Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur Frédérique Puissat, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi « Travailleurs des plateformes ».
Le 5 janvier dernier, cette commission aboutissait à un accord sur ce texte, après une première lecture à l’Assemblée nationale, en septembre, et au Sénat, en novembre.
Je tiens à remercier particulièrement les membres de la CMP des deux assemblées. Ce travail collectif a permis d’aboutir à un texte ambitieux et équilibré, qui, conformément à l’engagement du Gouvernement, fournit un socle de droits nouveaux aux travailleurs des plateformes. C’était, en quelque sorte, votre conclusion, madame le rapporteur.
Ce texte repose sur une conviction : la négociation collective est la meilleure méthode pour bâtir une protection sociale adaptée aux travailleurs des plateformes.
Je rappelle que le premier objectif de ce projet de loi est de ratifier l’ordonnance du 21 avril dernier, consistant à faire émerger un dialogue social dans le secteur des plateformes de mobilité. Cette ratification est une première pierre posée en vue de la construction d’une véritable démocratie sociale dans le secteur, ce dont nous pouvons nous réjouir collectivement. Avec elle, nous voulons accompagner le développement des plateformes de mise en relation, tout en veillant à mieux protéger leurs travailleurs.
L’enjeu est de proposer les conditions d’un dialogue social structuré entre les plateformes et les travailleurs qui y recourent, afin de construire des droits nouveaux – rémunération minimale, formation professionnelle, santé au travail, un sujet qui m’est cher –, tout en respectant l’indépendance à laquelle nombre d’entre eux sont attachés.
Il s’agit aussi d’adapter le droit du travail aux nouvelles formes d’emploi. À cet égard, ce texte s’inscrit dans la continuité d’un travail de réflexion et de concertation approfondi, mené d’abord par Jean-Yves Frouin, puis par Bruno Mettling, que je tiens tous deux à remercier.
L’ordonnance du 21 avril dernier prévoit l’organisation d’une élection nationale, permettant aux près de 100 000 travailleurs des deux secteurs d’activité concernés, c’est-à-dire les chauffeurs de VTC et les livreurs à vélo, d’élire leurs représentants.
Cette élection, qui se tiendra du 9 au 16 mai 2022, leur permettra d’accéder pour la toute première fois à une représentation syndicale. Sa réussite est au cœur des missions confiées à la nouvelle instance de facilitation du dialogue social, également prévue par cette ordonnance : l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Élisabeth Borne a d’ailleurs participé, la semaine dernière, à la mise en place de cette autorité et à son premier conseil d’administration.
Cette installation, mesdames, messieurs les sénateurs, est une première étape importante. Elle marque notre volonté de voir se déployer rapidement les dispositions du projet de loi que vous êtes appelés à voter aujourd’hui.
Au-delà de l’organisation des élections, cette jeune autorité sera chargée d’accompagner les nouveaux représentants pour la réussite des premières négociations qui seront lancées. En effet, l’ARPE a vocation à devenir un facilitateur du dialogue social, en même temps qu’un observatoire des évolutions de l’activité du secteur des plateformes.
À ce stade, je veux saluer les avancées importantes permises sur ce texte par les deux chambres parlementaires, qui ont complété utilement les missions attribuées à cette autorité. Mme le rapporteur l’a rappelé à l’instant, mais j’y reviens succinctement. Dans ce projet de loi, deux nouveaux rôles lui ont ainsi été confiés : un rôle de reconnaissance des organisations représentatives des plateformes et un rôle de médiation en cas de différends entre les plateformes et les représentants des travailleurs.
L’enrichissement de ses missions permettra à l’ARPE d’accroître rapidement sa crédibilité et de gagner en efficacité.
Par ailleurs, le travail de la commission mixte paritaire a permis de préciser et de mieux définir les rôles d’expertise et de médiation dévolus à ce nouvel établissement public administratif, de sorte qu’il pourra prendre rapidement la mesure de son portefeuille et monter pleinement en puissance.
Au-delà de ces avancées, ce texte ouvre la voie à de nouveaux travaux législatifs, qui permettront de finaliser les modalités du futur dialogue social dans ce secteur.
C’est tout le sens de l’article 2, qui vous demande d’habiliter le Gouvernement à approfondir, par voie d’ordonnance, le cadre de la négociation collective entre les représentants des plateformes et de leurs travailleurs. Le recours à cette procédure répond à un impératif d’efficacité, qui rend nécessaire de finaliser le cadre de ce dialogue social avant la tenue des élections professionnelles au mois de mai, pour donner de la visibilité aux travailleurs des plateformes.
Je veux, à ce sujet, saluer le compromis obtenu quant à la définition des thèmes qui seront ouverts à la négociation collective. En faisant le choix de renvoyer cette liste de thèmes à la future ordonnance, l’Assemblée nationale et le Sénat démontrent, une fois encore, que leur travail de coconstruction est essentiel pour aboutir à des dispositifs équilibrés et utiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, ce texte de compromis pose les jalons d’un dialogue social dans le secteur des plateformes de mobilité. Nous pouvons en être fiers.
Nous sommes convaincus que cette méthode permettra de bâtir des protections nouvelles, répondant du mieux possible aux aspirations de près de 100 000 travailleurs indépendants.
Aussi, dans cet esprit de consensus qui nous a animés tout au long des débats, je vous invite à suivre les conclusions de la commission mixte paritaire et à voter très largement ce projet de loi, comme vous le demande Mme le rapporteur, pour renforcer les droits réels des travailleurs des plateformes.