Intervention de Bernard Buis

Réunion du 8 février 2022 à 14h30
Outils de gestion des risques climatiques en agriculture — Discussion générale

Photo de Bernard BuisBernard Buis :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la capacité d’adaptation de l’espèce humaine est unique en son genre. Le problème est que, aujourd’hui, cette nécessité de s’adapter intervient pour faire face à des situations nouvelles créées par l’homme. Le dérèglement climatique, fruit de l’activité humaine, fait partie de ces situations inédites, dont les conséquences sont parfois dramatiques.

Nos agriculteurs sont les premiers à vivre les conséquences de ce dérèglement. Ils doivent par conséquent s’adapter à notre nouveau climat, plus sec, plus chaud et avec de subites variations.

C’est ainsi que certaines cultures sont désormais exploitées avec succès par certains de nos agriculteurs. C’est le cas du sorgho, une plante venue d’Afrique et proche du maïs, qui est particulièrement résistante à la sécheresse et à la chaleur.

A contrario, le changement climatique implique un abandon de certaines récoltes. Le colza par exemple, très présent dans les plaines du bassin parisien ou de la Drôme il y a encore vingt ans, ne séduit plus : en effet, avec l’absence de températures négatives en hiver, les colzas poursuivent leur croissance durant cette période et, si un coup de gel intervient lors de la floraison, les pertes peuvent être importantes.

Le gel d’avril dernier – parlons-en une fois de plus –, nous le gardons tous en tête. La Drôme n’a pas été épargnée, bien au contraire. En quelques heures, dès le début de la nuit du 7 avril, les températures ont chuté brutalement, jusqu’à atteindre –7 ou –8 degrés Celsius aux premières heures de la matinée.

Durant plusieurs heures, les agriculteurs ont cherché à lutter contre ce froid intense et long, en utilisant des bougies chauffantes ou des souffleurs d’air chaud ; certains pratiquaient la technique de l’aspersion par de l’eau. Des agriculteurs, que l’adrénaline a fait tenir après une nuit sans sommeil, ont même fait brûler des bottes de paille ou des tas de bois dans les allées des parcelles, mais en vain. Le gel noir a été le plus fort !

Dans mon département, le montant estimé des pertes était de l’ordre de 200 millions d’euros : 120 millions d’euros pour l’arboriculture et 80 millions d’euros pour la viticulture. Cela faisait de la Drôme le territoire le plus touché par le gel dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Ce cauchemar, plus personne ne veut le revivre. Pourtant, les excès du climat ne risquent pas de cesser de sitôt. On a parlé du gel, mais on peut également revenir sur les pluies diluviennes qui ravagent chaque automne l’arrière-pays méditerranéen, sur les épisodes de sécheresse intense, ainsi que sur les pics de canicule toujours plus réguliers – on se souvient des 46 degrés Celsius mesurés dans l’Hérault et le Gard en juin 2019.

Devant ces dérèglements répétés, on ne pouvait plus attendre. Trop de pertes, trop de drames humains, trop de désillusions ont été constatés ces dernières années.

Il faut dire que nos agriculteurs ne sont pas suffisamment couverts : moins de 30 % d’entre eux sont assurés contre les aléas climatiques, avec des différences importantes selon les filières – seulement 6 % le sont dans l’arboriculture.

Concrètement, cela signifie que des agriculteurs non assurés peuvent tout perdre dès les premières intempéries d’envergure. Devant ces déséquilibres, dans le cadre du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, un important travail a été réalisé pour repenser le système assurantiel.

Un projet systémique a ainsi été développé pour permettre notre adaptation au climat. Fruit des travaux et de l’expertise du député Frédéric Descrozaille, il vise à repenser en profondeur le fonctionnement des couvertures assurantielles privées et publiques qui ont montré leurs limites dans un contexte d’accélération et de renforcement des effets du dérèglement climatique.

Le coup d’accélération voulu par le Président de la République en septembre dernier a permis à la réforme d’être présentée en conseil des ministres trois mois plus tard.

Cette réforme, vous en connaissez les fondements, mes chers collègues. C’est d’abord un système à trois étages fondé sur la solidarité nationale pour les plus lourdes pertes. L’enveloppe consacrée à la lutte contre les aléas climatiques sera portée de 300 millions d’euros à 600 millions d’euros par an en moyenne, grâce aux fonds de l’État et de l’Union européenne.

Ensuite, c’est la mise en place d’un système simplifié et mieux coordonné par la création d’une association d’assurances, ou pool assurantiel, de façon à harmoniser le recours à l’assurance privée et l’accès au nouveau dispositif d’indemnisation publique. Ce pool doit s’organiser de telle sorte qu’il puisse proposer des assurances accessibles au plus grand nombre de nos agriculteurs.

Enfin, on doit aller vite. Il n’est plus question qu’un agriculteur touché par une calamité agricole doive attendre neuf mois pour être remboursé. Nous devons penser en semaines, plutôt qu’en mois !

Voilà, en quelques mots, l’architecture de ce texte soutenu par de nombreuses organisations interprofessionnelles.

Nous comprenons que le rapporteur souhaite accompagner cette réforme et nous l’entendons. Cependant, ses amendements de nature budgétaire flirtent avec l’article 40 de la Constitution et nous semblent peu rigoureux, rigides et contre-productifs : sur la forme, il ne nous paraît pas opportun de passer outre les lois de finances ; sur le fond, on met les agriculteurs au pied du mur par la contrainte.

Nous étions dans la concertation, il ne faudrait pas que nous tombions dans la précipitation, la communication et l’effet d’annonce.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion