Je ne comprends pas pourquoi vous ne voterez pas cette proposition de loi.
Le dernier argument soulevé, consistant à dire que le nouveau compagnon doit prendre en charge les enfants de sa compagne ou inversement, a des limites. Souvent, les familles recomposées sont constituées d'une femme avec enfants et attributaire de l'allocation de soutien familial se mettant en couple avec un homme. Or, si celui-ci a des enfants, il paie déjà une pension alimentaire. En outre, nous parlons là de familles précaires ; il y a sans doute des femmes cadres élevant seules leurs enfants, mais je pense qu'elles n'ont même pas l'idée de demander l'ASF... Quoi qu'il en soit, il ne doit pas y avoir une présomption de prise en charge des enfants par le nouveau compagnon. Lui-même a ses propres enfants et en outre, cela met la femme dans une situation de dépendance pour la prise en charge de ses enfants. Ce n'est pas moral, ce n'est pas juste.
Par ailleurs, Mme Doineau, je vous répondrai sur le débat qui oppose les petits ajustements à une grande réforme de la politique familiale. Mon sentiment est que nous ne sommes pas prêts de voir la grande réforme. La politique familiale est une telle institution qu'il est difficile d'y toucher. La mise sous condition de ressources des allocations familiales en 2014 n'était pas une grande réforme de la politique familiale par exemple, c'était un ajustement budgétaire. Depuis 1945, la politique familiale a évolué en permanence, avec des modifications successives. Du reste, vu les équilibres politiques actuels, si une grande réforme de la politique familiale était mise en oeuvre, ni vous ni nous n'en serions satisfaits. Il faut donc réformer la politique familiale chaque fois que l'occasion se présente comme on le fait depuis 1945.
En l'espèce, la suspension du versement de l'ASF en cas de remise en couple constitue une « trappe » à isolement et à pauvreté. Elle n'a pas de fondement du point de vue de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous pourrions donc voter ensemble cette proposition de loi.
Par ailleurs, l'estimation du coût de la réforme, évalué à quelques centaines de millions d'euros, me laisse perplexe. Est-ce que ce chiffrage provient de la direction de la sécurité sociale qui tend à trouver chaque réforme trop onéreuse ? Pour ma part, j'aimerais bien connaître le nombre d'ASF suspendues chaque année. Du reste, la CNAF, que nous avions entendue en audition, n'est pas opposée à cette réforme.
L'adoption de cette proposition de loi enverrait un bon message pour rediscuter la politique familiale et ajusterait un dispositif qui me semble archaïque.