Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier notre collègue Marie-Pierre Richer : je salue le sens de l’écoute et du consensus dont elle a fait preuve durant l’ensemble de nos travaux.
Mes premiers mots iront aux harkis, à leurs familles, aux blessés, aux âmes écorchées, aux morts. Je tiens à rendre hommage à l’ensemble d’entre eux, où qu’ils aient vécu, avant ou après 1975.
Les auditions du Sénat et de l’Assemblée nationale ont fait ressurgir en moi, fille de pieds-noirs, nombre de souvenirs, de témoignages, d’histoires et de visages.
Ils m’ont laissée muette face à la douleur vécue, face à la blessure de l’histoire, face à la vérité criante qui domine chacun de ces témoignages : le cessez-le-feu n’en était pas un ; la guerre a continué ; les accords de paix cachaient une paix bâclée.
Au sommet de l’État français régnait la peur – peur laissée par le souvenir de la guerre d’Indochine, peur de s’enliser dans une guerre interminable. La peur a mené à la précipitation. Doublée d’un manque de considération, elle a rendu l’État, la France, lâche.
C’est la lâcheté qui a conduit à l’abandon de citoyens français ; un abandon grossier, d’abord, qui conduira aux pires massacres. Je pèse mes mots : il s’agissait de massacres.
Persécutés, martyrisés, les harkis ont subi un nouvel abandon, plus sournois que le premier. L’oubli est un abandon. Il aura duré presque soixante ans.
Rendons hommage à Jacques Chirac, grâce à qui l’État cessa de s’enliser dans le déni. Les Présidents Hollande et Sarkozy ont eu des mots forts pour les harkis ; le Président Macron aussi. Ils savent que les harkis n’oublient pas et que jamais au grand jamais ils n’accepteront un énième abandon, une énième lâcheté.
Les harkis honorent la Nation et le peuple français par leur courage, par leur patriotisme, par leur amour de la France. Ils donnent une chance à l’État de sortir d’un silence sournois, d’une pudeur qui entache l’esprit français. N’oublions pas qu’il s’agit d’une réparation par la France, pour la France, pour son unité. Voilà pourquoi l’injure faite aux harkis est une injure faite à la Nation.
Déclassifions les archives, continuons les auditions : les préjudices ne sont pas encore tous établis.
Madame la ministre, je forme le vœu que l’office national indépendant, création de ce gouvernement, fasse toute la lumière sur l’histoire des harkis et leur permette de témoigner de l’ampleur des préjudices subis et des réparations attendues.
Ce texte de loi vient bien tard ; mais nous avons aussi le sentiment qu’il arrive trop tôt, peut-être parce que le Président de la République, qui se décrivait lui-même comme le « maître des horloges », s’en est laissé dicter le tempo par la Cour européenne des droits de l’homme.
En résulte, in fine, un sentiment de frustration. Cette sensation, qu’éprouvent bon nombre d’associations de harkis, m’a conduite à m’interroger longtemps, et avec gravité, sur le sens de mon vote.
Aux associations de harkis, je veux dire que la loi peut paraître froide, mais qu’elle n’est jamais une fin en soi. N’ayez pas peur, car le chemin ne s’arrête pas là.
Ce gouvernement instaure, le 25 septembre, la journée nationale d’hommage aux harkis. Chaque année, mesdames, messieurs les harkis, la République vous entendra. Chaque année, nous essaierons ensemble de faire un pas de plus vers l’apaisement.
Comme l’indiquait ma collègue Jocelyne Guidez, les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de ce texte.