Intervention de Jean-Baptiste Blanc

Réunion du 26 janvier 2022 à 15h00
Marché de l'assurance emprunteur — Discussion générale

Photo de Jean-Baptiste BlancJean-Baptiste Blanc :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis de cette proposition de loi. J’ai conduit mes travaux en plein accord avec Daniel Gremillet, rapporteur au fond, et nos deux commissions ont adopté des amendements identiques, qui sont désormais intégrés au texte que nous examinons aujourd’hui.

Les éléments de la proposition de loi ont déjà été exposés par le rapporteur au fond. Pour ma part, je suis parti du principe selon lequel un système d’assurance a vocation à permettre une solidarité entre assurés et ne doit pas oublier les plus fragiles au profit exclusif de ce que les assureurs appellent les « bons risques ».

C’est pourquoi nous avons proposé une mesure ambitieuse : la suppression du questionnaire médical, afin de permettre aux profils les plus risqués d’accéder à la propriété sans devoir attendre des années pour bénéficier du droit à l’oubli.

Le Gouvernement s’oppose, étrangement, à cette suppression, pour des raisons difficiles à comprendre. Le questionnaire de santé conduit, en effet, à appliquer des surprimes, qui n’ont parfois plus de lien avec le risque réel sur l’espérance de vie, compte tenu des progrès médicaux.

Dans le dispositif que nous proposons, les prêts concernés seraient remboursés au plus tard à 65 ans, c’est-à-dire à un âge où le risque de décès ou d’invalidité reste encore limité, puisque l’on a encore une vingtaine d’années d’espérance de vie. Les assureurs seront donc toujours en mesure de répartir les risques entre les assurés. Le montant des primes pourra être déterminé par d’autres critères que le questionnaire de santé, tels que l’âge, la profession, le montant emprunté ou la localisation du bien acquis.

En outre, les données médicales manquent souvent pour donner un fondement objectif aux surprimes. Pour les emprunteurs porteurs du VIH, la surprime appliquée à la garantie décès peut s’élever jusqu’à 100 %, alors que leur espérance de vie est désormais semblable à celle des personnes non porteuses.

Au total, le questionnaire médical s’apparente à un révélateur de risques très perfectible. Il est donc naturel de le supprimer pour la plupart des emprunteurs. Peut-être le montant maximal de 200 000 euros ou le seuil d’âge de 65 ans doivent-ils être discutés ; nous le ferons.

Nous devons en débattre, de manière que le Sénat, une nouvelle fois, fasse progresser le système de l’assurance emprunteur au bénéfice de tous, de manière plus volontariste que la simple incitation à négocier qui figurait dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.

L’autre nécessité est de faciliter l’exercice du droit de résiliation. Disons-le encore, ce droit existe, et la concurrence est déjà réelle sur le marché de l’assurance emprunteur. Un quart des contrats d’assurance emprunteur sont aujourd’hui des contrats alternatifs, grâce aux évolutions législatives survenues depuis dix ans.

Le prix de l’assurance emprunteur a baissé pour toutes les catégories, selon le CCSF, sauf, semble-t-il, pour les plus de 55 ans. Ce dernier point doit nous alerter, car, quoi qu’en disent certains acteurs, il existe un vrai danger qu’une généralisation des contrats alternatifs ne conduise à une moindre mutualisation des risques entre assurés.

Avec la résiliation à tout moment, on peut craindre que « la péréquation entre “bons risques” et “mauvais risques”, mécanisme naturel dans une assurance, ne se [fasse] plus » : je cite ici les propos du Gouvernement, représenté par Mme Agnès Pannier-Runacher devant l’Assemblée nationale, le 2 octobre 2020. La position prise aujourd’hui par le Gouvernement me laisse donc perplexe.

Je me permets d’ailleurs de relever le malaise que nous avons perçu lors des auditions de votre administration, monsieur le ministre, à propos d’un texte sans doute vite rédigé, peut-être bâclé. Ce malaise était partagé également par la fédération France Assureurs, laquelle semble déchirée sur ce sujet, qui n’est pas aussi simple qu’on semble le dire.

La concurrence est d’ores et déjà ouverte pour les bons profils, qui peuvent l’exercer tous les ans, c’est-à-dire très souvent à l’échelle d’un prêt immobilier de vingt ou vingt-cinq ans. Nous devons nous préoccuper des plus fragiles.

Je crains aussi que la résiliation à tout moment n’aboutisse à une multiplication des actions de démarchage, alors même que les démarcheurs en assurance ne suivent pas toujours les bonnes pratiques, comme le rappelle un rapport récent du CCSF. Souhaitons-nous que les Français soient démarchés et harcelés ? Je n’en suis pas certain.

Nous avons donc proposé de revenir au compromis de la loi ASAP, c’est-à-dire d’accélération et de simplification de l’action publique, compromis voté par les deux assemblées. La date de résiliation sera parfaitement claire et connue des emprunteurs, car ceux-ci seront informés chaque année de leur droit de résiliation, comme l’a prévu la commission des affaires économiques.

Le texte de la proposition de loi, tel qu’il a été enrichi par l’examen en commission, permettra ainsi de réduire très fortement les risques de manœuvres dilatoires de la part des prêteurs.

Nous avons l’occasion de supprimer les injustices dont certains font l’objet en fonction de leur état de santé et de préserver un bon niveau de mutualisation. Nous sommes contre la dérégulation, monsieur le ministre, et nous sommes favorables à la mutualisation. Tel est mon état d’esprit et la position qui a été prise par la commission des finances.

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