Intervention de Laurent Burgoa

Réunion du 25 janvier 2022 à 14h30
Harkis et autres personnes rapatriées d'algérie — Discussion générale

Photo de Laurent BurgoaLaurent Burgoa :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion et de gravité que nous abordons ce projet de loi et, avant tout, je tiens à remercier notre rapporteure, Marie-Pierre Richer, de son travail et de son sens de l’écoute.

Cette reconnaissance de la Nation envers les harkis découle d’un long processus, engagé dès 2001 par le Président Jacques Chirac et qu’il convient de poursuivre. À quelques mois d’une élection importante, je refuse d’imaginer que cette initiative est entachée par une tentative de récupération. Que ceux qui s’y laisseraient aller fassent preuve de décence !

L’épreuve de la guerre d’Algérie saigne encore dans le cœur de nombreux Français. Je pense en particulier aux anciens combattants de ce conflit : il suffit d’avoir croisé leur regard embué pour mesurer à quel point la paix est précieuse.

À la fin de cette guerre, la France a rapatrié une partie des anciens supplétifs, accompagnés de leurs familles, dont la sécurité était désormais menacée sur la terre qui les avait vus naître.

Sur ce même sol, plusieurs dizaines de milliers de harkis furent assassinés. Aujourd’hui, comment ne pas rendre hommage à ces victimes, qui ont cru en notre idéal républicain et pour lesquelles la République n’a pas été à la hauteur ?

Parmi les harkis ayant pu être rapatriés, 82 000 étaient d’origine algérienne, dont 42 000 furent accueillis dans des conditions indignes se traduisant par des atteintes aux libertés individuelles, une forte précarité, des brimades ou encore la non-scolarisation des enfants.

Rien ne pourra réparer ces outrages, rien, jamais ! Mais j’en suis intimement persuadé : les grandes nations se reconnaissent à leur faculté de regarder leur histoire droit dans les yeux.

Il ne s’agit pas de se gargariser de ce projet de loi, qui, par ailleurs, a fait naître un grand espoir. Nous devons faire preuve d’humilité face à ceux qui ont été rapatriés, comme face à ceux qui n’ont pu rejoindre notre rive.

Nous sommes nombreux, au sein de cet hémicycle, à déplorer le communautarisme. Oui, notre République, riche de sa diversité, nourrit l’ambition humaniste de ne faire qu’un ! Toutefois, lorsque ces rapatriés sont arrivés sur notre sol, nous avons indéniablement manqué de fraternité à leur égard. En réaction, une formidable solidarité s’est développée au sein de cette communauté : comment le leur reprocher ? À l’instar de certains représentants d’associations, je regrette que ce texte les divise et les segmente.

Bien sûr, les souffrances ont été diverses, elles ont duré plus ou moins longtemps ; mais nous devons cette reconnaissance à l’ensemble des harkis. Certains d’entre eux vivaient certes en milieu ouvert, mais leurs conditions d’existence n’en étaient pas moins précaires.

Ce projet de loi a sans doute été inscrit à l’ordre du jour avec un peu de précipitation, mais je le voterai dans un esprit de responsabilité, à condition que l’amendement cosigné par de nombreux sénateurs de mon groupe, à l’article 3, soit adopté.

Au cours de nos discussions, je veillerai également à garantir l’indépendance de la commission nationale de reconnaissance et de réparation. Ma collègue Christine Bonfanti-Dossat et moi-même avons déposé un amendement en ce sens.

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est cette garantie qui permettra à la commission nationale d’exprimer pleinement notre reconnaissance envers les harkis, même si – je le sais parfaitement – cette page douloureuse ne se tournera pas facilement. Il faudra poursuivre notre travail.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion