Intervention de Rachid Temal

Réunion du 25 janvier 2022 à 14h30
Harkis et autres personnes rapatriées d'algérie — Discussion générale

Photo de Rachid TemalRachid Temal :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui se doit de répondre enfin aux aspirations de milliers de nos compatriotes : les harkis et leurs familles.

Les harkis servaient dans les forces armées françaises. Ils étaient moghaznis, tirailleurs, spahis, membres des forces régulières, des groupes mobiles de sécurité, des groupes d’autodéfense et des sections administratives. Ils furent 200 000. Nous leur devons remerciements et reconnaissance. Ils ont risqué leur vie pour une patrie qui était et qui demeure la leur : la France.

Pourtant, après la proclamation du cessez-le-feu le 19 mars 1962, les plus hautes autorités de l’État n’ont pas tenu la promesse qui leur avait été faite : leur offrir une protection et la citoyenneté française.

Oui, la citoyenneté française est une promesse, parce que nulle autre au monde ne porte en elle l’idéal républicain.

Les harkis ne furent ni protégés ni rapatriés, mais abandonnés à leur triste sort. Alors, il fallut le courage et la parole de nombreux militaires français, au nom de la fraternité d’armes, pour assurer le rapatriement en France de près de 90 000 soldats harkis et de leurs familles. Ces militaires sont l’honneur de la France.

Près de la moitié des harkis ainsi rapatriés furent condamnés aux camps, de sinistre mémoire, et à leurs violences. Des enfants morts de faim et de froid, enterrés sans sépulture, d’autres déscolarisés, des femmes violentées et humiliées, parfois même violées, l’internement en cas de rébellion, l’insalubrité et la promiscuité au quotidien, la spoliation des maigres revenus par les chefs de camp : chacun peut imaginer les conséquences de telles épreuves sur ces vies brisées.

L’horreur – c’est bien de cela qu’il s’agit –, dura officiellement jusqu’au 31 décembre 1975, soit treize longues années d’inhumanité.

On sait désormais que les autres harkis vécurent une situation d’enfermement social ; qu’ils furent rejetés de l’autre côté de la Méditerranée et mal acceptés ici même, dans leur pays, la France. Les harkis durent attendre douze années après la fin de la guerre d’Algérie pour obtenir le statut, pourtant légitime, d’anciens combattants.

Les Présidents de la République qui se sont succédé – Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et désormais Emmanuel Macron – ont, avec dignité, reconnu la responsabilité de la France.

Reconnaître n’est pas se repentir ; c’est admettre l’expression de la douleur vécue. Il nous faut être respectueux. Le respect est la marque à laquelle on reconnaît l’humanité et c’est toujours l’honneur d’un pays.

Madame la ministre, les associations de harkis attendaient beaucoup de ce projet de loi, né de la volonté présidentielle, le 20 septembre dernier, à l’Élysée – j’y étais. Elles sont déçues et parfois même en colère. Il n’y a pas eu de concertation et ce texte présente bien des lacunes.

Avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je défendrai plusieurs mesures d’importance.

Tout d’abord, il faut reconnaître la qualité de Français à tous les harkis. Cette disposition doit figurer dans l’ensemble du texte et même dans son titre.

Ensuite, la réparation ne peut pas conduire à établir des distinctions entre les harkis : elle doit valoir pour l’ensemble des 90 000 harkis et leurs familles.

En outre, comme le souligne la commission, ce projet de loi ne saurait valoir solde de tout compte. Dans la rédaction actuelle, c’est pourtant le cas. En effet, une réparation forfaitaire qui ne tiendrait pas compte des situations particulières n’apporterait qu’une réponse froidement administrative, ce qui est bien entendu inacceptable : un tel dispositif ne garantirait pas réparation à chacune des personnes.

Enfin, l’État doit favoriser la création d’une fondation mémorielle – j’y reviendrai dans la suite du débat.

Madame la ministre, nous attendons que vous fassiez preuve d’humanité et d’écoute. Saisissez la main que nous vous tendons en retenant nos amendements, voire en les reprenant, afin de faire avancer les choses. C’est ainsi que les harkis pourront rejoindre les grandes pages de notre histoire nationale !

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