Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis, ce soir, pour examiner en nouvelle lecture cette proposition de loi visant à réformer l’adoption. Ce texte, qualifié de décevant par les acteurs de la protection de l’enfance, apparaît à certains égards dogmatique, alors même que le sujet, tout le monde en convient, est très sensible, voire parfois douloureux, pour bon nombre d’enfants et de familles.
Toutefois, la commission s’est efforcée de l’examiner, à chacune de ses lectures, sans jamais perdre de vue l’intérêt supérieur de l’enfant, et avec la ferme volonté de s’en tenir à une vision purement réaliste, en s’appuyant notamment sur les retours des associations et des acteurs de la protection de l’enfance.
C’est dans cet état d’esprit que nous avons souhaité maintenir le droit en vigueur à propos des critères requis pour qu’un couple puisse entamer la procédure d’adoption. En effet, il nous est apparu que l’assouplissement de ces critères voulu par l’Assemblée nationale s’affranchissait complètement de la réalité des situations des familles qui souhaitaient adopter.
Avec ce même pragmatisme, la commission vous propose également de maintenir la possibilité pour les organismes agréés d’accueillir des enfants en vue d’une adoption. Sur ce sujet si délicat, qui concerne le devenir de plusieurs milliers d’enfants, il est en effet souhaitable, et même essentiel, de maintenir une autre solution que l’aide sociale à l’enfance, tout en reconnaissant que ces organismes ne peuvent être exemptés d’un contrôle strict mené par les services départementaux et le juge des tutelles.
La commission a voulu aussi rétablir dans le texte le consentement à l’adoption des parents confiant à l’aide sociale à l’enfance leur enfant en vue de son admission au statut de pupille de l’État.
Je n’y reviendrai pas en détail, car je voudrais insister sur un autre point, qui a déjà été évoqué. J’ai été étonné, voire choqué, disons-le, que le Gouvernement se permette de demander la possibilité de légiférer par ordonnances sur un sujet aussi sensible. Le texte actuel n’est-il pas une vraie occasion de débat et de réforme ? Si le Gouvernement souhaite aborder d’autres modifications de la législation s’agissant de l’adoption, pourquoi ne pas les présenter, de la manière la plus transparente possible, dans le cadre de l’examen de ce texte ?
J’ai été choqué, mais pas étonné, puisque cette méthode est révélatrice de l’état d’esprit d’un Gouvernement qui fait vraiment tout son possible pour s’affranchir des débats parlementaires, pourtant au cœur de l’équilibre de nos institutions. À cet égard, je ne peux que m’associer à la position de notre rapporteur, Muriel Jourda, et de notre collègue Laurence Harribey.
Enfin, j’en viens à un des motifs de l’échec de la commission mixte paritaire. Dans le cas d’une PMA réalisée à l’étranger avant la loi relative à la bioéthique de 2021, l’Assemblée nationale a souhaité permettre l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, y compris quand la mère biologique « s’y oppose sans motif légitime ».
Au-delà du caractère assez flou de la notion de motif légitime, cela ne revient-il pas tout simplement à priver la mère biologique de son droit au consentement à l’adoption ? Cette disposition ne concerne d’ailleurs pas directement l’enfant, puisqu’il s’agit d’un litige entre deux personnes adultes. C’est à ces deux titres que la commission des lois a réitéré sa ferme intention de supprimer cette disposition qu’elle juge inadaptée, dans la mesure où elle n’a pas pour objectif premier l’intérêt supérieur de l’enfant.
Pour conclure, mes chers collègues, j’y insiste, notre groupe restera ferme sur les apports de la commission des lois, dont certains font l’objet d’un large consensus, nourri par l’attachement général à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant.