Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nombre de personnes de ma génération, je puis me souvenir du temps où le dérèglement climatique était avant tout un sujet porté par les scientifiques, qui nous alertaient sur les variations du climat à venir et leurs conséquences. À cette époque, il pouvait arriver que leur parole soit remise en cause…
Mes chers collègues, aujourd’hui, l’heure n’est plus à la prévision scientifique : le changement climatique est d’ores et déjà une réalité sur nos territoires. Cette réalité a un impact aujourd’hui, et ce sera encore plus le cas demain.
Face à ce phénomène, nos agriculteurs sont les premiers concernés. La ferme France est en première ligne. Que l’on parle de sécheresse, d’inondation, de gel ou de grêle, les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents et intenses. J’ai l’habitude de dire que le risque aléatoire qui pesait naturellement sur les récoltes de nos agriculteurs se transforme d’année en année en un risque certain.
Nous en avons eu une nouvelle illustration avec le terrible gel du mois d’avril dernier. À la suite à cet épisode, j’ai passé trois jours aux côtés d’agriculteurs en détresse un peu partout dans mon département, le Gard.
Je ne puis qu’être en accord avec vous, monsieur le ministre, lorsque vous qualifiez cet événement de « plus grande catastrophe agroéconomique de ce début de siècle ». Malheureusement, derrière ces catastrophes agricoles, il y a des catastrophes humaines.
Monsieur le ministre, dans le cadre des traditionnelles questions d’actualité au Gouvernement, je vous interrogeais un peu après ces événements, au nom du groupe socialiste, sur le sujet de l’assurance récolte.
Dans ma question, je revenais sur trois points qui nous semblent particulièrement importants : un recours massif à la solidarité nationale au nom de notre souveraineté alimentaire ; une application maximale du règlement Omnibus pour une assurance plus attractive ; enfin, la création d’un pool d’assurances permettant la mutualisation des risques.
Comme l’a indiqué mon collègue Franck Montaugé, il est clair que le projet de loi qui nous est présenté répond à certaines attentes formulées avec constance par notre groupe. En cohérence avec les positions qui ont toujours été les nôtres, nous accorderons donc un vote favorable à ce projet de loi.
Pour autant, nous tenons à vous faire part, monsieur le ministre, de nos réserves et de nos points de vigilance.
Comme cela a déjà été dit, ce projet de loi renvoie nombre de décisions à de futures ordonnances. En ce sens, nos réserves concernent moins ce qui est inscrit dans le texte que ce qui, malheureusement, n’y figure pas. Nous espérons que vous saurez nous entendre, monsieur le ministre, car nous souhaitons la réussite de cette réforme, qui est indispensable pour sécuriser les agriculteurs français et préserver notre souveraineté alimentaire.
Néanmoins, pour atteindre cet objectif, certains sujets majeurs devront être traités.
Tout d’abord, il nous faut garantir le caractère universel de ce nouveau système. Chaque filière, chaque culture, chaque agriculteur doit avoir accès à un contrat d’assurance acceptable. Cette exigence doit faire partie du contrat d’engagement qui lie l’État et les assureurs dans le cadre de ce nouveau système à trois étages.
Bien entendu, cette question est liée à celle, plus globale, de l’attractivité de l’assurance multirisque climatique. Alors que cette dernière ne couvre aujourd’hui que 18 % de la surface agricole du pays, les niveaux de franchise et de subvention, ainsi que les différents seuils qui seront fixés par ordonnance, devront permettre d’accroître considérablement ce chiffre.
C’est seulement de cette manière que l’on pourra rendre l’agriculture française plus résiliente face au changement climatique, et le succès de cette réforme se mesurera très facilement en fonction de la hausse du nombre d’agriculteurs souscrivant à une assurance multirisque climatique.
En parallèle, plus le nombre d’assurés sera important, plus le risque sera dilué dans l’espace et plus le recours à la solidarité nationale et à la PAC sera massif.
Les conditions incitatives qui permettront de lancer le dispositif devront être garanties sur le long terme. Il s’agit d’éviter toute nouvelle désillusion pour nos agriculteurs et d’être en cohérence avec l’objectif affiché : sécuriser la ferme France sur le long terme.
Enfin, monsieur le ministre, quelle que soit leur culture et quelle que soit leur implantation géographique, les agriculteurs sont tous confrontés à une même problématique : la référence olympique – un véritable frein à l’assurance.
C’est pour cette raison que ce processus législatif doit impérativement s’accompagner d’un engagement de la France au sein des instances internationales, pour modifier en profondeur ce règlement issu des accords de Marrakech.
Monsieur le ministre, au cours des cinq dernières années, la quasi-totalité des agriculteurs de mon département a connu trois sinistres. La présidence française du Conseil de l’Union européenne doit nous permettre de porter avec force ce sujet au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Nous devons à tout prix saisir cette occasion.