Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 25 janvier 2022 à 14h30
Harkis et autres personnes rapatriées d'algérie — Discussion générale

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous cache pas l’émotion que j’éprouve en prenant la parole, alors que notre Haute Assemblée s’apprête à contribuer à écrire un nouveau chapitre de notre histoire. Ma meilleure amie est fille de harki. Elle est née dans le camp de Rivesaltes, où elle a vécu et où elle a souffert des conditions d’existence. Ses douleurs sont telles que la plaie ne s’est jamais refermée.

Je salue les représentants des harkis présents en tribune.

Les uns et les autres l’ont rappelé : les harkis appartiennent à l’histoire de France, et à mon tour je leur rends hommage.

La signature des accords d’Évian a ouvert cette page dramatique : après avoir servi la France durant la guerre d’Algérie, des hommes – harkis, moghaznis et membres des autres formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local – ont été soit délaissés sur leur terre natale, en proie aux exactions et aux massacres, soit rapatriés en métropole, coupés de leurs racines et relégués dans des cités urbaines, des camps ou des hameaux de forestage.

Dans ces camps et ces hameaux de forestage, où certains ont passé des années, ces personnes ont connu l’abandon, l’enfermement et la survie dans des conditions particulièrement précaires et indignes. Leur vie était dominée par le rationnement, la faim, le froid, la promiscuité, la maladie, l’exclusion, les privations de libertés, l’arbitraire et le racisme, au mépris des valeurs qui fondent notre République, au mépris du droit et de toute justice.

Ces souffrances se sont transformées en traumatismes durables, que nous savons difficiles à apaiser complètement, soixante ans plus tard.

C’est pourquoi, le 20 septembre 2021, le Président de la République, Emmanuel Macron, a pris la parole pour demander pardon au nom de la France. Pour réparer cette faute de l’État que fut l’indignité de ces conditions d’accueil et de séjour sur le territoire national, dans ces camps et hameaux de forestage, il a reconnu la nécessité d’inscrire dans le marbre de la loi la responsabilité de l’État d’indemniser et de rendre justice.

Ce nouveau pas franchi est historique.

Par ses articles 1er et 2, le présent texte concrétise cet engagement du Président de la République : il acte la création d’un mécanisme de réparation des préjudices subis par ces personnes, leurs conjoints et leurs enfants dans les structures visées.

Si l’on a retenu tel fait générateur pour déterminer un préjudice spécifique, c’est conformément à la jurisprudence du Conseil d’État. Ainsi ce projet de loi évitera-t-il tout risque d’inconstitutionnalité.

La commission nationale de reconnaissance et de réparation, créée par l’article 3, sera au cœur de ce dispositif. Elle a gagné à l’Assemblée nationale la faculté « de proposer des évolutions de la liste des lieux » dans lesquels il est nécessaire d’avoir séjourné pour bénéficier du mécanisme de réparation. Cette évolution décisive lui confère les moyens d’être une entité active capable de détecter les angles morts et de faire évoluer le mécanisme de réparation.

Sa mission mémorielle est tout aussi déterminante : en recueillant de nouveaux témoignages, elle sera en mesure d’aider à transmettre aux jeunes générations la mémoire la plus précise possible, pour que rien ne soit oublié.

Enfin, c’est un véritable soulagement que l’article 7 vienne supprimer les irritants relatifs à l’allocation viagère, qui empêchaient injustement plusieurs veuves d’y accéder.

Félicitations, madame la rapporteure ! Notre groupe tient à vous remercier de votre travail minutieux et des précisions essentielles que vous avez apportées à ce texte en commission. Je pense notamment à votre amendement tendant à préciser que la responsabilité de l’État concernera des structures « de toute nature » ayant fait subir à leurs résidents des conditions indignes et attentatoires à leurs libertés, ce qui ouvre la voie à l’inclusion de certaines prisons reconverties en lieux d’accueil pour les harkis, pour l’heure encore mal identifiées.

En commission, les élus du groupe RDPI ont eux aussi contribué à améliorer les dispositions relatives à la commission nationale de reconnaissance et de réparation.

Ainsi – le texte le précise désormais sans ambages –, à la demande de la commission, l’ONACVG sollicite systématiquement de tout service de l’État, collectivité publique ou organisme gestionnaire de prestations sociales la communication de tout renseignement utile à l’exercice de ses missions. En outre, on pourra solliciter ces demandes d’informations afin de faire évoluer la liste des structures concernées.

Mes chers collègues, pour poursuivre ces efforts, les membres du groupe RDPI vous proposeront aujourd’hui deux nouveaux amendements.

Le premier tend à préciser les conditions de désignation des membres qui siégeront au sein de la commission en confiant cette prérogative au Premier ministre, sur proposition des autorités compétentes. Notre préoccupation, exprimée sur nombre de nos travées, est de sauvegarder l’indépendance de cette instance.

Le second, que nous défendons avec plusieurs collègues issus des groupes Les Républicains, Union Centriste, RDSE et Les Indépendants – République et Territoires, vise à prévoir spécifiquement un accès prioritaire à la commission pour les anciens combattants harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés. En l’état actuel du texte, ce n’est pas encore prévu.

Madame la ministre, avant de conclure, je tiens à saluer votre engagement infaillible et inlassable. C’est ainsi à vous que l’on doit le doublement des allocations de reconnaissance et viagère.

Mes chers collègues, à l’issue de ces travaux, j’ai l’espoir que nous saurons avancer ensemble sur le chemin de la réconciliation nationale ; que nous saurons contribuer à maintenir la flamme de l’espoir et de la mémoire à jamais allumée, pour ouvrir la voie vers un avenir meilleur.

Bien entendu, les membres de notre groupe voteront ce texte.

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