Dans un premier temps, je souhaiterais vous faire part des propos qu’aurait souhaité tenir ce soir notre collègue Alain Lambert, qui a malheureusement dû nous quitter pour un motif impératif. Il tenait à s’exprimer, « au nom de la commission des finances et dûment autorisé par celle-ci, afin de poser des questions fondamentales sur le financement des infrastructures de transport, pour l’avenir – car elles préparent notre avenir –, en rupture avec une action politique souvent suspecte d’obéir à la tyrannie du court terme ».
Alain Lambert aurait aimé rappeler « qu’il appartient en effet à la commission des finances de veiller à la soutenabilité, à moyen et long termes, des comptes publics. La création d’agences ne saurait constituer un aveu d’impécuniosité définitive d’un État qui aurait définitivement renoncé à conserver dans ses comptes les ressources nécessaires au financement de long terme de ses infrastructures.
« S’il devenait nécessaire de créer des agences, ou toute autre structure juridique, pour assurer cette mission que les États n’auraient plus la vertu d’assumer, c’est toute la question de la légitimité de l’exécutif et du Parlement à garantir la structure démocratique de notre pays qui se trouverait ainsi posée. Les parlements ont été institués pour représenter le peuple et autoriser, en son nom, l’emploi de l’argent public. Si telle n’est plus leur volonté, la question de leur utilité finira bien par se poser. » Nous nous interrogeons sur l’utilité de l’AFITF, mais Alain Lambert va jusqu’à s’interroger sur l’utilité du Parlement et de l’exécutif !
« Enfin – je cite toujours Alain Lambert –, s’agissant plus précisément de l’AFITF, la garantie de ressources pérennes, clairement identifiées et sûres pour réaliser son objet est une nécessité absolue pour justifier son existence. »
À titre personnel, et m’exprimant aussi au nom de la commission des finances sous le contrôle de nos rapporteurs spéciaux, il me semble que la question se pose effectivement.
À l’origine, on pouvait considérer que l’AFITF allait disposer d’un patrimoine qui gagerait, en quelque sorte, sa vie, relativement autonome par rapport aux finances publiques parce qu’elle aurait été dotée des concessions autoroutières, lui assurant ainsi des ressources annuelles pérennes. Puis est venu le temps du désendettement de l’État et de cette vision quelque peu virtuelle et peu pédagogique consistant à dire : « Réjouissez-vous, citoyens, la dette de l’État a diminué ! » La dette baissait, notamment, quand l’État vendait les bijoux de la famille, en l’occurrence les sociétés autoroutières, mais il perdait ipso facto la rente autoroutière !
Partant, la question de l’opportunité du maintien de l’AFITF s’est posée. En effet, si cette agence devait disposer chaque année d’une dotation budgétaire – cette année, elle s’élève à 1, 2 milliard d’euros, pardonnez du peu ! –, et si, pour faire face à ses obligations, elle devait se laisser aller à un endettement, j’y verrais une entorse insupportable aux principes mêmes de la loi organique relative aux lois de finances. L’ancien ministre du budget que vous êtes, monsieur le secrétaire d’État, serait naturellement révulsé par de telles pratiques !
J’aimerais donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous fassiez part de votre vision du devenir de l’AFITF. Si vraiment l’État n’est pas en mesure de gager son financement par d’autres ressources qu’une ligne budgétaire annuelle avec, en tant que de besoin – si, par hasard, on nous présentait un plan de relance –, l’obligation pour elle de s’endetter – ce qui ne ferait qu’alourdir la dette de l’État –, l’existence même de cette agence ne me paraîtrait pas justifiée. Je sais bien que l’AFITF permet de « sanctuariser » les crédits pour les infrastructures ferroviaires, routières et, éventuellement, les voies navigables, mais la commission reste perplexe quant au bien-fondé de son existence.
C’est donc pour vous provoquer, monsieur le secrétaire d’État, que la commission a déposé cet amendement invitant le Sénat à supprimer l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de France. Son sort est donc entre vos mains, et le Sénat vit un moment de suspense intense !