Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 9 février 2022 à 15h00
Financement de la sécurité sociale — Adoption définitive en nouvelle lecture d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été souligné, il est très rare, voire étrange, que la commission des affaires sociales invite le Sénat à adopter sans modification un texte en nouvelle lecture, après un échec de la commission mixte paritaire.

J’ai eu l’occasion de dire en commission combien un accord dès la commission mixte paritaire aurait sans doute été préférable. Néanmoins, malgré ces péripéties, l’essentiel est bien de voir quel cadre organique nous est proposé pour l’examen des futures lois de financement de la sécurité sociale.

Nous le savons, à l’inverse de quelques réformes passées, comme le vote de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2001, les deux assemblées ne partageaient pas au départ le même niveau d’ambition quant au renforcement des pouvoirs de décision et de contrôle du Parlement en matière de finances sociales.

Dès lors, presque par définition, le compromis qui nous est proposé se situe à mi-chemin de ces deux ambitions.

Bien sûr, on peut voir le verre à moitié vide. Nous n’étendrons pas cette fois-ci la compétence des LFSS à l’assurance chômage. Nous n’instaurerons pas davantage la « règle d’or », pour imposer un retour à l’équilibre des comptes sociaux après la crise actuelle.

Toutefois, la réalité, notamment financière, étant têtue, il y a fort à parier que ces sujets reviendront sur le devant de la scène d’ici à quelques années. À ce moment-là, la position aujourd’hui défendue par la seule majorité sénatoriale sera probablement mieux partagée par les autres pouvoirs publics.

En tant que rapporteure générale – je pense exprimer la pensée de l’ensemble des rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale –, je suis déçue par l’absence de ce que nous avions nommé les « programmes d’efficience des politiques de sécurité sociale », l’équivalent des « bleus » budgétaires, pour les différentes branches.

Notre rapporteur avait proposé en fin de processus une position de compromis, consistant en la justification, dans l’étude d’impact de la LFSS, du montant demandé pour chaque objectif de dépense, ce qui semble la moindre des choses. Pourtant, cela lui a été refusé, du fait de la forte opposition du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État.

De tels refus sont à la fois troublants et inquiétants. Traduisent-ils l’incapacité de l’administration et des organismes à produire de telles justifications ? Le Parlement devra-t-il se prononcer à l’aveugle, en ne disposant que d’une information appauvrie par rapport à celle des actuels PLFSS ? Et quel sera le sens des futures lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, si l’on ne peut comparer dans le détail les résultats obtenus aux prévisions et hypothèses initiales ?

Néanmoins, malgré ces manques réels, je préfère retenir le verre à moitié plein, résultat d’un dialogue tardif et de la ténacité de notre rapporteur, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Ces apports enrichissent indéniablement le texte dont nous avions été saisis en première lecture. Afin de ne pas dépasser mon temps de parole, je concentrerai mon propos sur la reprise des « clauses de retour au Parlement ».

Comme l’a souligné M. le rapporteur, le Parlement a été délibérément ignoré par le Gouvernement en 2020 et 2021, alors même que toutes les hypothèses sur lesquelles avait été construit l’équilibre financier de la sécurité sociale avaient été remises en cause. Tout s’est passé comme si notre vote sur la LFSS n’avait aucune portée.

Un tel état de fait n’est pas acceptable. S’agissant d’argent public, dont une part importante d’impôts, ces pratiques s’opposent de manière assez frontale au grand principe de 1789 – oui, je remonte à la Révolution ! –, selon lequel « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi ».

À l’avenir, et c’est un minimum, le Gouvernement devra s’expliquer devant les commissions des affaires sociales des deux assemblées et demander leur avis avant de relever le plafond d’endettement à court terme de l’Urssaf-Caisse nationale ou en cas de remise en cause de l’équilibre financier de la sécurité sociale déterminé par la LFSS.

De plus, nous serons informés sans délai en cas d’augmentation de plus de 10 % de la dotation. C’est aussi un minimum, mais un vrai progrès par rapport à l’absence totale, aujourd’hui, de communication au Parlement du niveau envisagé pour ces dotations au moment du vote de la LFSS.

Bien sûr, je ne souhaite pas que nous fassions, à l’avenir, un usage intensif de ces outils de crise. Néanmoins, mes chers collègues, sachons nous en emparer et les faire vivre lorsque les circonstances l’exigeront. J’espère surtout que les gouvernements futurs auront la sagesse de déposer et de défendre devant le Parlement des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, comme ils en ont toujours eu le droit et, ajouterai-je, le devoir moral.

En conclusion, comme les sénateurs de mon groupe, je soutiendrai la position de M. le rapporteur, à savoir l’adoption, sans modification, de ces deux propositions de loi, enrichies par les apports significatifs de notre assemblée. Les droits du Parlement sont une conquête, qu’il faut parfois savoir réaliser par étapes. Savourons avec délectation ce que nous avons pu négocier !

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