Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2017, le verbe « ubériser » faisait son entrée dans nos dictionnaires, avec la définition suivante : « Déstabiliser et transformer, avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles technologies ». Depuis bien des années désormais, nous pouvons observer les conséquences de l’ubérisation de notre société.
Au départ, nous avons suivi la montée en puissance des VTC et le développement des premières applications. Depuis lors, les plateformes numériques se sont saisies de la livraison dans le domaine de la restauration. Elles connaissent un essor impressionnant depuis 2020 et le début de la pandémie que nous vivons toujours.
Toutefois, les transports et la nourriture ne sont pas les seuls secteurs économiques atteints par ce que l’on appelle « la plateformisation » du travail. Tous les jours fleurissent de nouveaux services. Il est donc juste de trouver un cadre juridique et social à la hauteur des enjeux, présents et à venir.
Notre économie évolue, certes, mais tout comme le marché de l’emploi. Ce n’est pas un secret : les entreprises peinent à recruter. Dans certains secteurs, c’est même dramatique.
En première lecture, nous avons déjà évoqué l’hétérogénéité des situations face à l’emploi, la différence entre l’emploi et l’activité, mais aussi la flexibilité que proposent les plateformes numériques, laquelle sous-tend le développement de ces nouvelles pratiques. Ces opportunités économiques correspondent aux évolutions de la société et aux nouvelles habitudes de vie.
Cependant, les risques de dérives existent ; ils sont même évidents. Il est donc impératif de créer des mécanismes de protection des travailleurs qui utilisent ces plateformes, qu’ils soient indépendants ou non. Un équilibre reste à trouver.
Ce projet de loi a le mérite de nous permettre d’aborder ce sujet majeur pour notre société et de nous interroger sur la meilleure façon de protéger les travailleurs indépendants.
Ce sujet est mondial. La Commission européenne a d’ailleurs publié le 9 décembre dernier une proposition de directive pour améliorer les conditions de travail des personnes travaillant via une plateforme de travail numérique.
Des axes forts y sont défendus sur le droit du travail et la protection sociale. Deux points méritent à mon sens notre attention : le statut professionnel et la transparence sur la gestion des algorithmes. Nous surveillerons les négociations entre les institutions européennes. Il est important d’avoir un cadre européen solide.
Quand l’heure de la transposition de la directive sera venue, nous devrons être prêts à discuter de ces sujets. J’espère que, d’ici là, nous aurons mis à profit le temps de la négociation pour entamer une réflexion profonde. Il reste tant à faire pour que l’utilisation de ces plateformes soit synonyme de protection pour les travailleurs indépendants qui y ont recours.
J’en viens au texte lui-même, et je salue le travail effectué par les deux chambres du Parlement.
Bien sûr, l’amélioration proposée par le Sénat à l’article 1er, qui vise à confier à l’ARPE la mission de réguler le dialogue social entre les travailleurs indépendants et les plateformes de l’ARPE, va dans le bon sens et clarifie le texte.
À l’article 2, je me félicite que les membres de la CMP se soient entendus sur la réduction à neuf mois du délai autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances. C’est un bon compromis, qui permettra une action rapide, même si, comme beaucoup ici, je regrette le choix de légiférer par voie d’ordonnances. J’aurais préféré que nous débattions plus longuement de ce sujet. Le Parlement a tout de même précisé et encadré certaines parties de l’habilitation.
Enfin, la suppression de l’article 3 adopté au Sénat est le signe que nous devons encore approfondir notre réflexion et notre travail.
Il est important d’apporter de la flexibilité au cadre que nous souhaitons mettre en place, car il doit pouvoir s’adapter aux évolutions encore nombreuses qui vont se matérialiser. De même, il est important de protéger les travailleurs indépendants en leur permettant d’avoir un dialogue et une relation équilibrés avec les plateformes, afin qu’ils puissent défendre leurs intérêts et obtenir des garanties collectives en fonction des secteurs.
Il faut aussi permettre la flexibilité que proposent ces plateformes numériques, tout en l’encadrant sérieusement pour éviter les abus.
Le travail qu’il nous reste à accomplir est donc immense, mais les premiers jalons sont posés, cela a été dit à plusieurs reprises. Pour cette raison, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les conclusions de la CMP.