Intervention de Bernard Jomier

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 14 février 2022 à 17h00
Organisation de la prise en charge des soins non programmés et des soins urgents — Audition des docteurs patrick pelloux président de l'association des médecins urgentistes de france amuf serge smadja secrétaire général de sos médecins france et président de sos médecins paris et olivier richard chef de service du samu des yvelines

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, président :

Avant de vous rendre la parole pour que vous puissiez répondre à nos collègues, je remarque que vous aboutissez largement à la même analyse, malgré quelques différences d'appréciation. Le manque de médecins est la question essentielle. Les nouvelles stratégies d'organisation seront toujours mises en échec par cette pénurie.

De plus, vous plaidez tous pour une revalorisation de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), des gardes et des visites à domicile.

Enfin, la question de la coordination des acteurs reste entière. Pourquoi les SAS rencontreraient-ils plus de succès que les tentatives précédentes ? Un changement de culture est-il réellement à l'oeuvre ?

Dr Serge Smadja. - Je suis réservé sur le retour à l'obligation des gardes pour les médecins libéraux. Il faut non pas créer des obligations, mais renforcer l'attractivité du métier et donner envie aux jeunes médecins de s'engager.

Dr Patrick Pelloux. - À l'hôpital, les médecins doivent assumer de nombreuses obligations.

Dr Serge Smadja. - Je reconnais qu'il s'agit peut-être là d'une forme d'injustice : l'attractivité de l'hôpital doit être renforcée. Chacun connaît les difficultés - voire les drames - auxquelles doivent faire face les médecins des urgences.

Toutefois, introduire des obligations est incompatible avec l'exercice de la médecine libérale, même si je comprends l'intérêt porté à ces propositions. Il en va de même pour la liberté d'installation des médecins et pour l'obligation d'installation dans les zones sous-dotées. Ce sont des sujets difficiles.

Il est délicat de définir la valeur pécuniaire d'une visite à domicile. Il convient plutôt de réfléchir à l'équilibre des rémunérations. Le soir et le week-end, la différence entre une visite à domicile et une consultation dans une maison médicale de garde est de 3,50 euros seulement. De même, dans la journée, le montant d'une visite à domicile est de 35 euros, contre 25 euros pour un acte simple au cabinet. C'est le déplacement du médecin qui doit être majoré.

Dr Patrick Pelloux. - Je suis favorable à la réintroduction des gardes pour les médecins de ville, à condition que celle-ci s'accompagne d'un contrat d'objectifs et de moyens. La population ne comprend pas cette désorganisation et cette inégalité prévalant non seulement dans certaines zones rurales, mais aussi dans les villes, à l'image de la Seine-Saint-Denis.

Des obligations statutaires s'imposent aux praticiens hospitaliers : même si c'est parfois difficile à vivre, je n'en suis pas malheureux.

Les revalorisations sont nécessaires. Pour une garde, le praticien hospitalier gagne 200 euros de moins qu'un universitaire. Cette situation, qui perdure depuis des années, est anormale.

En outre, pourquoi les médecins libéraux et les infirmiers bénéficient-ils d'une défiscalisation plus importante de leur rémunération issue des permanences de soins que les praticiens hospitaliers ? Cet avantage, obtenu par Roselyne Bachelot lorsqu'elle était ministre de la santé, avait ensuite été oublié. Nous devons revenir à une culture de l'égalité, ce qui suppose de remettre à plat le système, en examinant les rémunérations de tous les acteurs.

Madame Guillotin, vous avez évoqué à juste titre la question de la formation. À cet égard, je ne suis pas d'accord avec la position des doyens et des universitaires : les internes et les externes doivent pouvoir être formés non pas uniquement dans les centres hospitalo-universitaires (CHU), mais aussi dans les hôpitaux généraux. Soutenir que nous ne pourrions pas former davantage d'étudiants en médecine en France au motif que les CHU et les centres de stage seraient en nombre insuffisant est une aberration. On marche sur la tête : la ville d'Orléans vient de signer un protocole d'accord avec la faculté de médecine de Zagreb, en Croatie, pour engager une coopération de formation d'étudiants, à Orléans.

Il est extrêmement difficile de coordonner les actions, tant les systèmes vivent en autonomie totale depuis des années. Je me réjouirais du succès des formules de coopération ; cependant, je n'ai toujours pas compris qui dirigeait les SAS. À l'hôpital, il convient d'abandonner la culture des pôles, issue de la vision de l'hôpital-entreprise, et de revenir à la cellule structurelle du monde hospitalier : les services.

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