Intervention de Jean-Claude Anglars

Réunion du 17 février 2022 à 10h30
Compétences de la collectivité européenne d'alsace — Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude AnglarsJean-Claude Anglars :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte sur lequel nous avons à nous prononcer aujourd’hui en deuxième lecture s’inscrit dans une démarche de long terme engagée par les Alsaciennes et les Alsaciens voilà plus de quinze ans.

Ce texte comptait initialement trois articles visant à ratifier trois ordonnances, dont l’une a plus particulièrement fait l’objet de débats nourris en première lecture : l’ordonnance relative à l’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises par la Collectivité européenne d’Alsace.

Depuis 2005 en effet, date de la mise en place d’une taxe sur le transport de marchandises en Allemagne, l’Alsace souffre d’importants reports de trafic sur le réseau routier qui la traverse. Ces reports sont source d’importantes nuisances environnementales et affectent aussi la santé des riverains.

Après de multiples tentatives législatives pour instaurer une taxe sur le transport de marchandises français, dont nous n’avons pas oublié les rebondissements, l’une des trois ordonnances que le présent projet de loi vise à ratifier porte notamment sur la possibilité donnée à la Collectivité européenne d’Alsace de mettre en place une telle taxe sur le domaine routier qui lui a été transféré.

En première lecture, en commission puis en séance publique, le Sénat avait considérablement enrichi le dispositif prévu par l’ordonnance, en introduisant une vingtaine d’articles additionnels sur ce sujet, suivant trois axes.

Premier axe, nous avions cherché à renforcer l’efficacité et le caractère opérationnel du dispositif prévu dans l’ordonnance du 26 mai 2021, afin notamment de le rendre facilement transposable à d’autres collectivités. Comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, l’article 137 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 prévoit en effet la possibilité, pour les régions volontaires, de mettre en œuvre une taxe sur le transport routier de marchandises.

Le deuxième axe de progrès proposé par le Sénat pour améliorer ce texte portait sur les conditions d’un meilleur dialogue entre les collectivités territoriales directement ou indirectement concernées. En effet, plusieurs collectivités limitrophes nous ont fait part de leurs préoccupations quant aux possibles « effets de bord » qui pourraient découler de la mise en place d’une taxe sur le réseau alsacien. Nous avons donc veillé à favoriser, en amont de sa mise en place, la création d’une instance de concertation entre les collectivités et, en aval, une évaluation des reports de trafic.

Troisième et dernier axe : nous avions, en première lecture, veillé à anticiper la révision de la directive Eurovignette dans un double objectif : d’une part, faire en sorte que la taxe puisse prendre en compte les émissions de CO2 des véhicules, afin d’améliorer sa dimension environnementale et, d’autre part, permettre à la Collectivité européenne d’Alsace, d’appliquer la taxe aux véhicules utilitaires légers à partir de 2, 5 tonnes. Nous avions bien évidemment prévu que ces évolutions soient mises en œuvre sous réserve de l’entrée en vigueur de la nouvelle version de la directive Eurovignette.

Au terme de son examen en première lecture au Sénat, le texte comptait ainsi 23 nouveaux articles, en plus des trois articles du projet de loi initial. Ces évolutions résultent d’un important travail d’écoute et de concertation, y compris au plus près du terrain, en Alsace. Après son examen à l’Assemblée nationale, le texte nous revient avec 21 articles, dont deux nouveaux articles introduits sur l’initiative de l’Assemblée nationale.

En définitive, il apparaît que l’Assemblée nationale a globalement conforté les apports du Sénat puisqu’elle en a conservé une grande partie. Dix des articles additionnels créés au Sénat ont été adoptés conformes ou modifiés à la marge à l’Assemblée nationale. Ainsi, ont été conservés les articles relatifs à la création d’un comité de concertation des collectivités territoriales en matière de taxation des poids lourds, ou encore à l’aggravation des sanctions en cas de comportements frauduleux.

D’autres articles introduits par le Sénat ont fait l’objet de modifications plus importantes, mais qui ne remettent pas en cause leurs objectifs, comme l’article 1er sexies, qui permet à la Collectivité européenne d’Alsace de mettre en place une solution de ticketing pour les redevables occasionnels de la taxe. J’ai également dialogué avec mon collègue rapporteur à l’Assemblée nationale pour définir des positions de compromis sur quelques dispositions.

S’agissant de l’évaluation de la taxe, par exemple, nous avions souhaité prévoir la remise d’un rapport d’étape après deux ans de mise en œuvre. L’Assemblée nationale a supprimé ce rapport d’étape, mais, faisant preuve d’un esprit de compromis, a en contrepartie réduit de cinq ans à trois ans le délai accordé au Gouvernement pour remettre un rapport d’évaluation au Parlement.

Les députés ont également enrichi le texte de deux nouvelles dispositions qui permettent encore, à la marge, d’améliorer le caractère opérationnel de l’ordonnance.

Je viens d’évoquer des points positifs, dont on peut se réjouir. Ceux-ci ne doivent néanmoins pas occulter un certain nombre de reculs sur des apports du Sénat, qui se traduisent par la suppression de six articles insérés au Sénat et la modification de plusieurs autres. Par exemple, les articles adoptés au Sénat afin d’anticiper la révision de la directive Eurovignette ont été supprimés, l’Assemblée estimant qu’ils portaient atteinte à la lisibilité du droit. Je ne souscris pas à cet argument, et je rappelle que l’entrée en vigueur des dispositions en question était subordonnée à la révision de la directive. Je regrette ces censures qui constituent des reculs significatifs sur certains apports du Sénat.

Je vous propose néanmoins, mes chers collègues, d’adopter ce texte conforme à celui qu’a adopté l’Assemblée nationale en première lecture, pour trois raisons principales.

D’abord, comme je vous l’ai indiqué, je constate que le travail du Sénat n’a pas été dénaturé, ses principaux apports ayant été conservés par l’Assemblée nationale. Ces apports permettent sans aucun doute d’améliorer significativement les ordonnances, et donc de renforcer le caractère opérationnel d’un dispositif attendu depuis longtemps par les Alsaciens. Je vous propose donc, par l’adoption d’un texte conforme, d’accompagner la Collectivité européenne d’Alsace dans sa démarche.

Dans l’absolu, il serait certes envisageable de faire évoluer ce texte afin de rétablir certains articles, mais j’en viens justement à mon deuxième point : le calendrier parlementaire rend difficile d’envisager une troisième lecture, compte tenu de la suspension à compter du 28 février prochain. Par ailleurs, le Premier ministre ne peut convoquer une commission mixte paritaire sur ce texte puisque la procédure accélérée n’a pas été engagée.

En définitive, deux options s’offraient à nous.

Soit modifier ce texte, avec le risque de laisser la navette parlementaire au milieu du gué, et avec pour conséquence le fait que l’ordonnance, déjà entrée en vigueur, ne serait ni modifiée ni ratifiée. Très concrètement, si nous n’adoptions pas ce texte conforme, la Collectivité européenne d’Alsace serait privée de la possibilité de mettre en place une solution de paiement pour les redevables occasionnels.

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