Avant de commencer nos travaux, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, la bienvenue à notre collègue Daphné Ract-Madoux, sénatrice de l'Essonne, qui rejoint notre commission en remplacement d'Olivier Léonhardt, décédé. Je lui souhaite de fructueux travaux parmi nous.
Nous examinons tout d'abord, en deuxième lecture, le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi relative au monde combattant.
Le 9 mars 2021, le Sénat a adopté la proposition de loi relative au monde combattant, que j'avais déposée au début de l'année 2020. L'Assemblée nationale a adopté ce texte le 17 janvier dernier, modifié par deux amendements de coordination. Je vous proposerai de l'adopter sans modification en deuxième lecture, pour une adoption définitive du texte.
La proposition de loi a pour seul objet de modifier, à compter du 1er janvier 2023, la dénomination de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) en « Office national des combattants et des victimes de guerre ».
Cette proposition de modifier le nom de l'ONACVG vient du fait que, comme vous le savez, la population des ressortissants de l'Office évolue. Ce changement amorce une réflexion sur la nécessaire évolution de la politique en faveur du monde combattant.
Près d'un million d'anciens combattants dans notre pays, essentiellement issus de la guerre d'Algérie, sont au moins octogénaires. Cette troisième génération du feu va, comme les précédentes, s'éteindre progressivement dans les années à venir. On voit aujourd'hui se développer une quatrième génération, composée de celles et ceux qui ont été engagés en opérations extérieures (OPEX). Ces derniers peuvent bénéficier de la carte du combattant, et être donc des ressortissants de l'ONACVG, s'ils justifient d'au moins quatre mois de présence sur un théâtre d'opérations. On peut donc être ancien combattant à vingt ans comme on peut être ancien combattant et néanmoins continuer à combattre.
Cette évolution vers une population de ressortissants bien moins nombreuse nécessite d'adapter l'accompagnement proposé par l'Office à ces combattants et à leurs ayants droit. Les questions liées à la perte d'autonomie et aux invalides de guerre seront certainement moins prégnantes à l'avenir, contrairement aux enjeux de formation et de reconversion professionnelles. L'ONACVG propose déjà de nouvelles modalités d'accompagnement et devra continuer à adapter son action.
Il apparaît donc nécessaire d'ajuster la dénomination de l'Office pour prendre en compte cette nouvelle réalité.
Les jeunes militaires ne se reconnaissant souvent pas comme des « anciens combattants », le nom même de l'Office peut en dissuader certains de le solliciter alors qu'ils en auraient besoin. C'est l'objet de la modification proposée par ce texte, applicable à compter du 1er janvier 2023.
Lors de son examen en première lecture, les députés ont modifié l'article unique par deux amendements de coordination, qui complètent les dispositions que nous avions adoptées. Ils tendent à ce que l'ensemble des appellations de l'Office qui figurent dans le droit positif soient remplacées par la nouvelle dénomination. En effet, selon les dispositions législatives, l'Office est tantôt dénommé « Office national des anciens combattants et victimes de guerre », qui correspond à sa dénomination officielle, tantôt « Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ». L'article L. 1113-1 du code de la santé publique fait en outre référence à « l'Office national des anciens combattants ». Je vous propose donc de l'adopter sans modification.
Fort de sa nouvelle dénomination, l'Office national des combattants et des victimes de guerre pourra ainsi continuer à faire évoluer son action afin de répondre aux attentes et aux besoins de l'ensemble du monde combattant.
Je vous remercie pour cette présentation claire d'un sujet simple, mais hautement symbolique. Je suivrai bien sûr votre position.
Je reste toutefois prudent dès qu'il s'agit de modifier les titres et les missions. Historiquement, les changements de nom des institutions et des offices sont suivis d'un changement de missions et de périmètre. Qu'en est-il ici ?
Cela fait deux ans que nous travaillons sur ce sujet. Nous avons reçu toutes les associations. Même la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (Fnaca) a reconnu que ce changement était nécessaire. Le Gouvernement est aussi sur cette ligne. Cela paraît peu, mais répond à de réelles attentes de la quatrième génération du feu.
L'adoption non conforme de l'Assemblée nationale n'est due qu'aux modifications évoquées par la rapporteure. Le seul changement qui n'a pu être fait dans cette proposition de loi et qui était envisagé par le Gouvernement porte sur la présidence de l'ONACVG par la ministre des armées, en raison de son absence de lien avec les dispositions du texte.
Je précise que cette modification d'une pratique contraire à celle d'un établissement public est une demande du Conseil d'État.
EXAMEN DES ARTICLES
Article unique
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.
Nous passons à l'examen du rapport, en nouvelle lecture, et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement.
Les députés et sénateurs convoqués en commission mixte paritaire le 20 janvier dernier pour examiner la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement n'ont pu que constater leur désaccord.
Les députés ont adopté la semaine dernière, en nouvelle lecture, quelques ultimes modifications. Outre des amendements rédactionnels et de coordination, deux précisions ont été apportées à l'article 1er bis : les établissements de santé, publics et privés, pourront tenir les consultations relatives à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) à distance, afin de faciliter les parcours d'IVG médicamenteuses en ville, et le contenu du décret chargé de préciser les modalités de l'extension de la compétence des sages-femmes dans la réalisation d'IVG a été précisé.
La navette a ainsi permis d'enrichir progressivement ce texte, du moins les travaux de l'Assemblée nationale seule. Croyez bien que je le regrette. S'il ne m'appartient plus d'essayer de convaincre qui que ce soit ici, je me félicite des avancées rendues possibles par le travail de nos collègues.
D'abord, le délai de recours à l'IVG est étendu jusqu'à la fin de la quatorzième semaine de grossesse, ce qui offrira une solution aux milliers de femmes ayant dépassé le délai actuel pour des raisons dont elles n'ont pas la maîtrise, soit d'acheter à prix d'or le soulagement de leur détresse à l'étranger, soit de solliciter une interruption médicale de grossesse (IMG) pour détresse psychosociale, soit de vivre avec une grossesse non désirée.
Ensuite, la réalisation d'IVG chirurgicales est étendue aux sages-femmes jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse. Ces professionnelles sont plus nombreuses que les médecins en France, elles peuvent déjà pratiquer des IVG médicamenteuses depuis 2016, et même des actes intra-utérins : il y a donc un intérêt évident pour l'égalité d'accès aux soins sur le territoire à les inclure.
Enfin, ce texte fait davantage confiance au libre choix des femmes, d'une part en améliorant leur information, notamment par la création d'un répertoire qui recensera, avec leur accord, les professionnels et structures de soins pratiquant l'IVG, et, d'autre part, en supprimant le délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d'IVG en cas d'entretien psychosocial préalable.
Je regrette que la suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG n'ait pas été maintenue, même si je comprends qu'elle est issue d'un compromis entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale.
Dans mon premier rapport, j'avais proposé la création d'une agence nationale de la santé sexuelle et reproductive, sur le modèle de l'agence nationale contre le cancer. On voit bien, par exemple, qu'il n'y a pas de connaissance globale fine dans ce domaine, comme le montre la prise en charge de l'endométriose. Ce sujet de la santé sexuelle et reproductive reste délaissé par la médecine et il faut poursuivre le travail dans les années à venir.
Ensuite, il faudra, à mon sens, réfléchir davantage aux conditions d'accès à l'IMG, qui doit être plus également considérée sur l'ensemble du territoire. Peut-être attendrai-je juin ou juillet pour formuler une nouvelle proposition...
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er n'est pas adopté.
Article 1erbis
L'article 1er bis n'est pas adopté.
Article 1er ter A (supprimé)
L'article 1erter A demeure supprimé.
Article 1erter
L'article 1er ter n'est pas adopté.
Article 2
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 2 bis A
L'article 2 bis A n'est pas adopté.
Article 2 bis
L'article 2 bis n'est pas adopté.
Article 2 ter
L'article 2 ter n'est pas adopté.
Article 3 (supprimé)
L'article 3 demeure supprimé.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte de la proposition de loi adopté par l'Assemblée nationale.
EXAMEN D'UNE MOTION
Comme vous le savez, nous examinons ce texte en séance publique dès cet après-midi, en troisième point de l'ordre du jour.
Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance est fixé à l'ouverture de la discussion générale.
Comme en première et en deuxième lectures, j'ai souhaité épargner à notre collègue Laurence Rossignol le soin de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au nom de la commission, seule à même de préserver la discussion générale.
Afin de préserver la discussion générale, je demande donc d'ores et déjà à la commission de m'autoriser à déposer la question préalable en son nom, ce qui nous évitera d'avoir à nous réunir à l'issue de la discussion générale pour le faire et d'informer tous les groupes de ce dépôt suffisamment en amont. En conséquence de quoi, l'avis sur d'éventuels amendements déposés serait défavorable.
Je ne reprendrai pas les arguments exposés au fil des différentes lectures qui conduisent notre commission, bien que favorable à l'IVG, à s'opposer à ce texte qui augmente les délais de recours.
La motion n° 1 tendant à adopter la question préalable est adoptée. En conséquence, la commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi.
Elle émet un avis défavorable aux éventuels amendements déposés sur la proposition de loi.
Nous en arrivons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi relative à l'innovation en santé.
La proposition de loi relative à l'innovation en santé est dense. Tout d'abord, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère qu'il comprend toutes dispositions relatives aux règles encadrant les essais cliniques et à l'évaluation éthique de la recherche en santé, aux objectifs, aux principes et aux moyens de la politique de recherche en santé, aux mécanismes de fixation des prix et du remboursement des médicaments innovants, et aux données de santé.
En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, tous amendements relatifs à l'évaluation de la recherche dépourvue de lien avec la santé, aux composantes sectorielles de la politique de santé publique, à la politique du médicament d'une manière générale, ou aux données personnelles n'ayant pas le caractère de données de santé. De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.
Vous connaissez le contexte de cette proposition de loi, puisque Véronique Guillotin et moi-même vous l'avions présenté en juin dernier avec notre rapport d'information dressant le bilan du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2018 et préparant son édition 2021. Le constat que nous faisions était celui du déclassement de notre pays dans le développement et la production de thérapies innovantes en dépit de ses qualités académiques, industrielles et de recherche.
Afin d'apporter notre pierre à la reconstruction de l'appareil d'innovation en santé, cette proposition de loi, que j'ai cosignée avec la présidente Catherine Deroche, reprend certaines recommandations que nous avions formulées séparément en 2019 et en 2020, ainsi que celles qui sont issues des derniers travaux de la commission.
J'ai en outre auditionné près d'une soixantaine de personnes reflétant la richesse de l'écosystème de la recherche en santé : acteurs de la recherche académique, industriels du médicament, spécialistes des traitements innovants en oncologie ou en pédiatrie, autorités de régulation, entrepreneurs des biotechnologies, etc.
Les articles 1er à 10 sont relatifs à l'évaluation éthique des recherches conduites dans le domaine de la santé.
L'article 1er précise les dispositions relatives aux essais cliniques en ambulatoire. Il permet au promoteur d'une recherche de désigner des coordonnateurs par « site ou territoire », plutôt que par lieu de recherche, et clarifie les dispositions relatives aux recherches menées au domicile des patients. Je vous proposerai un amendement précisant que le recours à la télémédecine est possible lorsque les patients sont suivis à domicile, et tendant à remédier au problème du transport des enfants atteints de pathologies rares vers les centres spécialisés, peu nombreux et mal répartis.
L'article 2 renomme les comités de protection des personnes (CPP) afin d'introduire la notion d'éthique, conformément à ce qui se pratique chez nos voisins et à ce que préconisait l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2014. Les CPP seraient ainsi appelés « comités d'éthique de la recherche et de protection des personnes » (Cerpp).
L'article 3 visait, afin de garantir aux comités les moyens matériels nécessaires à l'exercice de leurs missions, à les rattacher systématiquement à un centre hospitalier universitaire (CHU). Je vous proposerai d'élargir ce rattachement aux centres hospitaliers et aux établissements de santé publics et privés d'intérêt collectif, par exemple les centres de lutte contre le cancer. Je vous propose également que certains CPP soient spécialisés en pédiatrie et en maladies rares, compétences dont la bonne identification soutiendra le développement des recherches.
L'article 4 renomme la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine (CNRIPH) en « commission nationale des recherches en santé ». Elle serait chargée d'établir un référentiel commun à tous les comités d'évaluation des recherches et non aux seuls CPP, d'établir un annuaire des experts mobilisables, de proposer des formations aux membres des comités, et d'abriter un déontologue chargé de prévenir les conflits d'intérêts. Je vous proposerai de dispenser la commission de statuer en formation de recours sur les demandes de second examen des dossiers.
L'article 5 précise les modalités d'évaluation périodique des comités par les agences régionales de santé (ARS), selon une procédure établie par la Haute Autorité de santé (HAS) et par la commission nationale.
L'article 6 s'attaque à un problème épineux : les CPP sont aujourd'hui engorgés, notamment en raison de la forte croissance des dossiers de recherches non interventionnelles, dits aussi « RIPH 3 », car il s'agit de la troisième catégorie des recherches impliquant la personne humaine définie par la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, dite loi Jardé. Dans le rapport de juin dernier, Véronique Guillotin et moi-même proposions de transférer ces dossiers à un comité d'éthique spécialisé. L'IGAS formulait déjà une proposition analogue en 2014.
Les auditions m'ont toutefois conduit à reconsidérer le problème. Peu d'interlocuteurs semblent croire à la solution du comité unique spécialisé, pour des raisons tenant à son volume d'activité attendu et au risque de concentration des conflits d'intérêts.
Je reste par ailleurs sceptique sur la solution proposée par le député Cyrille Isaac-Sibille lors de l'examen de la dernière loi de financement de la sécurité sociale consistant à créer un système parallèle à celui des CPP. Dans son amendement, adopté, mais censuré par le Conseil constitutionnel, les dossiers RIPH 3 étaient ainsi soumis à des comités d'éthique locaux coiffés de leur propre commission nationale de coordination et de recours. Une telle solution manque de légèreté.
Aussi, autorisons les CPP à déléguer l'examen des RIPH 3 aux comités d'éthique de la recherche (CER). Actuellement, ces derniers sont consultatifs et logés dans les universités. Ils examinent les recherches n'impliquant pas la personne humaine au sens de la loi Jardé, qui peuvent concerner la santé, mais aussi les sciences de l'homme. Si certains, dans les CER, sont aussi membres de CPP, les deux mondes s'ignorent largement. Pourquoi ne pas prévoir un partage, sans priver les CPP de leur compétence, d'une matière commune, définie comme sans risque pour les personnes se prêtant à la recherche ? Beaucoup d'auditions ont porté sur ce sujet et nous avons recherché un compromis.
Cela exigera certes de porter les CER au niveau de compétences exigé pour ce type de recherches. Or, conférer une base légale et mieux encadrer la création, le fonctionnement et l'évaluation des CER est l'objet de l'article 9. De même, c'était un objectif de l'article 4, qui rendait la CNRIPH compétente pour chapeauter « les pratiques » des CER aussi bien que des CPP. Bref, autoriser les CER - renommés comités d'évaluation éthique de la recherche - à examiner les RIPH 3 consiste moins à modifier l'équilibre de la loi Jardé qu'à autoriser un nouvel acteur à venir prêter main-forte dans le périmètre que cette loi a délimité, et à favoriser les échanges de bonnes pratiques.
Cependant, simplifier l'examen des dossiers ne garantit pas une pleine vigueur aux comités, qui dépendent largement du goût de leurs membres pour le travail bénévole. Les articles 8 et 10 prévoient donc la valorisation de cette activité dans la carrière des universitaires et praticiens hospitaliers, et simplifient le versement des indemnités aux rapporteurs experts et aux membres des comités par le recours au chèque emploi service universel.
Je vous proposerai en outre de voter un amendement, déjà adopté par le Sénat sur proposition du Gouvernement dans la loi de programmation de la recherche, mais censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure, tendant à simplifier les démarches des promoteurs de recherches lorsque celles-ci nécessitent des importations ou des exportations d'échantillons biologiques issus du corps humain.
Les articles 11 à 13 visent à faire du développement de la médecine personnalisée un objectif commun aux politiques de recherche et de santé publique.
En accord avec la préoccupation de développer l'innovation en santé sur notre territoire qui parcourt cette proposition de loi, l'article 11 prévoit que la politique nationale de recherche et la recherche publique concourent au renforcement de la souveraineté et de la sécurité sanitaire, ainsi qu'à l'amélioration de la qualité de vie.
Pour améliorer la qualité de prise en charge, classée par l'article 12 parmi les objectifs de la politique de santé, la médecine personnalisée, désormais définie comme l'adaptation des actions de prévention et des stratégies diagnostiques et thérapeutiques aux spécificités du patient et de l'affection, serait un puissant adjuvant. Certains la connaissent sous le terme de « médecine de précision » ou de « médecine 4P », ou « 5P ».
Son développement s'appuierait sur la recherche appliquée en santé, également définie par l'article 12, ainsi sur des volets spécifiques au sein de la stratégie nationale de santé et de la stratégie nationale de recherche, comme le prévoit l'article 13.
L'article 14 vise à mieux prendre en charge le diagnostic d'un cancer. De tels actes sont aujourd'hui financés par le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), enveloppe fermée au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et rendue trop étroite par les progrès du séquençage de nouvelle génération. Issu des réflexions que j'ai pu avoir avec Dominique Stoppa-Lyonnet, professeur de génétique et ancienne membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), cet article consiste à prendre en charge forfaitairement la recherche de biomarqueurs diagnostiques, pronostiques ou théranostiques pour tout nouveau cancer diagnostiqué chez un patient.
L'article 15 confie à la HAS une mission de veille et de prospective que la future agence de l'innovation en santé exercera peut-être, mais qu'il n'est pas inutile en attendant d'inscrire dans la loi. Il assouplit en outre l'organisation de la HAS.
Les articles 16 et 18 favorisent l'accès des patients aux médicaments innovants. Le premier prévoit, à titre expérimental, que le Comité économique des produits de santé (CEPS) pourra fonder le prix d'un médicament innovant, dont l'amélioration du service médical rendu est par hypothèse difficile à mesurer par comparaison avec un autre, sur le critère nouveau de sa « valeur thérapeutique relative ». Ce critère serait soumis à des réévaluations périodiques en fonction des données de vie réelle collectées. Le second précise que l'évaluation de l'amélioration du service médical rendu des médicaments innovants tient compte des données en vie réelle en complément des résultats des essais cliniques des industriels.
La dernière partie du texte est relative aux données de santé.
Les titulaires d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou les exploitants d'un traitement peuvent avoir besoin, pour évaluer son efficacité en vie réelle, d'accéder aux données de santé du système national des données de santé (SNDS) : si l'accès des industriels à ces données précieuses est déjà en partie permis sous certaines conditions, l'article 20 vise à mieux l'encadrer et à le conditionner à la remise annuelle à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d'une étude évaluant les effets de la prescription des produits.
Pour s'assurer du respect de la finalité scientifique des recherches conduites dans ce cadre, je vous proposerai de conditionner l'accès à ces données à la validation d'un protocole de recherche par le comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé. Je vous proposerai aussi de garantir que l'étude remise à l'ANSM évalue bien l'efficacité du traitement.
Les articles 21 et 22, enfin, renforcent les garanties des citoyens-patients quant à l'usage de leurs données personnelles de santé. L'article 21 interdit l'usage de ces données par les organismes complémentaires à des fins de sélection des risques. Je vous en proposerai une nouvelle rédaction, permettant d'étendre l'application de l'une des finalités interdites existant pour l'usage des données du SNDS à l'ensemble des données personnelles de santé.
L'article 22 vise à sécuriser le stockage des données en santé en réservant leur hébergement et leur gestion à des opérateurs relevant exclusivement de la juridiction de l'Union européenne (UE). Certes, il n'existe pas encore de solution technique souveraine à même de remplacer Microsoft Azure, auquel la plateforme des données de santé a recouru pour héberger et gérer les données de santé du SNDS. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'État a permis de conserver cette solution, malgré les conditions contestables dans lesquelles a été décidé le recours à Microsoft et les risques de transfert des données personnelles vers les États-Unis, mis en exergue par la jurisprudence Schrems II et confirmés par plusieurs avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
J'estime toutefois nécessaire, à ce stade de la discussion, de conserver cet article dans sa rédaction actuelle : les risques sont réels et ils peuvent saper la confiance de nos concitoyens dans le SNDS, entravant ainsi le plein déploiement de ses capacités, en particulier au bénéfice de l'innovation en santé.
Vous le voyez, ce texte tend, dans un format réduit, à lever un certain nombre de freins à l'innovation en santé, dans le souci de soutenir l'ensemble de l'écosystème. Puisse-t-il bénéficier de la navette pour être amélioré, et profiter à la recherche et à notre pays dans son ensemble.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-14 précise l'article 1er pour faciliter la réalisation d'essais cliniques. Tout d'abord, il reformule la précision relative au domicile des patients, et ajoute que les essais cliniques conduits en ambulatoire pourront impliquer des actes de télémédecine.
Il a aussi pour objet de remédier au délicat problème du transport d'enfants atteints de pathologies pour lesquelles les essais cliniques ne se tiennent que dans des centres très spécialisés et donc peu nombreux et mal répartis sur le territoire - tels, par exemple, les sept centres labellisés par l'Institut national du cancer (INCa) de phase précoce compétents en pédiatrie - en prévoyant que l'agence régionale de santé définit les modalités de leur transport sanitaire.
L'amendement COM-14 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 3
L'amendement COM-15 maintient la nouvelle dénomination des « comités d'éthique de la recherche et de protection des personnes » en remplacement des CPP. Toutefois, il supprime l'avis du directeur général de l'ANSM avant agrément du ministre de la santé, car une telle mission n'est pas du ressort de l'agence.
L'amendement impose aussi une spécialisation de certains Cerpp en pédiatrie et en maladies rares, ce que proposait Élisabeth Doineau. Cela favorisera le développement d'essais cliniques dans ces domaines très spécialisés, sans pour autant déroger au principe général du tirage au sort pour l'examen des dossiers.
L'amendement COM-15 est adopté.
L'amendement COM-37 précise la notion de rattachement des comités en préservant l'actuelle diversité des modes d'hébergement des comités, sans porter atteinte à leur indépendance, et vise à encourager leur hébergement dans des établissements qui leur fourniront les moyens de fonctionner.
Les amendements identiques COM-1 rectifié et COM-5 rectifié sont satisfaits par mon amendement, qui précise que les comités sont rattachés à des établissements publics ou des établissements de santé publics ou privés d'intérêt collectif - catégorie dont relèvent les centres de lutte contre le cancer qu'ils prévoient.
L'amendement COM-37 est adopté ; les amendements COM-1 rectifié et COM-5 rectifié deviennent sans objet.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement COM-34 supprime l'avis de l'ANSM sur le référentiel de l'évaluation éthique des projets de recherche, parce que cela sort de son domaine de compétence.
L'amendement COM-34 est adopté.
L'amendement COM-9 précise que les experts rassemblés dans l'annuaire tenu par la CNRIPH sont agréés par le ministère de la santé. Son emplacement n'est sans doute pas le bon, car les règles de recours aux experts figurent dans la partie réglementaire du code de la santé publique.
En outre, l'instance collégiale qui seule se prononce, le CPP, est bien titulaire d'un agrément du ministre, et les règles de prévention des conflits d'intérêts s'appliquent aussi aux experts extérieurs. Avis défavorable à défaut d'un retrait.
L'amendement COM-9 est retiré.
L'amendement COM-35 précise que les formations proposées par la commission nationale de la recherche en santé s'adresseront aussi aux membres des comités d'évaluation éthique de la recherche.
L'amendement COM-35 est adopté.
L'amendement COM-36 supprime le rôle de formation de recours confié à la commission nationale en cas de demande de second examen. Celle-ci n'en a en effet pas les moyens.
Le code de la santé publique prévoit en outre, à l'article L. 1123-6, que, en cas d'avis défavorable, le promoteur peut demander au ministre chargé de la santé de soumettre le projet pour un second examen à un autre comité.
L'amendement COM-36 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'amendement COM-16 remplace l'Agence nationale de sécurité du médicament par la HAS dans le rôle de définition de la procédure d'évaluation du fonctionnement des Cerpp, en lien avec la commission nationale.
L'amendement COM-16 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
L'amendement COM-10 supprime la procédure d'externalisation des RIPH 3 à un comité d'éthique spécialisé et restreint l'hypothèse dite fast track de l'examen rapide des dossiers de recherche au cas d'état d'urgence sanitaire. Mon amendement COM-27 peut satisfaire la première partie de cet amendement en proposant une troisième voie.
Sur le second point, la rédaction de l'article 6 semble suffisamment précise. Du reste, une telle situation peut précéder la déclaration de l'état d'urgence sanitaire à proprement parler, et attendre la déclaration de l'état d'urgence par les deux chambres du Parlement peut faire perdre du temps. Avis défavorable à cet amendement COM-10.
Mon amendement COM-27 simplifie le mécanisme d'externalisation des RIPH 3. Les CPP pourront déléguer l'examen des dossiers de RIPH 3 qu'ils reçoivent aux comités d'éthique de la recherche. Le principe de la soumission de tels projets sans risque à un CPP choisi aléatoirement serait donc maintenu, mais l'aiguillage des dossiers moins complexes vers d'autres organes d'évaluation serait rendu possible.
En d'autres termes, nous maintenons ce que sont les CPP, mais leur permettons de déléguer à des CER.
Quelle est l'articulation avec les espaces de réflexion éthique régionaux (ERER) ?
Ces espaces ne sont pas tournés vers la recherche, contrairement aux CER.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
L'amendement COM-27 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7
Le règlement européen 536/2014 portant sur les essais cliniques des médicaments, adopté en mai 2014 et entré en vigueur le 31 janvier 2022, prévoit un point d'entrée unique pour les demandes et les autorisations d'essais cliniques des 27 États membres de l'Union européenne avec le portail Clinical Trial Information System (CTIS). L'article 7 en devient sans objet, d'où mon amendement COM-17 de suppression.
L'amendement COM-17 est adopté.
L'article 7 est supprimé.
Article 8
L'amendement COM-19 tient compte de la réécriture de l'article 6.
L'amendement COM-19 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 9
L'amendement COM-28 renomme le chapitre du code de la santé publique consacré aux comités d'évaluation éthique de la recherche et dispose que les recherches en santé hors loi Jardé font l'objet d'une évaluation par ces comités.
L'amendement COM-28 est adopté.
La proposition de loi plaçait les comités d'évaluation éthique de la recherche sous la tutelle du ministre de la santé. Puisque ces comités, le plus souvent logés dans des universités, n'ont pas vocation à examiner exclusivement des recherches en santé, l'amendement COM-30 leur ajoute la tutelle du ministre de la recherche.
Ne devrait-on pas séparer ce qui relève de la recherche en santé de la recherche universitaire en général, afin d'éviter une double tutelle ?
Il ne s'agit que d'une question d'agrément du ministère.
L'amendement COM-30 est adopté.
Cet amendement COM-29 complète les dispositions relatives aux comités d'évaluation éthique de la recherche pour tirer les conséquences de la nouvelle version de l'article 6, qui préserve le principe du guichet unique et la classification issue de la loi Jardé tout en visant à désengorger les CPP.
L'amendement COM-29 est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 10
L'amendement COM-11 supprime l'article 10, qui simplifie les modalités de versement des indemnités versées aux rapporteurs experts et aux membres des CPP par le recours au chèque emploi service universel. Cet article reprend une proposition conforme aux recommandations de l'IGAS et du contrôle général économique et financier, et ne fait qu'introduire une possibilité, pas une obligation. Avis défavorable.
Il semble pourtant que la création d'une fonction d'agent comptable unique a résolu un certain nombre de problèmes.
Certes, mais il faut prendre en compte les différentes possibilités d'indemnisation des membres des comités, sous réserve d'éléments complémentaires qui pourraient nous parvenir avant la séance publique.
C'est l'État qui indemnise. Nous avons voté des amendements sur les conflits d'intérêts. Y en a-t-il s'agissant de ces rémunérations ?
Non, ce n'est qu'un simple défraiement. Un vrai conflit d'intérêts aurait lieu si les laboratoires payaient.
Il s'agit plutôt d'une forme d'indemnisation, en raison des frais, que d'une rémunération.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté sans modification.
Après l'article 10
L'amendement COM-20, qui a déjà été déposé par le Gouvernement et adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de programmation de la recherche de décembre 2020, mais censuré par le Conseil constitutionnel, vise à simplifier les démarches administratives des promoteurs de recherches impliquant la personne humaine (RIPH) dans les cas où ces recherches nécessitent des importations ou exportations d'éléments issus du corps humain dans un but scientifique.
L'amendement COM-20 est adopté et devient article additionnel.
Article 11
L'amendement rédactionnel COM-22 est adopté, de même que l'amendement de coordination COM-23.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 12
L'article 12 est adopté sans modification.
Article 13
L'amendement COM-24 vise à éviter une répétition inutile dans l'article L. 111-6 du code de la recherche, que l'article 13 modifie.
L'amendement COM-24 est adopté.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 14
L'amendement COM-8 rectifié précise que le forfait de dépistage d'un cancer « peut être utilisé à tout moment » dans le parcours du patient. Mais sa rédaction rend son interprétation difficile. Retrait sinon avis défavorable.
L'amendement COM-8 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement COM-2 rectifié vise à rendre possible l'inscription dans l'espace numérique de santé des résultats de tests de dépistage de cancer. L'idée est intéressante, toutefois il conviendrait de demander l'autorisation du patient. Je vous invite éventuellement à modifier la rédaction en vue de la séance. En attendant, j'émets un avis défavorable à cet amendement, ainsi qu'à l'amendement COM-6 rectifié pour les mêmes raisons.
L'amendement COM-2 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-6 rectifié.
L'article 14 est adopté sans modification.
Article 15
Mon amendement COM-21 tend à supprimer non pas la fonction de veille prospective, qu'il est ici proposé de confier à la HAS, mais la mention selon laquelle cette fonction « vise à évaluer » l'impact des produits innovants selon une multitude de dimensions : la formulation est ambiguë, et il n'entre de toute façon pas dans les compétences de la Haute Autorité d'embrasser toutes ces dimensions.
L'amendement COM-21 est adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 16
L'amendement COM-4 rectifié vise à réécrire l'article 16, afin notamment de substituer la notion d' « amélioration du service médical rendu conditionnelle » à celle de « valeur thérapeutique relative ». Le débat est essentiellement lexical, car le dispositif reste au fond le même. Retrait sinon avis défavorable. Je préfère maintenir le terme de « valeur thérapeutique relative » (VTR), car il renvoie à un débat désormais un peu ancien et assez complexe relatif au mode d'évaluation de la valeur des médicaments innovants, cette notion de VTR étant appelée par la plupart des acteurs de l'écosystème à remplacer à la fois le service médical rendu et l'amélioration du service médical rendu.
L'amendement COM-4 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement rédactionnel COM-33 est adopté.
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 17
L'amendement COM-18 tend à supprimer l'article 17 qui est devenu sans objet, car le décret du 9 décembre 2021 permet depuis le 1er janvier 2022 l'inscription sur la liste en sus de spécialités pharmaceutiques avec une ASMR IV.
L'amendement COM-18 est adopté.
L'article 17 est supprimé.
Article 18
L'amendement rédactionnel COM-31 est adopté ; l'amendement COM-12 devient sans objet.
L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 18
L'amendement COM-32 étend aux hypothèses d'accès précoce et d'accès compassionnel le principe, déjà posé à l'article L. 1121-3 pour les recherches impliquant la personne humaine, d'une dérogation au secret médical pour les attachés de recherche clinique chargés de contrôler la qualité des données, en échange de leur soumission au secret professionnel. Ce personnel, mandaté par le laboratoire, pourra donc être davantage mobilisé que les professionnels de santé pour faire remonter les données utiles, libérant ainsi du temps de travail aux soignants.
Je m'étais interrogée sur l'opportunité de confier à ces « attachés de recherche clinique », mandatés par les laboratoires, cette mission. Mais il s'agit d'une demande de la HAS.
Ainsi que de l'INCa. L'enjeu est de décharger les chercheurs de ce temps passé en paperasserie. Ces attachés doivent être soumis au secret professionnel.
Nous avions pu constater en effet lors d'un déplacement au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) l'importance du temps passé par les chercheurs en tâches administratives.
L'amendement COM-32 est adopté et devient article additionnel.
Article 19
L'amendement COM-13 tend à supprimer l'objectif de promotion du rôle de chaque personne dans la protection et l'amélioration de sa santé dévolu à l'espace numérique de santé. Avis favorable sous réserve de l'adoption du sous-amendement rédactionnel COM-38.
Le sous-amendement COM-38 est adopté. L'amendement COM-13, ainsi sous-amendé, est adopté.
L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 20
L'amendement COM-25 vise deux objectifs. D'abord, l'étude de pharmacovigilance, telle qu'elle est prévue dans l'article 20, ne concerne que les effets indésirables d'un traitement, mais ne s'intéresse pas à son efficacité. Pour éviter toute confusion, il paraît nécessaire de supprimer cette précision restrictive. Ainsi, l'accès aux données du système national des données de santé pour évaluer l'efficacité d'un traitement de vie réelle serait conditionné à la remise annuelle à l'ANSM d'une étude évaluant les effets de la prescription du produit évalué. La formulation retenue permet ainsi de s'assurer que l'étude remise à l'ANSM porte à la fois sur la pharmacovigilance, et donc sur la tolérance du patient au traitement, - et sur son efficacité.
Ensuite, l'amendement vise à conditionner l'accès aux données du SNDS pour évaluer l'efficacité en vie réelle d'un traitement au respect d'un protocole de recherche dont la finalité scientifique est évaluée par le comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES). Il me semble en effet que ce comité indépendant, qui peut déjà se saisir ou être saisi sur le caractère d'intérêt public que présentent les traitements automatisés de données à caractère personnel dont la finalité est, ou devient, la recherche ou les études dans le domaine de la santé, est le plus approprié pour valider le protocole de recherche du titulaire de l'AMM ou de l'exploitant du traitement. On ne saurait d'ailleurs autoriser l'accès à une base de données aussi précieuse que le SNDS sans une contrepartie minimale. L'application du principe de transparence est en effet le corollaire incontournable du plein déploiement du potentiel des données du SNDS pour favoriser les recherches sur les traitements innovants.
Il convient de vérifier l'intérêt scientifique du projet avant d'autoriser l'accès au SNDS, ne serait-ce que pour éviter d'encombrer ce dernier.
L'amendement COM-25 est adopté.
Les amendements identiques COM-3 rectifié et COM-7 rectifié, qui prévoient une mise à jour trimestrielle des données du système national des données de santé, ne semblent pas nécessaires au regard des efforts déjà réalisés par la plateforme des données de santé pour mettre à jour les données. En effet, pour ce qui concerne la base de données individuelles des bénéficiaires (DCIR), les données du SNDS sont remontées tous les mois. En ce qui concerne les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), on peut distinguer les données infra-annuelles qui sont remontées d'abord en un premier lot au mois de juin, puis, par la suite, chaque mois, et les données fast track qui, jusqu'à récemment, faisaient l'objet d'une remontée hebdomadaire. Néanmoins, ce dispositif a depuis été remplacé par le dispositif dit TAE, mis en place depuis juillet 2020, qui donne lieu à une remontée mensuelle. Avis défavorable.
Oui, si l'on en croit la directrice de la plateforme des données de santé.
Ces amendements se fondent sur des remontées de terrain. Nous devrons être vigilants à l'avenir sur ce point.
Nous avons interrogé spécifiquement la directrice sur ce point qui nous a adressé une réponse écrite.
Les amendements COM-3 rectifié et COM-7 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 20 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 21
L'amendement COM-26 vise à réécrire l'article, avec deux objectifs. D'une part, il tend à opérer une clarification rédactionnelle au 3° de l'article 65 de la loi du 6 janvier 1978. D'autre part, et surtout, il prévoit que, par parallélisme avec l'article L. 1461-1 du code de la santé publique relatif aux données du SNDS, les données concernant la santé des personnes et traitées pour la prise en charge des prestations par les organismes d'assurance maladie complémentaire ne pourraient être utilisées avec pour finalité l'exclusion de garantie des contrats d'assurance et la modification de cotisations ou de primes d'assurance d'un individu selon son état de santé, ou d'un groupe d'individus présentant un même risque. Cet amendement précise ainsi plus clairement le concept de sélection des risques contenu dans l'article originel. De plus, il en améliore la rédaction initiale, qui aurait empêché des organismes comme les mutuelles de mettre en oeuvre les mesures de prévention qu'elles mènent déjà et d'assurer des remboursements différenciés dans le cadre du 100 % santé - c'est le cas, par exemple, des prothèses dentaires pour lesquelles il faut préciser aux organismes complémentaires si elles sont situées sur les dents visibles ou sur les dents invisibles pour savoir si elles doivent être remboursées entièrement ou non. Enfin, l'espace numérique de santé ne doit pas devenir une proie pour les assurances.
L'amendement COM-26 est adopté.
L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 22
Que pensez-vous du recours au système Azure, géré par Microsoft, pour héberger les données de santé ? Je sais que le Conseil d'État a rendu un avis, mais cette solution me semble éminemment contestable.
Les données de santé françaises sont aujourd'hui bien hébergées en Europe. La CNIL est très claire sur le sujet : en raison de certaines dispositions du droit américain, l'utilisation d'une solution fournie par Microsoft, entreprise placée sous juridiction américaine, entraîne un risque de transfert de données personnelles de santé vers les États-Unis. Elle s'appuie notamment sur l'arrêt Schrems II de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 juillet 2020, selon lequel le caractère extraterritorial de la législation américaine ne permet pas de garantir un niveau de protection des données de citoyens européens équivalent à celui assuré par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Le Conseil d'État a également souligné, dans une ordonnance du 13 octobre 2020, le risque de transferts de données personnelles vers les États-Unis ; mais en raison de l'intérêt public qui s'attache au maintien d'un outil de gestion de données - en particulier dans le cadre de la crise sanitaire -, il a estimé que le maintien du contrat avec Microsoft, à condition qu'il soit entouré de garanties supplémentaires, n'était pas illégal. Ces garanties ont été incluses par un arrêté du 9 octobre 2020 selon lequel aucun transfert de données à caractère personnel ne peut être réalisé en dehors de l'Union européenne.
Il paraît très improbable de trouver à court terme une solution européenne de gestion propre à assurer notre sécurité en matière de stockage de données de santé. Mais à ce stade de la discussion parlementaire, il est politiquement important de réaffirmer cet impératif, et de pousser le Gouvernement à s'expliquer sur le sujet : quelles sont les conditions qui ont entouré la conclusion du contrat, sans appel d'offre préalable, avec Microsoft en avril 2020 ? Où en sont les démarches engagées par le Gouvernement pour nous permettre de nous conformer à l'esprit de la jurisprudence Schrems II ? Il n'est pas suffisant d'affirmer que « les États-Unis n'auraient aucun intérêt à récupérer ces données ». Il y va de la confiance que nos concitoyens peuvent accorder au système national des données de santé. Je vous propose d'interroger le ministre sur ce point en séance.
Nous devons réaffirmer notre volonté de trouver un hébergeur européen.
L'article 22 est adopté sans modification.
Article 23
L'article 23 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Nous examinons maintenant la proposition de loi visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.
La proposition de loi déposée par le président Patrick Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à concilier plusieurs ambitions : combattre le chômage de longue durée, agir en faveur de la transition écologique, consolider le lien social. Pour mettre en place une véritable garantie à l'emploi, elle mobilise plusieurs dispositifs d'insertion professionnelle et pose, pour financer leur développement, les bases d'une réforme fiscale fondée sur la solidarité.
Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.
Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » ; aux contrats à durée déterminée d'insertion conclus par les structures d'insertion par l'activité économique ; au contrat unique d'insertion ; à l'imposition de la production ; à l'imposition de la fortune mobilière et immobilière ; à l'imposition des revenus du capital ; à la taxation des transactions financières.
En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables, des amendements relatifs à l'indemnisation du chômage, aux minima sociaux et à la sécurité sociale, ainsi qu'à l'imposition des revenus du travail.
J'en viens à mon rapport sur la proposition de loi.
Le chômage de longue durée est en France un phénomène massif et persistant. Au troisième trimestre 2021, d'après l'Insee, plus de 700 000 chômeurs déclaraient chercher un emploi depuis au moins un an, soit 2,4 % de la population active, tandis que 2,6 millions de personnes étaient inscrites à Pôle emploi en catégories A, B ou C depuis un an ou plus. Il faut ajouter aux demandeurs d'emploi de longue durée au sens strict les nombreuses personnes durablement privées d'emploi et découragées, qui n'apparaissent pas dans les statistiques du chômage.
Souvent, les demandeurs d'emploi de longue durée n'ont pas ou plus de droits ouverts à l'assurance chômage et dépendent des minima sociaux : 84 % des bénéficiaires de minima sociaux étaient sans emploi fin décembre 2017, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Le chômage de longue durée a évidemment partie liée avec la pauvreté.
Les moins diplômés et les moins qualifiés sont les plus concernés par le chômage de longue durée. Par ailleurs, une part significative des situations de chômage de longue durée est liée à des problèmes de handicap ou de santé. L'embellie sur le marché du travail ne suffit donc pas à enrayer ce phénomène qui repose plus fondamentalement sur l'inadéquation actuelle entre les offres d'emploi et les compétences des personnes.
La privation d'emploi a non seulement un coût pour les personnes concernées, mais aussi pour la collectivité. ATD Quart Monde évalue ce coût à un montant situé au minimum entre 16 000 et 19 000 euros par personne, soit un coût global situé au bas mot entre 43 milliards et 51 milliards d'euros par an. Ces sommes pourraient être dépensées de manière plus vertueuse en faveur de la cohésion sociale et de l'inclusion dans l'emploi des personnes concernées.
Le principe d'une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, que ce texte entend mettre en oeuvre, vise à donner une portée concrète au droit d'obtenir un emploi proclamé par le préambule de la Constitution de 1946.
Dans cette perspective, le réseau Coorace, que j'ai auditionné, a pointé le sous-investissement de l'État dans la création nette d'emplois et appelé au financement d'un million d'emplois durables d'utilité sociale et territoriale, pour un budget estimé à 4 milliards d'euros par an.
Toutefois, rendre effectif le droit à l'emploi nécessite non seulement de créer des emplois, mais aussi d'aller à la rencontre des personnes qui en sont privées et de les accompagner afin de les aider à surmonter leurs difficultés et à se maintenir dans l'emploi.
Afin de mettre en oeuvre cette garantie à l'emploi, le titre Ier de la proposition de loi mobilise plusieurs outils existants qui ont vocation à jouer un rôle complémentaire.
Premièrement, les contrats aidés concernent des personnes connaissant des difficultés d'accès à l'emploi, mais pouvant être orientées directement vers un milieu ordinaire de travail, l'employeur recevant alors une aide à l'insertion professionnelle pendant une durée limitée. Unifiés depuis 2010 dans le contrat unique d'insertion (CUI), ils prennent la forme du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) dans le secteur non marchand et du contrat initiative emploi (CUI-CIE) dans le secteur marchand.
Ces contrats ont plus souvent été utilisés comme un outil conjoncturel de réduction du chômage qu'en tant que véritable solution à l'appui des politiques d'insertion ; en témoigne le changement de doctrine du Gouvernement qui avait quasiment mis fin aux CUI-CIE avant de les remobiliser, non sans difficultés opérationnelles, pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Quant au parcours emploi compétences, le PEC, censé constituer la nouvelle génération de contrats aidés, il s'agit du nouvel habillage du CUI-CAE.
Afin de donner à ces contrats toute leur place dans la mise en oeuvre de la garantie à l'emploi et d'éviter les effets de stop and go qui compromettent leur mobilisation rapide en période de crise, l'article 3 fixe à compter de 2023 un nombre minimum de 200 000 contrats aidés dans le secteur non marchand et l'article 4, un minimum de 50 000 contrats aidés dans le secteur marchand.
Deuxièmement, l'insertion par l'activité économique (IAE) vise à faciliter l'insertion professionnelle de personnes éloignées de l'emploi, pendant une durée limitée en principe à 24 mois, au moyen de modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement au sein de structures spécialisées, les structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE).
L'IAE est devenue un instrument central des politiques de l'emploi, mais les ambitions quantitatives affichées par le Gouvernement - atteindre 240 000 postes dans l'ensemble des structures à la fin du quinquennat - restent encore largement théoriques, en dépit des assouplissements permis par la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique.
Afin de soutenir le développement du secteur, l'article 2 impose à compter de 2023 un nombre minimum de 100 000 contrats à durée déterminée d'insertion au sein des entreprises d'insertion (EI). Pour y parvenir, les réseaux de l'IAE attendent une amélioration des modalités de pilotage du secteur, notamment au niveau territorial, afin de libérer le potentiel de développement des SIAE. Les moyens dédiés à la formation professionnelle des salariés en insertion devront également être renforcés et sécurisés.
Troisièmement, l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », créée par la loi du 29 février 2016 et prolongée par la loi du 14 décembre 2020, constitue dans les territoires concernés la solution de dernier ressort ou, selon les termes de Louis Gallois, la « voiture-balai » de la garantie à l'emploi. Entrée dans sa deuxième phase depuis le 1er juillet 2021, cette expérimentation permet à des personnes privées durablement d'emploi d'être embauchées en contrat à durée indéterminée, à temps choisi, au sein de structures spécifiques dénommées entreprises à but d'emploi (EBE). En postulant que personne n'est inemployable et en visant l'exhaustivité, elle apparaît aujourd'hui comme la nouvelle frontière du développement des politiques de lutte contre le chômage d'exclusion.
Prenant acte du succès de cette expérimentation, l'article 1er vise à la transformer en un dispositif pérenne. De plus, il propose d'accélérer son extension : le nombre de territoires participants serait quintuplé tous les deux ans dans la limite des collectivités volontaires et du nombre de territoires encore non couverts. Sa cible serait également élargie aux personnes âgées de moins de 25 ans privées durablement d'emploi depuis six mois et domiciliées depuis au moins trois mois dans l'un des territoires participants.
Nous avons cependant entendu les réserves des promoteurs de l'expérimentation qui estiment que cette généralisation est prématurée. Pour respecter le caractère de projet expérimental et la démarche de territoire au coeur de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », je vous proposerai, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, de remplacer ces dispositions par une suppression de la limite actuelle de 60 territoires et de la nécessité de prendre un décret en Conseil d'État pour y déroger dans le cadre de la deuxième phase. Ainsi, tous les projets émergents remplissant les conditions du cahier des charges pourront être admis sans plus attendre dans l'expérimentation par arrêté du ministre chargé de l'emploi.
Pour l'avenir, il serait néanmoins souhaitable que le financement de l'expérimentation ne se limite pas aux aides au poste, mais couvre également l'animation territoriale et l'ingénierie nécessaires à une mise en oeuvre effective de la garantie d'emploi.
La proposition de loi vise également à orienter cet investissement en faveur de l'inclusion des chômeurs de longue durée vers des activités contribuant à la lutte contre la crise environnementale.
Cette orientation n'apparaît pas contradictoire. L'IAE a depuis longtemps investi des activités liées au développement durable, telles que la gestion des déchets. De même, dans les « territoires zéro chômeur de longue durée », la transition écologique représente 38 % des activités des EBE.
Afin de systématiser cette approche, l'article 3 prévoit que les aides au titre d'un CUI-CAE ne peuvent être accordées que si le contrat porte sur des activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources. Concernant les contrats aidés dans le secteur marchand, l'article 4 conditionne l'aide au poste à l'atteinte par l'employeur de la neutralité carbone ou à son engagement dans la décarbonation de ses activités.
Je considère que cette orientation est souhaitable, mais qu'elle ne doit pas entraver le développement de ces contrats. La conditionnalité concernant les CUI-CAE pourrait ainsi être remplacée par une modulation de l'aide selon la finalité de l'activité, tandis que les entreprises de moins de 250 salariés pourraient être exonérées de la conditionnalité carbone pour conclure un CUI-CIE. L'auteur de la proposition de loi a approuvé les deux amendements que j'ai déposés en ce sens.
Ces mesures d'intérêt général présentent bien sûr un coût. Si celui-ci a été estimé par l'auteur du texte à 17 milliards d'euros, mes travaux ne m'ont pas permis d'obtenir confirmation de ce chiffrage. En tout état de cause, je tiens à vous rappeler que l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » repose sur un principe d'activation des dépenses passives devant permettre, à terme, d'assurer son autofinancement. En effet, le chômage de longue durée représente une charge de plus de 30 milliards d'euros par an au titre des allocations chômage, à laquelle il convient d'ajouter une contraction de la consommation, de moindres recettes fiscales et sociales et les dépenses liées à la lutte contre la pauvreté. En entraînant son reflux, le dispositif prévu par la proposition de loi générera donc les recettes nécessaires à son propre financement.
Pour autant, dans un esprit de responsabilité, le président Kanner a tenu à proposer au sein de ce texte quatre réformes fiscales d'envergure, qui me semblent associer la justice fiscale à la justice sociale. Ces mesures combinées représenteraient dix à onze milliards d'euros de recettes supplémentaires.
Sept milliards pourraient d'abord être générés par l'annulation d'une partie des mesures de baisse des impôts de production mises en oeuvre par le Gouvernement en 2021, telle que la propose l'article 5. Il s'agit en effet de revenir sur la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), c'est-à-dire de 50 % du produit de cet impôt, ainsi que sur l'abaissement de 3 à 2 % du plafond de la contribution économique territoriale (CET), qui inclut la CVAE et la cotisation foncière des entreprises (CFE). Ces mesures ont été compensées par l'affectation aux régions d'une part de TVA.
Il est incontestable que la baisse des impôts de production a permis de soutenir la trésorerie et la rentabilité des entreprises pendant la crise sanitaire. Il n'est pas moins certain que toutes les entreprises en ont bénéficié, qu'elles doivent faire face à des difficultés financières ou non, et en particulier les grands groupes industriels.
Ces effets d'aubaine ne me paraissent pas justifiés dans un contexte de forte croissance économique. Il serait donc légitime que les entreprises bénéficiant de l'amélioration de la conjoncture économique rendent à la collectivité une partie de l'aide qu'elle leur a apportée durant la crise, en participant au financement d'une mesure de solidarité nationale.
Dans cette même perspective de partage des fruits de la croissance, il est nécessaire de nous interroger sur l'imposition des grandes fortunes en France. Comme vous le savez, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), accusé d'inciter à l'évasion fiscale et de nuire à l'attractivité du pays, a été remplacé en 2018 par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui n'est assis que sur le patrimoine immobilier, à l'exclusion des valeurs mobilières. Il s'agissait, d'après le Gouvernement, de réorienter les investissements de la rente immobilière vers les titres de capital d'entreprises françaises.
Cette réforme, qui représente un coût budgétaire de l'ordre de trois milliards d'euros, a évidemment profité aux plus favorisés. Les redevables de l'ISF en 2017 ont ainsi bénéficié, en 2018, d'un gain fiscal moyen de 8 338 euros. Pour autant, aucune étude ne permet d'affirmer que l'IFI ait atteint l'objectif qui lui a été assigné, dans la mesure où, bien que les flux de placements financiers des ménages aient augmenté, le marché de l'immobilier a connu une forte croissance en 2019 et en 2020, tandis que les contribuables assujettis à l'IFI n'ont pas cédé leur patrimoine immobilier de façon significative.
Par conséquent, l'article 6 vise à rétablir l'ISF sous la forme d'un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital (I2S2C). Dans un souci de pragmatisme, le seuil d'entrée dans l'imposition serait relevé de 1,3 à 1,8 million d'euros afin de ne cibler que les ménages les plus favorisés et d'éviter d'enrayer les rapatriements fiscaux. D'autre part, le dispositif de réduction d'impôt pour investissement dans les petites et moyennes entreprises (PME), qui permettait aux ménages assujettis d'atténuer leur charge d'ISF, serait restreint aux investissements dans les PME figurant sur une liste d'entreprises socialement et écologiquement responsables agréées par l'État pour une durée de deux ans. Il s'agirait donc à la fois de limiter le « mitage » de l'assiette d'imposition et de favoriser les investissements contribuant à la transition écologique et sociale.
La question de l'imposition des revenus du capital mérite également toute notre attention. Auparavant imposés soit au travers d'un prélèvement forfaitaire libératoire, soit au barème progressif de l'impôt sur le revenu, les revenus du capital ont été soumis au même régime fiscal que les revenus du travail à compter de 2013, c'est-à-dire à l'imposition obligatoire au barème. Cette réforme a permis d'accroître sensiblement les taux marginaux d'imposition des redevables les plus aisés, malgré l'introduction d'un abattement de 40 % sur les dividendes ayant eu pour effet d'amoindrir l'alourdissement de la charge fiscale.
Toutefois, en 2018, la barémisation systématique a été remplacée par un système fondé sur une option par défaut, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), et sur une option pour l'imposition au barème de l'impôt sur le revenu. Cette réforme visait à la fois à simplifier les modalités d'imposition des revenus du capital et à favoriser l'investissement dans les titres financiers, donc dans les entreprises.
Il est particulièrement difficile d'évaluer le coût budgétaire de l'instauration du PFU. Le Gouvernement l'a estimé à 1,3 milliard d'euros en 2018 et à 1,9 milliard en 2019, mais France Stratégie croit possible que la réforme se soit autofinancée, dès lors qu'elle a suscité un fort rebond de la distribution de dividendes et donc des recettes fiscales.
Quoi qu'il en soit, le gain fiscal induit par la mise en oeuvre du PFU est concentré sur les 5 % des personnes les plus aisées, pour lesquelles il s'élevait en moyenne à 490 euros en 2018. Il s'agit des foyers fiscaux dont les revenus postérieurs à 2017 les auraient situés dans les tranches marginales d'imposition supérieures à 30 % en l'absence de réforme. Par ailleurs, si l'abolition de la barémisation systématique a accru la distribution de dividendes, leur concentration s'est accrue depuis 2018, 97 % des dividendes distribués ayant été perçus par 1,7 % des foyers fiscaux.
Or, comme dans le cas de l'IFI, rien ne permet d'affirmer à l'heure actuelle que cette mesure a clairement permis de réorienter les investissements vers les entreprises. Au contraire, d'après France Stratégie, les ménages assujettis à l'IFI et dont les dividendes ont augmenté en 2018 d'un montant compris entre 100 000 et 1 million d'euros ont vu leur patrimoine immobilier augmenter concomitamment de 150 000 euros en moyenne.
Aussi me paraît-il judicieux, comme le prévoit l'article 7, de supprimer le PFU et de rétablir une imposition obligatoire au barème afin d'assurer la contribution des plus favorisés au financement du dispositif porté par cette proposition de loi, dans un contexte de forte croissance économique et d'accroissement des inégalités.
Enfin, l'article 8 prévoit l'instauration d'une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières (TTF). Créée en 2012, cette dernière s'applique à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital émis par une société dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros, soit 147 sociétés en 2022 contre 129 en 2021. Son taux, initialement fixé à 0,2 %, a été porté par le Parlement à 0,3 % en 2017, contre l'avis du Gouvernement.
Elle permet de faire participer les marchés financiers au financement des dépenses publiques à hauteur de plus de 1,7 milliard d'euros en 2021 ; 30 % de ces recettes sont actuellement attribuées au Fonds de solidarité pour le développement.
Une augmentation de la contribution des acquéreurs de titres de capital se justifie d'autant mieux que les marchés financiers jouissent d'une excellente santé financière depuis le début de la crise sanitaire.
Pour conclure, je crois que, face à l'urgence sociale et à la crise environnementale, le droit à l'emploi et la transition écologique sont des enjeux que ce texte parvient à articuler sans les opposer. C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette proposition de loi modifiée par les trois amendements que j'ai évoqués.
Cette proposition de loi comporte deux titres : si le titre Ier relève bien de notre commission, le titre II me semble relever plutôt de la compétence de la commission des finances.
Nous sommes tous soucieux de réduire le chômage, et conscients de la nécessité de simplifier les dispositifs. Les demandeurs d'emploi comme les travailleurs sociaux se perdent parfois dans leur complexité. Le sujet mérite débat, en effet. Mais si les Français reprochent parfois au législateur de ne pas aller assez vite, ce texte est un TGV législatif ! J'étais rapporteur de la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée ». L'encre est à peine sèche.... Nous avons décidé de prolonger l'expérimentation, conformément aux attentes des acteurs. Votre amendement correspond à l'intention initiale du législateur : nous avions limité à 60 le nombre de territoires éligibles à l'expérimentation, mais la ministre avait dit qu'elle ne s'interdisait pas d'aller au-delà de ce chiffre en fonction des résultats et des demandes.
À l'article 2, relatif aux SIAE, vous prévoyez la création de 100 000 postes supplémentaires en plus des 134 000 qui existent aujourd'hui : c'est un bond considérable, et peut-être ambitieux par rapport à la réalité du terrain.
La Cour des comptes a montré que le dispositif des CUI-CAE - un des derniers dispositifs de contrats aidés à destination du secteur non marchand à exister encore dans les pays européens - est très coûteux, et peut-être pas adapté.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte.
Cette proposition de loi, qui vise à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la transition écologique et au développement du lien social, en se fondant sur un principe constitutionnel affirmant le « droit d'obtenir un emploi », a un objectif louable, et porte témoignage d'une volonté compréhensible.
Dans mon discours lors du débat en séance au Sénat sur le thème « Le partage du travail : un outil pour le plein emploi ? », j'ai rappelé, même si je ne suis ni communiste ni marxiste, que les élites de notre pays s'étaient habituées à un chômage structurel établi autour de 7 %, faisant de cette donnée une caractéristique quasi naturelle de notre pays, considérant ce pourcentage non comme une alerte, mais comme un chiffre de référence.
Je rappelais aussi le concept d'« effet d'hystérèse du chômage » défini par l'économiste Ashoka Mody, c'est-à-dire les séquelles que peut provoquer le chômage de masse. J'appelais le Gouvernement à réorienter la formation pour pourvoir des postes qui ne sont pas occupés, pour planifier, organiser la société de demain et donner des perspectives.
Toutefois, je ne partage pas les solutions qui sont apportées dans cette proposition de loi : elles reviennent en effet à mettre en cause des politiques publiques dont nous ne connaissons pas encore le bilan. Cette proposition de loi met fin à des expérimentations - ce qui est par principe une erreur -, à des investissements importants engagés par le Gouvernement, et reprend l'esprit d'une lutte pour le plein emploi par des formes d'emplois aidés, tentative déjà réalisée par François Hollande qui n'a pas porté ses fruits... Orienter les chômeurs de longue durée vers « des activités utiles » à la transition écologique et au développement du lien social apparaît comme une façon de faire passer la pilule : puisque c'est pour l'environnement ou pour le lien social, nous devrions être pour... Mais, vous l'avez compris, le groupe Union Centriste ne croit pas au modèle économique sous-jacent à cette proposition de loi. Nous ne la voterons pas.
Je confirme à ma collègue qu'elle n'est pas communiste... Le groupe communiste soutient cette proposition de loi qui nous semble intéressante et qui reprend les pistes avancées par l'Institut Rousseau. En revanche, il manque un aspect fondamental, celui de la formation. On ne peut pas, en effet, aborder la question de l'emploi et du chômage de longue durée, qui a un coût élevé, aussi bien financier que social, pour les personnes concernées, sans parler de la formation. Combien de personnes de 30 ou 40 ans se retrouvent-elles, après la fermeture de leur usine, au chômage, sans formation, ou sans autre formation que celle qu'elles ont en interne ? Il reste ainsi encore 400 personnes sans emploi après la fermeture de l'usine Bridgestone... Il faut donc permettre la montée en compétence des salariés. C'est crucial.
Ce texte ressemble plutôt à un discours de politique générale : son volet financier est une litanie de réformes, dont je ne sais pas d'ailleurs si nous avons, à la commission des affaires sociales, la compétence pour le voter, sans étude d'impact qui plus est. Cela relève plutôt de la commission des finances. Vous proposez de recréer des emplois aidés. Certes, ils peuvent parfois être utiles, mais l'enjeu me semble plutôt être de restructurer l'ensemble de la filière d'insertion : on compte des entreprises d'insertion, des chantiers d'insertions, des entreprises à but d'emploi, des contrats aidés, etc. Il faut donc plutôt évaluer l'existant et voir comment améliorer l'organisation du système, avant d'envisager de créer 100 000 nouveaux emplois, dont je ne sais pas, d'ailleurs, si les structures sur le terrain pourraient les absorber !
Il manque aussi un volet sur la formation et l'accompagnement. Beaucoup d'entreprises ne trouvent pas de salariés.
Ce texte ne me semble pas adapté aux enjeux, mais comme il s'agit d'un discours de politique générale, je ne vous ferai aucun grief...
Ce texte est bien un discours de politique générale. Nous attendions un texte comportant des mesures sur le chômage et la garantie de l'emploi, mais, finalement, le titre II développe la vision fiscale de la gauche. Je ne la partage pas. Néanmoins, à l'heure où certains regrettent l'abolition du clivage droite-gauche, où certains s'affichent comme n'étant ni de droite ni de gauche, il est sain de rappeler les positions des uns et des autres. Toutefois, n'étant pas communiste, je ne pourrai pas voter ce texte !
Ce texte est ambitieux et généreux. Qui pourrait s'opposer à la volonté de supprimer le chômage ? En tout cas, pas moi. Je crois que nous devons évoluer sur ces questions. En 1995, le rapport intitulé Le travail dans 20 ans, rédigé par Jean Boissonnat au nom du Commissariat général du Plan, formulait des propositions similaires pour faire en sorte que tous les actifs soient en activité, pas forcément dans des emplois marchands. À cet égard, la formation professionnelle est fondamentale et ce volet manque dans le texte. Certaines personnes sont difficilement insérables dans l'emploi marchand, il faut donc trouver des emplois sociaux. Ce n'est pas simple ; c'est d'ailleurs le but de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », aux résultats encore mitigés : les protagonistes semblent dubitatifs sur son coût social et financier. Je ne peux que regretter le manque d'étude d'impact, qui permettrait de chiffrer précisément la réforme proposée. Je serais favorable à un dispositif plus adapté, plus réaliste, mais je ne peux voter ce texte en l'état.
Le groupe Écologiste - Solidarités et Territoires votera cette proposition de loi. Voilà un texte qui marque une volonté politique, pour que le droit au travail, qui figure dans nos textes fondamentaux, devienne un droit effectif. C'est aussi un texte d'économie politique : tout le monde prétend viser le plein emploi, mais on peut s'interroger sur la sincérité de ces proclamations. Dans les faits, on se satisfait en France d'un taux de chômage d'équilibre - le NAIRU en anglais -, autour de 7 ou 8 %.
En effet, selon la théorie libérale, si le chômage baisse en dessous de ce seuil, le salaire réel augmente plus vite que la productivité, entraînant une hausse de l'inflation, ce qui affecte la rentabilité des entreprises. L'inspiration de ce texte est très différente. Cela implique des voies différentes. L'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » est celle qui est la plus proche de l'objectif poursuivi : il s'agit de partir des besoins de territoires, tout en répondant à des besoins émergents non couverts, en matière environnementale ou sociale par exemple. Les questions d'accompagnement et de formation sont évidemment essentielles. Dans les « territoires zéro chômeur », on compte plus de 30 % de personnes en situation de handicap ou sans formation. Nul n'est inemployable. Ce texte a le mérite de le rappeler.
Cette proposition de loi rappelle à juste titre que certaines personnes sont non pas inemployables, car chacun doit pouvoir trouver une manière de se réaliser par le travail, mais qu'elles auront beaucoup de difficultés à trouver un emploi dans les conditions du marché du travail actuelles, dans un pays où l'emploi industriel a quasiment disparu. Les besoins existent, les besoins verts notamment, mais ils restent à inventer et leur modèle économique à construire. Nul n'est prêt à financer des emplois verts, pourtant nécessaires pour maintenir notre qualité de vie. Cette proposition de loi a le mérite de soulever la question et de proposer des pistes de financement. Nous la voterons.
Un TGV législatif ? J'accepte cette image. En la matière, il est temps d'accélérer pour trouver des réponses aux personnes sans emploi, même si une loi a été votée en décembre 2020. Le chômage a baissé, c'est heureux, mais il ne faut pas oublier ceux qui restent au bord de la route, et qui sont dans une situation de grande précarité.
Nous supprimons le plafond de 60 territoires fixé dans l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » pour pouvoir répondre, le cas échéant, à toutes les demandes émanant des territoires. L'objectif n'est pas de « mettre fin » à cette expérimentation. Nous voulons pérenniser le projet - je ne parle pas de « dispositif » car les acteurs de l'expérimentation rejettent cette appellation -, tout en l'articulant avec les programmes d'insertion existants pour répondre au défi du chômage de longue durée.
La formation est une obligation dans les contrats aidés et l'IAE. Cette dimension a bien été identifiée comme étant l'un des points à développer dans les « territoires zéro chômeur ». C'est effectivement fondamental pour une bonne insertion.
Nous proposons des pistes de financement. Je regrette de ne pas avoir pu aller plus loin dans l'étude d'impact. La direction générale des finances publiques (DGFiP) ne nous a pas donné les éléments que nous souhaitions pour réaliser une bonne évaluation. Nous continuons à travailler en ce sens.
Certains ont parlé d'un texte de politique générale : peut-être, mais l'essentiel est d'apporter une réponse aux problèmes, tout en avançant dans la transition écologique. En matière d'insertion, 40 % des activités proposées sont déjà dans ce secteur. Il faut accélérer le processus, c'est une urgence écologique et sociale, tout en définissant une conditionnalité souple et non restrictive.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
La loi du 14 décembre 2020 a prolongé l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » pour cinq années supplémentaires et permis son extension de 10 à 60 territoires. Lorsque le nombre de 60 territoires aura été atteint, des territoires supplémentaires pourront être habilités à titre dérogatoire par décret en Conseil d'État. J'ai entendu les réserves des acteurs de l'expérimentation quant à la pérennisation et à la généralisation accélérées proposées par l'article 1er. Aussi, afin de soutenir cette démarche, qui apparaît aujourd'hui comme l'axe central de développement des politiques de lutte contre le chômage d'exclusion, tout en respectant le rythme de l'expérimentation et son caractère territorial, mon amendement COM-1 tend à réécrire l'article 1er, afin de supprimer le plafond de 60 territoires pouvant y être admis et de permettre ainsi à tous les projets émergents remplissant les conditions du cahier des charges de s'inscrire dans la deuxième phase.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'article 1er n'est pas adopté.
Article 2
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 3
L'article 3 prévoit que les aides au titre d'un contrat aidé dans le secteur non marchand ne peuvent être accordées que si le contrat porte sur des activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources. Toutefois, limiter les CUI-CAE aux activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources pourrait s'avérer trop restrictif et mettre en péril le fonctionnement de certaines associations accomplissant des actions utiles au lien social. Mon amendement COM-2 tend donc à remplacer cette conditionnalité par la possibilité de réduire l'aide au poste si les activités faisant l'objet du contrat n'ont pas pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
L'article 3 n'est pas adopté.
Article 4
L'article 4 prévoit que les aides au titre d'un contrat aidé dans le secteur marchand ne pourront être accordées que si l'employeur a atteint la neutralité carbone ou s'est engagé dans la décarbonation de ses activités. Cette conditionnalité pourrait cependant causer des difficultés aux PME et leur interdire, de fait, l'accès aux contrats aidés, à défaut d'être en capacité de produire des informations sur leur empreinte carbone. L'amendement COM-3 vise ainsi à exonérer de la condition de neutralité carbone les entreprises de moins de 250 salariés.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
L'article 4 n'est pas adopté.
Article 5
Les articles 5 à 8 ne sont pas adoptés.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
TABLEAU DES SORTS
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a inscrit à l'ordre du jour de son espace réservé du 23 février prochain la proposition de loi visant à maintenir le versement de l'allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire.
Ce texte, déposé par notre collègue Laurence Rossignol vise à ne plus conditionner le versement de l'allocation de soutien familial à l'isolement du parent bénéficiaire.
Avant toute chose, je dois vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux conditions d'attribution, de calcul et de versement de l'allocation de soutien familial et à la prise en compte de la situation familiale dans les impositions de toute nature.
En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé des amendements relatifs aux conditions d'attribution, de calcul et de versement des prestations familiales hors celles relatives à l'allocation de soutien familial, aux autres prestations sociales ou aides en faveur des familles monoparentales, aux congés parentaux. De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.
L'allocation de soutien familial (ASF) est une prestation accordée pour l'éducation des enfants privés du soutien d'au moins un parent. Elle est versée à 807 000 familles au bénéfice de 1,3 million d'enfants. Elle représentait en 2020 une dépense de 1,79 milliard d'euros pour la branche famille. Son montant est forfaitaire pour chaque enfant : 116 euros sont accordés si l'enfant est privé de l'aide d'un de ses parents et 155 euros si les deux parents sont absents.
Plusieurs cas de figure ouvrent droit à l'ASF. Cette aide est versée, sans condition de ressources, à la personne ayant la charge de l'enfant si ce dernier est orphelin d'au moins l'un de ses parents, si la filiation de l'enfant n'est pas établie à l'égard d'au moins l'un des parents ou si au moins un des parents ne verse pas ou est reconnu comme étant hors d'état de verser la pension alimentaire - il s'agit principalement de parents insolvables. Dans le cas où le parent se soustrait, même partiellement, à ses obligations, l'ASF est versée à titre d'avance au parent créancier, à charge pour la caisse d'allocations familiales (CAF) de recouvrer la pension alimentaire auprès du parent débiteur. Les réformes engagées depuis 2014 contre les impayés de pensions alimentaires, qui concerneraient 30 % des créances, ont permis une montée en charge de cette ASF recouvrable. La dernière étape qu'a constituée la systématisation de l'intermédiation financière des pensions par la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 permettra de verser effectivement l'ASF recouvrable dès le premier impayé. Enfin, depuis 2016, une ASF différentielle permet de compléter la pension alimentaire si cette dernière est fixée à un montant inférieur à celui de l'ASF.
L'allocation de soutien familial intervient donc pour suppléer le second parent lorsque ce dernier est défaillant ou absent. Pour ces raisons, au-delà de quatre mois de versement, l'ASF n'est maintenue que si le parent bénéficiaire engage des démarches pour recevoir une pension alimentaire. Certains parents renoncent ainsi au bénéfice de la prestation afin de ne pas entrer en conflit avec leur ancien conjoint ; c'est typiquement le cas des femmes victimes de violences conjugales.
La subsidiarité de l'ASF à la pension alimentaire n'est en outre pas parfaite en raison de certaines contradictions. L'ASF et les pensions alimentaires ne sont pas prises en compte de manière égale par les dispositifs sociaux et fiscaux. Les créances alimentaires sont intégrées aux revenus imposables au titre de l'impôt sur le revenu ainsi qu'aux bases ressources de certaines prestations sociales, contrairement à l'ASF. Ces différences rendent paradoxalement préférable de recevoir l'ASF plutôt qu'une pension alimentaire de même montant. Plusieurs rapports des inspections ou du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge proposent des pistes de réforme qui dépassent le cadre de cette proposition de loi, mais sur lesquelles il conviendra d'engager une réflexion.
L'incohérence prioritaire à laquelle la proposition de loi entend remédier concerne le ciblage des bénéficiaires. Hors les cas où les deux parents sont absents et que l'enfant est confié à un tiers, l'ASF ne concerne que les parents isolés. L'allocation cesse d'être versée si le parent se marie, conclut un pacte civil de solidarité (PACS) ou vit en concubinage. Selon la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), environ 24 000 parents auraient ainsi perdu le bénéfice de l'ASF non recouvrable en 2020 en choisissant de se remettre en couple.
Cette condition d'isolement me semble injustifiée pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la suspension de l'ASF peut décourager certains parents isolés d' envisager une vie commune avec un nouveau conjoint par crainte des difficultés matérielles qui en résulteraient. Cette situation n'est pas qu'hypothétique : 70 % des bénéficiaires de l'ASF se situent sous le deuxième décile de la redistribution des revenus. Il s'agit donc des familles les plus précaires de notre société, pour lesquelles la perte de 116 euros par enfant n'est pas négligeable. Cette situation m'a été confirmée par la Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM), que j'ai entendue en audition. Des parents renoncent à se mettre en couple pour cette raison ou échafaudent des stratégies d'évitement d'une véritable vie commune. Des fraudes à l'isolement sont également constatées par les CAF. Les contrôles dès lors mis en place peuvent être ressentis par les allocataires comme de véritables intrusions dans leur vie privée.
En outre, la perte de l'ASF pour les personnes remises en couple accroît la vulnérabilité de celles-ci en réduisant leur autonomie. Les parents isolés - des mères dans 82 % des cas, rappelons-le - se retrouvent dans une relation de dépendance vis-à-vis de leur nouveau conjoint pour l'éducation et l'entretien de leur propre enfant. Cette situation n'est pas souhaitable, d'autant plus que le nouveau conjoint, qui peut avoir lui-même des enfants, ne contribue pas systématiquement aux frais d'entretien de l'enfant. Aucune obligation juridique ne l'y contraint et ses revenus peuvent d'ailleurs être tout aussi modestes que ceux du parent concerné. L'injustice extrême de cette suspension de l'ASF se réalise lorsque deux bénéficiaires de l'ASF forment une famille recomposée...
Le ciblage de l'ASF sur les seuls parents isolés est donc une fausse bonne idée. Certes, ce sont les familles monoparentales qui sont surexposées à la précarité, puisque 40 % des enfants élevés dans de telles familles sont considérés comme pauvres. Toutefois, ce ciblage provoque une forme de « trappe à isolement » en étant un frein à la remise en couple.
Or la sortie de l'isolement et de la monoparentalité constitue une solution pour ces familles qu'il convient, lorsqu'elle est souhaitée, de ne pas dissuader. En reprenant une vie commune, les parents isolés peuvent réaliser des économies d'échelle sur les charges de la vie courante ou bien concilier plus facilement leurs vies familiale et professionnelle. Les mères isolées peuvent donc être soulagées de certains fardeaux de la monoparentalité, qui sont autant de cofacteurs de précarité. Alors que 35 % des parents isolés sont sans emploi, la remise en couple peut favoriser la reprise d'une activité professionnelle. Ces femmes peuvent ainsi espérer voir, à terme, leur niveau de vie et celui de leurs enfants s'élever.
Enfin, la restriction du bénéfice de l'ASF aux seuls parents isolés ne se justifie pas du point de vue de l'intérêt supérieur des enfants. Si ces derniers demeurent privés du soutien d'un de leur parent, le statut marital du parent avec lequel ils vivent ne devrait pas conditionner le versement de l'allocation. Cette incohérence est d'autant plus flagrante que les pensions alimentaires continuent, quant à elles, d'être versées aux parents créanciers lorsqu'ils se remettent en couple.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d'adopter l'article 1er. Le coût budgétaire de cette mesure n'a pas pu être estimé avec précision en raison du faible nombre de données disponibles, mais il se chiffrerait en centaines de millions d'euros. Il faut aussi tenir compte de l'effet bénéfique à long terme de la mesure, qui pourrait réduire la nécessité d'autres transferts redistributifs si le niveau de vie des parents remis en couple s'élève.
L'article 2 du texte consiste en une demande de rapport au Gouvernement sur la diversité des situations familiales et leur prise en compte par notre régime fiscal. En dépit de notre doctrine sur les demandes de rapport, il me semble que l'importance de ces enjeux justifierait l'adoption de cet article. Un quart des familles françaises sont désormais monoparentales, contre seulement 12 % en 1990 et 9 % sont des familles recomposées. Il convient d'engager une réflexion sur l'adaptation de notre système fiscal à ce fait social.
Vous l'aurez compris, au travers de cette proposition de loi, nous vous proposons d'apporter une réponse à une incohérence précise de l'ASF, sans attendre une réforme d'ampleur des prestations sociales. En maintenant le versement de l'allocation aux parents éligibles qui ne remplissent plus la condition d'isolement, nous pouvons remédier à une situation injuste, source d'incompréhension pour les familles concernées et de précarisation. Je vous demande donc de bien vouloir l'adopter.
Je félicite notre rapporteure, Michelle Meunier. Je remercie également Laurence Rossignol, l'auteure de la proposition de loi, qui souligne ainsi les difficultés des familles monoparentales, que nous n'ignorons pas.
Néanmoins, même si la cause défendue au travers de cette proposition de loi nous paraît juste, nous pensons qu'il convient davantage d'avoir une réflexion plus globale sur l'ensemble de notre politique familiale, pour élaborer une réforme de fond. C'est d'ailleurs ce que nous avons commencé à engager lors de l'examen de la proposition de loi sur les allocations familiale d'Olivier Henno en discutant de l'attribution des allocations familiales dès le premier enfant.
Surtout, cette allocation de soutien familial nous semble avoir été détournée au fil du temps de sa logique première. Initialement prévue pour les enfants orphelins ou dont le lien de filiation n'était pas légalement établi avec un parent, elle est progressivement venue compenser les pensions alimentaires non versées. Nous pensons, comme la Cour des comptes, qu'il faut d'abord clarifier les objectifs assignés à cette prestation en la remettant à plat pour la définir et l'attribuer correctement. Or cette proposition de loi ne va pas jusque-là.
En outre, s'est développée depuis quelques années une pratique regrettable : celle qui consiste à faire du « coup par coup » dans les réformes. C'est très ennuyeux, car cela entraîne l'illisibilité et l'incohérence de la loi, donc l'incompréhension de nos concitoyens. Les aides disparates engendrent un certain désordre. Aussi ne nous paraît-il pas judicieux d'adopter une telle proposition de loi. Nous préférons, je le répète, une réforme globale sur les prestations familiales.
Le groupe Union Centriste s'abstiendra sur ce texte.
Les conditions de versement de cette pension sont connues : il faut être un parent isolé avec un enfant à charge. Quand on souhaite refaire sa vie, il faut en accepter les contraintes ; quand on se met en couple avec une femme qui a des enfants, on doit l'assumer, on recompose une famille. Il y a de plus en plus de familles recomposées dans lesquelles les nouveaux conjoints s'investissent dans l'éducation des enfants du compagnon ou de la compagne.
Le groupe Les Républicains ne votera pas cette proposition de loi.
Je ne comprends pas pourquoi vous ne voterez pas cette proposition de loi.
Le dernier argument soulevé, consistant à dire que le nouveau compagnon doit prendre en charge les enfants de sa compagne ou inversement, a des limites. Souvent, les familles recomposées sont constituées d'une femme avec enfants et attributaire de l'allocation de soutien familial se mettant en couple avec un homme. Or, si celui-ci a des enfants, il paie déjà une pension alimentaire. En outre, nous parlons là de familles précaires ; il y a sans doute des femmes cadres élevant seules leurs enfants, mais je pense qu'elles n'ont même pas l'idée de demander l'ASF... Quoi qu'il en soit, il ne doit pas y avoir une présomption de prise en charge des enfants par le nouveau compagnon. Lui-même a ses propres enfants et en outre, cela met la femme dans une situation de dépendance pour la prise en charge de ses enfants. Ce n'est pas moral, ce n'est pas juste.
Par ailleurs, Mme Doineau, je vous répondrai sur le débat qui oppose les petits ajustements à une grande réforme de la politique familiale. Mon sentiment est que nous ne sommes pas prêts de voir la grande réforme. La politique familiale est une telle institution qu'il est difficile d'y toucher. La mise sous condition de ressources des allocations familiales en 2014 n'était pas une grande réforme de la politique familiale par exemple, c'était un ajustement budgétaire. Depuis 1945, la politique familiale a évolué en permanence, avec des modifications successives. Du reste, vu les équilibres politiques actuels, si une grande réforme de la politique familiale était mise en oeuvre, ni vous ni nous n'en serions satisfaits. Il faut donc réformer la politique familiale chaque fois que l'occasion se présente comme on le fait depuis 1945.
En l'espèce, la suspension du versement de l'ASF en cas de remise en couple constitue une « trappe » à isolement et à pauvreté. Elle n'a pas de fondement du point de vue de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous pourrions donc voter ensemble cette proposition de loi.
Par ailleurs, l'estimation du coût de la réforme, évalué à quelques centaines de millions d'euros, me laisse perplexe. Est-ce que ce chiffrage provient de la direction de la sécurité sociale qui tend à trouver chaque réforme trop onéreuse ? Pour ma part, j'aimerais bien connaître le nombre d'ASF suspendues chaque année. Du reste, la CNAF, que nous avions entendue en audition, n'est pas opposée à cette réforme.
L'adoption de cette proposition de loi enverrait un bon message pour rediscuter la politique familiale et ajusterait un dispositif qui me semble archaïque.
Il est toujours intéressant d'avoir à ses côtés l'auteure de la proposition de loi ; merci d'avoir complété mon propos, chère Laurence Rossignol.
Mme Deseyne, permettez-moi d'insister. Le nouveau conjoint du parent allocataire de l'ASF n'est pas juridiquement contraint de contribuer à l'éducation des enfants de sa compagne. Dans les faits, cette contribution n'est donc pas systématique.
Pour ce qui concerne l'élaboration d'une réforme globale, je suis tout à fait d'accord avec Laurence Rossignol ; cette proposition de loi permet de répondre à un point problématique de l'ASF. Elle n'a pas pour ambition de réformer en profondeur la politique familiale.
Il est vrai que le chiffrage budgétaire est imprécis. La direction de la sécurité sociale n'a pas su donner une estimation du coût budgétaire. L'évaluation très large de plusieurs centaines de millions d'euros, peut-être 500 millions, provient de M. Michel Villac, président du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge ainsi que de M. Bertrand Fragonard.. La CNAF a indiqué qu'environ 24 000 personnes ont perdu le bénéfice de l'ASF non recouvrable en 2020. Pour ces seules personnes, le coût de la réforme serait donc aux alentours de cinquante millions d'euros mais il ne s'agit là que du flux de personnes se remettant en couple une année donnée. Ce n'est donc qu'une borne inférieure de l'estimation budgétaire.
EXAMEN DES ARTICLES
Les articles 1er et 2 ne sont pas adoptés.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
Ce sujet est plus complexe que ce qu'il peut laisser paraître.
La réunion est close à 12 h 20.