Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 9 février 2022 à 15h00
Financement de la sécurité sociale — Adoption définitive en nouvelle lecture d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par une question de forme. Il ne nous paraît pas de bonne politique de passer un accord en dehors de la commission mixte paritaire. La procédure parlementaire prévoit que la commission mixte paritaire soit l’organe qui réunit les deux chambres, majorités et oppositions confondues.

Évidemment, on ne conçoit pas un accord entre oppositions, qui n’aurait aucune chance de prospérer ; il est normal que l’accord se fasse entre les majorités respectives des deux chambres : tel est l’esprit de nos institutions. Il n’est dans l’esprit ni de nos institutions ni de la vie parlementaire, en revanche, d’écarter formellement les oppositions de ces discussions : celles-ci doivent se dérouler en toute transparence. Et je veux dire, au nom de mon groupe, mon étonnement, d’autant que nous connaissons l’attachement profond de notre rapporteur au respect de la vie parlementaire et des oppositions.

Ces raisons de forme suffisent déjà à contrarier les éventuelles bonnes dispositions que nous pourrions entretenir à l’égard de ce texte, mais ne nous cachons pas derrière ces raisons : sur le fond, des difficultés que nous avions pointées en première lecture persistent.

Certes, des améliorations sont à relever – je vais commencer par là.

Premièrement, la question de l’assurance chômage a été écartée du texte. Nous étions fermement opposés à cette mesure et à la logique qu’elle instaure.

Deuxième point positif, la règle d’or n’a pas été retenue dans le texte dont nous débattons en nouvelle lecture ; nous approuvons le retrait de cette disposition. Certes, la dépense publique doit être soutenable, efficace, elle doit être au service de nos concitoyens et en rapport avec leurs besoins. Mais cette règle n’aurait fait que renforcer le prisme économique et financier à travers lequel est envisagée notre protection sociale.

Troisièmement, nous l’avions dit en première lecture, cette proposition de loi améliore la procédure parlementaire relative aux lois de financement de la sécurité sociale : on y lit bel et bien un but d’efficacité et de meilleure information du Parlement.

Néanmoins, nous avons réellement besoin d’une transformation beaucoup plus profonde de la méthode d’élaboration de nos lois de financement de la sécurité sociale. Tout d’abord, il nous faut des indicateurs plus proches du réel, plus proches, donc, des prévisions quant à la prise en compte des conditions de travail dans les établissements et à l’évolution des rémunérations, de la qualité des soins, du nombre de lits, des stocks tactiques et stratégiques de matériel médical et de médicaments – j’arrête là cette énumération qui, fût-elle complète, serait trop longue.

Nous souhaitons, nous, que l’Ondam soit revu en profondeur, c’est-à-dire que la délibération du Parlement soit précédée d’une délibération portant sur la détermination d’objectifs nationaux de santé publique. La logique de l’Ondam tel qu’il a été construit a atteint ses limites, celles d’une lecture par trop financière du budget de la sécurité sociale, autrement dit du budget santé de la Nation, de surcroît organisée selon des conditions que nous connaissons bien, nous, parlementaires : ce cadrage financier est transmis au Parlement trop peu de temps avant la discussion, quoi qu’il en soit des améliorations que celle-ci peut en la matière apporter.

C’est bel et bien l’ensemble de la procédure qu’il faut revoir. À cet égard, le présent texte relève d’une vision trop partielle.

Le moment n’est pas à ce genre de réforme paramétrique. Nous devons repenser notre approche du système, mieux nous inscrire dans une logique de terrain – une logique des besoins –, celle d’une organisation conçue pour être au plus près de nos concitoyens, et ce afin de favoriser l’initiative, l’analyse par territoire et la coordination des différentes dépenses.

L’État doit renoncer à ses habitudes, qui lui font adopter une attitude excessivement centralisée et empreinte d’une logique en premier lieu financière ; il doit lui préférer une logique de cadrage budgétaire liée à la fixation d’objectifs.

Les dernières semaines ont encore administré la preuve des dérives de ce système. Ce genre d’approche ne peut s’effectuer in fine qu’au détriment de l’offre de soins et du service rendu. Penser l’améliorer en réformant uniquement la procédure financière est un leurre. Nous devons construire un système robuste, efficace, qui réponde aux besoins de la population, laquelle en est le financeur ultime, pour ensuite allouer à ce système un budget cohérent et réaliste.

Voilà ce que nous voulons. Voilà ce que nous défendons. Voilà ce qui n’est pas fait dans ces textes. C’est la raison pour laquelle nous ne les approuverons pas.

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