Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous parlons aujourd’hui, dans cet hémicycle, de l’avenir : de l’avenir d’une concession historique, d’un fleuve national : le Rhône, ce « fleuve armé », d’après les mots de Paul Claudel, aux « sonnantes eaux […] qu’aucun rivage ne captive ».
Célèbre pour son impétuosité, le Rhône est avant tout un fleuve que nous avons dû dompter, canaliser, non seulement pour limiter ses crues, mais aussi pour exploiter au mieux ce qu’il peut nous offrir. Sans travaux d’aménagement du Rhône, l’urbanisation de l’agglomération lyonnaise n’aurait jamais été possible, qu’il s’agisse de voies de navigation ou de source d’énergie ou d’eau pour les villes et les champs.
Aujourd’hui, nous veillons davantage sur ce fleuve pour préserver sa biodiversité et ses paysages et faire en sorte qu’il continue à servir et développer durablement les territoires qu’il traverse de son cours puissant.
En somme, ce fleuve a évolué avec nous. Il s’agit d’une page importante de notre passé et, bien évidemment, de notre avenir. Cette page, nous l’écrivons ensemble aujourd’hui.
Je suis particulièrement heureuse d’être ici pour le vote de cette proposition de loi du président Mignola relative à l’aménagement du Rhône, qui a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et qui fait consensus dans cet hémicycle.
Je tiens tout d’abord à réaffirmer l’attachement profond du Gouvernement à la mission d’intérêt général de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Cette dernière, conformément aux dispositions de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, s’est dotée en 2020 d’une raison d’être qui reflète bien son identité unique : « Le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires, les énergies renouvelables pour l’avenir. »
Cette concession centenaire est devenue un formidable outil de transition écologique, en partenariat resserré – et je sais que vous y êtes sensibles – avec les collectivités locales.
Si la Compagnie nationale du Rhône est tournée vers l’avenir, c’est d’abord grâce à la diversité de ses missions. Je pense bien évidemment à ses trois missions historiques : production d’énergie, navigation fluviale et irrigation agricole. Dans tous ces domaines, nous avons fait des pas de géant depuis le début de la concession.
Ainsi, 19 centrales hydroélectriques ont été construites, qui représentent aujourd’hui près du quart de notre production française d’hydroélectricité.
En ce qui concerne le transport fluvial, alternative moins carbonée au transport de marchandises par camions, 330 kilomètres de voies navigables ont été aménagés, reliant Lyon à la Méditerranée.
Au-delà de ses missions traditionnelles, la Compagnie nationale du Rhône a aussi élargi ses horizons. Elle est aujourd’hui le premier producteur en France d’énergies exclusivement renouvelables, avec un mix varié, qui tire parti de l’énergie de l’eau, du vent et du soleil.
Ce n’est pas tout : la Compagnie nationale du Rhône participe aussi à l’aménagement durable et au développement économique du territoire rhodanien tout en protégeant l’environnement et la biodiversité du fleuve.
Ainsi, la Compagnie est particulièrement investie dans la renaturation des berges du Rhône ou encore dans la réhabilitation et la protection des lônes, ces anciens lits du fleuve laissés à l’abandon.
L’engagement en faveur de l’environnement et de la biodiversité est aujourd’hui dans l’ADN de la Compagnie nationale du Rhône, au point qu’elle exporte cet engagement à l’international, notamment à travers le collectif Initiatives pour l’avenir des grands fleuves qu’elle a créé. Mais la CNR finance aussi diverses actions internationales, comme la récente campagne d’étude de la fondation Tara Océan sur la pollution plastique des fleuves.
À la veille du One Ocean Summit, qui s’ouvrira demain à Brest, je pense que nous sommes tous conscients que la pollution de nos eaux, qu’elles soient fluviales ou maritimes, n’est plus acceptable, a fortiori à l’heure où nous redoublons d’efforts pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre et mieux protéger nos écosystèmes.
C’est cet engagement complet qu’incarne avec brio la Compagnie nationale du Rhône en étant présente sur ces différents fronts, dans une démarche globale.
Enfin, la dernière spécificité de la CNR tient à son mode d’action, en partenariat avec les collectivités locales. Je sais à quel point vous y tenez, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui avez notamment pour mission de représenter les collectivités au sein du Parlement.
Oui, la Compagnie nationale du Rhône réalise ses missions via une collaboration vertueuse avec les collectivités territoriales : qu’il s’agisse de financer des projets, d’aménager le territoire rhodanien ou de mettre en œuvre des actions de protection de l’environnement, les collectivités locales sont des partenaires indispensables de la CNR. Cela se voit dans la composition même du capital de l’entreprise, dont 183 collectivités sont actionnaires, aux côtés de la Caisse des dépôts et d’Engie.
En somme, la Compagnie nationale du Rhône constitue un modèle pour une action publique efficace, concertée et adaptée, au plus près de nos territoires.
Dans ce contexte, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, qui arrive à un moment opportun et qui sera gage d’une prévisibilité profondément nécessaire.
Vous le savez, la concession doit expirer d’ici à la fin de l’année 2023. Pour anticiper cette échéance, l’État avait lancé des travaux, dès 2014, qui ont mené à des processus de concertation et de consultation du public de 2019 à 2021.
Dans la lignée de ce qui a été décidé de manière participative, inscrire 2041 comme terme de la concession dans une disposition législative ad hoc permet de pérenniser les missions essentielles de la Compagnie nationale du Rhône. Cette prévisibilité est nécessaire non seulement au territoire rhodanien, dont la CNR constitue un maillon décisif de l’action locale, mais aussi à l’entreprise et à ses 1 300 salariés, de même qu’aux collectivités locales actionnaires.
Garantir la stabilité de la concession était absolument vital pour assurer le succès de l’effort de transition écologique que nous entamons sur le plan national. J’ai eu l’occasion de mentionner la participation cruciale de la Compagnie nationale du Rhône à cet effort, notamment en matière de développement des énergies renouvelables.
Si nous voulons atteindre 40 % d’électricité renouvelable dans notre mix national d’ici à 2030, conformément aux dispositions de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), il est indispensable de prévoir un pilotage de long terme de la concession.
Pour atteindre nos objectifs à dix, vingt et trente ans, nous devons pouvoir anticiper, prévoir, et maintenir le cap. C’est tout ce que nous apporte la pérennisation de la concession.
L’adoption de cette proposition de loi nous permettra également de renforcer et de consolider les actions de la Compagnie nationale du Rhône dans l’ensemble des champs de la concession en accentuant les exigences du cahier des charges.
Cette nouvelle rédaction permet tout d’abord de pérenniser la trajectoire d’investissements ambitieux de la CNR. Ainsi, depuis 2003, la Compagnie a financé, avec les collectivités locales, plus de 500 millions d’euros de projets territoriaux, notamment en faveur des énergies renouvelables, de la protection de la biodiversité, du tourisme ou de l’agriculture durable.
La prolongation renforce le « schéma directeur » de la concession et prévoit que 165 millions d’euros continueront d’être dédiés à ces missions, tous les cinq ans, par la CNR. Il s’agit d’un relèvement supplémentaire de nos exigences pour que le concessionnaire continue d’avancer avec ambition dans la voie qu’il a déjà commencé à emprunter.
De même, la proposition de loi prévoit des exigences fortes pour le développement de l’énergie hydraulique et de la navigation fluviale, deux leviers puissants pour décarboner notre mix énergétique et nos modes de transport des marchandises.
Le cahier des charges révisé prévoit ainsi un programme de travaux hydroélectriques et de navigation mobilisant un investissement total de 500 millions d’euros. Il s’agira d’un formidable coup d’accélérateur pour notre effort national de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
À ce titre, nous avons notamment prévu, dans le programme de travaux, que le concessionnaire devra réaliser une étude préalable à l’installation d’un nouvel ouvrage hydroélectrique de 40 mégawatts dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas.
Nous avons débattu de ce sujet à l’Assemblée nationale. Nous déciderons, dans les prochaines années, à l’issue de la réalisation de ces études et d’une concertation publique, de sa réalisation ou non en prenant en compte l’ensemble des enjeux, qu’ils soient énergétiques ou environnementaux. Toutefois, que nous décidions ou non de réaliser cet aménagement, l’équilibre économique sera maintenu à travers la redevance ou la réallocation de certains montants aux programmes pluriannuels quinquennaux.
Au-delà du développement de nos énergies renouvelables, les exigences de l’État sont également renforcées en matière de biodiversité.
Des travaux supplémentaires sont prévus, avec l’équipement de six barrages existants afin de compenser l’augmentation des débits réservés tout en continuant de contribuer à la continuité piscicole.
De même, l’axe du schéma directeur sur l’environnement a été renforcé. Il mentionne désormais explicitement la biodiversité.
Enfin, le rapporteur, Patrick Chauvet, a proposé des amendements que la commission a adoptés.