, la semaine dernière, est venu nuancer ce résultat.
Je salue tout d’abord les améliorations apportées par rapport au texte de l’Assemblée nationale. L’obligation de motiver un refus de substitution a été renforcée, puisqu’il faut désormais donner l’intégralité des motifs, conformément à une demande formulée par les députés. L’obligation d’informer sur le coût de l’assurance sur une durée minimale de huit ans, adoptée en commission à l’Assemblée nationale, puis supprimée, a été réintroduite.
Notre commission a également prévu l’interdiction pour le prêteur de modifier les modalités d’amortissement du prêt. Enfin, dernière modification, et non des moindres, elle a supprimé, sous certaines conditions, le questionnaire médical.
Aussi, je comprends mal la décision du rapporteur de réécrire l’article 1er de la proposition de loi, en le vidant de l’essentiel de sa substance. Le risque de « démutualisation » qu’il invoque ne paraît pas convaincant, puisque les profils jugés à risque se voient déjà appliquer des surprimes et des exclusions de garantie non négligeables.
C’est pourquoi le groupe RDSE présentera une série d’amendements visant à rétablir la faculté de résiliation à tout moment.
Nous souhaitons également garantir davantage encore la protection des emprunteurs, en rehaussant le plafond de suppression du questionnaire médical pour mieux tenir compte de la réalité des prix de l’immobilier, notamment en région parisienne et dans les grandes agglomérations. Nous voulons enfin renforcer le droit à l’oubli pour les personnes atteintes d’affections comme le cancer ou le VIH, pour lesquelles les restrictions en vigueur n’apparaissent plus forcément justifiées au regard des progrès de la médecine.
Au-delà des dispositions que nous allons examiner, il faudrait élargir notre réflexion en la faisant porter sur le fonctionnement actuel du marché immobilier.
Les dépenses en matière de logement représentent, en moyenne, un tiers des revenus chez les locataires et les propriétaires primo-accédants. Longtemps considérées comme à l’abri de la hausse des prix parisiens, de plus en plus de grandes villes et de périphéries voient le prix du foncier augmenter. Le phénomène s’est accentué depuis les confinements successifs liés à la pandémie. Les différentes mesures prises pour limiter la hausse des loyers et favoriser l’accès à un logement de qualité peinent à porter pleinement leurs fruits.
Les territoires ruraux souffrent quant à eux de l’absence de foncier et de la difficile reconquête des centres-villes anciens, dont les logements ne correspondent pas aux standards actuels.
Au moment où le pouvoir d’achat s’impose comme un thème majeur de la campagne présidentielle, l’accès au logement et à la propriété à un prix raisonnable doit donc rester l’une de nos priorités.
En conclusion, les membres du groupe RDSE soutiennent majoritairement le rétablissement de la possibilité de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur.
Mme Guylène Pantel. Ils réservent leur vote, attendant de connaître le sort que recevront leurs amendements.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, souscrire un prêt immobilier est un acte important dans une vie. Il engage l’emprunteur pour de longues années. Afin de garantir le remboursement en cas d’accident de la vie, un contrat d’assurance est alors signé, le plus souvent, avec l’organisme prêteur.
Depuis 2014, les emprunteurs peuvent résilier ce premier contrat d’assurance et en choisir un autre, sur le marché, qui viendra en substitution à condition qu’il y ait équivalence de garantie. La loi Hamon du 26 juillet 2014 a permis la résiliation à tout moment, pendant la première année, et l’amendement Bourquin de la loi du 22 février 2017 la permet à chaque date anniversaire du contrat. C’est en nous inscrivant dans ces pas que nous souhaitons compléter les dispositions déjà adoptées par le Parlement.
Il s’agit, en effet, d’assurer une meilleure information de l’emprunteur, d’empêcher les mauvaises pratiques de certains organismes prêteurs, enfin de garantir l’accès au crédit de certaines catégories de personnes qui en sont exclues, au prétexte qu’elles ont souffert de pathologies, dans le passé.
L’ouverture à la concurrence du marché de l’assurance emprunteur s’est révélée vertueuse. Elle a entraîné une diminution des prix de l’ordre de 40 % au profit des emprunteurs, sans baisse de garanties. La part des contrats dits alternatifs représente désormais 25 % de l’ensemble de ce marché, qui pèse en France près de 10 milliards d’euros et dont le secteur bancaire continue cependant de capter près de 85 %.
Notre volonté est d’améliorer l’information des consommateurs. Aujourd’hui encore, certains emprunteurs ignorent parfois jusqu’à l’existence même du droit à résiliation. Il est par ailleurs nécessaire de faciliter la résiliation en limitant les diverses pratiques dilatoires des prêteurs.
Ces pratiques s’opposent, de fait, à la volonté continue du législateur, en dépit des rappels à l’ordre de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et des interventions du CCSF. Nous proposons donc de clarifier et de simplifier cette procédure.
En premier lieu, il faudra renforcer l’information des emprunteurs. En début de contrat, l’emprunteur devra être informé non seulement du coût total de l’assurance, mais aussi de son coût sur une durée de huit ans, soit la durée moyenne d’un prêt. Tel est l’objet de l’un des amendements que nous vous proposerons.
En cours de contrat, les assureurs seront soumis à une obligation d’information annuelle, de sorte que chaque assuré connaîtra la possibilité qu’il a de résilier son contrat, les démarches à accomplir et les délais à respecter.
Une ambiguïté demeurait sur la date d’échéance. Il sera désormais entendu que celle-ci correspond soit à la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt, soit à une autre date d’échéance prévue au contrat, au choix de l’emprunteur. Cette date sera obligatoirement notifiée à l’emprunteur par le prêteur.
En second lieu, il est essentiel de mettre fin aux pratiques dilatoires des banques visant à empêcher la résiliation. L’article 2 renforce l’effectivité du droit de résiliation en encadrant strictement les motivations de refus de substitution d’assurance. L’article 4, quant à lui, encadre plus précisément le délai d’émission de l’avenant.
Pour que ces nouvelles dispositions soient observées, il importe que le contrôle administratif soit plus effectif et que les sanctions en cas de manquement soient sensiblement plus fortes. Dans le texte que nous examinons, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’ACPR sont chargées d’effectuer ce contrôle et de sanctionner plus fortement les contrevenants, l’amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros par infraction pour une personne morale. Elles auront, en outre, la possibilité de rendre publiques leurs décisions de sanction, ce qui aura sans aucun doute un caractère dissuasif.
Il sera bien entendu nécessaire de renforcer les moyens de ces autorités de contrôle, en particulier ceux de la DGCCRF, pour que ces contrôles soient effectifs. Le législateur que nous sommes doit veiller à la réalité de l’application des lois et à l’effectivité du droit.
Enfin, l’emprunt s’apparente souvent à un parcours semé d’embûches pour les personnes qui ont souffert ou qui souffrent de pathologies. Elles doivent remplir des questionnaires médicaux intrusifs et sont soumises à des surprimes excessives et souvent non justifiées.
La convention Aeras est imparfaite. Il nous semble nécessaire d’élargir aux pathologies chroniques le champ des pathologies susceptibles d’être couvertes. Alors que la médecine progresse de manière significative, nous souhaitons également un droit à l’oubli sensiblement raccourci, de dix à cinq ans. Enfin, nous proposons que le questionnaire médical soit purement et simplement supprimé pour les prêts immobiliers inférieurs à 500 000 euros, si le signataire à moins de 62 ans.
Ainsi modifiée par notre assemblée, cette proposition de loi rendra effectif le droit à résiliation. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, elle constitue surtout une avancée historique qui permettra un accès plus inclusif et plus solidaire à l’emprunt.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à soixante-dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, le pouvoir d’achat reste la priorité absolue des Français.
Au mois de novembre dernier, tous les députés, à l’exception d’un député non inscrit, ont voté un texte dont le principal objectif était précisément de redonner du pouvoir d’achat aux Français.
Comment y parvenir ? En permettant aux consommateurs de résilier à tout moment leur assurance emprunteur, sur le modèle de ce qui est déjà possible pour les assurances habitation et les assurances automobile ou moto. Le gain moyen de pouvoir d’achat serait ainsi de l’ordre de 5 000 euros à 15 000 euros pour un emprunteur sur vingt ans, soit 30 euros de gagnés chaque mois. Ce n’est pas rien.
Ce texte a donc fait l’unanimité. Aucun groupe politique n’a manqué à l’appel. Pourquoi un tel consensus politique à l’époque, sinon parce que nous sommes nombreux à considérer ce marché comme peu dynamique, très rentable pour les banques et, au contraire, peu favorable aux consommateurs ?
Et puis, patatras, machine arrière toute ! En commission, la majorité sénatoriale est revenue sur cette belle avancée pour s’en tenir à une information annuelle sur le droit de résilier ces contrats, ce qui existe déjà.
Pourquoi ? Officiellement, selon le rapport de M. Gremillet, parce que « la concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur fonctionne de façon satisfaisante ». Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais lorsque l’on sait que ce marché est détenu à 88 % par les banques…
… et à 12 % par les assurances alternatives, j’aurais plutôt tendance à parler de « monopole bancaire ».
Les réformes qui se sont succédé depuis la loi Lagarde pour libéraliser le marché n’ont pas eu l’effet escompté. En 2019, selon le rapport du CCSF, les banques ont encore réussi à gagner 9 % de parts de marché, avec 136 000 souscriptions de plus qu’en 2018.
Dans les faits, les textes ont tenté de resserrer l’étau pour faciliter la vie des emprunteurs. Toutefois, comme nous pouvons le constater dans notre propre vécu ou autour de nous, les mesures dilatoires existent toujours. Par exemple, nous avons le droit de changer d’assurance à date d’échéance, mais cette date, qui la connaît hormis la banque ?
Deuxième argument avancé, la résiliation infra-annuelle (RIA) pénaliserait surtout les personnes les plus fragiles. J’avoue ne pas comprendre ce raisonnement, alors que, à ce jour, les contrats alternatifs représentent 23 % des contrats souscrits par les personnes âgées de plus de 60 ans. Celles-ci constituent la catégorie d’âge qui souscrit le plus souvent ce type de contrats. Elles ont donc compris qu’elles avaient davantage intérêt à changer de contrat pour des questions de prix et de garanties.
En d’autres termes, comment le fait de pouvoir choisir librement à tout moment sa date de résiliation pourrait mettre en difficulté les personnes les plus fragiles ? J’avoue tourner le problème dans tous les sens, je ne comprends pas.
Je veux revenir, par ailleurs, sur la suppression du questionnaire de santé, acté par un autre amendement phare du rapporteur. Le sujet n’est pas simple. Il paraît difficile d’accepter qu’il puisse exister encore des discriminations sur des critères de santé dans le domaine des assurances.
L’article 7 de la proposition de loi prévoyait que les signataires de la convention Aeras engagent rapidement une négociation afin non seulement de réduire les délais du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses, mais aussi d’étendre la grille de référence Aeras à d’autres pathologies ou maladies chroniques. Cette disposition n’a pas été retenue.
La suppression du questionnaire de santé sous conditions constitue un geste fort. C’est une belle symbolique, mais qui risque d’avoir des effets pervers.
D’une part, les assureurs n’auront pas d’autres choix que de prendre ce risque sur leur portefeuille et de le mutualiser par une prime de risque qu’ils feront partager à tous les assurés, de sorte que les tarifs augmenteront pour tous. La mesure est donc contraire à l’esprit initial de la proposition de loi, qui vise à favoriser le pouvoir d’achat des ménages.
D’autre part, cette suppression profitera essentiellement aux banques, qui continueront de refuser certains risques grâce à leur accès privilégié à des informations confidentielles, dont elles sont seules à disposer, notamment via les relevés bancaires. Malgré le beau message que constitue la suppression du questionnaire médical, le diable se cache dans les détails.
Une telle mesure doit faire l’objet de discussions sérieuses, avec tous les acteurs concernés. Comme l’a indiqué le rapporteur général de la commission des finances, en séance, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, « pour atteindre les objectifs que l’on se fixe en la matière, il ne suffit pas de claquer des doigts et de le demander : il faut regarder de manière plus approfondie quelles contraintes s’imposent ».
Mes chers collègues, nous avions dans les mains une belle proposition de loi, nous avons désormais un objet politique clivant, au détriment des consommateurs.
Mme Marie Evrard. Nous regrettons le choix qui a été fait par la majorité sénatoriale. Par nos amendements de rétablissement, nous essaierons de vous faire entendre raison.
Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.
Dans le cas contraire, nous faisons confiance à la navette parlementaire pour décadenasser définitivement ce marché, dans l’intérêt des emprunteurs.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a beau être la patrie de Tocqueville, la liberté individuelle pâtit chez nous d’une image à tout le moins mitigée. Le mot reste attaché à un imaginaire sauvage, où David doit affronter Goliath sans sa fronde. On dit parfois que le libéralisme, c’est la loi de la jungle, où le plus fort écrase le plus faible. Je salue toutefois l’effort qu’ont bien voulu faire certains de mes collègues à la gauche de l’hémicycle, en matière de libéralisme.
En effet, c’est tout l’inverse, monsieur le ministre.
La libre concurrence, en particulier, a pour vocation première d’établir des règles qui garantiront la liberté de chacun, singulièrement la liberté des faibles contre la liberté des forts.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre. Bienvenue au Mouvement des jeunes Républicains (MJR) !
Sourires.
L’ambition du libéralisme économique, c’est que cette organisation, fondée sur des règles et sur la liberté, contribue à rendre notre société tout à la fois plus prospère, plus tolérante et plus juste.
À cet égard, cette proposition de loi nous offre un cas d’étude intéressant. Elle vise spécifiquement le marché de l’assurance emprunteur et elle y introduit davantage de liberté, en permettant à l’assuré de résilier son contrat à tout moment.
L’enjeu est important, car ce changement des règles du jeu devrait générer de nouvelles opportunités économiques, en introduisant la concurrence là où les acteurs établis disposent d’une position de force qui ressemble fort à une rente.
Nous avons surtout l’occasion de redonner du pouvoir aux consommateurs, en offrant aux emprunteurs la possibilité de faire jouer la concurrence sur un marché qu’ils connaissent mal.
Je ne m’appesantirai pas sur ce point, car nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des articles. Comme d’autres collègues, je proposerai de rétablir la version initiale du texte, en restaurant la résiliation à tout moment.
Je me contenterai de revenir sur trois arguments avancés par les rapporteurs contre cette mesure.
Le premier argument porte sur la compétitivité présumée des offres d’assurance crédit sur le marché, comme l’a indiqué Daniel Gremillet. On nous explique que, si les banques détiennent encore 88 % des parts de marché – j’ai noté que nous n’étions pas d’accord sur le chiffre –, c’est non parce qu’elles font de la rétention de clientèle, mais parce qu’elles proposent des offres très compétitives pour les assurés.
M. Vincent Segouin s ’ exclame.
Le deuxième argument concerne les risques de désagréments pour les consommateurs, qui peuvent être démarchés de manière excessive par des assureurs. Nous avons débattu de ce sujet en commission, mais les rapporteurs, sauf erreur de ma part, ne l’ont pas évoqué dans leurs interventions.
Cet argument est contestable. On a envie d’y croire, car on a tous reçu, au moins une fois, un SMS bidon sur le compte personnel de formation (CPF). Reste que l’on ne condamne pas une offre parce qu’elle induit une prospection commerciale.
Mieux vaut encadrer les pratiques que de supprimer les offres qui peuvent donner lieu à un démarchage – ou alors, il faudrait tout bonnement administrer toute l’économie, mais je ne crois pas que cela reflète la volonté de la majorité.
Le troisième argument porte sur la déstructuration du marché et la liquéfaction complète de la demande, qui rendraient toute offre solide impossible. En permettant aux emprunteurs de résilier leur contrat quand ils le souhaitent, ils en changeraient tout le temps, comme on zappe devant sa télévision ou comme on déroule un fil d’actualité sur son téléphone.
Cette crainte ne correspond pas à la réalité. Les consommateurs n’ont aucune envie de changer sans cesse d’assurance. Ils ont mieux à faire.
Cependant, lorsqu’ils se rendent compte qu’ils pourraient bénéficier d’une meilleure offre, ils n’ont pas envie d’attendre plusieurs mois que leur assureur leur envoie un document obscur qui leur indiquerait une démarche compliquée. Encore faut-il d’ailleurs que la compagnie s’acquitte de cette tâche. On peut alors être sûr qu’ils ne l’effectueront pas, précisément parce qu’ils auront, encore une fois, mieux à faire.
Mes chers collègues, je crois que notre rôle est de défendre le faible plutôt que le fort, en l’espèce le consommateur plutôt que la banque ou l’assureur. Je vous proposerai des amendements en ce sens.
Nos rapporteurs ne s’y sont d’ailleurs pas totalement trompés, puisqu’ils ont proposé une mesure importante sur la suppression, sous certaines conditions, du questionnaire de santé pour l’établissement d’un contrat d’assurance emprunteur.
À l’instar de Rémi Féraud ou encore de Catherine Deroche qui avait déposé un amendement à l’objet identique au mien, j’avais défendu, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, l’instauration de contrats inclusifs, c’est-à-dire des contrats qui ne tiendraient pas compte du passif médical des emprunteurs – le Sénat avait adopté nos amendements. Je crois que ce type de contrat de remplacement demeure la meilleure solution.
Je tiens en tout cas à affirmer une conviction : il est insupportable que les assurances proposent des offres dégradées aux personnes qui ont vaincu un cancer ou qui souffrent d’une pathologie chronique.
De telles discriminations pour raisons de santé ne sont tolérées dans aucun domaine de la société. Il n’y a aucune raison que l’assurance fasse exception.
J’espère que nous pourrons faire bouger les lignes sur ce point. Le Sénat y gagnerait. Tel est l’objet des amendements que j’ai déposés.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, les taux d’intérêt sont historiquement bas – cela ne durera peut-être pas ! –, donc favorables aux acquéreurs. À la fin du mois de décembre dernier, les notaires se réjouissaient du dynamisme de l’immobilier en 2021.
Marqués par la crise sanitaire et les confinements successifs, de nombreux Français, en particulier ceux des métropoles, ont déménagé – ou voudraient le faire – vers des villes à taille humaine, près des littoraux ou à la campagne.
Pour les investisseurs, la pierre reste un placement intéressant.
Ces démarches vers l’accession à la propriété, qui passent en général par l’obtention d’un prêt, sont, pour certains, ardues et inégalitaires.
Bien évidemment, la question des revenus des emprunteurs entre en jeu. Malgré « l’argent à bas coût », on constate un resserrement de l’accès au crédit pour certains profils, comme les plus jeunes ou les plus modestes, qui, en outre, ne disposent pas d’un apport personnel suffisant.
De fait, l’application du ratio maximal d’endettement, qui inclut l’assurance emprunteur, augmente parfois significativement la mensualité et conduit au refus de certains prêts. Pour ceux qui obtiennent leur prêt, le prix de l’assurance est une charge pouvant se révéler non négligeable, alors même que l’assurance n’est juridiquement pas obligatoire.
Contrairement à un sentiment trop répandu, la question du coût de l’assurance emprunteur n’est pas marginale. Il en va de même pour le choix de l’assureur, puisqu’il est possible de souscrire une assurance emprunteur autre que celle que sa banque propose.
Dans les faits, malgré l’accroissement du nombre de contrats alternatifs dans la période récente, les banques dominent encore largement le secteur assurantiel pour les crédits immobiliers.
Pressé de vouloir conclure, devant respecter différents délais, l’emprunteur va généralement au plus simple et au plus rapide : l’assurance proposée par sa banque. En ces périodes de taux bas, peu rentables pour les banques, il me semble que l’assurance emprunteur offre à ces dernières des marges confortables.
De plus, tous les emprunteurs ne se trouvent pas sur un pied d’égalité. Ceux qui parviennent à faire appliquer leur droit de mise en concurrence sont souvent des cadres ; les ménages les moins aisés, soucieux d’obtenir leur crédit ainsi qu’un taux attractif, peuvent être contraints d’accepter l’offre d’assurance de la banque.
Plusieurs d’entre nous l’ont rappelé : diverses manœuvres, parfois qualifiées de dilatoires et souvent dénoncées par les associations de consommateurs, rendent les changements de contrat compliqués pour les emprunteurs. Toutes ces difficultés incitent à faire évoluer la situation.
J’en viens à une autre question d’égalité qui touche à l’âge et à la santé de l’emprunteur. En effet, ces critères entrent en considération lors de la conclusion d’une assurance de prêt. Nombreuses sont les contraintes : surprimes, questionnaires, examens de santé, visites médicales ou encore exclusions.
À juste titre, la commission des affaires économiques a souligné le caractère insupportable de cette situation pour les personnes engagées dans un projet de vie que représente l’acquisition d’une résidence.
Pour les personnes à risque aggravé de santé, la convention Aeras a représenté une certaine avancée. Toutefois, elle instaure un droit à l’oubli relativement encadré et la liste des pathologies est restreinte. Elle ne tient notamment pas compte des derniers progrès médicaux, qui conduisent à des traitements plus performants et à un gain d’espérance de vie.
Paradoxalement, compte tenu des différentes contraintes qui leur sont appliquées, en particulier d’importantes surprimes, les personnes à risque en matière de santé sont tout à fait rentables : ce sont d’excellents clients pour les assurances.
À raison, les associations de patients, qui mènent un travail remarquable en faveur des droits des malades et des anciens malades, attendent des évolutions, notamment en matière du raccourcissement du délai d’accès au droit à l’oubli et de son extension aux pathologies chroniques.
En conclusion, il ne s’agit pas de faire des banques et des assurances des boucs émissaires.
Elles permettent à de nombreux Français de réaliser leurs projets. Toutefois, il est nécessaire d’aller vers davantage de transparence, d’information et de liberté en faveur du consommateur. Telle est l’intention des commissions.
En revanche, de sérieux doutes subsistent à propos des hypothétiques nouveaux gains de pouvoir d’achat que procurerait la résiliation à tout moment, qui pourrait pénaliser davantage les seniors et les publics vulnérables. C’est le principe même de la mutualisation qui se trouve mis en cause au profit d’une individualisation des contrats, alors même que le ratio de sinistres à primes reste largement favorable aux assureurs.
Mieux préserver les consommateurs, sauvegarder la mutualisation et permettre à tous, y compris les plus fragiles, de s’assurer dans les meilleures conditions : c’est dans ce sens que les rapporteurs ont travaillé et je les en remercie.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, l’assurance emprunteur n’est pas obligatoire. Cependant, à la différence de bien des pays, le prêteur l’exige pour se prémunir du risque, notamment en cas de prêt immobilier. Malgré son coût, l’assurance emprunteur a le mérite d’éviter le recours à l’hypothèque, à la caution, au nantissement ou au privilège de prêteur de deniers, ce qui, convenons-en, facilite les transactions.
Nous avons$ pris connaissance du bilan détaillé du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) demandé par Bruno Le Maire au mois de juillet 2019. Sur l’ensemble des contrats d’assurance emprunteur, 75 % sont des offres bancaires, 13 % des offres internes aux banques et 12 % de véritables contrats alternatifs. La question se pose : 12 %, est-ce trop ou trop peu ? Quel est le degré de marge sur ces contrats ? Peut-on croire que, sur 100 euros de primes collectées, 32 euros seulement seraient reversés aux assurés, soit une marge deux fois plus élevée que sur les contrats d’habitation et trois fois plus que sur les contrats automobiles ?
Dès lors, il s’agit de veiller à la fois à la qualité et à la quantité de l’offre auprès de l’emprunteur. Celui-ci, soulagé d’avoir conclu un accord sur le nominal de son emprunt, n’a bien souvent ni le temps ni l’énergie de batailler sur l’assurance emprunteur, d’où les déconvenues et l’opportunité de la mise en concurrence.
La concurrence a produit ses effets. Dans son rapport, le CCSF relève une baisse généralisée des tarifs de 10 % à 40 % selon les cibles et pointe la segmentation tarifaire des contrats alternatifs, faisant craindre une démutualisation du marché. Pourtant, les banques baissent le prix de l’assurance des jeunes emprunteurs, mais relèvent celui des seniors : les tarifs ont baissé de 13 % à 26 % pour les personnes âgées de 25 ans à 45 ans, mais ont augmenté de 33 % pour les profils les plus âgés. En revanche, les tarifs des contrats alternatifs ont baissé sur toutes les cibles. Il y a donc bien un risque de démutualisation, mais celui-ci se vérifie davantage auprès des banques afin de lutter contre la concurrence et de préserver leur marge.
Dès lors, notre marge de progression est réelle. À cet égard, il nous paraît beaucoup plus utile d’apporter davantage de transparence et de lisibilité sur les différentes offres plutôt que de permettre de modifier le contrat à tout moment.
Dans l’intérêt du consommateur, bien des avancées sont souhaitables. Comme l’a indiqué Patrick Chauvet, le groupe Union Centriste validera celles qu’ont proposées les deux commissions.
Applaudissements sur les travées d u groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant à la suite de ma collègue Florence Blatrix Contat, je me concentrerai sur l’un des aspects de ce texte : le droit à l’oubli et l’évolution de la grille de référence de la convention Aeras. Nous l’avons tous souligné : c’est un sujet important, qui concerne de nombreux Français.
Nous avons tous été saisis par des associations représentant les malades. Que nous demandent-elles ? Quelles sont leurs revendications, que beaucoup d’entre nous estiment légitimes ?
Ces associations souhaitent tout d’abord réduire le délai du droit à l’oubli de dix à cinq ans pour les pathologies cancéreuses. Cela concerne 3, 8 millions de Français qui souffrent – ou ont souffert – d’un cancer. Lors de la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à réduire de dix à cinq ans ce délai du droit à l’oubli.
Je cite l’extrait de son programme : « Au moment de souscrire un contrat d’assurance ou d’emprunt, les malades de cancers et d’hépatite C n’auront plus à le mentionner dès cinq ans après leur rémission (contre dix ans aujourd’hui). Nous l’étendrons aussi à de nouvelles maladies. » Quel dommage que cette promesse n’ait pas été tenue, alors que nous arrivons à la fin du quinquennat.
M. Emmanuel Capus applaudit.
Les associations demandent l’extension des bénéficiaires de la convention Aeras aux pathologies chroniques comme le VIH. Cette convention ne concerne en effet aujourd’hui que les personnes atteintes ou guéries de cancer. La simple négociation prévue dans la version du texte issue de l’Assemblée nationale n’est pas satisfaisante. Nous estimons qu’il faut inscrire cette extension aux autres maladies chroniques dans cette proposition de loi.
Enfin, les associations sollicitent l’augmentation, voire la suppression, du plafond du montant pouvant être emprunté par une personne bénéficiaire de la convention Aeras. Celui-ci est actuellement fixé à 200 000 euros. Certes, la moyenne nationale pour les emprunts est légèrement inférieure, mais, dans la région parisienne ou les grandes métropoles, ce montant est trop faible pour permettre l’acquisition d’un logement de taille moyenne.
Sur tous ces points, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera des amendements de modification, en cohérence avec ce que proposent les rapporteurs, dont je veux saluer le travail.
Notre objectif est simple : il vise à rendre la convention Aeras plus inclusive, plus facile d’accès et plus efficace pour toutes les personnes atteintes de pathologies chroniques ou de cancers. Quel dommage que l’engagement de permettre l’accès à l’emprunt pour toutes ces personnes n’ait pas été tenu en cinq ans par la majorité présidentielle !
Nos propositions s’inscriront dans la continuité des amendements que notre groupe a déposés sur le projet de loi de finances pour 2022 et qui ont été adoptés par le Sénat. Le véritable enjeu est de lutter contre une discrimination et de permettre à des millions de Français de mener leurs projets, alors qu’ils en sont souvent empêchés durement et injustement par une dérive à la fois du principe et du fonctionnement de l’assurance emprunteur.
Ce texte est une occasion importante de faire bouger les lignes. Au Sénat, nous essaierons de travailler de la manière la plus consensuelle possible. Ne manquons pas cette occasion : c’est un progrès important et attendu.
Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur des travées du groupe UC et LR, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Emmanuel Capus applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, même lorsque l’on suit attentivement des dossiers depuis près de dix ans, comme c’est mon cas, il arrive que l’on rate une information. C’est ainsi que, lorsque j’ai pris connaissance de cette proposition de loi, j’ai compris que j’avais manqué un épisode du feuilleton législatif de l’assurance emprunteur !
Pourtant, dans cet hémicycle, je dois être l’une des rares parlementaires à avoir participé activement aux débats des lois Chatel, Lagarde, Hamon et de l’amendement Bourquin. J’ai même travaillé avec ce dernier sur les dispositions votées dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP. C’est dire si je mesure le chemin parcouru en une décennie sur les modalités de résiliation de cette assurance, qui a toujours été à part.
J’étais donc persuadée que les dispositions de 2020 étaient effectives. Rappelons qu’elles avaient fait l’objet de concertations avec différents intervenants et qu’elles clarifiaient le droit à changer d’assureur après un achat immobilier – une possibilité acquise très progressivement grâce aux nombreux combats menés par les associations de consommateurs et par les parlementaires.
Reconnaissons que le juste milieu entre la protection du consommateur, l’équilibre financier indispensable aux assureurs et l’ouverture du marché aux intervenants alternatifs n’est pas forcément facile à trouver.
Selon moi, les dispositions introduites dans la loi ASAP respectaient ces impératifs. Elles avaient d’ailleurs obtenu l’accord du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, fait suffisamment rare pour être souligné.
Dès lors, pourquoi faire autrement, hormis si des motifs électoralistes sous-tendent la proposition de loi débattue aujourd’hui ou si, comme c’est souvent le cas, le Gouvernement choisit de faire voter un texte émanant de sa majorité plutôt que du Sénat ?
Je salue le travail de nos deux rapporteurs qui réussissent, par leurs amendements, à opérer un équilibre harmonieux entre les attentes de tous.
J’en veux pour preuve la clarification importante de la date de résiliation qui a été introduite dans la loi ASAP.
Qu’apporterait la résiliation à tout moment proposée par les auteurs de la proposition de loi ? Selon moi, la remise en cause de la mutualisation existe vraiment, n’en déplaise à ceux qui, pour accroître leur part de marché, la nient. D’ailleurs, le Gouvernement s’y opposait voilà un an ! Rien n’a changé en un an, sinon la proximité d’une élection.
Le CCSF et les rapporteurs précisent bien que le nombre de contrats externes s’est accru de 46 % en deux ans. C’est considérable ! Cela prouve que la concurrence existe. Comment expliquer que les emprunteurs ne résilient pas leurs contrats à tour de bras ? Sans doute certains ne le souhaitent-ils pas, mais cette situation s’explique surtout par l’apparition des assureurs alternatifs, qui a conduit les banques à baisser leur taux et à proposer elles-mêmes des assurances alternatives.
L’objectif économique de la mise en concurrence est non de promouvoir telle ou telle catégorie de prestataires, mais de supprimer les situations de rente et de favoriser la fixation de prix justes au profit du consommateur.
Je crains que la version de ce texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ne conduise à des démarchages féroces et à leur corollaire, à savoir des décisions prises sous pression. Selon moi, souscrire une assurance emprunteur est une opération bien plus complexe que contracter une assurance automobile ou habitation et, surtout, bien plus lourde de conséquences.
Il est clair que les jeunes actifs en bonne santé seront les premiers à en profiter – tant mieux pour eux ! –, mais ils ne sont pas le seul public concerné.
La proposition de nos rapporteurs visant à supprimer le questionnaire médical est la véritable révolution de ce texte. J’avoue d’abord avoir été choquée par cette idée, mais, après la lecture attentive des arguments des commissions, je m’y suis ralliée. Cette suppression facilitera l’assurabilité de nombreuses personnes, parfois atteintes de maladies bénignes qui donnaient lieu à des surcoûts difficilement justifiables. Elle est beaucoup plus ambitieuse que la possibilité de supprimer son contrat à tout moment.
Parmi les exclus, j’aimerais que l’on évoque les plus âgés. Avez-vous déjà emprunté à 55 ans, 60 ans ou 65 ans ? Même si vous êtes actif et même si vous disposez d’un apport important, les banques refusent au motif que vous n’êtes plus assurable, bien que vous souhaitiez emprunter durant cinq ans et que les tables de mortalité vous créditent de vingt ans, voire davantage.
L’âge de 45 ans me paraît bas, d’autant que, selon le code du travail, l’employeur ne peut pas vous contraindre à partir à la retraite avant 70 ans. Tel est l’objet d’un amendement que j’ai déposé à l’article 7 bis. Ma proposition est peut-être prématurée, mais la réflexion sera poursuivie – un jour, nous serons tous concernés !
Sourires.
J’invite les personnes plaidant la résiliation des contrats à tout moment à essayer de l’appliquer d’abord à Canal Plus. Je mène ce combat depuis des années : il est impossible de résilier son abonnement – or celui-ci coûte aussi très cher !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner la qualité du travail des deux commissions sur ce texte important. Elles ont organisé de nombreuses auditions durant les mois de décembre et de janvier.
L’assurance emprunteur représente un marché d’environ 10 milliards d’euros par an. D’autres avant moi l’ont rappelé : elle constitue un enjeu important lors de la souscription d’un prêt immobilier permettant l’accession à la propriété. Les enjeux sont complexes d’un point de vue tant juridique qu’économique et financier. Monsieur le ministre, vous avez mis en évidence que 20 millions à 25 millions de contrats de ce type étaient actifs.
Les rapporteurs ont évoqué l’ouverture à la concurrence comme la hausse des tarifs de plus de 33 % pour les personnes âgées de plus de 55 ans. Ils ont insisté sur l’importance de prendre en compte le volet humain et la solidarité. S’ils souhaitent conserver le droit de résiliation actuel, ils préconisent, d’une part, de renforcer fortement les obligations d’information qui incombent aux prêteurs et aux assureurs, d’autre part, de simplifier la procédure de résiliation au profit de tous les assurés.
La notion d’équité est importante. C’est pourquoi a été supprimé en commission le questionnaire médical pour les prêts immobiliers de moins de 200 000 euros, qui arrivent à leur terme avant le soixante-cinquième anniversaire de l’emprunteur.
Messieurs les rapporteurs, vous avez indiqué que ce texte, composé de douze articles, offrait l’occasion d’évoluer fermement sur ce sujet et de remettre l’humain au cœur du dispositif.
Vous avez précisé que la convention Aeras devait gagner en efficacité. Comme vous l’ont indiqué les associations que vous avez rencontrées, ce dispositif original et nécessaire atteint aujourd’hui ses limites.
Nous devons promouvoir une forte solidarité entre les assurés et soutenir les plus fragiles. Le volet humain est très important : en effet, l’accès à la propriété conditionne fortement le niveau de vie, notamment pour les retraités.
Nous devons tenir compte du travail de fond accompli par nos deux commissions. Au vu de la complexité de ce dossier et de l’importance de respecter la dimension humaine de la question, ce que de nombreux collègues ont souligné, le groupe Les Républicains soutiendra ce texte.
Applaudissements sur les travées d u groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
TITRE IER
INFORMATION DE L’EMPRUNTEUR EN MATIÈRE DE DROIT DE RÉSILIATION DE L’ASSURANCE EMPRUNTEUR
Je rappelle que les amendements n° 14, 25 rectifié et 32 sont réservés après l’article 6.
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La date d’échéance à prendre en compte pour l’exercice du droit de résiliation mentionné à l’article L. 113-12 est, au choix de l’assuré, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par celui-ci ou toute autre date d’échéance prévue au contrat. »
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité est complété par une phrase ainsi rédigée : « La date d’échéance à prendre en compte pour l’exercice du droit de résiliation mentionné au premier alinéa du présent article est, au choix du membre participant, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par celui-ci ou toute autre date d’échéance prévue au contrat. »
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage les objectifs de l’article 1er, qui renforce significativement le droit au changement d’assurance emprunteur.
Dans sa rédaction initiale, cet article contribuait à la création d’un droit de résiliation infra-annuelle sans frais pour l’assuré. Il permettait aux emprunteurs de procéder à la résiliation et à la substitution de leur contrat d’assurance à tout moment au cours de la durée de leur prêt.
Sur ce sujet, je me réjouis des travaux menés par le rapporteur Daniel Gremillet et les membres de la commission des affaires économiques : via l’adoption de deux amendements, ils ont rétabli la procédure actuelle, autorisant ainsi la démarche de résiliation et de substitution dans les deux mois qui précèdent la date d’échéance du contrat.
Considérant que les gains à attendre d’une résiliation à tout moment seraient minimes, mais qu’une telle évolution serait très probablement préjudiciable au public âgé et fragile, l’article 1er prévoit désormais la disparition de la procédure dite Bourquin et étend la procédure dite Hamon, selon laquelle la résiliation pouvait avoir lieu à tout moment durant la première année du contrat.
Les dispositions prévues reprennent le principe de la proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur, adoptée à l’unanimité par le Sénat. Elles clarifient le droit actuel, en précisant ce que recouvre concrètement la notion de date d’échéance afin d’améliorer l’information de l’emprunteur.
Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par MM. Capus, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled.
L’amendement n° 17 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 24 rectifié bis est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
L’amendement n° 31 est présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice de » sont remplacés par les mots : « Par dérogation à » et après les mots : « l’article L. 113-12 », sont insérés les mots : « à l’exception du quatrième alinéa » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la deuxième phrase, les mots : « par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 113-14 du code des assurances » ;
4° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
5° À la troisième phrase, la référence : « ou à l’article L. 113-12 du présent code » est supprimée.
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice du » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
4° La troisième phrase est ainsi modifiée :
a) Les mots : « par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 113-14 du code des assurances » ;
b) Les mots : « ou au premier alinéa du présent article » sont supprimés.
La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié ter.
Mes chers collègues, on ne va pas se mentir : en supprimant la disposition phare de cette proposition de loi, à savoir le droit à résiliation infra-annuelle pour les contrats d’assurance emprunteur, la commission des affaires économiques et la commission des finances ôtent au texte tout son intérêt.
Cet amendement tend donc à rétablir la rédaction initiale de l’article 1er qui, je le rappelle, a été voté à la quasi-unanimité, en tout cas par tous les groupes de l’Assemblée nationale. Voilà qui montre bien qu’il s’agit là non pas d’une question politique, mais, comme cela a été souligné tout à l’heure, d’une mesure de bon sens.
Voulons-nous ou non créer un nouveau droit pour le consommateur ? On ne retire rien à personne ! On ne demande pas l’aumône !
Le raisonnement est simple : tandis que la banque est dans une position de force, l’emprunteur est le faible. Il est déjà heureux d’avoir un prêt, parce qu’il s’agit d’un événement important, pour ne pas dire crucial, dans sa vie. Après tout, il n’en obtiendra pas un tous les jours et c’est peut-être le crédit de sa vie.
Ce que nous souhaitons, c’est rétablir un semblant d’égalité entre l’emprunteur et la banque, qui a, elle, tous les pouvoirs, notamment le pouvoir d’octroyer ou non un emprunt. Nous ne demandons pas plus.
D’autres amendements, également intéressants, visent à améliorer la rédaction de l’article, mais le plus simple reste de rétablir la faculté pour l’emprunteur de résilier son assurance à tout moment, de sorte qu’il n’ait pas à se préoccuper de savoir s’il respecte le délai prévu durant la première année du contrat ou l’échéance de la date anniversaire.
La simplicité et le bon sens, mes chers collègues, c’est la résiliation à tout moment.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 17.
Cet amendement identique vise à rétablir l’article 1er dans la rédaction résultant des travaux de l’Assemblée nationale.
Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué que les tarifs avaient déjà bien baissé, de l’ordre de 40 % ; j’ai les mêmes chiffres que vous, monsieur le rapporteur. Dans ces conditions, pourquoi s’arrêter en si bon chemin, alors que l’on sait que ce type de disposition, qui offre à l’emprunteur un droit à résiliation infra-annuelle de son contrat, conduit les établissements bancaires à faire des efforts ?
Cet effort est parfaitement soutenable, car nous parlons là d’un marché extrêmement rentable.
Prenons le ratio de sinistres à primes. Sur le marché de l’assurance emprunteur, pour 100 euros de primes encaissées, 34 euros sont versés pour couvrir un sinistre. En comparaison, dans le secteur des assurances pris dans sa globalité, le ratio moyen est de l’ordre de 75 euros versés pour 100 euros encaissés.
Vous comprenez bien que ce delta correspond à la marge réalisée, donc à de potentiels frais de gestion. Il y a là une forme de rente qui, à notre sens, doit pouvoir être restituée au consommateur au travers de la mise en œuvre de la résiliation infra-annuelle.
Par ailleurs, nous pensons que l’adoption de cet amendement ne se traduira pas par une démutualisation des risques, tout simplement parce qu’il n’existe pas de mutualisation intergénérationnelle. Aujourd’hui, l’enjeu est surtout de mettre fin au caractère dysfonctionnel du marché.
Enfin, avec cet amendement, nous entendons aligner les caractéristiques du contrat d’assurance emprunteur sur celles de la plupart des autres contrats d’assurance.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié bis.
Je partage les arguments avancés par M. Capus et M. le ministre. En revanche, je ne comprends pas très bien ceux du rapporteur, aux termes desquels la mise en place d’un droit de résiliation infra-annuelle présente un risque pour le souscripteur d’un contrat, dans la mesure où cela pourrait entraîner une hausse du tarif de son assurance, selon qu’il a tel ou tel profil.
Je vois tout à fait l’intérêt pour un emprunteur de renégocier à tout moment son contrat d’assurance. Aujourd’hui, par exemple, les contrats d’assurance habitation et automobile sont renégociables à tout moment.
Ce droit à résiliation et cette faculté de faire établir des devis auprès de la concurrence – quand on le peut – donnent à l’emprunteur un véritable pouvoir de négociation vis-à-vis de son assureur, qui, de ce fait, baisse ses tarifs. À l’inverse, sans initiative de l’emprunteur, l’assureur maintient les tarifs prévus initialement au contrat.
Il me semble que le rétablissement de l’article 1er tel qu’il a été voté par l’Assemblée nationale contribuera à une baisse des tarifs, même si, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, les perspectives annoncées paraissent un peu optimistes.
Après tout, un euro est un euro et, même si le gain n’est à la fin que de 1 000 euros ou 2 000 euros, c’est toujours cela de pris.
J’observe que les amendements déposés à l’article 1er le sont par des sénateurs issus de cinq groupes politiques différents, qui ne s’entendent pas toujours sur tout, mais qui, sur ce sujet, s’unissent pour donner plus de liberté et de pouvoir d’achat au consommateur, donc s’opposer à tout ce qui peut ressembler à la sauvegarde d’une rente.
On peut toujours ajouter de l’information à l’information, mais, si le consommateur fait face à des interlocuteurs qui sont plus ou moins de mauvaise foi et qui délivrent des réponses au compte-gouttes, c’est bien lui qui, au bout du compte, sera lésé.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.
L’amendement n° 20 est présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice de » sont remplacés par les mots : « Par dérogation à » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
4° À la troisième phrase, la référence : « ou à l’article L. 113-12 du présent code » est supprimée.
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice du » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
4° À la troisième phrase, les mots : « ou au premier alinéa du présent article » sont supprimés.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 12.
Comme nous l’avons dit, une véritable mise en concurrence donnerait davantage de pouvoir au consommateur et rééquilibrerait le rapport de force.
Aujourd’hui, selon les études, seuls les plus aisés, les plus agiles, les plus urbains, ont réellement la faculté de changer d’assurance emprunteur. Ils réussissent plus facilement à l’imposer à leurs banques, celles-là mêmes qui ont récemment annoncé des profits record pour l’année 2021.
À l’heure où le pouvoir d’achat est la priorité numéro un des Français, il n’y a pas de petit gain.
Le ministre l’a rappelé : l’ouverture à la concurrence du marché de l’assurance emprunteur a permis de faire baisser les prix de 40 %, ce qui montre bien qu’il existait des marges importantes – et je ne doute pas qu’il en reste encore.
Nous proposons nous aussi de rétablir l’article 1er tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
Monsieur le rapporteur, je souhaite vous poser une question.
Un emprunteur peut à tout moment rembourser, renégocier, voire faire racheter par un autre établissement bancaire son crédit – attention, je ne parle pas de l’assurance ! Cela nous est à tous arrivé, mes chers collègues.
En revanche, quand il s’agit de son contrat d’assurance, certes, il pourrait le résilier à tout moment durant la première année, mais, passé ce délai, il lui faudrait attendre la date anniversaire du contrat. Vous ne trouvez pas cela étrange ? Pourquoi une telle distorsion ?
Par ailleurs, je n’ai toujours pas compris ce que les modifications introduites par la commission changeraient concrètement, y compris pour les banques. Après tout, on pourrait tout à fait débattre de l’instabilité que pourrait créer un droit à résiliation infra-annuelle des contrats.
M. le rapporteur a avancé un argument, que j’entends d’ailleurs : depuis que le droit à la résiliation a été élargi, le marché – dont 88 % des parts sont pourtant détenus par les banques et 12 % seulement par les autres acteurs – est devenu plus concurrentiel, au point que certains emprunteurs ont pu renégocier le tarif de leur assurance, tout en restant dans leur banque. C’est tout à fait exact : tout client peut aller voir son banquier, lui annoncer qu’il va partir et obtenir finalement de sa part un nouveau tarif l’incitant à ne pas changer d’établissement.
Pour autant, je le répète, cette situation mérite que l’on s’y arrête.
On parle par ailleurs de résiliation à tout moment, mais, en règle générale, un client ne se rend pas dix fois par an à sa banque ! Cette disposition vaut donc surtout pour le moment où il renégocie son crédit : à cette occasion, qui peut avoir lieu à tout moment de l’année, il devrait pouvoir renégocier aussi son assurance.
Cela me paraît d’une simplicité, disons, biblique. C’est pourquoi j’invite M. le rapporteur à répondre à nos arguments.
Ces six amendements visent tous à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Je ne répéterai pas ce que j’ai dit lors de la discussion générale. Je parlerai de manière plus directe : aujourd’hui, ceux qui veulent revenir à une résiliation à tout moment des contrats d’assurance emprunteur n’ont pas regardé avec lucidité les progrès accomplis depuis les dernières évolutions législatives, notamment grâce au travail sénatorial.
N’oublions pas que tout est parti d’ici ! Je le dis, parce que nous étions tout de même un certain nombre sur ces travées à œuvrer en ce sens.
J’ai entendu des propos qui me choquent terriblement, parce que, sans nos efforts à l’époque, nous n’aurions jamais trouvé de compromis.
Cet accord a été conclu non sans difficulté. La preuve en est que la commission mixte paritaire avait failli échouer. J’en sais quelque chose – cela me gêne d’en parler, car je n’aime pas parler de moi –, car je suis celui qui a trouvé la seule porte de sortie possible pour aboutir à une conclusion satisfaisante. Tout cela s’est passé à l’époque de l’amendement de Martial Bourquin – vous pouvez l’interroger à ce sujet.
Si je vous rappelle tout cela, mes chers collègues, c’est parce qu’à l’époque nous avons déjà eu ce débat : faut-il créer un droit à la résiliation à tout moment ou seulement à la date d’échéance annuelle du contrat ? À ce moment-là, nous avons unanimement décidé de mettre en œuvre une résiliation annuelle.
Évidemment, tout cela n’est pas parfait et c’est tout l’objet du travail réalisé au Sénat par les deux commissions. Aujourd’hui, le système fonctionne bien. Monsieur le ministre, si vous faisiez preuve d’un peu d’objectivité, vous reconnaîtriez que nous disons la vérité : le travail sénatorial a permis de restituer à nos concitoyens jusqu’à 40 % du montant de leur assurance emprunteur.
Je ne suis pas en train de dire pour autant que l’on ne peut pas aller plus loin.
D’ailleurs, le Sénat permet des avancées. Le texte adopté par l’Assemblée nationale ne contient pas un mot sur l’information des emprunteurs. Pas un mot ! Vous avez beau répéter qu’il faut que les emprunteurs puissent dénoncer leur contrat d’assurance à tout moment, s’ils ne sont pas au courant qu’ils peuvent le faire, à quoi bon ?
C’est pourquoi nous obligeons les assureurs à informer leurs clients une fois par an de leur droit de résiliation et des modalités d’exercice de ce droit.
Le rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) est très intéressant à cet égard. Il souligne les lacunes actuelles, que certains de nos collègues – je tiens à les en remercier – ont mentionnées, notamment le fait que certains emprunteurs « se font balader » – pardonnez-moi cette expression –, tout simplement parce que, faute d’avoir réagi à temps, ils doivent de nouveau attendre un an avant de pouvoir résilier leur contrat.
Les apports du Sénat permettront de sécuriser et de verrouiller le processus, en créant une obligation d’information annuelle. La commission préserve aussi la concurrence entre la banque assurance et les assureurs alternatifs.
Nous avons des chiffres, mais il faut aussi tenir compte des risques que l’on fait courir aux Français, monsieur le ministre. Il faut en effet veiller à ne pas trop déplacer le curseur. On sait que l’ouverture à la concurrence a entraîné une hausse de 33 % des tarifs pour les personnes les plus âgées, celles qui sont les plus à risque.
Notre rôle est de regarder avec lucidité le profil de l’ensemble des emprunteurs, de tous ceux pour qui l’acquisition d’un patrimoine immobilier représente un projet de vie. C’est dans cette logique que la commission des affaires économiques a travaillé : elle a renforcé l’obligation d’information, tout en maintenant la concurrence, qui, aujourd’hui, fonctionne bien.
Vous l’aurez compris, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 1 rectifié ter, 17, 24 rectifié bis et 31, ainsi que sur les amendements identiques n° 12 et 20, dont l’objet diffère des précédents en ce qu’il ne prévoit aucune coordination juridique.
J’ajoute un dernier mot à l’attention de Fabien Gay. Pour qui veut faire preuve de lucidité sur cette question, les choses sont très claires : sur ce marché, la concurrence est une réalité aujourd’hui, elle fonctionne ; on en a les preuves !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Dans un esprit inclusif, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’ensemble des amendements de rédaction globale de l’article 1er.
Sourires.
Je ne peux pas laisser les propos du rapporteur sans réponse.
Sophie Primas a fort justement souligné tout à l’heure qu’il ne fallait pas laisser croire que les sénateurs, ceux de la majorité en particulier, étaient les porte-parole des banques, quand bien même ils adopteraient la position de la commission. Elle a eu raison de le dire.
Pour ma part, je ne voudrais pas qu’on laisse croire, comme l’a fait le rapporteur, que les sénateurs qui déposent des amendements manquent de « lucidité », pour reprendre un terme qu’il a employé, ou ne travaillent pas. §On ne peut pas tenir de tels propos : ce n’est pas tolérable non plus.
Contrairement à ce que pense le rapporteur, tous les sénateurs qui déposent des amendements travaillent. Moi, par exemple, j’ai déposé l’amendement n° 1 : certes, j’ai réfléchi vite, mais je peux vous assurer que j’ai travaillé ! Ce n’est pas bien de laisser penser qu’un sénateur manque de lucidité quand il dépose un amendement.
Dans le cas qui nous intéresse, il y a un choix à faire : soit on choisit de défendre une forme de rente, celle des banques, soit on choisit de revenir au dispositif adopté à l’unanimité par les députés, celui d’attribuer un pouvoir supplémentaire aux faibles, c’est-à-dire aux emprunteurs. Ce choix doit se faire en conscience, librement, sans subir d’anathème.
Lorsque, dans le cadre de l’examen du texte qui deviendra la loi Hamon, le ministre de l’époque a proposé de créer un droit à la résiliation à tout moment au cours de la première année, je m’y étais opposée, et ce pour une bonne raison : selon moi, durant cette première année, alors que l’on vient de négocier son crédit, que l’on doit déménager et s’installer, on a autre chose à faire et on n’a pas le temps de s’engager dans ce type de démarche. J’étais pour ma part favorable à ce que la résiliation du contrat ne soit possible qu’une fois passé le délai d’un an.
C’est la possibilité de changer d’assurance à tout moment lors des douze premiers mois qui a été votée ; or ce dispositif a finalement fait la preuve qu’il ne fonctionnait pas. Dès lors, pourquoi déciderait-on encore une fois aujourd’hui de faire de l’assurance emprunteur une assurance totalement à part ?
Si l’article 1er est rétabli dans sa rédaction, ce sera le seul type d’assurance que l’on pourra résilier non seulement au cours de la première année, mais ensuite à n’importe quel moment. Pour tous les autres contrats d’assurance – automobile, habitation… –, le souscripteur ne peut résilier son contrat qu’au terme d’un délai d’un an ; une fois qu’il a changé d’assurance, ce même délai d’un an s’applique.
Les auteurs de ces amendements proposent de créer un droit à la résiliation à n’importe quel moment, au bout de trois ou de six mois, par exemple. Bref, on ne fixe aucune limite et je ne vois pas comment un tel dispositif pourrait s’appliquer concrètement.
Pour moi, tout cela débouchera sur de fausses promesses et fera de nombreux déçus.
Monsieur le rapporteur, vous êtes très habile, mais vous n’avez pas répondu à ma question.
L’enjeu n’est pas de faire en sorte que l’emprunteur puisse résilier son contrat tous les trois mois, tous les six mois ou tous les ans. Je vous parle d’une situation à laquelle chacun d’entre nous a été confronté, celle de la souscription d’un prêt à un moment donné de notre vie, avec un niveau de salaire donné.
Cinq ou dix ans plus tard, parce que sa carrière lui a permis d’évoluer et d’avoir une vie meilleure, un emprunteur souhaite renégocier son crédit et se dit qu’il pourrait obtenir un meilleur taux auprès de sa banque.
Il serait tout de même plus simple que le banquier l’informe à cette occasion qu’il peut renégocier en même temps son contrat d’assurance emprunteur, plutôt qu’il lui donne rendez-vous six, sept ou huit mois plus tard, à la date anniversaire de ce contrat, pour le renégocier. Cela constituerait un frein pour les consommateurs : c’est un vrai sujet !
Le rapporteur a également expliqué que tout allait bien en matière de concurrence – peut-être, mais tout le monde sait ce que c’est de faire un prêt à la banque : quand un client se présente pour un emprunt, le banquier lui présente systématiquement en même temps le crédit, le taux et l’assurance. En d’autres termes, il lui propose les produits maison. Voilà la réalité !
Là encore, si l’on veut introduire davantage de concurrence – dire que c’est moi qui défends cette idée !
Sourires.
Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté attentivement lorsque vous avez déclaré que vous vouliez renforcer l’obligation d’information du consommateur. Cela tombe très bien : comme j’ai moi-même déposé trois amendements dans ce but, je suis certain que vous y serez favorable.
Je rappellerai deux éléments factuels.
Tout d’abord, quand un consommateur souscrit pour la première fois un contrat d’assurance emprunteur, en parallèle d’un crédit dont le montant est significatif, les choses sont simples : il fait certes jouer la concurrence, mais, généralement, le crédit et l’assurance qu’il choisit sont liés. §Monsieur le ministre, je ne fais que décrire une réalité que je connais bien pour l’avoir étudiée de près.
Quelque temps après, quand ce même consommateur veut renégocier son emprunt, ce qui devient fondamental, c’est le questionnaire médical, dont on discutera tout à l’heure, mais que l’on oublie trop souvent.
Personnellement, tout comme Catherine Procaccia, qui, à juste titre, a évoqué ce sujet, je n’étais pas forcément très favorable à la résiliation à tout moment des contrats de complémentaire santé. À cette époque, pour ce type de contrats, le problème était différent, puisqu’il n’y avait plus de questionnaire médical : il résidait plutôt dans les frais de gestion que pouvaient avoir à supporter les mutuelles – mais c’est un autre sujet.
Pour moi, la suppression du questionnaire médical dans certains cas est la mesure la plus importante de ce texte. C’est un véritable bouleversement, une innovation. Monsieur le ministre, si j’osais, je dirais même que c’est « disruptif » – je sais que le mot vous fera plaisir.
Sourires.
Avec cette disposition, le Sénat est pionnier, car il impose une obligation de solidarité pour tenir compte des différences liées à l’état de santé des emprunteurs. Un peu à l’image de la sécurité sociale ou des assurances sociales, il mutualise le risque entre les bien-portants et les personnes ayant souffert d’une affection.
Par ce dispositif, on demande aux assureurs d’être eux-mêmes innovants. Or mon petit doigt me dit qu’un certain nombre d’acteurs actuels du marché ont envie de jouer le jeu de l’initiative prise par le Sénat, initiative qui, je le redis, bouleverse, voire bouscule !
Finalement, c’est ici, au Sénat, que nous demandons au Gouvernement de tenir l’engagement qu’a pris le candidat Emmanuel Macron devant les Français il y a cinq ans.
Je reviens sur les propos de Fabien Gay.
Quand un emprunteur renégocie son crédit, mon cher collègue, l’assurance est résiliée de fait, parce que les clauses bénéficiaires et les conditions d’emprunt ont changé.
Dans le cadre de ce texte, en réalité, nous ne discutons que de la résiliation de l’assurance emprunteur prise isolément, et non de sa résiliation lorsqu’elle est liée à la renégociation d’un emprunt.
Jusqu’à présent, les banques ont le quasi-monopole du marché, parce qu’elles jouent sur la date d’échéance du contrat, qui n’est précisée nulle part.
À chaque fois qu’un client envoie une lettre de résiliation, la banque lui répond qu’il n’a pas mentionné la bonne date, qu’il s’agit de la date de déblocage du prêt, par exemple.
Je rejoins les propos de Jean-François Husson. À l’heure actuelle, souscrire un contrat d’assurance emprunteur implique de remplir un questionnaire médical. Un contrat de ce type doit donc être établi de manière sérieuse. Il faut éviter toute éventuelle déchéance de garantie au moment de son transfert.
C’est pourquoi il est préférable de fixer la date d’échéance du contrat à sa date anniversaire : on connaît ainsi à l’avance la date à laquelle il faudra avoir préparé son dossier, ce qui favorisera une prise d’effet sans accroc ni trou de garantie.
Je suis tout à fait favorable à ce qu’un consommateur puisse résilier à tout moment un contrat d’assurance automobile, un contrat d’assurance habitation ou une complémentaire santé, parce que leur souscription ne suppose aucun questionnaire médical et qu’il s’agit de contrats relativement simples – ce sont des contrats de masse, comme on les appelle. En revanche, il ne faut surtout pas l’envisager pour les contrats d’assurance emprunteur.
J’interviens pour soutenir la position de la commission et notre rapporteur.
Selon vous, monsieur Capus, si notre assemblée adoptait ces amendements, elle ne retirerait rien aux consommateurs. C’est probablement sur ce point que nous avons une différence d’appréciation.
Nous pensons qu’une forme de démutualisation est déjà à l’œuvre. §Vous n’êtes peut-être pas d’accord, mais laissez-moi aller au bout de mon raisonnement.
Vous êtes jeune et bien portant, monsieur Capus, mais moi qui suis vieille, pour avoir souscrit un emprunt l’an dernier, je peux vous dire qu’aujourd’hui, quand on a plus de 55 ans, il faut se lever de bonne heure pour trouver une assurance emprunteur concurrentielle, d’autant que les taux ont augmenté ces derniers mois !
Nous voulons contrer ce processus de démutualisation, qui en est à ses débuts, mais qui est réel. Dire, comme vous le faites, que l’on ne retire rien aux consommateurs en votant ces amendements est inexact : tout dépend des consommateurs. En tout cas, c’est le point de vue de la commission au vu des éléments dont nous disposons.
J’ajoute au passage que j’aurais préféré que ce sujet soit traité dans le cadre d’un projet de loi, car nous aurions alors disposé d’une étude d’impact sérieuse §et d’éléments qui, certes, figurent dans le rapport de Daniel Gremillet, mais qui peuvent être interprétés de façon différente par les uns et les autres. Aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi ; nous avançons avec les documents à notre disposition, lesquels vont d’ailleurs plutôt dans notre sens.
Enfin, nous ne sauvegardons pas du tout une rente ! Je rappelle d’ailleurs que le Sénat est l’assemblée qui a ouvert le marché de l’assurance emprunteur à la concurrence. Nous n’empêchons pas plus la concurrence, puisque chacun a pu observer qu’elle était effective. Je m’inscris donc en faux par rapport à certains arguments qui ont été avancés.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié ter, 17, 24 rectifié bis et 31.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 92 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, je suis également saisie d’une demande de scrutin public sur les amendements identiques n° 12 et 20. Puis-je considérer que le vote est identique sur ces amendements ?
Assentiment.
L ’ article 1 er est adopté.
L’amendement n° 21, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 313-29 du code de la consommation est complété par les mots : « ainsi que les informations de nature à connaître son coût réel en distinguant le taux annuel effectif global du taux annuel effectif de l’assurance ».
La parole est à M. Fabien Gay.
Par cet amendement, je vais tâcher de répondre au vœu de M. le rapporteur et renforcer la transparence.
Pour faire simple, dans les précontrats de prêt, on fait figurer à la fois le taux avec assurance et celui sans assurance. En revanche, ce n’est pas le cas dans les contrats définitifs.
Nous souhaitons que cette information précise apparaisse et soit détaillée sur toute la durée du crédit, car elle est importante. Il arrive par exemple que certains contrats soient profitables à leurs souscripteurs durant les huit ou dix premières années, et nettement moins au bout de vingt ou vingt-cinq ans.
Cette précision va, me semble-t-il, dans le sens de ce que souhaite le rapporteur.
Monsieur Gay, cet amendement est satisfait, puisque le code de la consommation prévoit déjà que le coût de l’assurance emprunteur doit être mentionné sur tout document fourni à l’emprunteur avant l’offre de prêt qui traite de ce sujet.
L’article L. 313-8 dudit code précise que ce coût est exprimé en taux annuel effectif de l’assurance, qui permet la comparaison par l’emprunteur de ce taux avec le taux annuel effectif global du crédit.
Cet amendement est d’autant plus satisfait qu’une fiche standardisée d’information doit être fournie à toute personne qui se voit proposer un contrat d’assurance emprunteur. Celle-ci mentionne le taux annuel effectif de l’assurance relatif à la totalité du prêt.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Aux articles L. 313-8 et L. 313-28, les mots : « de groupe » sont supprimés ;
2° L’article L. 313-30 est ainsi modifié :
a) A la première phrase, les mots : « de groupe » sont supprimés ;
b) La dernière phrase est ainsi rédigée : « Toute décision de refus est explicite et comporte l’intégralité des motifs de refus. » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle précise, le cas échéant, les informations et garanties manquantes. » ;
3° Après le même article L. 313-30, il est inséré un article L. 313-30-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 313 -30 -1. – Le prêteur est tenu de communiquer à l’emprunteur, sur un support papier ou sur tout autre support durable, la date de signature de l’offre de prêt, dès la réception de cette offre signée et de la mentionner sur toute documentation mise à la disposition de l’emprunteur et relative à son prêt. »
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 4
Supprimer ces alinéas.
II. - Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « résiliation », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « prévu au premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou au troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité. » ;
III. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
est explicite et comporte l’intégralité des motifs de refus
par les mots :
doit être explicite et motivée
IV. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
et garanties
V. – Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Daniel Salmon.
Cet amendement vise à mettre en cohérence l’article avec le rétablissement, pour l’assuré, du droit de résiliation du contrat d’assurance emprunteur. Il tend donc à rétablir la rédaction initiale de l’article 2.
L’amendement n° 33, présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « résiliation », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « prévu au premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou au troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité. » ;
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
est explicite et comporte l’intégralité des motifs de refus
par les mots :
doit être explicite et motivée
III. – Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie Evrard.
Cet amendement de cohérence est conforme à notre souhait de rétablir l’esprit initial de la proposition de loi.
Les ajouts de la commission ne nous semblent pas utiles et paraissent pleinement satisfaits par la rédaction antérieure. La notion d’« intégralité des motifs de refus », en particulier, alourdirait la rédaction du code de la consommation ; elle n’a que peu de valeur ajoutée et n’est pas une expression consacrée dans la réglementation financière.
Ces deux amendements tendent à revenir à la rédaction issue de l’Assemblée nationale. Ils diffèrent légèrement par leur rédaction, l’amendement inspiré par le Gouvernement conservant la clarification du code de la consommation apportée par la commission.
Dès lors qu’ils visent à adapter le code de la consommation pour tenir compte de la résiliation à tout moment, mesure que nous venons de repousser, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements, mais je reconnais que le suspense quant à leur sort n’est pas insoutenable !
Sourires.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 2 est adopté.
L’amendement n° 40, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 6° de l’article L. 313-25 du code de la consommation, après le mot : « assurances », sont insérés les mots : «, garanties exigées ».
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Cet amendement tend à renforcer la transparence et, de fait, l’information de l’emprunteur sur les garanties exigées par le prêteur lors de la conclusion du prêt.
Il est ainsi proposé que la liste des informations devant figurer dans l’offre de prêt soit complétée par les éléments relatifs aux garanties exigées par la banque pour l’octroi et le maintien du crédit. Cette information est importante, car la banque ne peut pas refuser un autre contrat d’assurance emprunteur s’il présente un niveau de garantie équivalent au contrat initial.
Aussi, cette information figurant dans l’offre de prêt prend un caractère contractuel. Non seulement elle permet à l’emprunteur de disposer d’un document de référence pendant toute la durée du prêt, mais elle facilite également la négociation d’une autre assurance.
Avec cet amendement, il s’agit donc d’apporter des outils supplémentaires à l’emprunteur et de renforcer l’effectivité du droit à changer d’assurance emprunteur.
Aujourd’hui, l’offre de prêt doit déjà mentionner la possibilité laissée à l’emprunteur de résilier l’assurance et les documents à transmettre pour ce faire. Cet amendement est donc satisfait par la rédaction actuelle du code de la consommation.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Certes, cet amendement peut être considéré comme satisfait, dans la mesure où les informations sont précisées dans la fiche standardisée d’information, la FSI. Toutefois, il nous semble préférable qu’elles figurent au contrat.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Capus, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° de l’article L. 313-25 du code de la consommation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Mentionne le coût de l’assurance exprimé tel que prévu au L. 313-8 et notamment par l’indication du taux annuel effectif de l’assurance ;
« …° Mentionne les exigences du prêteur en termes de garanties d’assurance qui conditionnent l’octroi et le maintien du crédit ; ».
La parole est à M. Emmanuel Capus.
Je défends avec grand plaisir cet amendement de Franck Menonville, qui va dans le même sens que l’amendement précédent, même si sa rédaction est quelque peu différente.
J’entends que certaines mesures sont déjà prévues dans le code de la consommation, mais nous demandons qu’une information complète figure dans le contrat de prêt.
Comme pour l’amendement précédent et pour les mêmes raisons, cette demande me semble pleinement satisfaite. Il est déjà prévu que les garanties exigées figurent explicitement, tant dans la notice que dans la fiche standardisée d’information. C’est dans la loi !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Après l’article L. 113-15-2 du code des assurances, il est inséré un article L. 113-15-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 113 -15 -3. – I. – Pour les contrats mentionnés à l’article L. 113-12-2, l’assureur informe chaque année l’assuré, sur support papier ou tout autre support durable, du droit de résiliation prévu à l’article L. 113-12, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter.
« Les manquements à cette obligation sont constatés et sanctionnés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans les conditions prévues à la section II du chapitre Ier du titre Ier du livre III.
« II. – Les manquements à cette obligation peuvent également être recherchés et constatés par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l’article L. 511-7 du même code.
« Ils sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.
« L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer, dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V dudit code, l’amende administrative prévue au présent II. »
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 313-29 est ainsi modifié :
a) Le mot : « et » est remplacé par le signe : «, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et indiquant que la date d’échéance du contrat d’assurance est, au choix de l’emprunteur, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par l’emprunteur ou toute autre date d’échéance prévue au contrat. » ;
2° Après le 29° de l’article L. 511-7, il est inséré un 30° ainsi rédigé :
« 30° De l’article L. 113-15-3 du code des assurances et de l’article L. 221-10-4 du code de la mutualité. »
III. – Après l’article L. 221-10-3 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 221-10-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 221 -10 -4. – I. – Pour les contrats d’assurance mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 221-10, la mutuelle ou l’union informe chaque année l’assuré, sur support papier ou tout autre support durable, du droit de résiliation prévu au premier alinéa du même article L. 221-10, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter.
« Les manquements à ces obligations sont constatés et sanctionnés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans les conditions prévues au livre V.
« II. – Les manquements au premier alinéa du I peuvent également être recherchés et constatés par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l’article L. 511-7 du même code.
« Ils sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.
« L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer, dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V dudit code, l’amende administrative prévue au présent II. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled.
L’amendement n° 26 rectifié est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 113 -15 -3. – I. – Pour les contrats mentionnés à l’article L. 113-12-2, l’entreprise d’assurance met à la disposition de l’assuré, sur tout support durable, les informations relatives au droit de résiliation de ces contrats prévu au même article ainsi qu’aux modalités de résiliation et aux différents délais de notification et d’information que l’assuré doit respecter.
II. – Alinéas 8 à 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 313-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette notice indique la possibilité pour l’emprunteur de résilier le contrat d’assurance à tout moment à compter de la signature de l’offre de prêt. » ;
III. – Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 221 -10 -4. – I. – Pour les contrats mentionnés à l’article L. 221-10, la mutuelle ou l’union met à la disposition du membre participant, sur tout support durable, les informations relatives au droit de résiliation de ces contrats prévu au troisième alinéa du même article ainsi qu’aux modalités de résiliation et aux différents délais de notification et d’information que le membre participant doit respecter.
La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
Dans la mesure où il s’agit d’un amendement de cohérence avec une mesure qui a été présentée un peu plus tôt dans la discussion, mais qui n’a pas été retenue, je le retire, madame la présidente.
L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
L’amendement n° 11, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000
par les mots :
de 12 000 € pour une personne physique et de 60 000
II. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000
par les mots :
de 12 000 € pour une personne physique et de 60 000
La parole est à M. Daniel Salmon.
La proposition de loi renforce les sanctions administratives en cas de manquement aux obligations de transparence relatives au droit de résiliation. Nous soutenons bien évidemment cette disposition.
Toutefois, avec une sanction ne pouvant excéder 3 000 euros pour une personne physique, comme le prévoit actuellement le texte, il reste très rentable pour les banques et autres sociétés financières de ne pas informer leurs clients de la possibilité de résilier leur contrat d’assurance emprunteur.
Afin de rendre la sanction réellement dissuasive, il est donc proposé de porter son montant à 12 000 euros pour les particuliers. Afin de conserver l’écart prévu par le texte, ce même montant serait fixé à 60 000 euros pour une personne morale.
Par définition, les sanctions en matière d’information du consommateur se doivent d’être dissuasives.
Je note toutefois un point dans l’objet de l’amendement : on distingue le caractère physique ou moral de la personne à qui est infligée la sanction, c’est-à-dire la personne contrevenant à la loi, et non l’emprunteur. En d’autres termes, même si, juridiquement, on prévoit une distinction entre sanction appliquée à une personne physique – 3 000 euros – et sanction appliquée à une personne morale – 15 000 euros –, dans les faits on verra uniquement infliger la sanction de 15 000 euros aux banques qui manqueraient à leurs obligations.
Je rappelle également qu’il s’agit d’une sanction administrative.
Pour toutes ces raisons, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
La cohérence a été invoquée à plusieurs reprises au cours de nos débats. C’est aussi par cohérence que le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Le code de la consommation prévoit déjà des amendes pour des manquements similaires sur d’autres types de produits assurantiels. Ce sont les quantums repris dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, c’est-à-dire dans la version issue des travaux de la commission.
Pour ne pas créer d’incohérence entre les différentes dispositions du code de la consommation, il semble nécessaire de s’en tenir là.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 3 est adopté.
Au 2° de l’article L. 313-8 du code de la consommation, après le mot : « assurance », sont insérés les mots : « sur une durée de huit ans et ».
L’amendement n° 34, présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie Evrard.
Cet amendement tend à supprimer l’obligation d’informer l’emprunteur sur le coût de son assurance sur une durée de huit ans.
L’article 3 bis reprend une préconisation du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Sur le fond, nous y sommes pleinement favorables. Cela étant, l’obligation d’une telle information relève du domaine réglementaire. Nous attendons donc que le Gouvernement agisse en ce sens.
L’article 3 bis, ajouté dans le texte en commission à l’Assemblée nationale sur l’initiative de la rapporteure, a ensuite été supprimé en séance publique sur l’initiative du Gouvernement.
Or il semble de bon sens, puisqu’il prévoit que le coût de l’assurance emprunteur soit affiché, non seulement sur la durée du prêt, mais aussi sur huit ans, c’est-à-dire la durée moyenne d’un prêt dans les faits. Ainsi, l’emprunteur pourrait comparer avec plus d’efficacité et de pertinence les différentes offres d’assurance.
La loi prévoyant déjà de manière précise la façon dont le coût de l’assurance doit être exprimé, nous pensons que cette disposition relève bien, comme les autres, du domaine législatif. Il n’est nul besoin de passer par le pouvoir réglementaire pour cela : la disposition est suffisamment claire et détaillée en elle-même.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement n° 34.
Cette disposition relève bien du règlement, et non de la loi.
Quoi qu’il arrive, il faudra revoir la FSI à l’issue du processus législatif pour intégrer un certain nombre d’éléments requis. Naturellement, le Gouvernement s’y engage, il apportera cette précision concernant la durée de huit ans dans le cadre de l’arrêté qui sera rédigé.
Nous ne faisons que débattre de la norme, qu’elle soit réglementaire ou législative. Dans tous les cas, ce sera fait !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 3 bis est adopté.
Au troisième alinéa de l’article L. 313-31 du code de la consommation, après le mot : « avenant », sont insérés les mots : «, dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la notification de cette décision à l’emprunteur, ».
L’amendement n° 35, présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article L. 313-31 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- les mots : « du deuxième alinéa de l’article L. 113-12 du code des assurances, » sont supprimés ;
- les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code des assurances » ;
- les mots : « des premier ou troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « du troisième alinéa » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « avenant », sont insérés les mots : «, dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution, » ;
2° L’article L. 313-32 est ainsi modifié :
a) Les mots : « du deuxième alinéa de l’article L. 113-12 du même code » sont supprimés ;
b) Les mots : « des premier ou troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « du troisième alinéa ».
La parole est à Mme Marie Evrard.
L ’ article 4 est adopté.
À l’article L. 313-32 du code de la consommation, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « y compris son mode d’amortissement, ». –
Adopté.
(Non modifié)
La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre III du code de la consommation est ainsi modifiée :
1° Au début de la sous-section 2, il est ajouté un paragraphe 1 intitulé : « Sanctions civiles » et comprenant les articles L. 341-25 et L. 341-26 ;
2° La même sous-section 2 est complétée par un paragraphe 2 ainsi rédigé :
« Paragraphe 2
« Sanctions administratives
« Art. L. 341 -26 -1. – Le fait pour le prêteur de ne pas respecter l’une des obligations prévues au dernier alinéa de l’article L. 313-8 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. » ;
3° L’article L. 341-39 est abrogé ;
4° La sous-section 4 est complétée par un paragraphe 3 ainsi rédigé :
« Paragraphe 3
« Sanctions administratives
« Art. L. 341 -44 -1. – Le fait pour le prêteur de ne pas respecter l’une des obligations prévues aux articles L. 313-30 à L. 313-32 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. »
L’amendement n° 16, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000
par les mots :
de 12 000 euros pour une personne physique et de 60 000
II. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000
par les mots :
de 12 000 euros pour une personne physique et de 60 000
La parole est à M. Daniel Salmon.
Par cohérence également, je retire cet amendement, madame la présidente.
L ’ article 5 est adopté.
Le présent titre entre en vigueur quatre mois après la promulgation de la présente loi et s’applique aux contrats en cours à la date de son entrée en vigueur.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 27 rectifié est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
L’amendement n° 36 est présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
quatre mois
par les mots :
un an
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié.
L’amendement n° 27 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie Evrard, pour présenter l’amendement n° 36.
L ’ article 6 est adopté.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 14 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.
L’amendement n° 25 rectifié est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
L’amendement n° 32 est présenté par Mmes Evrard et Schillinger, M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Droit de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur et autres mesures de simplification
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 14.
Cet amendement n’ayant plus d’objet, je le retire, madame la présidente !
L’amendement n° 14 est retiré.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.
L’amendement n° 25 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie Evrard, pour présenter l’amendement n° 32.
L’amendement n° 32 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.