Intervention de Olivier Paccaud

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 février 2022 à 14h00
Proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire nouvelle lecture — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Olivier PaccaudOlivier Paccaud, rapporteur :

Je souhaite avant tout exprimer un regret : l'échec de la commission mixte paritaire sur ce texte, malgré notre volonté commune de faire reculer le harcèlement scolaire. Nous avions fortement contribué à l'enrichissement de ce texte en première lecture. Je pense à l'insertion du cyberharcèlement ; au renforcement de la formation de l'ensemble des acteurs ; à la prise en compte du harcèlement scolaire par le réseau des établissements français à l'étranger - amendement de Samantha Cazebonne ; à l'assouplissement de la carte scolaire et des conditions de recours à l'instruction en famille - amendements de Bruno Retailleau, Max Brisson et Pierre-Antoine Levi ; à une meilleure prise en compte du harcèlement lors des visites médicales scolaires - amendement de Céline Brulin ; à la possibilité de recruter les assistants d'éducation en contrat à durée indéterminée (CDI) au bout de six ans - amendement de Toine Bourrat ; ou encore à l'obligation pour les réseaux sociaux de mieux sensibiliser leurs utilisateurs contre le cyberharcèlement - Céline Boulay-Espéronnier s'était battue pour faire adopter un amendement en ce sens.

Sur le titre II, le Sénat a souhaité s'assurer d'une réponse pénale cohérente face au harcèlement scolaire. Nous avons privilégié l'instauration d'une circonstance aggravante au délit de harcèlement existant plutôt que la création d'un délit spécifique. Ce dernier pose de nombreuses questions quant à son applicabilité et les risques de rupture d'égalité qu'il fait peser, mais j'y reviendrai.

Deux « points durs » expliquent l'échec de la CMP.

Le premier concerne la définition du harcèlement scolaire dans le code de l'éducation. Les députés souhaitent y inclure les adultes. Pour moi et pour la plupart d'entre nous, il s'agit d'un mauvais signal envoyé aux personnels de l'éducation nationale qui contribue à la déconstruction de l'autorité du professeur. D'ailleurs, je regrette vivement le revirement de position du Gouvernement et du ministre sur ce point en moins de deux ans. Dans le contexte actuel de défiance envers l'institution scolaire, les personnels de l'éducation nationale sont en droit d'attendre un soutien plus marqué de la part de leur ministère et de leur ministre.

Le second point concerne la création d'un délit spécifique de harcèlement scolaire. Cette disposition introduit une incohérence entre les peines applicables pour des faits similaires. Je citerai un exemple : le texte punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende lorsque les faits de harcèlement scolaire ont conduit la victime à se suicider ou tenter de se suicider. En « droit commun », l'incitation au suicide tout comme l'homicide involontaire sont actuellement punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. En outre, ce nouveau délit conduit à augmenter le quantum de peine dans de très nombreuses situations. Au final, ce délit semble peu opérant. Quelles significations ont des peines aussi élevées qui ne seront sans doute pas appliquées dans les faits ?

La solution proposée par nos collègues sénateurs de la commission des lois, visant à créer une circonstance aggravante au délit de harcèlement, permettait de répondre au double objectif souhaité par le rapporteur de l'Assemblée nationale : d'une part, un délit identifié, pour des raisons pédagogiques auprès des jeunes, et, d'autre part, un meilleur suivi statistique par le ministère de la justice. Malheureusement, nos collègues députés n'étaient prêts à aucun compromis, que ce soit sur la définition du harcèlement scolaire ou sur la création d'un délit spécifique.

Le texte a été examiné en nouvelle lecture jeudi dernier à l'Assemblée nationale. Que reste-t-il de nos apports dans cette nouvelle version du texte ? Trop peu de choses.

Bien évidemment, l'Assemblée nationale a rétabli sa définition du harcèlement scolaire, ainsi que la création d'un délit pénal spécifique. Elle acte ses positions divergentes sur ces deux points essentiels pour le Sénat.

L'Assemblée nationale a également rejeté de très nombreuses dispositions que nous avions introduites. Tel est notamment le cas du cyberharcèlement, qui disparaît de la formation et des actions de prévention et de lutte à prendre par les établissements. Sa mention ne devient plus obligatoire dans les règlements intérieurs des écoles et établissements. Il me semble pourtant essentiel que le cyberharcèlement soit mentionné explicitement, conjointement avec le harcèlement scolaire.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a refusé toute possibilité d'assouplissement de dérogation à la carte scolaire ou au recours à l'instruction en famille pour l'élève harcelé.

Elle a supprimé des personnes bénéficiant d'une formation initiale et continue à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire les titulaires des contrats d'engagement associatif. Une telle mention aurait pourtant encouragé à la création d'un module dédié à cette thématique dans la préparation au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA).

Enfin, l'Assemblée nationale n'a pas entendu notre alerte quant à la création d'une nouvelle mission pour le réseau des oeuvres universitaires - Pierre Ouzoulias y est particulièrement attentif. Faute de financement pérenne, cette nouvelle mission risque de se transformer très rapidement en nouvelle charge financière.

Compte tenu de ces désaccords persistants, il n'apparaît pas utile de rétablir en nouvelle lecture les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture. Nous sommes arrivés au terme de ce que nous pouvions attendre de la navette sur ce texte. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable à cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion