Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer la qualité du travail de notre collègue rapporteure Marie-Pierre Richer sur un sujet certes passionnant, mais ô combien complexe.
Le présent texte porte reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local ayant transité par un camp ou un hameau de forestage entre 1962 et 1975.
Cette page d’histoire est particulièrement tragique : plusieurs dizaines de milliers de harkis, considérés comme des traîtres, furent sauvagement assassinés sur le sol algérien. Militaires, civils, femmes, enfants ont été les victimes de ces terribles massacres.
Parmi les 82 000 rapatriés d’origine algérienne ayant réussi à gagner la France, 42 000 personnes ont connu des conditions de vie indignes dans des camps de transit et des hameaux de forestage, où les anciens supplétifs étaient engagés pour travailler sur des chantiers d’aménagement de zones forestières.
La souffrance, les atteintes aux libertés individuelles, la précarité, les humiliations, les privations et la déscolarisation des enfants ont marqué la vie de ces structures. Ce projet de loi s’inscrit donc dans une démarche de réparation des préjudices subis par ces personnes du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français.
Aux yeux des sénateurs du groupe Union Centriste, il est primordial de reconnaître la dette de la Nation à l’égard des harkis et de reconnaître la faute de la France dans la privation de liberté qu’elle leur a fait subir au sein de camps bien particuliers.
Il est essentiel de rendre hommage à l’engagement des harkis durant la guerre d’Algérie. Il est indispensable d’intensifier le soutien que la Nation leur apporte, ainsi qu’à leurs familles, afin d’améliorer leurs conditions de vie.
Le principe d’une responsabilité de l’État envers les harkis a pris corps au fil des dernières décennies. Comme l’a rappelé notre collègue rapporteure, en complément de l’aide sociale de droit commun, des milliers d’anciens harkis et leurs familles ont pu bénéficier d’un grand nombre de mesures d’aide et de reconnaissance : aides sociales à la réinstallation, indemnisation des biens perdus en Algérie, mesures de désendettement, aides au logement, etc.
Par ailleurs, plusieurs mesures financières ont été prises depuis le 1er janvier 2017, par exemple la revalorisation de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère prévue en faveur des conjoints survivants de harkis.
Ce texte instaure de nouvelles mesures de reconnaissance et de réparation. Il pose le principe de la responsabilité de la France dans l’indignité des conditions de vie qui ont été réservées à ces personnes sur son territoire.
Le Gouvernement estime le nombre de bénéficiaires potentiels du dispositif à 50 000, pour un coût global de 302 millions d’euros.
L’indemnité de réparation ne serait assujettie ni à l’impôt sur le revenu ni à la contribution sociale sur les revenus d’activité et de remplacement. Les mesures d’aides sociales élargissent les conditions dans lesquelles peut être versée l’allocation viagère.
Je salue la création d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis et par les autres personnes rapatriées d’Algérie. Cette commission assurera la mission de recueil et de transmission de la mémoire ; elle aura un rôle décisionnel et de pilotage dans la procédure de demande de réparation.
Aucun mot ne peut décrire le comportement de l’État à l’égard des harkis au lendemain de la guerre d’Algérie. Un sentiment d’abandon pèse toujours sur le cœur des survivants et sur celui de leurs descendants.
Nous considérons que ces mesures ne peuvent en aucun cas constituer un « solde de tout compte » dans la reconnaissance due par la Nation aux harkis, qui ont participé au conflit au service de la France. Nous reconnaissons leurs souffrances et leurs sacrifices et tenons à rendre hommage à leurs familles.
Nous ne saurions pourtant laisser penser que rien n’a jamais été fait : diverses lois et mesures prouvent le contraire. De Jacques Chirac à Emmanuel Macron, la parole présidentielle a exprimé la reconnaissance de la République envers les harkis et autres supplétifs pour leur engagement.
Évidemment, la réalité est loin d’être satisfaisante.
Évidemment, aucune mesure ne suffira jamais pour réparer toutes les violences, la souffrance, les atrocités subies par les harkis et par leurs familles.
Évidemment, aucune indemnité financière ne peut aider à refermer les plaies.
Certaines erreurs n’auraient tout simplement pas dû être commises par la France. Après plus de soixante ans, est-il encore possible de réparer l’irréparable ?
Malgré le retard accumulé, ce texte représente une avancée et s’inscrit dans une trajectoire de réparation des blessures d’un passé toujours proche et vivant.
Nous devons continuer ce combat ; nous ne devons pas oublier ! C’est pourquoi les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de ce texte.