La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle l’examen d’une demande de la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener une mission d’information sur le contrôle des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de la séance du 8 février dernier.
Je mets aux voix la demande de la commission des affaires sociales.
La demande de la commission des affaires sociales est adoptée.
En conséquence, la commission des affaires sociales se voit conférer, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener cette mission d’information.
Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.
L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l’article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (projet n° 410, texte de la commission n° 456, rapport n° 455).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ici ce matin pour examiner ce projet de loi inscrit dans le prolongement de la loi du 3 août 2019 qui a, vous le savez, acté la création de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA).
Avec l’adoption de cette loi « Alsace », le Gouvernement a su créer un cadre de confiance pour mener à bien cette réforme importante et répondre à des besoins largement exprimés par les Alsaciens et les élus locaux. La loi du 3 août 2019 est le fruit de la volonté de l’État de reconnaître la particularité de ce territoire alsacien, territoire français profondément européen. Nous sommes dans une nouvelle étape de décentralisation et de mise en cohérence des compétences de la CEA avec ses réalités territoriales.
Cette nouvelle étape répond donc à une promesse ancienne de l’exécutif, très attendue par la CEA pour l’exercice de ses responsabilités dans des domaines aussi stratégiques que la gestion des infrastructures et le transport routier.
Les ordonnances dont le Gouvernement vous propose la ratification sont le résultat de longs mois d’échanges et d’une concertation étroite avec les acteurs locaux, que je tiens à remercier. Si l’élaboration de ces ordonnances a été relativement rapide, cette concertation nous a permis d’aboutir à un texte équilibré.
L’enjeu principal du texte, qui tend à ratifier trois ordonnances entrées en vigueur en mai 2021, est de doter la CEA des outils nécessaires pour assumer sa nouvelle compétence dans de bonnes conditions, en vue notamment de réguler les flux de transport routier de marchandises.
L’article 13 de la loi actant la création de la CEA prévoyait l’adoption d’ordonnances.
Il s’agit, d’abord, de donner la possibilité à la CEA de mettre en place une taxe sur le transport routier de marchandises sur certaines voies de son domaine public routier. Les Alsaciennes et les Alsaciens attendent, vous le savez, cette mesure depuis plus de quinze ans. L’article 1er du projet de loi que vous allez examiner procède à la ratification de cette ordonnance.
Il s’agit, ensuite, de préciser et de compléter les dispositions relatives au transfert des routes nationales non concédées. C’est l’objectif de l’article 2.
Il s’agit, enfin, de préciser les conditions dans lesquelles la Collectivité européenne d’Alsace ou l’Eurométropole de Strasbourg continuent d’assurer les engagements de l’État portant sur les routes qui leur sont transférées et qui sont liées à la mise en service de l’autoroute A355. C’est chose faite avec l’article 3.
Trois principes sous-tendent ce projet de loi.
Le premier est, vous l’aurez compris, le dialogue et la cohérence. Le texte prévoit une concertation de la CEA avec les représentants des secteurs concernés, avant la mise en œuvre de la taxe poids lourds.
Le deuxième est la confiance et une forme de liberté d’adaptation. Avec ce projet de loi de ratification, le Gouvernement se fixe un cadre juridique clair tout en laissant d’importantes marges de manœuvre à la CEA, par exemple sur la fixation des paramètres de la taxe sur le transport routier. Il s’agit de permettre l’adaptation des cadres aux contextes locaux.
Le troisième est la préfiguration, avec l’optique d’une taxe sur le transport routier de marchandises, qui est – on le sait – souhaitée par des acteurs voisins. Nous avons eu ce débat en première lecture au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Je tenais à affirmer de nouveau que la finalisation des travaux s’agissant de la CEA permettra d’exporter la mise en place de cette taxe dans d’autres régions. C’est l’objet de l’article 137 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience.
La mise en œuvre de la contribution au niveau de la CEA, potentiellement au 1er janvier 2024, préfigurera les travaux pour les autres collectivités volontaires, qui feront l’objet d’un processus ad hoc.
J’entends que les processus peuvent sembler longs. C’est – je le crois – le prix, et vous le savez en tant qu’acteurs de vos territoires, de la concertation et du respect des territoires et de leurs spécificités pour mettre en place des mesures véritablement adaptées qui leur bénéficieront pleinement.
Je tiens également à me féliciter du fait que, au cours de ce long travail et cette réflexion, l’examen parlementaire en première lecture ait permis d’enrichir le texte.
Je pense notamment à la création d’un comité de concertation entre acteurs publics locaux sur la taxation des poids lourds.
Je pense également aux possibilités données à la CEA de moduler le taux kilométrique de la taxe en fonction des saisons, d’utiliser un dispositif adapté pour les redevables occasionnels ou encore d’augmenter les amendes dans certains cas. La rédaction retenue dans ce texte et le cadre qui a été instauré traduisent bien la confiance et la liberté d’adaptation.
Il est prévu que le rapport sur le bilan de l’application de la taxe évaluant les reports de trafic soit remis au bout de trois ans, et non plus cinq ans, après l’entrée en vigueur de cette mesure. Ce calendrier nous permet d’avoir suffisamment de recul et de faire preuve, dans le même temps, de réactivité dans la mise en œuvre.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement est tout à fait favorable à cette version du texte. Nous sommes parvenus à un équilibre précieux – et je vous en remercie – qui respecte la liberté d’administration des collectivités locales. Le projet de loi a été voté à l’unanimité le 26 janvier dernier à l’Assemblée nationale. Je souhaite que nous puissions parvenir aujourd’hui à un vote conforme pour que l’examen parlementaire de ce texte aboutisse dans le calendrier que vous connaissez.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’adoption de ce texte est pleinement nécessaire à l’effectivité des ordonnances prises en 2021. Il s’agit d’un projet de longue date qui a fait l’objet d’un dialogue réunissant État et élus locaux dans un travail de concertation étroit, lequel illustre et concrétise la politique de différenciation territoriale promise et appliquée concrètement par le Gouvernement tout au long du quinquennat.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte sur lequel nous avons à nous prononcer aujourd’hui en deuxième lecture s’inscrit dans une démarche de long terme engagée par les Alsaciennes et les Alsaciens voilà plus de quinze ans.
Ce texte comptait initialement trois articles visant à ratifier trois ordonnances, dont l’une a plus particulièrement fait l’objet de débats nourris en première lecture : l’ordonnance relative à l’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises par la Collectivité européenne d’Alsace.
Depuis 2005 en effet, date de la mise en place d’une taxe sur le transport de marchandises en Allemagne, l’Alsace souffre d’importants reports de trafic sur le réseau routier qui la traverse. Ces reports sont source d’importantes nuisances environnementales et affectent aussi la santé des riverains.
Après de multiples tentatives législatives pour instaurer une taxe sur le transport de marchandises français, dont nous n’avons pas oublié les rebondissements, l’une des trois ordonnances que le présent projet de loi vise à ratifier porte notamment sur la possibilité donnée à la Collectivité européenne d’Alsace de mettre en place une telle taxe sur le domaine routier qui lui a été transféré.
En première lecture, en commission puis en séance publique, le Sénat avait considérablement enrichi le dispositif prévu par l’ordonnance, en introduisant une vingtaine d’articles additionnels sur ce sujet, suivant trois axes.
Premier axe, nous avions cherché à renforcer l’efficacité et le caractère opérationnel du dispositif prévu dans l’ordonnance du 26 mai 2021, afin notamment de le rendre facilement transposable à d’autres collectivités. Comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, l’article 137 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 prévoit en effet la possibilité, pour les régions volontaires, de mettre en œuvre une taxe sur le transport routier de marchandises.
Le deuxième axe de progrès proposé par le Sénat pour améliorer ce texte portait sur les conditions d’un meilleur dialogue entre les collectivités territoriales directement ou indirectement concernées. En effet, plusieurs collectivités limitrophes nous ont fait part de leurs préoccupations quant aux possibles « effets de bord » qui pourraient découler de la mise en place d’une taxe sur le réseau alsacien. Nous avons donc veillé à favoriser, en amont de sa mise en place, la création d’une instance de concertation entre les collectivités et, en aval, une évaluation des reports de trafic.
Troisième et dernier axe : nous avions, en première lecture, veillé à anticiper la révision de la directive Eurovignette dans un double objectif : d’une part, faire en sorte que la taxe puisse prendre en compte les émissions de CO2 des véhicules, afin d’améliorer sa dimension environnementale et, d’autre part, permettre à la Collectivité européenne d’Alsace, d’appliquer la taxe aux véhicules utilitaires légers à partir de 2, 5 tonnes. Nous avions bien évidemment prévu que ces évolutions soient mises en œuvre sous réserve de l’entrée en vigueur de la nouvelle version de la directive Eurovignette.
Au terme de son examen en première lecture au Sénat, le texte comptait ainsi 23 nouveaux articles, en plus des trois articles du projet de loi initial. Ces évolutions résultent d’un important travail d’écoute et de concertation, y compris au plus près du terrain, en Alsace. Après son examen à l’Assemblée nationale, le texte nous revient avec 21 articles, dont deux nouveaux articles introduits sur l’initiative de l’Assemblée nationale.
En définitive, il apparaît que l’Assemblée nationale a globalement conforté les apports du Sénat puisqu’elle en a conservé une grande partie. Dix des articles additionnels créés au Sénat ont été adoptés conformes ou modifiés à la marge à l’Assemblée nationale. Ainsi, ont été conservés les articles relatifs à la création d’un comité de concertation des collectivités territoriales en matière de taxation des poids lourds, ou encore à l’aggravation des sanctions en cas de comportements frauduleux.
D’autres articles introduits par le Sénat ont fait l’objet de modifications plus importantes, mais qui ne remettent pas en cause leurs objectifs, comme l’article 1er sexies, qui permet à la Collectivité européenne d’Alsace de mettre en place une solution de ticketing pour les redevables occasionnels de la taxe. J’ai également dialogué avec mon collègue rapporteur à l’Assemblée nationale pour définir des positions de compromis sur quelques dispositions.
S’agissant de l’évaluation de la taxe, par exemple, nous avions souhaité prévoir la remise d’un rapport d’étape après deux ans de mise en œuvre. L’Assemblée nationale a supprimé ce rapport d’étape, mais, faisant preuve d’un esprit de compromis, a en contrepartie réduit de cinq ans à trois ans le délai accordé au Gouvernement pour remettre un rapport d’évaluation au Parlement.
Les députés ont également enrichi le texte de deux nouvelles dispositions qui permettent encore, à la marge, d’améliorer le caractère opérationnel de l’ordonnance.
Je viens d’évoquer des points positifs, dont on peut se réjouir. Ceux-ci ne doivent néanmoins pas occulter un certain nombre de reculs sur des apports du Sénat, qui se traduisent par la suppression de six articles insérés au Sénat et la modification de plusieurs autres. Par exemple, les articles adoptés au Sénat afin d’anticiper la révision de la directive Eurovignette ont été supprimés, l’Assemblée estimant qu’ils portaient atteinte à la lisibilité du droit. Je ne souscris pas à cet argument, et je rappelle que l’entrée en vigueur des dispositions en question était subordonnée à la révision de la directive. Je regrette ces censures qui constituent des reculs significatifs sur certains apports du Sénat.
Je vous propose néanmoins, mes chers collègues, d’adopter ce texte conforme à celui qu’a adopté l’Assemblée nationale en première lecture, pour trois raisons principales.
D’abord, comme je vous l’ai indiqué, je constate que le travail du Sénat n’a pas été dénaturé, ses principaux apports ayant été conservés par l’Assemblée nationale. Ces apports permettent sans aucun doute d’améliorer significativement les ordonnances, et donc de renforcer le caractère opérationnel d’un dispositif attendu depuis longtemps par les Alsaciens. Je vous propose donc, par l’adoption d’un texte conforme, d’accompagner la Collectivité européenne d’Alsace dans sa démarche.
Dans l’absolu, il serait certes envisageable de faire évoluer ce texte afin de rétablir certains articles, mais j’en viens justement à mon deuxième point : le calendrier parlementaire rend difficile d’envisager une troisième lecture, compte tenu de la suspension à compter du 28 février prochain. Par ailleurs, le Premier ministre ne peut convoquer une commission mixte paritaire sur ce texte puisque la procédure accélérée n’a pas été engagée.
En définitive, deux options s’offraient à nous.
Soit modifier ce texte, avec le risque de laisser la navette parlementaire au milieu du gué, et avec pour conséquence le fait que l’ordonnance, déjà entrée en vigueur, ne serait ni modifiée ni ratifiée. Très concrètement, si nous n’adoptions pas ce texte conforme, la Collectivité européenne d’Alsace serait privée de la possibilité de mettre en place une solution de paiement pour les redevables occasionnels.
Idem pour le comité de concertation préalable ou encore le rapport évaluant les potentiels reports de trafic. Cette option est peu opportune, car elle conduirait à ne retenir aucun des apports du Sénat, qui ont pourtant fait l’objet d’un important travail de concertation.
Soit, et c’est l’option pour laquelle je plaide aujourd’hui, nous choisissons d’adopter ce texte conforme à celui adopté par l’Assemblée nationale afin de préserver les apports des deux chambres qui permettent, comme je l’ai évoqué, de renforcer le caractère opérationnel du dispositif et de créer les conditions du dialogue entre les collectivités territoriales.
Enfin, troisième point, l’adoption d’un texte dans les mêmes termes que celui adopté par l’Assemblée nationale permettra de ratifier les trois ordonnances du projet de loi, et donc de sécuriser leurs dispositions en leur conférant une valeur législative. La taxe alsacienne est susceptible de faire l’objet de plusieurs contentieux. Une sécurisation de l’ordonnance par sa ratification est donc opportune pour renforcer ce dispositif.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, dans un esprit de responsabilité, d’adopter ce texte sans modification.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Ludovic Haye applaudit également.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a ce matin conjonction des calendriers de notre Sénat et du Parlement européen : en effet, ils disposent chacun d’un temps important pour faire avancer les principes pollueur-payeur et utilisateur-payeur s’agissant du transport routier de marchandises.
Pour le Parlement européen, ce sera peut-être le moment du vote définitif de la refonte de la directive relative aux redevances routières, autrement dit la directive Eurovignette, transformée par le compromis du 15 juin dernier, insatisfaisant de mon point de vue, qui encadre les conditions dans lesquelles les États peuvent instaurer une taxe.
Pour notre Sénat, c’est donc à présent la deuxième lecture de la loi ratifiant l’ordonnance pour la mise en place de la taxe poids lourds en Alsace. Cette taxe alsacienne devrait être, en dehors des autoroutes concédées à péage, le seul périmètre où s’appliquerait dans notre pays un dispositif relevant de cette directive. Sauf si, à partir de 2024, des régions frontalières décidaient d’utiliser la possibilité de taxer les poids lourds que leur a ouverte la loi Climat et résilience.
Autrement dit, dans une perspective européenne d’harmonisation et de renforcement du principe pollueur-utilisateur-payeur pour le fret routier, c’est l’Alsace qui sera, selon la façon de voir les choses, soit l’exception durable, comme un petit village gaulois atypique qui aurait enfin la capacité de résister à l’afflux de nuisances camionnées, soit la pionnière d’une extension, voire d’une généralisation, à venir.
Que l’un ou l’autre scénario l’emporte, la mise en œuvre alsacienne doit être de toute façon facilitée et accompagnée. Elle a besoin de l’action efficace de l’État pour franchir sans tarder les obstacles et les étapes qui sont encore devant elle avant qu’une taxe à la hauteur de la LKW-Maut allemande ne la protège effectivement, comme elle le veut depuis dix-sept ans. Pour la protéger, ce qui doit être fait est clair : une taxe alsacienne d’un niveau équivalent à celui de la taxe allemande.
Rappelons-le, l’Allemagne, comme la Suisse qui a été pionnière en la matière, n’a pas détruit avec sa taxe les équilibres économiques de ses entreprises de transport. Elle a, au contraire, modernisé sa logistique, amélioré sa performance économique, optimisé ses charges transportées, abondé les moyens d’un report modal qui permet un fret ferroviaire allemand quatre fois plus important que le nôtre et mis en place une stratégie de transition des transports que nous lui envions.
Je parlais à l’instant de la nécessité d’une action efficace de l’État ; je dois donc relever, madame la secrétaire d’État, que si ces ordonnances avaient été publiées par le Gouvernement dans les délais prévus par la loi « Alsace », nous ne serions pas contraints aujourd’hui à un vote conforme obligatoire en deuxième lecture pour tenir le calendrier parlementaire qui s’achève la semaine prochaine.
C’est dommage, car s’il faut saluer le travail des rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée, des améliorations étaient, à mon avis, encore à notre portée, pour mieux s’adapter aux possibilités de la directive nouvelle, comme cela a été dit.
Je pense à la lutte contre l’abus des véhicules utilitaires légers assurant du transport pour le compte d’autrui, ou encore à la meilleure prise en compte des riverains du sillon lorrain. C’est dommage. Les conditions précipitées et contraintes de ce travail parlementaire risquent paradoxalement d’aboutir ce matin à empêcher une belle unanimité – il y aura peut-être une petite part de votes négatifs, ce qui est regrettable – sur cette avancée positive concernant une Alsace pleinement volontaire et tellement impatiente.
Pour sa part, le groupe écologiste optera bien évidemment pour le vote conforme, …
M. Jacques Fernique. … car les dispositions de ce texte sont somme toute positives et mettent à présent la Collectivité européenne d’Alsace et la région Grand Est face à leurs responsabilités respectives et à la nécessité d’assurer la cohérence de leurs actions. En effet, la CEA devra agir dans le cadre de ses marges de manœuvre pour mettre en œuvre les mesures contenues dans les ordonnances, et la région Grand Est aura, quant à elle, la capacité d’agir à partir de 2024 pour élargir éventuellement le périmètre de ces mesures au sillon lorrain.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST, UC et Les Républicains. – M. Ludovic Haye applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il s’agit ici non pas de refaire le débat que nous avons eu en première lecture, mais de porter une appréciation sur le travail d’adaptation conduit par notre rapporteur.
Les adaptations proposées nous semblent conformes aux options retenues par le Sénat en première lecture. Je tiens à mon tour à saluer la qualité du travail produit sous l’égide de notre collègue Jean-Claude Anglars. C’est aussi la raison pour laquelle nous n’avons déposé aucun amendement.
Pour autant, cela ne modifie en rien l’appréciation que nous portons au fond sur ce texte et sur la régionalisation de l’écotaxe, qui ne nous paraît pas être la bonne réponse à un problème pourtant bien réel. Nous comprenons l’impatience des collectivités d’Alsace et, au-delà, des régions traversières qui sont concernées, car elles doivent subir quotidiennement les nuisances de la circulation des poids lourds.
Compte tenu de ces nuisances et des dégâts qu’elles occasionnent, nous comprenons aussi que ces collectivités soient impatientes de recueillir quelques subsides pour compenser ces effets et de pouvoir contribuer au développement de modes de transport alternatifs à la route.
Pour autant, la régionalisation de l’écotaxe ne nous paraît pas être la bonne solution, car toutes les régions de France ne sont pas géographiquement égales. Ainsi, les camions en transit traversent l’Alsace et le Grand Est de la France, mais ce n’est pas le cas pour les régions périphériques, ou pour une région péninsulaire comme la Bretagne ! Ainsi, on vient en Bretagne ou on en part, mais on n’y passe pas. Cependant, cette région a aussi besoin de moyens pour financer des modes de transports alternatifs à la route et une solidarité nationale nous semble indispensable pour mettre en œuvre cette orientation !
Par ailleurs, nous considérons que la réponse au problème rencontré passe aussi par la mobilisation de moyens importants pour développer le fret ferroviaire. En effet, le mode ferroviaire, qui est écologiquement le plus vertueux, est le seul mode de transport qui paye la totalité de ses coûts : infrastructures, péages, etc.
Enfin, s’agissant du produit financier de l’écotaxe, nous ne savons pas si celui-ci ira alimenter la trésorerie des collectivités pour financer l’entretien et le développement des routes ou les modes alternatifs de transport.
Une politique nationale de développement des transports alternatifs à la route devrait, à nos yeux, passer par l’affectation de moyens plus importants à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui serait la mieux placée pour pourvoir, par exemple, au financement de nouveaux investissements ferroviaires.
Ce sont là autant de raisons qui nous conduiront à nous abstenir sur ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Elsa Schalck applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai envie de dire : enfin ! Effectivement, au regard des spécificités du trafic routier en Alsace, caractérisé par un report important de flux de circulation de poids lourds en provenance d’Allemagne à la suite de la mise en place d’une LKW-Maut – la fameuse taxation des poids lourds – sur l’autoroute allemande, le transfert décidé en 2019, et effectif depuis le 1er janvier 2021, de la voirie nationale non concédée à la CEA offre la perspective d’une gestion homogène du trafic et de ses contraintes.
L’enjeu qui nous réunit aujourd’hui est de pourvoir la collectivité des outils nécessaires à l’exercice de cette nouvelle compétence de façon pragmatique.
Je dirais même que, fort opportunément, tous les paramètres convergent donc avec la loi Climat et résilience d’août 2021 qui permet la mise en place d’écotaxes régionales dans les territoires subissant des reports significatifs de circulation des poids lourds, afin d’agir concrètement sur le flux de transport routier de marchandises et, par voie de conséquence, de peser positivement sur la transition écologique.
En effet, l’Alsace subit depuis de trop nombreuses années une dégradation importante de ses infrastructures routières, assortie d’une paralysie du trafic à certaines heures. Il en découle une accidentologie élevée, sans même parler des effets délétères pour la santé publique dus à la forte augmentation de la pollution de l’air et du bruit.
Aussi, en tant que sénateur du Bas-Rhin, et me faisant la voix du territoire que je représente, je me réjouis d’assister à la concrétisation de mesures que feu Adrien Zeller, il y a vingt ans déjà, appelait de ses vœux et que notre collègue député Yves Bur avait fait adopter en 2005, mais qui n’avaient pas pu aboutir en raison des circonstances de l’époque.
Nous ne pouvons donc que nous inscrire dans la ligne constructive qui a prévalu tout au long du processus d’adoption de ce projet de loi.
À ce titre, je salue tout particulièrement, avec les égards qu’il mérite, le rapporteur Jean-Claude Anglars pour son investissement et ses travaux de qualité.
Certes, tout n’est pas parfait et quelques ajustements pratiques n’ont pas permis d’atteindre un consensus total. Je pense en particulier au fait que la CEA ne puisse pas installer un dispositif de contrôle automatisé, ce qui est regrettable. Mais retarder l’adoption d’un texte tant attendu sur le territoire aurait constitué un manquement particulièrement préjudiciable, d’autant que, globalement, ce texte qui arrive au terme de son processus législatif accorde à la CEA une grande souplesse pour adapter ses outils à la réalité de terrain.
Je me réjouis donc de l’occasion qui nous est offerte aujourd’hui et apporte donc bien évidemment mon entier soutien au projet de loi de ratification, qui représente un premier test. Cette expérimentation pourra être généralisée, grâce à une extension aux régions volontaires en vertu de la loi de décentralisation tout récemment votée.
Je ne minimise pas pour autant certaines problématiques qui ne vont pas manquer d’alimenter durablement les débats. Je pense notamment aux transporteurs locaux français qui vont être fortement pénalisés, mais également aux reports vers des axes secondaires gratuits qui vont naturellement et inexorablement avoir lieu.
Mais j’ai confiance dans le dialogue qui va s’instaurer pour dégager des solutions permettant de traiter de manière pragmatique et différenciée l’ensemble de ces situations – condition sine qua non de l’acceptabilité et, in fine, de l’efficacité de cette écotaxe.
Dans ces conditions, et vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, le groupe Union Centriste, au nom duquel j’interviens, votera donc aujourd’hui la ratification de ces ordonnances, qui représentent une avancée importante pour l’Alsace tout en répondant aux préoccupations de nos citoyens en matière de changement climatique.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’écrivait Corneille : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » À n’en point douter, cela ne s’applique pas à la réforme territoriale issue des lois Maptam (loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles), NOTRe (loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) et de la fusion des régions.
Cette semaine marque la fin d’une consultation citoyenne organisée par la Communauté européenne d’Alsace portant sur la question de son maintien au sein de la région Grand Est. Voilà les effets d’un découpage régional dont personne ne voulait.
Oui à la différenciation, non aux entorses à l’indivisibilité de la République et à l’égalité de nos concitoyens devant la loi ! Des garde-fous identiques doivent être instaurés pour tous les territoires.
Le groupe du RDSE, qui avait d’ailleurs voté contre la création de la CEA, fait siennes les craintes exprimées dans les départements limitrophes quant à la mise en place de la taxe poids lourds, dont les modalités d’application sont définies par le présent projet de loi, largement amélioré par le Sénat.
Le territoire de la CEA n’est pas le périmètre le plus pertinent pour la mise en œuvre de cette taxe qui, à défaut d’être instituée au niveau national afin de permettre un financement territorialement équitable de l’ensemble des infrastructures de transport, devrait être instaurée au niveau régional, comme le permettra ultérieurement l’article 137 de la loi Climat et résilience votée en juillet dernier.
Ce texte ouvre la voie à un pouvoir fiscal des collectivités territoriales à géométrie variable, ce que nous ne pouvons pas approuver.
Nous comprenons l’impatience de nos collègues alsaciens. La situation de l’Alsace est particulière, puisque cette dernière subit depuis plus de quinze ans, et la mise en place de la LKW-Maut en Allemagne, un report de la circulation et le passage d’environ 20 000 poids lourds par jour sur l’autoroute A35, engendrant des nuisances pour les habitants dont la qualité de vie est fortement affectée.
Néanmoins, nous considérons que la taxe ne fera que déplacer le problème tant que les autres territoires ne pourront pas s’en saisir.
Il n’y aura donc pas de report modal du transport routier vers le transport ferroviaire ou fluvial, mais simplement un report vers les itinéraires alternatifs situés en Moselle, en Meurthe-et-Moselle et dans les Vosges – je pense notamment à l’A31, d’ores et déjà congestionnée. Pour cette raison, ma collègue Véronique Guillotin demandait l’application concomitante de la taxe sur cet axe.
Les émissions de gaz à effet de serre ne baisseront donc pas si l’on n’accélère pas la décarbonation du secteur des transports. Pourtant, l’application du principe « pollueur-payeur » était le premier objectif de la taxation des poids lourds.
Cet objectif ne doit pas être perdu de vue, dans le contexte d’une acceptation difficile de la fiscalité environnementale, devenue la « vache à lait » du budget de l’État. À la lecture du dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, je me réjouis particulièrement de la recommandation visant à affecter ces recettes aux investissements nécessaires à la transition écologique.
En effet, cette transition ne peut pas reposer uniquement sur la fiscalité. D’autres solutions doivent être créées en parallèle, afin de n’entraver ni la compétitivité de nos entreprises ni le pouvoir d’achat des ménages.
Le choix de l’écologie ne doit pas toujours être celui de la taxation ou de la punition ; une telle politique serait vouée à l’échec. Le financement de la politique du fret ferroviaire demeure très en retard. Des trains circulent sur des voies datant, à certains endroits, du XIXe siècle.
Si la taxe poids lourds est appliquée, encore faut-il qu’elle produise suffisamment de ressources pour financer le fret ferroviaire et mettre fin à la distorsion de concurrence qui bénéficie encore au transport routier. En France, le prix par kilomètre est 30 % plus cher que celui qui est appliqué en Allemagne.
Réjouissons-nous de la fin du feuilleton législatif de la taxation des poids lourds, du moins pour le seul épisode alsacien. Puisque nos collègues alsaciens veulent cette taxe, et qu’ils forment le vœu de se différencier sur cette compétence, permettons-leur de l’appliquer !
Cependant, considérant que ni l’aménagement du territoire ni l’écologie n’en sortent gagnants, le groupe RDSE s’abstiendra sur le projet de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la ratification de ces ordonnances d’apparence technique est véritablement politique.
Il s’agit d’un vrai sujet : l’application, enfin, pour la première fois en France, du principe « pollueur-payeur », dans ce drame français de l’écotaxe, parsemé de « bonnets rouges », de « gilets jaunes » et de sécessionnistes alsaciens. Ce débat a lieu au moment même où le Parlement européen votera la révision de la directive Eurovignette relative à la taxation des poids lourds pour certaines infrastructures.
D’ailleurs, Karima Delli, présidente de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen, nous a appris lundi dernier, lors du colloque sur les concessions d’autoroutes organisé au Sénat, que votre gouvernement, madame la secrétaire d’État, avait obtenu, seul contre tous, un délai incroyable de huit ans pour appliquer cette directive en France.
Que faut-il en penser, du point de vue de nos objectifs climatiques et environnementaux ou de la qualité de l’air, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité ?
C’est un vrai sujet, vous l’avez dit. Nos voisins allemands, plus sensibles aux problématiques environnementales, ont mis en œuvre dès 2005 l’écotaxe allemande, la LKW-Maut. Un flot de poids lourds a dès lors préféré emprunter la voie alsacienne, gratuite.
Je félicite nos amis alsaciens pour leur ténacité : éprouvée depuis dix-sept ans, l’Alsace a enfin obtenu ce vote nécessaire tant pour la limitation des reports de trafic insupportables, que pour l’environnement et la justice.
Le parcours de ces mesures a été jonché de nombreuses embûches, de promesses gouvernementales sans cesse reniées et de trahison. Pour parvenir à leurs fins, des véhicules législatifs singuliers sont empruntés, comme le texte qui a porté sur les fonts baptismaux la Collectivité européenne d’Alsace, nouveau nom d’un grand et beau département possédant bien peu de compétences particulières…
L’objet véritable de ce texte est plutôt d’être le ferment de la division de la région Grand Est, sous un prétexte de différenciation.
En témoignent les propos clivants et fracassants du Premier ministre à Strasbourg en janvier 2021, avant les élections régionales. D’ailleurs, avant-hier s’est terminée la consultation spécieuse et sécessionniste…
… du président de la CEA, demandant aux Alsaciens s’ils veulent quitter le Grand Est.
J’en viens au défaut majeur de ce texte : ce qu’il combat, c’est-à-dire le report du trafic depuis l’autre rive du Rhin, il va le décaler du sillon rhénan au sillon lorrain.
Mes chers collègues, vous aviez pourtant entendu cet argument en 2019, en adoptant à l’unanimité un sous-amendement de Jean-Marc Todeschini, qui avait pour objet d’instaurer concomitamment l’écotaxe sur l’A35 en Alsace et sur l’A31 en Lorraine, cette dernière subissant sinon un report de trafic. Des milliers de camions préféreront prendre la voie lorraine, gratuite, d’autant plus qu’ils profiteront des carburants détaxés luxembourgeois.
Le Gouvernement vous dit l’inverse, mais prenez vos téléphones connectés. Sur votre application de guidage préférée, regardez les itinéraires entre Mannheim et Beaune, ou encore entre Hambourg et Lyon. Vous verrez qu’il faut être fou pour ne pas préférer la Lorraine gratuite et les carburants à bas coûts !
Chers amis alsaciens, lors de la première lecture de ce texte, alliés à la majorité sénatoriale, vous avez rejeté notre amendement visant à étendre l’écotaxe à la Lorraine, au motif que cela retarderait la mise en œuvre du dispositif en Alsace.
Nous vous avons écoutés, et nous avons réélaboré le dispositif, en introduisant un différé : d’abord, nous instaurons l’écotaxe alsacienne, puis nous évaluons le report de trafic, ce qui déclenchera la mise en place automatique de l’écotaxe lorraine, et donc ne retardera pas la mise en œuvre du texte.
Monsieur le rapporteur, cher Jean-Claude Anglars, je vous ai loué d’avoir entendu nos arguments, qui ont permis l’avancée majeure obtenue à l’article 137 de la loi Climat et résilience autorisant l’instauration d’écotaxes dans les régions subissant des reports de trafic de l’étranger ; je vous ai loué, car, au moyen de subtilités légistiques, il vous aurait été loisible de mépriser notre démarche en rendant ces amendements irrecevables. Vous ne l’avez pas fait, et je vous en remercie encore. Mais là, par les subtilités d’un vote conforme, vous nous volez ce débat !
Vous spoliez les Lorrains, en empêchant le débat et des avancées, au moyen d’une alliance incompréhensible avec la majorité gouvernementale, et en opposition avec la majorité régionale, qui pourtant demande ce texte ! Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre. Nous continuerons la bataille et nous la gagnerons !
En première lecture, j’avais présenté une centaine de motions signées par les collectivités de Meurthe-et-Moselle. J’ai diffusé cette plaquette, et j’ai réuni aujourd’hui près de deux cents motions demandant cette écotaxe.
M. Olivier Jacquin brandit une liasse de feuilles.
Madame la secrétaire d’État, de plus, tous les grands élus de Meurthe-et-Moselle ont signé un courrier totalement transpartisan pour obtenir les travaux sur l’A31. Nous demandons un rendez-vous au ministre chargé des transports…
Monsieur Jacquin, votre temps de parole est écoulé. Vous avez déposé plusieurs amendements, leur présentation vous permettra de défendre davantage votre point de vue.
La parole est à M. Ludovic Haye.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il aura fallu prendre son mal en patience, mais après des années de transactions, d’avancées puis de renoncements, de valses-hésitations, nous sommes en train de franchir un pas décisif.
L’écotaxe alsacienne est à portée de vote. Monsieur le rapporteur, je me réjouis qu’un esprit de coconstruction vous ait guidé tout au long de ces travaux : vous avez su travailler avec beaucoup de bienveillance avec la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, sur un sujet d’importance qui dépasse les logiques partisanes.
Nous connaissons tous la situation : les autoroutes alsaciennes sont surchargées et dangereuses. Ce constat ne date pas d’hier, et la situation empire de jour en jour : en semaine, entre 160 000 et 180 000 véhicules, dont 16 500 poids lourds, traversent chaque jour Strasbourg par l’A35. Dans l’agglomération de Mulhouse, les poids lourds représentent 20 % du trafic, soit 6 points de plus que sur le réseau autoroutier français.
En conséquence de cette saturation, les accidents ne cessent de faire l’actualité régionale. Pour ne prendre qu’un exemple récent, le 24 janvier dernier, à la suite d’un carambolage impliquant plusieurs véhicules au niveau de Sausheim dans le Haut-Rhin, l’A35 a été coupée pendant près de cinq heures.
L’article 1er de ce projet va mettre fin à tout cela. Issu de l’article 13 de la loi relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, le dispositif va permettre d’instaurer une taxe sur le transport routier de marchandises, et ainsi de désengorger cet axe autoroutier pris d’assaut par les poids lourds en transit, afin d’éviter la fameuse LKW-Maut d’outre-Rhin.
Toutefois, il va falloir faire montre d’encore un peu de patience : la décongestion de notre principal axe autoroutier ne devrait pas avoir lieu avant la fin de 2024.
Pourquoi encore de longs mois d’attente ? Parce qu’il reste beaucoup de travail. Types de véhicules concernés, systèmes de contrôle choisis, acceptabilité auprès des transporteurs locaux, délai minimal des autorisations nécessaires : toutes ces modalités ne sont pas encore arrêtées.
Aussi une large concertation doit-elle s’ouvrir auprès de l’ensemble de la filière économique alsacienne, de façon à ce que cette dernière soit le moins possible affectée. En effet, la taxe au kilomètre parcouru touchera forcément les transporteurs alsaciens, et non uniquement les poids lourds en grand transit.
Ces modalités techniques prennent du temps. Il s’agit d’un point important que la CEA doit prendre à bras-le-corps, mais le Parlement, et en particulier le Sénat, a souhaité les garantir, du moins pour partie.
Tel est l’objet des vingt-trois articles introduits au Sénat, qui ont été pour la plupart conservés par nos collègues députés. Je mentionnerai la possibilité pour la Collectivité européenne d’Alsace de moduler le taux kilométrique de la taxe en fonction des saisons, l’augmentation du montant des amendes infligées visant à éluder le paiement de la taxe ou de l’équipement électronique embarqué, l’inclusion des sociétés donneuses d’ordre dans la consultation préalable à l’instauration de la taxe, la création d’un comité pour faciliter la concertation des collectivités territoriales en matière de taxation des poids lourds.
En revanche, nos collègues de l’Assemblée nationale ont procédé à quelques rectifications. Je pense notamment à la suppression de l’article instaurant l’écotaxe pour les grands véhicules utilitaires légers, qui pourrait ne pas correspondre à la réforme de la directive Eurovignette, ce qui n’est pas souhaitable, en matière de lisibilité et de droit. Par ailleurs, une telle disposition pénaliserait les entreprises locales qui disposent fréquemment de ce type de véhicules.
Hormis quelques modifications, l’Assemblée nationale a largement repris les apports bénéfiques de notre Haute Assemblée, ce dont nous nous réjouissons.
Pour conclure, mes chers collègues, il faut désormais aller vite ; pour cette raison, le vote conforme proposé nous convient. Il est urgent que la CEA s’empare rapidement des compétences accordées par la loi, pour définitivement mettre un terme aux caravanes de camions qui perturbent la vie de beaucoup de nos concitoyens alsaciens.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois de plus, le Parlement a démontré l’importance de la ratification des ordonnances.
D’une part, l’Assemblée nationale et le Sénat ont pour prérogative majeure de contribuer à la fabrication de la loi. D’autre part, les améliorations apportées à ce projet de loi sont notables.
Je salue ici l’important travail effectué par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et en particulier par son rapporteur.
Je me réjouis que les avancées réalisées au Sénat aient été pour la plupart conservées lors de la première lecture à l’Assemblée nationale. Il est essentiel de maintenir certaines précisions quant à l’encadrement des mécanismes prévus par les ordonnances, à l’image des dispositions venant soit compléter les mécanismes de sanction et de constatation d’irrégularités dans le cadre de l’écotaxe, soit préciser les montants des amendes.
D’autres points ont été modifiés par l’Assemblée nationale, mais ils n’ont pas fondamentalement dénaturé l’âme que le Sénat avait insufflée au projet de loi.
Je n’évoquerai qu’un seul exemple, qui tenait à cœur à certains membres de mon groupe, ainsi qu’à de nombreux élus, d’après nos échanges : celui des effets de l’écotaxe sur les territoires limitrophes. Le rapport prendra en compte l’évaluation des reports de trafic sur le réseau du domaine public des régions, des départements et des communes limitrophes.
Notre interrogation reste la même : une fois ces reports et leurs conséquences négatives constatés, comment y remédier ? Ce point est important, d’autant que l’exemple de la Collectivité européenne d’Alsace pourra inspirer d’autres régions, comme la loi le prévoit désormais. Nous resterons donc vigilants concernant ce sujet précis.
Nous pouvons également regretter que certaines évolutions significatives effectuées par la chambre haute et saluées par notre groupe aient été supprimées. Je pense en particulier à l’article 1er ter, qui anticipait la révision de la directive Eurovignette devant certainement entrer en vigueur l’année prochaine.
Nous serons amenés, quoi qu’il en soit, à nous emparer du sujet prochainement, une transposition de cette directive étant nécessaire. Cependant, nous pouvons d’ores et déjà nous réjouir que ce sujet soit abordé au niveau européen.
Si ce projet de loi, que nous examinons pour la deuxième fois, n’est pas parfait, il comporte des avancées notoires. Nous garderons un œil sur l’application de l’écotaxe et des divers mécanismes prévus, ainsi que sur leurs effets potentiellement négatifs.
Nous sommes en présence d’un texte équilibré, et nous entendons les arguments du rapporteur demandant une adoption conforme. L’urgence de la situation et la demande du territoire nous conduisent, tout en restant vigilants, à être pragmatiques. Le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte, car rechercher les meilleures solutions pour nos territoires et nos concitoyens est l’essence même du travail de cette Haute Assemblée.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin pour voter en deuxième lecture le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.
Je tiens tout d’abord à remercier M. le rapporteur Jean-Claude Anglars de son travail, ainsi que de son écoute attentive des élus locaux dans la préparation de ce texte.
Je suis évidemment très favorable à la ratification de ces ordonnances, dont les mesures sont attendues depuis fort longtemps par les Alsaciens.
Ce texte est important pour trois raisons : premièrement, il répond à des enjeux importants pour l’Alsace ; deuxièmement, il répond à une forte attente et à un engagement de longue date ; troisièmement, enfin, il répond au besoin de prendre en compte des spécificités locales et d’avancer dans la voie de la différenciation.
Il s’agit de mettre en œuvre les dispositions de la loi de 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, et de donner ainsi à cette dernière, deux ans après le vote de cette loi, les moyens juridiques et fiscaux pour lui permettre de pleinement exercer ses nouvelles compétences.
Depuis le 1er janvier 2021, la Collectivité européenne d’Alsace est propriétaire de la voirie non concédée sur son territoire. L’instauration par elle d’une taxe vise à répondre à un problème existant depuis bien trop longtemps : celui de l’encombrement du sillon rhénan depuis la mise en place d’une taxe poids lourds sur l’A5 allemande au 1er janvier 2005. Depuis ce jour, des camions venus de toute l’Europe circulent sur l’autoroute A35, de Mulhouse à Strasbourg en passant par Colmar.
Il s’agit donc de répondre à un besoin et à une réalité territoriale transfrontalière, car ce report engendre de nombreuses conséquences, comme la dégradation des infrastructures, une accidentologie élevée en raison du volume de circulation, mais également un fort impact environnemental.
Vous le comprenez, mes chers collègues, il s’agit donc d’une réelle attente des élus alsaciens et de toute la population depuis plus de dix-sept ans. Ces ordonnances s’inscrivent également dans le cadre d’un engagement et d’une volonté politique ancienne, comme l’a rappelé notre collègue Claude Kern.
Adrien Zeller avait déjà souhaité un tel dispositif pour l’Alsace. Puis, en 2005, c’est le député Yves Bur qui avait fait adopter par le Parlement une taxe sur le transit des poids lourds en Alsace, mais ce projet n’avait malheureusement pas été appliqué, et avait été abandonné en 2013.
Aujourd’hui, nous y sommes enfin. Je me réjouis que les apports du Sénat aient été conservés dans ce texte, notamment en ce qui concerne la création d’un comité de concertation des collectivités territoriales en matière de taxation des poids lourds, ou également au sujet du système de ticketing, solution technologique mise à la disposition de la collectivité pour la constatation et le paiement de la taxe, notamment pour les redevables occasionnels.
Malgré l’abandon de certains apports significatifs, comme l’anticipation de la révision de la directive Eurovignette ou encore la possibilité pour la Collectivité européenne d’Alsace d’installer des dispositifs de contrôle automatisés, ce texte doit pouvoir être appliqué rapidement. Pour cela, il doit être voté dans une rédaction conforme à celle du texte adopté par l’Assemblée nationale.
Ce texte est salutaire pour avancer vers la différenciation. Il intervient d’ailleurs quelques jours après le vote de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS. Même si nous pouvons regretter que cette dernière loi manque d’envergure alors que le Gouvernement l’annonçait comme une grande loi de décentralisation, elle permet des ajustements et des avancées pour les élus locaux.
La loi de 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace doit pouvoir pleinement être appliquée. Aujourd’hui, nous en votons une première étape au sujet de la voirie non concédée, mais d’autres champs restent à mettre en œuvre, notamment la création de ligues sportives alsaciennes.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais d’abord remercier notre rapporteur Jean-Claude Anglars de sa bienveillance et de son travail de qualité.
En qualité de sénatrice du Bas-Rhin, mais également en tant que conseillère d’Alsace, cette intervention devant vous, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, est pour moi un moment important.
Il s’agit d’un moment important, car ce texte concerne l’instauration de la taxe poids lourds tant espérée par une grande partie des Alsaciens. En effet, depuis 2006, nous attendons une amélioration de la circulation sur nos routes, pour plus de sécurité, moins d’embouteillages et une diminution des nuisances liées au trafic, comme le bruit et la pollution.
Il s’agit d’un moment important pour les élus locaux, notamment pour les maires des communes concernées et pour les conseillers de la Collectivité européenne d’Alsace, qui ont fait avancer ce dossier.
Cette taxe permettra une régulation optimale par la CEA du trafic routier dans le sillon rhénan, depuis bien trop longtemps encombré. La situation avait été fortement aggravée en 2005 à la suite de la mise en œuvre de la taxe allemande, la LKW-Maut, qui a provoqué un report du trafic des poids lourds en transit sur l’A35.
Nous pouvons donc être satisfaits du texte examiné aujourd’hui, que l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le 26 janvier dernier. Il s’agit là d’un texte de compromis, qui n’appelle pas de modifications.
Ce texte de loi permettra à la Collectivité européenne d’Alsace, tout en respectant le cadre européen, d’être dotée de marges de manœuvre sur les modalités de cette taxe, afin notamment de l’adapter aux spécificités de notre territoire. En effet, nous déterminerons alors notamment le tonnage minimal et les catégories de véhicules taxables, le réseau concerné, le taux kilométrique de la taxe en fonction des saisons, la majoration pour les coûts externes, ainsi que les réductions et les exonérations.
Je tiens à préciser que la volonté de la CEA n’est pas de percevoir une quelconque recette fiscale supplémentaire. Il s’agit bien de mettre en place une gestion raisonnée du flux du trafic routier de marchandises sur certaines voies du domaine de la CEA, et de financer la dégradation des voiries causées par les véhicules lourds en transit, selon une logique d’utilisateur-payeur.
Nous sommes également satisfaits de la conservation du ticketing en faveur des usagers occasionnels et de la souplesse du dispositif qui permet de ne pas pénaliser les transports régionaux.
Des semaines de débats parlementaires ont permis d’améliorer les ordonnances, tout en respectant leur état d’esprit, c’est-à-dire le droit à la différenciation et les accords de Matignon.
Il faut maintenant laisser le texte se déployer et faire ses preuves. Il servira de terrain d’expérimentation pour les autres régions de France. La CEA est prête à lancer les appels à projets, et nous remercions donc tous les acteurs qui ont soutenu ce projet de loi. Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera donc en faveur d’une adoption conforme de ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons arrive enfin au terme de son parcours législatif.
Je salue, en tant que conseillère d’Alsace, le vote des députés qui ont donné leur feu vert à la mise en place de cette taxe poids lourd pour le transport routier de marchandises, communément appelée « écotaxe alsacienne », en ne modifiant qu’à la marge le texte que le Sénat avait adopté et enrichi en première lecture.
Je ne reviendrai pas sur les péripéties de l’écotaxe en France, que tout le monde connaît, mais je me réjouis que nous puissions donner aujourd’hui à la Collectivité européenne d’Alsace la possibilité d’expérimenter une solution nouvelle en votant conforme, je l’espère, ce projet de loi.
Ce texte s’inscrit dans la dynamique du droit à la différenciation territoriale et à la déconcentration, soit deux des trois « D » de la loi dite 3DS votée récemment. Il permettra de maîtriser et d’endiguer la saturation de l’axe rhénan, causée par l’important report de trafic induit par la taxe mise en place il y a une quinzaine d’années sur le réseau autoroutier allemand.
Il correspond à une attente et à une demande forte des Alsaciens, qui subissent au quotidien les nuisances liées au trafic des poids lourds. Il est cohérent de doter la CEA des moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une compétence qui lui est dévolue par la loi de 2019.
J’entends bien sûr les craintes de nos amis lorrains et mosellans concernant un potentiel report de trafic, mais il me semble que ce texte, grâce aux apports du Sénat, permettra de trouver une solution de compromis. Il apporte des garanties de contrôle et d’évaluation à chaque étape de l’instauration de la taxe, notamment par le biais de la création d’un comité de concertation et par la demande d’un rapport d’étape. Ces garanties permettront de mesurer si un report de trafic sera effectif, ce dont je doute encore pour ma part.
J’aimerais conclure sur une note positive : non seulement cette taxe répond aux enjeux sanitaires et écologiques, puisqu’elle désengorgera l’A35 et limitera la pollution atmosphérique, mais elle ouvre également la porte à la mise en place future d’autres dispositifs similaires dans d’autres territoires.
Il s’agit d’une expérimentation inédite, qui mérite pour cette raison d’être soutenue. Nous devrions tous en espérer la réussite. Vous l’aurez compris, j’espère sincèrement que le Sénat votera conforme ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Claude Kern et Jacques Fernique applaudissent également.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
(Suppression maintenue)
L’amendement n° 5, présenté par MM. Jacquin, Todeschini et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante
I. – Au 2° de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée, le nombre : « 3, 5 » est remplacé par le nombre : « 2, 5 ».
II. – Le I entre en vigueur au plus tard six mois après l’entrée en vigueur de la révision de la directive 1999/62 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
Par cet amendement, il s’agit de rétablir l’une des avancées significatives que nous avions adoptées unanimement en première lecture, en anticipant la transposition de la directive européenne concernant un fléau des transports qui n’est pas pris en compte par le texte actuel, lié aux véhicules utilitaires légers (VUL).
Pour des raisons que je comprends mal, le rapporteur de l’Assemblée nationale a proposé de supprimer cette disposition. Je tiens à le dire, au niveau européen, dans le cadre de la modernisation de la directive Eurovignette, il s’agit de prendre en compte la possibilité d’intégrer les VUL de plus de 2, 5 tonnes utilisés dans le transport pour compte d’autrui au processus de taxation.
Chers amis alsaciens, au nom d’un vote conforme, vous allez prendre du retard en rejetant cet amendement, ce que je regrette.
Si la commission n’est pas opposée à cet amendement sur le principe, puisqu’elle avait émis, je l’ai dit tout à l’heure, un avis de sagesse en première lecture, elle souhaite toutefois un vote conforme du projet de loi, afin de conserver une grande partie des apports du Sénat.
Par conséquent, elle est défavorable à cet amendement.
Vous le savez, le Gouvernement est défavorable à cette proposition, pour les motifs qui ont conduit à la suppression de l’article 1er bis A par l’Assemblée nationale. En effet, en termes de lisibilité et de qualité de la norme, il ne nous semble pas souhaitable d’anticiper sur la révision d’une norme supérieure.
Par ailleurs, nous ne sommes pas convaincus par l’opportunité même de la mesure. En effet, le coût de l’opération d’un VUL le rend moins avantageux, à la tonne portée, qu’un poids lourd.
En outre, les écarts de réglementation entre conducteurs de VUL et conducteurs de poids lourd, pour ce qui concerne les temps de repos, ont été sensiblement atténués par l’adoption du paquet mobilité 1, qui limitera clairement les distorsions de concurrence dont pouvaient bénéficier ces VUL.
Je veux exprimer mon regret s’agissant de la modification adoptée par l’Assemblée nationale. Pour ma part, j’étais, en accord avec la majorité du Sénat, tout à fait favorable à ce que les VUL de plus de 2, 5 tonnes soient également pris en compte dans le texte. À cet égard, je me félicite de l’amendement de M. Jacquin.
Toutefois, comme vient de le dire M. le rapporteur, le calendrier nous impose de voter ce texte conforme. Je suis donc tout à fait désolé, mon cher collègue, qu’un élément s’oppose, une nouvelle fois, à ce que nous puissions vous rejoindre et vous donner quitus.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Suppressions maintenues)
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 23 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée est ainsi rédigé :
« La Collectivité européenne d’Alsace peut, sur délibération, exonérer de la taxe : ».
L ’ article 1 er quinquies est adopté.
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée est ainsi modifiée :
1° L’article 27 est ainsi modifié :
a) Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Disposent d’un équipement électronique embarqué du système européen de télépéage régi par le règlement d’exécution (UE) 2020/204 de la Commission du 28 novembre 2019 susvisé, qui répond aux conditions suivantes :
« a) Il permet l’enregistrement automatique des éléments nécessaires à la liquidation de la taxe ;
« b) Il est mis à disposition, dans le cadre d’un contrat conclu à cet effet, par un prestataire du service européen de télépéage ayant conclu une convention avec la Collectivité européenne d’Alsace conformément à l’article 54 ;
« c) Il est interopérable avec les systèmes électroniques de perception du péage utilisés sur le réseau autoroutier national concédé. » ;
b) L’avant-dernier alinéa est supprimé ;
1° bis Après l’article 27, sont insérés des articles 27-1 et 27-2 ainsi rédigés :
« Art. 27 -1. – Par dérogation à l’article 27 et sur délibération de la Collectivité européenne d’Alsace, les véhicules peuvent :
« 1° Soit disposer, à la place de l’équipement mentionné au 2° du même article 27, d’un équipement électronique embarqué du système européen de télépéage qui répond à la condition mentionnée au a du même 2° et que la Collectivité européenne d’Alsace met à disposition ;
« 2° Soit être dispensés des obligations prévues audit article 27 lorsqu’est déposée, dans un délai minimal préalable au fait générateur, une déclaration précisant les caractéristiques du véhicule et du trajet.
« Art. 27 -2. – Une délibération de la Collectivité européenne d’Alsace détermine les conditions et les limites dans lesquelles il peut être recouru aux options mentionnées aux articles 27 et 27-1. Cette délibération fixe, le cas échéant, les modalités, y compris financières, de la mise à disposition mentionnée au 1° du même article 27-1. Elle fixe aussi le contenu de la déclaration mentionnée au 2° dudit article 27-1, les conditions dans lesquelles cette déclaration peut être déposée, annulée ou rectifiée ainsi que le délai minimal entre son dépôt ou sa rectification et le fait générateur. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 28 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, dans le cas prévu au 2° de l’article 27-1, elle est liquidée à partir des éléments de la déclaration prévue au même 2°. » ;
3° Le dernier alinéa de l’article 29 est complété par les mots : « et, le cas échéant, les acomptes versés en application de l’article 31-1 et les majorations applicables en application de l’article 33-1 » ;
4° L’article 31 est complété par les mots : « compte tenu, le cas échéant, des acomptes versés en application de l’article 31-1 » ;
4° bis Après le même article 31, il est inséré un article 31-1 ainsi rédigé :
« Art. 31 -1. – Dans le cas prévu au 2° de l’article 27-1, le paiement de la taxe donne lieu au versement d’un acompte lors de la déclaration mentionnée au même 2°.
« Le montant de l’acompte est égal au montant de la taxe résultant de l’utilisation du réseau taxable compte tenu des caractéristiques déclarées.
« Une preuve du paiement de l’acompte est délivrée au redevable.
« Une délibération de la Collectivité européenne d’Alsace détermine les conditions dans lesquelles l’acompte est acquitté et régularisé en cas de rectification ou d’annulation du trajet déclaré. » ;
4° ter Après l’article 33, il est inséré un article 33-1 ainsi rédigé :
« Art. 33 -1. – Dans le cas mentionné au 2° de l’article 27-1, fait l’objet d’une majoration de 30 euros le paiement d’un acompte insuffisant compte tenu de l’utilisation effective du réseau taxable, avant le début du délai préalable minimal mentionné à l’article 27-2.
« Le paiement de la majoration mentionnée au premier alinéa du présent article éteint l’action publique lorsqu’il intervient dans un délai déterminé par délibération de la Collectivité européenne d’Alsace, qui ne peut être supérieur à cinq jours à compter du fait générateur de la taxe. » ;
5° Après le mot : « maintenance », la fin du 1° de l’article 49 est ainsi rédigée : « des dispositifs techniques nécessaires à la mise en œuvre de la taxe, y compris concernant le traitement automatisé des données, la réception et la gestion des déclarations et des paiements ainsi que la mise à disposition des équipements électroniques embarqués ; ». –
Adopté.
(Non modifié)
L’article 32 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée est ainsi modifié :
1° Le début est ainsi rédigé : « Le propriétaire en cas de location, toute autre personne morale utilisatrice du véhicule et le conducteur sont solidairement…
le reste sans changement
2° Le mot : « relatif » est remplacé par le mot : « relatifs ». –
Adopté.
(Suppression maintenue)
(Non modifié)
I. – L’article 37 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « et agréés par le procureur de la République » ;
2° À la fin du 2°, les mots : « du contrôle des transports terrestres » sont remplacés par les mots : « les fonctionnaires ou agents de l’État assermentés dans les conditions prévues à l’article L. 130-7 du code de la route, chargés du contrôle des transports terrestres et placés sous l’autorité du ministre chargé des transports » ;
3° Après le mot : « définies », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « par un arrêté conjoint du ministre chargé des transports et du ministre de la justice. »
II. – À l’article 38 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée, les mots : « constatées par des » sont remplacés par les mots : « effectuées au moyen d’ ». –
Adopté.
(Suppressions maintenues)
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 41 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée, le mot : «, il » est remplacé par les mots : « ou lorsque la constatation d’une irrégularité a été effectuée au moyen d’un appareil de contrôle automatique dans les conditions prévues à l’article 38, le redevable ». –
Adopté.
(Non modifié)
Après le mot : « par », la fin de la première phrase de l’article 44 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée est ainsi rédigée : « une délibération de la Collectivité européenne d’Alsace. » –
Adopté.
(Non modifié)
L’article 46 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La récidive des infractions prévues au présent article est passible d’une amende de 15 000 €. » –
Adopté.
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée est ainsi modifiée :
1° Le chapitre II du titre III est abrogé ;
2° L’article 56 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les délibérations mentionnées aux articles 2, 3, 4, 8, 9, 11, 15, 21, 23, 27, 27-1, 27-2, 31-1, 33 et 33-1 entrent en vigueur à une date fixée par la Collectivité européenne d’Alsace, postérieure à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de leur publication. Lorsqu’elles sont prises pour la première fois, ces délibérations entrent en vigueur à une date concomitante ou antérieure à la délibération mentionnée au premier alinéa du présent article.
« La délibération mentionnée à l’article 9 est prise après que l’État a transmis, dans les meilleurs délais, les informations mentionnées au f du 3 de l’article 7 octies de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 précitée. » ;
b) Après la référence : « article 6 », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « de la même directive. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 57, le mot : « à » est remplacé par les mots : « au premier alinéa de ». –
Adopté.
(Non modifié)
L’article 61 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) Sont ajoutés les mots et une phrase ainsi rédigée : « et évaluant les reports de trafic sur le réseau du domaine public des régions, des départements et des communes limitrophes. Ce rapport comprend un bilan d’évaluation des reports de trafic sur l’autoroute A 31. » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Les régions, la Collectivité européenne d’Alsace, les départements et les communes limitrophes concernés transmettent à l’État les informations à leur disposition que celui-ci estime nécessaires à l’élaboration de ce rapport ainsi que toute autre information qu’ils jugent pertinente pour cette élaboration. »
L’amendement n° 4, présenté par MM. Jacquin, Todeschini et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
Ce rapport
par les mots :
ainsi qu’un rapport d’étape au plus tard deux ans après la mise en œuvre de cette taxe. Ce rapport d’étape
La parole est à M. Olivier Jacquin.
Je l’ai dit au cours de la discussion générale, nous avons entendu en première lecture la crainte de nos collègues alsaciens d’être retardés dans leur démarche.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé que soit d’abord mise en place l’écotaxe alsacienne, laquelle devra être évaluée. Au vu de cette évaluation, qui révélera la réalité du report de trafic vers l’A31, dont nous ne doutons pas, l’écotaxe devra être mise en place par l’État, s’il est compétent, ou par la région.
J’ai bien compris la situation et votre souhait de procéder à un vote conforme, mes chers collègues. Ainsi, alors qu’une commission mixte paritaire ne nous aurait fait perdre que quelques jours – elle pouvait être réunie dans le cadre de la session actuelle, qui se termine le 28 février –, je ne peux que regretter un tel choix.
C’est la raison pour laquelle je demanderai un scrutin public sur cet amendement, dans la mesure où l’amendement n° 3, que nous avons également déposé et qui tend à organiser véritablement ce report, risque de devenir sans objet.
Bien évidemment, la commission n’était pas opposée à une telle proposition, que nous avions d’ailleurs nous-mêmes introduite.
Toutefois, au fur et à mesure de nos échanges avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, nous sommes parvenus à une position d’équilibre concernant la question du bilan de la taxe. Si l’Assemblée nationale avait initialement simplement supprimé le rapport d’étape adopté par le Sénat, elle a ensuite, en contrepartie de cette suppression, réduit le délai de remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement de cinq ans à trois ans.
Un tel équilibre semble satisfaisant. Par ailleurs, l’adoption de cet amendement mettrait à mal la stratégie de vote conforme proposée par la commission.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, le débat parlementaire a permis de trouver une position d’équilibre : plutôt qu’un rapport d’étape, une préférence s’est dessinée en faveur d’un raccourcissement du délai de transmission du rapport au Parlement, qui est passé de cinq ans à trois ans.
Il ne paraît donc pas nécessaire de maintenir un rapport d’étape qui interviendrait seulement un an avant la transmission du rapport final, dont l’article 1er septdecies prévoit déjà qu’il évaluera les reports de trafic sur l’A31, deux ans seulement après la mise en œuvre de la taxe.
Les délais proposés par cet amendement me paraissant trop courts pour permettre un retour d’expérience significatif, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Permettez-moi de le préciser de nouveau, l’amendement n° 4 vise non pas à organiser le différé de la mise en place de l’écotaxe, mais à reporter le rapport d’évaluation.
Dans la mesure où je crains que l’amendement n° 3 ne devienne sans objet et ne puisse faire l’objet d’un scrutin public, j’ai demandé, au nom de mon groupe, un scrutin public sur l’amendement n° 4.
Je mets aux voix l’amendement n° 4.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 103 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 1er septdecies.
L ’ article 1er septdecies est adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3, présenté par MM. Jacquin, Todeschini et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er septdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En fonction des conclusions du rapport d’étape mentionné à l’article 61 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée, une taxe applicable aux véhicules de transport de marchandises qui utilisent l’autoroute A31 est instituée au plus tôt, sauf si un dispositif régional est mis en place avant la publication du rapport susmentionné.
Un décret détermine le régime juridique et les conditions d’application de cette taxe.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
Monsieur le président, je ne reprends pas la parole, mais défends bien sûr ardemment cet amendement !
L’amendement n° 2, présenté par MM. Jacquin, Todeschini et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er septdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En fonction des conclusions du rapport mentionné à l’article 61 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée, une taxe applicable aux véhicules de transport de marchandises qui utilisent l’autoroute A31 est instituée au plus tôt, sauf si un dispositif régional est mis en place avant la publication du rapport susmentionné.
Un décret détermine le régime juridique et les conditions d’application de cette taxe.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour défendre ardemment cet amendement.
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Belrhiti, M. Longuet, Mmes Gosselin et Garriaud-Maylam, MM. Menonville, Gremillet et Husson, Mme Guillotin, M. Mizzon et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er septdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En fonction des conclusions du rapport mentionné à l’article 61 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 précitée, la région Grand Est est autorisée à instaurer une taxe applicable aux véhicules de transports de marchandises qui utilisent l’autoroute A31.
Un décret fixe le régime et les conditions d’application de cette taxe.
La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
La mise en œuvre d’une taxe kilométrique sur les véhicules de transport routier de marchandises sur le seul territoire alsacien aura pour principale conséquence le report d’une partie du trafic sur l’autoroute lorraine A 31, même si mes collègues alsaciens ne veulent pas le reconnaître.
Cette autoroute est déjà saturée par un flux continu de poids lourds et provoque de multiples nuisances, qu’il s’agisse de pollutions sonores, d’émissions de gaz à effet de serre ou de congestions routières.
Même si la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets permet au Gouvernement, d’ici deux ans, de légiférer par ordonnance pour permettre aux régions de mettre en place des contributions spécifiques sur le transport routier de marchandises, il faut agir sans attendre pour permettre, dans l’intervalle, à la région Grand Est d’instaurer une taxe poids lourds sur cette autoroute A31, afin qu’elle puisse s’aligner, au même moment, sur la contribution alsacienne.
Cet amendement vise donc à créer un article additionnel après l’article 1er septdecies, lequel prévoit la remise au Parlement d’un rapport présentant le bilan de la mesure en matière de maîtrise du trafic routier de marchandises. Il s’agit d’intégrer la problématique de l’A31 aux conclusions de ce rapport. À cet égard, je veux remercier ma collègue alsacienne Sabine Drexler d’avoir porté attention à notre problématique.
Comme en première lecture, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, pour quatre raisons principales.
Premièrement, la loi Climat et résilience prévoit déjà la possibilité pour les régions volontaires de mettre en place cette taxe…
Il appartiendra donc aux régions volontaires et, on l’espère, à la région Grand Est de s’en saisir, une fois que les routes leur auront été transférées, si elles le souhaitent.
Deuxièmement, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Il semble en effet important que la région, comme l’a fait la CEA, prenne le temps d’élaborer son propre dispositif, en coconstruction avec les services de l’État. Une telle démarche doit s’inscrire dans un calendrier défini, pour en garantir le succès.
Troisièmement, ces amendements ne respectent pas l’article 34 de la Constitution. En effet, il n’est pas constitutionnel de fixer par décret le régime et les conditions de l’application d’une taxe. Un certain nombre de modalités relèvent du domaine de la loi : l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement.
Quatrièmement, la commission vous propose d’adopter, mes chers collègues, un texte conforme à celui de l’Assemblée nationale. J’ajoute que l’amendement n° 3 est désormais sans objet, puisqu’il fait référence au rapport d’étape que l’amendement n° 4, qui n’a pas été adopté, visait à rétablir.
La commission est donc défavorable à ces trois amendements.
Aux yeux du Gouvernement, l’instauration de cette contribution sur le transport routier de marchandises par les régions, et plus particulièrement par la région Grand Est, doit être traitée dans l’ordonnance qui sera prise sur le fondement de l’article 137 de la loi Climat et résilience, adoptée en 2021, article qui prévoit une présentation de cette ordonnance dans les deux ans.
Monsieur Jacquin, madame Belrhiti, je veux vous assurer de mon regret de ne pouvoir poursuivre la discussion sur ce texte et, plus particulièrement, sur votre demande. En effet, pour des raisons de calendrier, nous devons procéder à un vote conforme.
Toutefois, mes chers collègues, l’article de la loi Climat et résilience, rappelé à l’instant par Mme la secrétaire d’État, permet de prendre une ordonnance visant à faire droit à votre demande.
Je le dis ici solennellement, l’Alsacien que je suis ne se dérobera pas à cette demande des Mosellans et des Lorrains. S’il y avait nécessité de soutenir ensemble une ordonnance en la matière – on sait que ce processus prend quelquefois du temps, sans compter les éventuels changements de majorité – pourquoi ne pas envisager sa rédaction pendant l’été, quel que soit le gouvernement en place ?
Personnellement, si les collègues mosellans le souhaitent, je m’associerai volontiers à une telle démarche. Je le répète, nous avons la volonté de nous montrer solidaires de nos voisins. Il ne s’agit absolument pas de faire cavalier seul, mais, bien au contraire, d’ouvrir la voie !
Bien que je ne puisse pas adopter ces amendements, d’autant que se pose le problème juridique du décret, j’estime que nous aurions pu en discuter et examiner comment trouver un accord. Tel ne sera pas le cas aujourd’hui, ce que je regrette.
Mon collègue vient de présenter les arguments que je souhaitais moi-même développer !
Depuis dix-sept ans, nous attendons la mise en place de cette taxe poids lourds. Chère collègue Catherine Belrhiti, vous pourrez compter sur vos collègues alsaciens pour aider à élargir la possibilité de réduire le trafic poids lourds, s’il devait y avoir un report de trafic.
Je voterai bien évidemment l’amendement de Mme Catherine Belrhiti, qui est la copie conforme de mon propre amendement, mais concerne la région Grand Est et non pas la Lorraine.
Même si, aujourd’hui, nous perdons une bataille, cette possibilité s’ouvrira un jour à nous ! En effet, je ne vois pas comment nous pourrions réécrire cette ordonnance dès l’été prochain. En vertu de quel calendrier, au nom de quelle motivation ? Ce serait reconnaître que nos travaux actuels n’ont que peu de valeur. Pour ma part, c’est ce que je crois et c’est la raison pour laquelle mon groupe votera contre ce texte.
Je soutiens donc ardemment l’amendement de ma collègue Catherine Belrhiti.
Je le précise, en Moselle, cela fait trente ans que nous avons un problème avec l’A31. Nous réclamons depuis trente ans la construction d’une A31 bis, laquelle, je l’espère, verra bientôt le jour.
La situation justifie donc la mise en place d’une écotaxe. Si quelqu’un doutait encore du report du trafic et des difficultés rencontrées en Moselle, je tenais à dissiper toutes les interrogations.
Quoi qu’il en soit, je remercie mes collègues alsaciens de nous comprendre. J’espère que nous pourrons, au plus vite, traiter cette problématique.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Non modifié)
Un comité facilite la concertation des collectivités territoriales en matière de taxation des poids lourds.
Sont membres de ce comité :
1° Le président de la Collectivité européenne d’Alsace ;
2° Le président de l’Eurométropole de Strasbourg ;
3° Les présidents des conseils départementaux des départements limitrophes de la Collectivité européenne d’Alsace ;
4° Le président du conseil régional de la région Grand Est.
Les représentants de l’État dans la région et dans les départements concernés ainsi que les représentants des services déconcentrés de l’État participent aux séances du comité à leur demande. Le comité peut associer à ses travaux des représentants de toute autre collectivité territoriale concernée ou de tout groupement de collectivités territoriales concerné. Il peut consulter toute personne ou tout organisme qualifié.
Le comité est présidé par le président de la Collectivité européenne d’Alsace.
Il organise librement ses travaux et leur publicité, les modalités de réunion et les règles de représentation de ses membres, dans le cadre de son règlement intérieur.
Il est convoqué par son président, au moins une fois par an jusqu’à la mise en œuvre de la taxe. –
Adopté.
(Non modifié)
L’article L. 330-2 du code de la route est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Les personnes mentionnées au 12° du I du présent article doivent produire à l’appui de leur demande tous éléments utiles permettant de vérifier la réalité des manquements au regard de la taxe prévus par l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace. » –
Adopté.
(Suppression maintenue)
(Non modifié)
Après l’article 6 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 précitée, sont insérés des articles 6-1 et 6-2 ainsi rédigés :
« Art. 6 -1. – Le fait, pour le conducteur d’un véhicule, de ne pas respecter la mesure, prise par l’autorité investie du pouvoir de police en application du II de l’article 6, d’interdiction d’accès de certaines routes aux véhicules en transit dont le poids total en charge est supérieur à 3, 5 tonnes est puni d’une amende forfaitaire de 750 €.
« L’immobilisation du véhicule peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3 du code de la route.
« Art. 6 -2. – I. – Afin de faciliter la constatation de l’infraction prévue à l’article 6-1 et de permettre le rassemblement des preuves de celle-ci et la recherche des auteurs, des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules peuvent être mis en œuvre par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale ou par les services de police municipale des communes membres de l’Eurométropole de Strasbourg.
« Lorsqu’elles sont effectuées au moyen de dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatique homologués, les constatations de l’infraction prévue à l’article 6-1 font foi jusqu’à preuve du contraire.
(Supprimés) –
Adopté.
« II à V. – §
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2021-616 du 19 mai 2021 précitée est ainsi modifiée :
1° Après l’article 2, sont insérés des articles 2-1 et 2-2 ainsi rédigés :
« Art. 2 -1. – En cas de survenance de l’événement mentionné à l’article 40 du cahier des charges mentionné à l’article 1er de la présente ordonnance, la fraction de l’indemnité éventuellement due à la société concessionnaire, dont l’article 7 de la convention financière mentionnée à l’article 1er de la présente ordonnance prévoit la prise en charge, est répartie à parts égales entre l’État et l’Eurométropole de Strasbourg, à condition que l’Eurométropole de Strasbourg ait pris la décision de ne pas mettre en place l’interdiction de circulation mentionnée à l’article 2 de la présente ordonnance ou d’abroger totalement ou partiellement cette interdiction dans les cinq années suivant la mise en service de l’autoroute A 355.
« Art. 2 -2. – Les obligations mentionnées aux articles 2 et 2-1 sont satisfaites dès lors que l’Eurométropole de Strasbourg a pris une mesure visant à interdire la circulation des poids lourds en transit sans l’abroger dans les cinq années suivant la mise en service de l’autoroute A 355. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 3 est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’État considère que les motifs de la déchéance du concessionnaire sont susceptibles d’être réunis, il en informe sans délai l’Eurométropole de Strasbourg. » ;
b) Après la référence : « article 1er », sont insérés les mots : « ou à la transmission de l’arrêté mentionné à l’article 7 de la même convention ». –
Adopté.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. André Reichardt, pour explication de vote.
En conclusion de ce débat, je veux exprimer de nouveau le regret que des dispositions substantielles aient été supprimées par l’Assemblée nationale. Ainsi, l’anticipation de la directive Eurovignette aurait naturellement permis de régler d’importants problèmes pour l’Alsace.
Nous aurions pu, chers collègues mosellans, poursuivre les discussions sur ce texte, si nous n’avions pas été coincés par le calendrier, qui interdit la poursuite de nos travaux. Il nous faut donc voter conforme, ce que je ferai. J’appelle d’ailleurs tous mes collègues ici présents à faire de même.
En effet, dix-sept ans d’attente, c’est long ! Par ailleurs, il faut le savoir, lorsque ce texte sera définitivement adopté ici, il faudra nous accorder, en Alsace, sur les modalités de cette taxe, ce qui ne sera pas simple, cela a été dit.
Vous le savez, le président de la CEA, la Collectivité européenne d’Alsace, a décidé de recourir à l’association de la population pour la mise en œuvre de ses politiques, quelles qu’elles soient. S’est d’ailleurs terminée la nuit dernière une votation sur la pérennité de la présence de la Collectivité européenne d’Alsace au sein de la région Grand Est. Je le dis ici solennellement, mon cher collègue Olivier Jacquin, il ne s’agit en aucun cas d’un réflexe sécessionniste ! Je ne peux accepter ce terme ! Nous voulons simplement retrouver la région d’Alsace que nous avions par le passé.
De la même façon, une autre votation concernant les modalités de l’écotaxe interviendra. Il est donc fondamental que nous votions aujourd’hui ce texte, pour permettre, à l’avenir, une véritable démarche de concertation sur cette écotaxe.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de voter pour l’ensemble de ce texte, puisque mon groupe a choisi en responsabilité de ne pas déposer d’amendement, je voudrais insister sur la volonté qui avait motivé notre unique amendement en première lecture, lequel avait d’ailleurs été rejeté à une voix près. Afin de ne pas perdre de temps, il visait à donner un signal impérieux, en réduisant de moitié le délai de six ans laissé à la CEA pour la mise en place de la taxe.
J’espère donc que la Collectivité européenne d’Alsace et l’État feront chacun preuve d’une réactivité encore meilleure, ainsi que d’un rythme et d’une qualité d’accompagnement adéquats pour que se déroulent le plus rapidement possible toutes les étapes de concertation encore nécessaires, mais sans rétropédalage, face aux quelques réticences convenues d’organisations professionnelles, ainsi que toutes les étapes de préparation, auxquelles il a été fait allusion, de mise en place des décisions précisant les tonnages, les catégories, le réseau taxable exact, les dispositifs kilométriques, les majorations pour coûts externes, les possibilités de la directive Eurovignette, les réductions et les exonérations.
Toutes ces étapes devront se réaliser au mieux, pour tenir la promesse d’une entrée en vigueur sans perte de temps, dans un délai raisonnablement réduit, et garantir – c’est très important – le caractère transférable d’un dispositif, qui, comme me le disait hier M. le ministre chargé des transports, doit être un modèle pionnier.
M. André Reichardt applaudit.
Je serai bref. Je l’ai dit, je regrette que ce vote conforme empêche le débat et une nouvelle avancée, indispensable pour la Lorraine. Je regrette profondément cette situation, que j’ai qualifiée de véritable « spoliation » des Lorrains. Je pèse mes mots et insiste sur ce terme, particulièrement fort.
Bien évidemment, nous ne baisserons pas les bras. Nous poursuivrons cette bagarre pour l’environnement et la justice. Nous constatons d’ailleurs que, après toutes ces années de lutte pour établir un tel dispositif en Lorraine, nous avons obtenu une grande avancée avec l’article 32 du projet de loi Climat et résilience. À cet égard, je salue les travaux de la commission mixte paritaire, qui permettront aux régions frontalières subissant des reports de trafic de mettre éventuellement en place une écotaxe. Pour ce faire, il fallait que la loi 3DS soit votée. Son adoption permet désormais aux régions de faire des expérimentations en matière de gestion autoroutière.
Le combat n’est pas fini, c’est simplement la fin d’une bataille. Je profite de l’occasion qui m’est donnée, madame la secrétaire d’État, pour signaler que, dans une union transpartisane – même si je suis le seul sénateur de Meurthe-et-Moselle présent aujourd’hui ! –, tous les parlementaires du département, ainsi que la présidente de la métropole et la présidente du conseil départemental, ont écrit au Premier ministre Jean Castex, pour demander une rencontre, afin d’évoquer la question de l’A31 au sud de Nancy, qui doit être considérée avec le même degré de priorité concernant les travaux de modernisation et d’élargissement prévus par le grand débat public.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l’article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, l’autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 104 :
Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés313Pour l’adoption247Contre 66Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi.
Applaudissements.
Cher collègue Jacquin, je tiens à vous assurer qu’il n’y a de notre part aucune volonté de spoliation de qui que ce soit.
Je veux surtout remercier les personnels de la commission, pour leur travail, ainsi que son président, pour sa confiance. Merci aussi aux équipes du ministère de la transition écologique, madame la secrétaire d’État ; nous avons bien travaillé ensemble.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous remercier à mon tour de votre engagement ; je me félicite de l’adoption de ce projet de loi.
Merci à notre rapporteur, Jean-Claude Anglars, pour le travail important qu’il a réalisé, pour son esprit d’initiative et pour ses qualités d’excellent négociateur.
Je tiens également à saluer notre collègue Philippe Tabarot pour la force de proposition dont il a fait preuve lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience. Il est utile de rappeler que le travail de Philippe Tabarot et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été décisif pour l’adoption du présent texte.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à combattre le harcèlement scolaire (proposition n° 480, résultat des travaux de la commission n° 485, rapport n° 484).
Je précise à l’attention de l’ensemble de nos collègues que je suspendrai la séance, quoi qu’il advienne, entre douze heures cinquante-cinq et treize heures.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi est le dernier texte sur l’éducation de la législature. Aussi, permettez-moi de remercier les représentants de la Nation que vous êtes pour leur travail continu et leur engagement sincère sur les sujets d’éducation.
Je me réjouis aussi que ce soit précisément cette proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire que nous ayons à examiner aujourd’hui, d’abord parce que la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire aura été l’une des grandes causes de mon action pendant ce quinquennat, ensuite parce qu’il s’agit d’un sujet qui, comme souvent lorsqu’il est question de l’école, a vocation à créer de la concorde et à nous rassembler.
Je connais la mobilisation du Sénat sur ce sujet et regrette évidemment qu’une motion tendant à opposer la question préalable ait été déposée. Ce texte émane d’une initiative parlementaire, celle du député Erwan Balanant. Nous l’avons accueillie favorablement, comme nous l’avons fait chaque fois que des propositions allaient dans le bon sens – et ce fut souvent le cas, je tiens à le souligner, de la part des représentants de la chambre haute.
La lutte contre le harcèlement, nous en sommes tous d’accord, est un enjeu de société. Cet enjeu dépasse largement le cadre scolaire et nécessite une mobilisation générale ; il renvoie tout simplement à la valeur de fraternité qui est le ciment de notre nation.
Si les actions menées depuis 2017 ont permis de contenir le harcèlement « physique » entre élèves, la progression rapide et exponentielle du cyberharcèlement nous appelle à redoubler d’efforts et de vigilance.
Nous ne nous habituerons jamais à ce que des vies d’enfants et d’adolescents soient brisées, abîmées, parfois de façon irrémédiable, par ce fléau. Nous lutterons donc sans relâche et avec la dernière énergie contre ce phénomène. En la matière, nous avons d’ailleurs beaucoup avancé.
Nous ne nous résignerons pas. Nous pouvons atteindre un objectif de zéro harcèlement à l’école, c’est possible ! Certains pays, certains établissements, certains professeurs y réussissent chaque jour, y compris en France. Cet objectif est donc à notre portée. Et je me réjouis que cette proposition de loi nous permette d’avancer en ce sens.
Du plan de lutte contre le harcèlement à l’école, en 2018, à la généralisation du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), en 2022, nous n’avons pas attendu pour prendre à bras-le-corps ce phénomène.
Dès 2018, nous avons engagé un plan volontariste et ambitieux pour combattre le harcèlement à l’école autour de trois grands axes : prévenir, intervenir, former.
Prévenir, tout d’abord : nous avons pris en la matière un certain nombre de mesures fortes, comme l’interdiction du téléphone portable au collège, qui est désormais effective – c’est très important –, le dialogue avec les plateformes de réseaux sociaux, le lancement de cinq campagnes de prévention autour des thèmes suivants : revenge porn, rôle des témoins, dynamiques de groupe, école primaire, cyberharcèlement. J’ai effectué, sur cette question, de nombreux déplacements au sein des établissements, souvent avec Mme Macron, qui en a fait un thème de mobilisation.
Face à ces agissements, nous l’avons toujours dit, aucun élève ne doit être laissé seul. C’est pourquoi le ministère finance deux numéros d’écoute, le 3020 pour le harcèlement et le 3018 pour le cyberharcèlement, en partenariat avec l’association e-Enfance.
J’étais justement en déplacement avec Mme Macron, tout récemment, pour promouvoir une nouvelle étape du 3018 via le lancement d’une application pour téléphone mobile permettant aux élèves de signaler en temps réel un cyberharcèlement dont ils sont l’objet. Cette application est facile d’accès et d’utilisation ; elle permet notamment les échanges par courriel, tchat et WhatsApp.
Il est nécessaire aussi de développer un réseau d’acteurs dont la prise en charge du harcèlement est en quelque sorte le « métier ». C’est pourquoi nous avons travaillé à améliorer la prise en charge des situations de harcèlement en renforçant la formation initiale et continue des professeurs, qui intègre désormais cette dimension de façon systématique, et en développant le dispositif des élèves ambassadeurs, qui permet la sensibilisation entre pairs, mais aussi en publiant des ressources et des guides pour les personnels, les élèves et leurs familles.
Nous avons également, à la rentrée 2021, complété le dispositif en lançant ce que nous appelons le « carré régalien », organisé selon quatre axes ayant trait à la vie scolaire des élèves : la laïcité et les valeurs de la République, la lutte contre la radicalisation, la lutte contre les violences, la lutte contre le harcèlement. Des professionnels affectés au traitement de ces sujets viennent en appui des établissements dès que cela s’avère nécessaire.
À la rentrée 2022, nous aurons franchi un nouveau cap avec la généralisation, au cours de la présente année scolaire, du programme pHARe à toutes les écoles et à tous les collèges. Celui-ci s’inspire en partie du programme finlandais KiVa, la Finlande faisant partie des pays qui ont particulièrement bien réussi dans le domaine de la lutte contre le harcèlement. Notre pays peut devenir ainsi un exemple de ce qui se fait de mieux au monde en la matière.
Très concrètement, nous dotons les établissements d’un référent harcèlement, de personnels formés à la détection et au traitement des situations, ainsi que d’élèves ambassadeurs pour le signalement. Ce programme est déjà une réalité sur le terrain, dans une bonne partie des établissements.
Les familles sont associées à cet effort collectif, via la mise à disposition de ressources accessibles en ligne ou l’organisation de moments de rencontre avec les professeurs et les personnels de direction. Ces initiatives importantes rejoignent ce que j’avais moi-même mis en place, lorsque j’occupais d’autres fonctions, avec la « mallette des parents », car on sait combien l’implication des familles est décisive pour prévenir ce type de situation.
La méthode utilisée, appelée Pikas, a fait ses preuves, car elle permet aux adultes de repérer les « signaux faibles » et d’intervenir rapidement pour protéger les victimes, tout en amenant les auteurs à une prise de conscience. Lorsque vient le moment de la sanction, en effet, il est souvent déjà trop tard…
Une méthode s’applique, donc, établissement par établissement, avec des équipes formées et un traitement de chaque situation.
L’objectif est très simple : aucun cas de harcèlement ne doit rester sans réponse.
Si nous voulons lutter efficacement contre le harcèlement en milieu scolaire, nous devons sortir d’une logique exclusivement défensive pour passer à l’offensive, ce qui revient à dire que nous menons une politique du « climat scolaire ». En effet, le harcèlement est d’une certaine façon le résultat d’une dégradation du climat scolaire. Ce que nous devons viser, c’est tout simplement l’installation d’un climat scolaire fraternel, à base d’engagement notamment.
Avec le Conseil d’évaluation de l’école, que nous avons créé par la loi pour une école de la confiance, nous sommes désormais en mesure d’évaluer le climat scolaire dans chaque établissement, afin de disposer d’un état des lieux et, le cas échéant, de prendre des mesures adéquates.
Il nous faut également chercher à promouvoir l’engagement des élèves, leur sens de l’intérêt général, du civisme et de l’empathie, ces « compétences douces » qui sont si importantes. C’est ce que nous faisons en menant un travail sur les compétences psychosociales dès l’école maternelle. Lorsque j’ajoute « respecter autrui » à « lire, écrire, compter », cet ajout participe évidemment de cet objectif. Nous élevons ce « respecter autrui » au rang de compétence fondamentale dès l’école primaire ; cela va de pair avec le renforcement de l’enseignement moral et civique et de l’éducation aux médias et à l’information.
Nous avons par ailleurs créé, outre les ambassadeurs « Non au harcèlement », 250 000 écodélégués, afin de diversifier les formes d’engagement des élèves. Nous avons aussi promu les prix « Non au harcèlement », que nous avons étoffés en créant un prix spécifique à la lutte contre le cyberharcèlement. Ces prix donnent lieu chaque année à des travaux remarquables dans les classes ; je vous invite par exemple à consulter la vidéo réalisée par les élèves lauréats du prix « Non au harcèlement » 2020, qui a fait, depuis, le tour du monde – 48 millions de vues !
Il faut citer également, en bout de chaîne, le service national universel (SNU) et les services civiques, à 16 ans et au-delà, qui constituent une forme d’accomplissement du parcours citoyen, avec un effet rétroactif sur tout ce qui précède – le service national universel, rappelons-le, permet d’envoyer un signal quant à l’engagement des élèves en amont du SNU lui-même. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que de jeunes engagés en service civique puissent être mobilisés pour participer à la mise en œuvre du programme pHARe dans les écoles et les établissements – ce sont souvent ces jeunes qui parlent le mieux aux élèves de tels sujets.
La proposition de loi qui vous est soumise vient donc couronner cette dynamique générale.
Elle apporte une nouvelle pierre à l’édifice, en élargissant la base légale du harcèlement scolaire, que nous avions déjà commencé à poser via la loi pour une école de la confiance, et en créant un délit spécifique de harcèlement scolaire.
Sur plusieurs autres points, elle complète l’action engagée à travers le programme pHARe notamment. Je pense en particulier au rôle des associations, dont certaines ont participé activement à l’élaboration de ce dispositif.
Elle permet surtout, mesdames, messieurs les sénateurs, d’envoyer un message très clair à la Nation tout entière : non, le harcèlement n’a pas sa place dans nos établissements. Oui, l’école doit rester, selon la fameuse formule de Jean Zay, cet « asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ».
Durant ces cinq années, nous avons beaucoup fait pour l’égalité : école à 3 ans, classes dédoublées, opérations Devoirs faits et Vacances apprenantes, cités éducatives, internats d’excellence, petits-déjeuners gratuits… Nous avons beaucoup fait, également, pour la liberté : personnalisation des parcours, avec les réformes du lycée et de la voie professionnelle – offrant ainsi beaucoup plus de choix aux élèves –, refonte de l’orientation pour ouvrir le champ des possibles, autonomie accrue des établissements, création d’une fonction de directeur d’école – là aussi, le Sénat a pris toute sa part…
La liberté et l’égalité ont donc été des clés de notre politique scolaire.
Avec cette proposition de loi, on voit aussi que la troisième valeur de notre devise républicaine est au centre de l’action menée. Cette valeur si essentielle pour notre République, donc pour notre école, j’y ai fait référence pour évoquer le climat scolaire ; il s’agit bien sûr, vous l’avez compris, de la fraternité.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre – nous sommes très heureux de vous retrouver au banc : quoique très bien représenté, vous nous avez beaucoup manqué voilà quinze jours ! –, mes chers collègues, à l’occasion de cet examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire, permettez-moi de vous faire part, au nom de la commission, de satisfactions et de regrets.
Je commencerai par les points de satisfaction.
Le texte élaboré en première lecture par la Haute Assemblée est le fruit d’un travail consensuel. Il a rassemblé opposition et majorité sénatoriale autour d’un objectif commun : agir globalement pour lutter contre le harcèlement scolaire.
En septembre dernier, la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, présidée par notre collègue Sabine Van Heghe, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et dont la rapporteure était Colette Mélot, sénatrice du groupe Les Indépendants – République et Territoires, a adopté trente-cinq préconisations.
J’ai tenu, lors de l’élaboration du texte en première lecture, à m’appuyer le plus possible sur ces travaux et à reprendre les recommandations à portée législative du rapport. Ainsi de la prise en compte des témoins, du renforcement de la formation initiale et continue de l’ensemble des adultes d’un établissement, des actions résolues contre le cyberharcèlement ou encore de l’instauration d’une sensibilisation annuelle des élèves.
Ces travaux ont permis également d’éclairer nos débats sur l’opportunité de créer un délit spécifique de harcèlement scolaire.
Ce consensus transpartisan s’est également traduit dans les amendements que nous avons adoptés. Ils émanent de plusieurs groupes politiques, et notamment de l’opposition sénatoriale.
En voici quelques exemples : une vigilance particulière concernant la détection des cas de harcèlement lors des visites médicales scolaires – l’initiative en revient à Céline Brulin – ou une demande d’information quant à la prise en charge des frais de consultation et de soins pour les victimes et auteurs de harcèlement scolaire – le rapport ainsi demandé permettra notamment de dresser le bilan du « chèque psy » destiné aux mineurs et aux étudiants, annoncé par le Président de la République dans le cadre du confinement.
Autres exemples : une prise en compte de la lutte contre le harcèlement scolaire par le réseau des établissements français à l’étranger, l’obligation pour les réseaux sociaux de mieux sensibiliser leurs utilisateurs contre le cyberharcèlement.
Des amendements de la majorité sénatoriale ont été soutenus par l’opposition. Je pense à la possibilité de recruter les assistants d’éducation en contrat à durée indéterminée au bout de six ans ou encore à l’alerte que nous avons formulée concernant la nouvelle mission dévolue au réseau des œuvres universitaires – Toine Bourrat et Pierre Ouzoulias y étaient particulièrement sensibles.
Le Sénat avait proposé des assouplissements de la carte scolaire, ainsi que des modalités de recours à l’instruction en famille, pour les élèves victimes de harcèlement. Un élève harcelé qui quitte son établissement, c’est toujours une défaite de l’école, je l’ai dit et redit. Mais, dans certains cas, la poursuite de la scolarité dans l’établissement où il a été harcelé pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, n’est pas possible ou pas souhaitée par la victime.
Certes, la loi confortant le respect des principes de la République prévoit la possibilité de commencer rapidement l’instruction en famille d’un enfant victime de harcèlement scolaire, sans attendre l’autorisation de l’administration, qui peut prendre deux mois. Mais cette situation demeure transitoire. Le maintien dans l’instruction en famille nécessite que les parents présentent un projet pédagogique et justifient d’une capacité d’enseignement. L’enfant harcelé se retrouve, alors, dans une situation incertaine. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité aligner les conditions de recours à l’instruction en famille qui s’appliquent aux enfants harcelés sur celles qui s’appliquent aux enfants en situation de handicap, isolés ou en itinérance.
Ces assouplissements et dérogations, chers à Max Brisson, Bruno Retailleau, Pierre-Antoine Levi – j’aurais pu citer bien d’autres collègues –, sont pragmatiques et de bon sens.
Enfin, pour ce qui est du titre II, le Sénat a tiré les conséquences de deux récentes questions prioritaires de constitutionnalité relatives au cyberharcèlement – Jacqueline Eustache-Brinio les a brillamment présentées.
L’ensemble de ces éléments démontre une volonté commune des membres de la Haute Assemblée de voter un texte ambitieux, permettant une lutte globale contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
J’ai donc d’autant plus de regrets quant à l’échec de la commission mixte paritaire.
Deux points durs opposent le Sénat et l’Assemblée nationale : l’extension de la définition du harcèlement scolaire aux fins d’y inclure des faits commis par des adultes ; la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire.
Pourquoi ces deux dispositions nous posent-elles problème ? J’y reviendrai plus en détail à l’occasion de la présentation de la question préalable déposée par la commission. Voici néanmoins quelques éléments, afin de faire taire les rumeurs selon lesquelles le Sénat se serait opposé à un texte de lutte contre le harcèlement scolaire.
L’élargissement de la définition du harcèlement scolaire, monsieur le ministre, risque d’affaiblir l’institution scolaire, dans un contexte de défiance envers l’école. Le droit existant permet déjà de sanctionner pénalement et administrativement des actes de harcèlement commis par des adultes sur les élèves.
Quant au délit spécifique, son quantum de peine semble disproportionné et en définitive peu opérant. Quelle est la signification de peines si élevées, qui ne seront sans doute pas appliquées dans les faits ?
Nous étions prêts à un compromis sur l’un de ces points. Malheureusement, nos collègues députés n’étaient pas disposés à faire un pas vers nous pour que nous les retrouvions au milieu du gué.
Le texte a été examiné en nouvelle lecture le 10 février dernier à l’Assemblée nationale. Que reste-t-il de nos apports ? Trop peu de choses !
L’Assemblée nationale a bien entendu rétabli sa définition du harcèlement scolaire, ainsi que la création d’un délit pénal spécifique. Elle acte ses positions, qui divergent des nôtres, sur ces deux points essentiels pour le Sénat.
L’Assemblée nationale a également rejeté de très nombreuses dispositions que nous avions introduites.
Je pense au cyberharcèlement, dont vous venez de parler, monsieur le ministre, en évoquant l’application mobile nouvellement lancée : il me semble important qu’il soit mentionné explicitement, conjointement avec le harcèlement scolaire. Puisque ce texte se veut pédagogique, envoyons clairement un message de lutte contre ce fléau qui amplifie le harcèlement scolaire et ne laisse à la victime ni répit ni abri, pas même dans la sphère privée.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a refusé toute possibilité d’assouplissement des modalités de dérogation à la carte scolaire ou de recours à l’instruction en famille pour l’élève harcelé.
Elle a supprimé de la liste des personnes bénéficiant d’une formation initiale et continue à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire les titulaires d’un contrat d’engagement éducatif. Une telle mention aurait pourtant encouragé à la création d’un module consacré à cette thématique dans la préparation au brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA).
Enfin, l’Assemblée nationale n’a pas entendu notre alerte quant à la création d’une nouvelle mission pour le réseau des œuvres universitaires. Faute de financement pérenne, cette nouvelle mission risque de se transformer très rapidement en nouvelle charge financière. Espérons que des crédits budgétaires soient prévus dans le prochain budget afin de reconduire les 1 600 référents sur lesquels l’Assemblée compte pour la mise en œuvre de cette nouvelle mesure.
Malheureusement, les conditions ne sont pas réunies pour faire évoluer ce texte. Le manque d’ouverture de la part de l’Assemblée nationale est tout à la fois frappant et navrant.
S’agissant d’un sujet sociétal aussi important et d’un fléau dont l’éradication nécessite une mobilisation générale de la société, un tel texte aurait mérité une volonté de compromis, bien au-delà des postures politiques.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, j’avais déjà souligné le caractère plus symbolique qu’opérant de cette proposition de loi. Ce sentiment se trouve amplifié en nouvelle lecture, malgré l’important travail accompli par le Sénat pour l’améliorer en profondeur.
La nécessaire mobilisation générale contre ce fléau qu’est le harcèlement scolaire, que l’existence des réseaux sociaux et des plateformes aggrave, mérite clairement que l’on fasse mieux.
Le calendrier imposé n’est pas non plus propice à un examen serein de cette proposition de loi et il est regrettable que l’ensemble, ou presque, des dispositions adoptées par le Sénat aient été balayées.
L’article 1er, en ne faisant aucune distinction entre le harcèlement entre élèves et le harcèlement impliquant des adultes, en intégrant les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et en omettant de mentionner le cyberharcèlement, nous interpelle.
On ne saurait mettre sur un pied d’égalité des harceleurs mineurs et des adultes responsables détenteurs d’une autorité et soumis par ailleurs à un cadre statutaire strict.
Pour ce qui est des Crous, on impose à un opérateur en difficulté budgétaire, dont les référents harcèlement ne seront plus financés à partir de septembre prochain, de remplir une mission que leur ministère de tutelle ne semble pas avoir songé à leur confier…
Notre critique principale concerne l’article 4, qui crée un délit pénal spécifique de harcèlement scolaire. Loin de le renforcer, on vient ainsi affaiblir l’arsenal juridique existant déjà étoffé, quitte, comme l’écrivait Colette Mélot dans son rapport, à « nuire à la nécessaire mobilisation générale ».
Nous ne comprenons pas la volonté des députés d’adopter un quantum de peine qui risque de n’être jamais appliqué tant il est disproportionné par rapport au droit commun. Oui, il faut mieux, beaucoup mieux lutter contre le harcèlement qui intervient dans le cadre scolaire en renforçant les instruments juridiques existant dans notre droit, en cohérence avec celui-ci. De ce point de vue, faire du harcèlement scolaire une circonstance aggravante du harcèlement nous semble particulièrement sensé.
Comme cela a été souligné, l’efficacité de la lutte contre le harcèlement scolaire passe par l’action systémique et conjuguée des différents acteurs de la communauté éducative. À ce propos, il manque dans cette proposition de loi des éléments centraux de la mobilisation contre le harcèlement : des moyens pour la médecine scolaire, l’amélioration de la prise en charge psychologique et psychique des élèves, la mise en sécurité d’urgence des élèves harcelés.
Le Sénat avait fait des propositions en ce sens. Je pense notamment à nos amendements sur la santé scolaire, qui est en grande difficulté dans nos établissements.
La formation est également indispensable pour aider les personnels de l’éducation nationale à repérer et à accompagner les victimes. À l’heure actuelle, un tiers seulement des enseignants se sentent suffisamment armés pour cela et 83 % d’entre eux indiquent n’avoir jamais reçu aucune formation ni information sur la détection du harcèlement scolaire et l’accompagnement des victimes.
Quant aux multiples enjeux qui doivent être abordés en éducation morale et civique – environnement, laïcité, lutte contre le harcèlement, et j’en passe –, leur énumération suffit à démontrer qu’il est impossible de les traiter véritablement sous cette forme. Même chose pour les comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement, dont le champ d’action ne cesse d’être élargi.
Enfin, le programme pHARe à peine généralisé, les dispositions de cette proposition de loi viennent en percuter les objectifs, sans rien améliorer.
Il est donc regrettable que nos deux chambres n’aient pas trouvé de terrain de conciliation sur ce sujet qui mérite pourtant notre pleine et entière mobilisation, un sujet d’intérêt général qui devrait tout particulièrement nous inciter à travailler de concert, comme vient de le rappeler notre rapporteur Olivier Paccaud, ce que la majorité présidentielle n’est visiblement pas prête à faire !
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour une nouvelle lecture de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire.
Je souhaite exprimer ma déception quant à l’échec de la commission mixte paritaire sur un sujet qui s’annonçait pourtant transpartisan et ne prête guère à polémique.
Pour mémoire, le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement concernent entre 800 000 et 1 million d’enfants ; en d’autres termes, 6 % à 12 % des élèves subissent ou ont subi une forme de harcèlement au cours de leur scolarité. Chacun d’entre nous doit prendre conscience de cette réalité et mesurer le drame, individuel et collectif, que le harcèlement représente aujourd’hui pour l’école de la République. Nous parlons d’enfants ou d’adolescents durablement affectés par les menaces, les humiliations ou les violences physiques dont ils font l’objet.
Le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale comporte à nos yeux plusieurs écueils.
Le premier concerne le cyberharcèlement. Lors de l’examen du texte en première lecture au Sénat, nous nous étions attachés à y intégrer ce phénomène trop absent de la version issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Le cyberharcèlement crée un continuum du harcèlement scolaire, via les réseaux sociaux, les tablettes ou les smartphones, ne laissant aucun répit aux victimes. Il amplifie également l’aspect « meute » du phénomène. Je rappelle que, selon les chiffres de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, près d’un quart des collégiens y sont confrontés. Il est une facette importante du harcèlement scolaire et doit nécessairement être pris en compte si l’on veut traiter efficacement ce fléau.
Aussi le détricotage effectué par l’Assemblée nationale sur ce point nous paraît-il incompréhensible.
Le second point concerne la définition du harcèlement scolaire introduite par l’Assemblée nationale, qui a souhaité ne pas limiter le harcèlement scolaire à un harcèlement entre pairs.
Cette définition, incluant les adultes, est un très mauvais signal envoyé aux personnels de l’éducation nationale. Elle va à rebours des textes que nous avons défendus dans cet hémicycle – je pense par exemple à la proposition de loi créant la fonction de directeur d’école.
Cette définition ne fera que renforcer un climat de défiance de plus en plus insupportable pour les personnels de l’éducation nationale et déconstruire un peu plus l’autorité des professeurs.
Un autre point de désaccord majeur concerne la création d’un délit spécifique dans le code pénal. Nous ne sommes pas convaincus de la portée pédagogique de ce dispositif, qu’invoquent les députés, et craignons plutôt qu’il n’engendre une incohérence dans les peines applicables, voire une rupture d’égalité. Comme l’avait dit ma collègue Annick Billon lors de l’examen du texte en première lecture, ne laissons pas croire que la création d’un nouveau délit suffira à résoudre le problème. Si tel était le cas, nous aurions déjà pu le régler sur la base des textes existants.
Enfin, en supprimant du texte les articles 3 bis A, 3 bis B et 3 bis C, l’Assemblée nationale refuse toute possibilité d’assouplissement des dérogations à la carte scolaire, disposition défendue par nombre de nos collègues. Cet assouplissement nous semblait pourtant une mesure de bon sens. Cette possibilité leur étant refusée, les élèves victimes de harcèlement sont doublement victimes : ils n’ont parfois que la déscolarisation pour toute solution, ce qui les mène peu à peu à l’échec scolaire.
Pour conclure, je souhaite de nouveau saluer le travail de notre commission, du rapporteur, Olivier Paccaud, de la rapporteure pour avis du texte en première lecture, Jacqueline Eustache-Brinio, ainsi que celui de la mission d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
Nous regrettons que les recommandations de cette mission d’information n’aient pas été prises en compte dans l’élaboration du texte que nous examinons aujourd’hui.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste, dans sa très grande majorité, votera la motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’exprimerai d’abord deux regrets.
Le premier porte sur l’issue non conclusive de la commission mixte paritaire. Pourtant, autour de cette grande table, les représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat n’étaient pas assis aux extrémités, mais bien face à face. Je pensais que, sur un sujet aussi grave, nous aurions pu trouver des points d’entente.
Le deuxième regret concerne le recours, désormais presque habituel, à la motion tendant à opposer la question préalable. Ce fut déjà le cas, hier, sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France. Au sein du groupe du RDSE, nous ne pensons pas que le Sénat remplisse son rôle en renonçant constamment à débattre, à argumenter et à renvoyer systématiquement la décision finale à l’Assemblée nationale.
Le harcèlement scolaire est un fléau dont on estime qu’il touche un élève sur dix. Ce fléau continue de se répandre, malheureusement aidé par les outils numériques, le cyberharcèlement en étant l’une des formes les plus violentes. Il est favorisé par le silence des victimes, motivé souvent par la peur ou la honte et par le silence des témoins.
C’est pourquoi je me réjouis du choix de l’Assemblée nationale de conserver un apport du Sénat : l’intégration des témoins, aux côtés des victimes et des auteurs de harcèlement, dans les mesures prises par les établissements, afin de lutter contre le harcèlement scolaire.
Les députés ont également décidé d’inclure une formation à l’identification et à la prise en charge des témoins dans la formation initiale à destination des adultes à même d’être confrontés à des faits de harcèlement scolaire : personnels médicaux et paramédicaux, personnels de l’éducation nationale, travailleurs sociaux et animateurs, mais aussi policiers, gendarmes et magistrats.
Car, on le sait, le témoin est un personnage central du phénomène de harcèlement. Il s’agit d’un phénomène de groupe, et le harceleur trouve parfois son intérêt à harceler dans la présence de témoins, auditoire de l’humiliation qu’il fait subir.
Nous devons encourager cette démarche d’implication du témoin pour qu’à l’avenir il ne soit plus simplement passif, mais qu’il devienne un allié dans le combat mené contre ce mal meurtrier qu’est le harcèlement scolaire.
La définition même du harcèlement scolaire dans le code de l’éducation a été l’un des principaux points de désaccord.
Je ne crois pas qu’il faille exclure les adultes du champ du harcèlement scolaire.
L’article 1er de la proposition de loi consacre le droit à une scolarité ou à une formation sans harcèlement. C’est une affirmation qui se veut de portée générale, protégeant l’ensemble des élèves et des étudiants à l’égard de leurs pairs, mais aussi à l’égard de toutes les personnes travaillant au sein de l’établissement d’enseignement. Exclure une catégorie de personnes enverrait un message confus et affaiblirait la portée de cette affirmation.
Cette limitation a pu être motivée par une volonté de protéger les enseignants d’éventuels recours abusifs de la part d’élèves et de leurs familles. Au contraire, c’est bien un moyen de protéger les enseignants que de renvoyer les plaignants devant la justice, qui constituera un recours protecteur.
Le second élément de désaccord a été la création d’un délit autonome de harcèlement scolaire. Créer un délit spécifique, inscrit dans le code pénal, est un signal fort à destination des auteurs de harcèlement scolaire. Il peut déclencher une prise de conscience de la gravité des actes commis, surtout chez de jeunes auteurs.
Aussi, il est logique que le quantum de peine proposé ouvre la possibilité de poursuivre tout auteur de harcèlement scolaire sur une base unique, qui prend en compte la réalité des conséquences du harcèlement scolaire et sa gravité. Pour ma part, je salue donc le rétablissement de cette qualification pénale.
Le groupe du RDSE, conformément à sa tradition, votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous dire ici ma forte déception face à l’absence d’accord en commission mixte paritaire sur cette proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire, dont j’ai salué le dépôt en première lecture et que nous n’avons eu de cesse d’améliorer durant la navette.
La responsabilité en incombe principalement à l’Assemblée nationale et à sa majorité, qui n’a absolument pas souhaité avancer vers des solutions de compromis. Cette attitude est à l’image de celle du Gouvernement, qui a, hélas ! fait peu de cas du rapport de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, que j’ai eu l’honneur de présider, et dont la rapporteure était Colette Mélot.
Ce refus de prise en compte de notre rapport sénatorial et de ses trente-cinq propositions immédiatement applicables, tout comme ce désaccord en commission mixte paritaire, fait perdre de précieux jours alors qu’il y a urgence pour notre jeunesse.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a accueilli plutôt favorablement cette proposition de loi en première lecture, principalement comme outil de mobilisation de l’ensemble de la société face à ce fléau, sans ignorer cependant la portée purement symbolique de certaines dispositions de ce texte.
Le nerf de la guerre contre le harcèlement scolaire, ce sont les moyens octroyés à l’éducation nationale pour recruter davantage de médecins, d’infirmières, de psychologues scolaires. Je regrette l’insuffisance de ces moyens, monsieur le ministre, alors que ces acteurs sont en première ligne pour lutter contre le fléau du harcèlement scolaire, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire lors de la présentation du rapport de notre mission sénatoriale.
Cette proposition de loi contient incontestablement des dispositions positives, comme la place donnée dans le code de l’éducation à la lutte contre le harcèlement scolaire, et l’extension de la définition du harcèlement scolaire au harcèlement universitaire.
Positifs aussi sont l’application des nouvelles dispositions de lutte contre le harcèlement aux établissements privés, le renforcement de la formation et de la sensibilisation de l’ensemble des personnels au contact des élèves, ou encore la saisie du matériel ayant servi au harcèlement.
Je regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas accepté la réécriture de l’article 4 de ce texte, proposée par le Sénat sur l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission des lois. En effet, nous ne sommes pas favorables à la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire, et nous trouvions que sa transformation en circonstance aggravante du délit de harcèlement était une bonne solution de compromis.
Le délit spécifique de harcèlement scolaire tel que l’Assemblée nationale le propose est assorti de peines particulièrement lourdes et totalement inapplicables. Notre mission d’information sénatoriale avait d’ailleurs préféré miser sur une meilleure prévention.
Autre regret, l’Assemblée nationale est revenue sur la rédaction de l’article 7 de la proposition de loi, en retirant l’ajout de notre groupe qui prévoyait un renforcement du concours des hébergeurs et fournisseurs d’accès à la lutte contre le harcèlement. Nous proposions la présentation périodique aux utilisateurs de vidéos de sensibilisation aux bons usages du numérique et à la prévention du cyberharcèlement, avec mention des peines encourues par les contrevenants et voies de recours pour les victimes, conformément aux préconisations de notre mission sénatoriale.
Quelques avancées proposées par le Sénat ont été conservées par l’Assemblée nationale, comme la prise en charge des témoins de faits de harcèlement au même titre que les victimes ou les auteurs, ou encore l’affirmation du rôle central des visites médicales dans l’identification des enfants victimes.
Je me félicite également de l’introduction au Sénat de dispositions permettant le recrutement des assistants d’éducation en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) après six ans d’activité, tout en regrettant que cette mesure de bon sens ne s’applique pas aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). C’est une différence de traitement injuste, incompréhensible et génératrice d’une colère légitime de ces personnels ô combien indispensables !
Notre groupe n’était pas en accord avec la totalité de la version sénatoriale de la proposition de loi.
Ainsi, nous n’étions pas favorables à l’ajout de dispositions concernant l’instruction en famille, le harcèlement scolaire pouvant servir de prétexte pour renforcer ce mode d’instruction que nous considérons comme inégalitaire.
Nous désapprouvions aussi l’exclusion du champ du texte des faits de harcèlement en provenance des enseignants ou du personnel des établissements : c’est un phénomène certes minoritaire, mais qui doit être considéré.
Nous saluons aussi le rétablissement de l’article 6, supprimé au Sénat, qui prévoit des stages de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire dans le cadre de stages de citoyenneté ou de formation civique, comme le souhaitait notre mission sénatoriale.
Je suis sûre qu’il aurait été possible de conjuguer les apports positifs de l’Assemblée nationale et du Sénat sur ce texte, et je regrette que cela n’ait pas été possible, en grande partie – je le répète – du fait de l’attitude dogmatique de la majorité à l’Assemblée nationale.
Notre groupe ne votera pas la motion tendant à opposer la question préalable, car il est opposé par principe à l’arrêt des débats, en particulier sur ce sujet qui préoccupe fortement nos concitoyens et qui touche nos enfants. Il aurait préféré pouvoir débattre en détail des différents points que je viens d’évoquer et voter en faveur du texte élaboré par l’Assemblée nationale qui, malgré sa frilosité et son aspect abusivement répressif, constituait tout de même une avancée pour lutter contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, nous examinons pour la dernière fois la proposition de loi de notre collègue député Erwan Balanant visant à combattre le harcèlement scolaire, déjà adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Rappelons quels sont les objectifs défendus dans ce texte : mieux prévenir le harcèlement scolaire ; mieux accompagner les victimes, mais aussi les témoins, ce qui constitue un ajout bienvenu du Sénat, car cette disposition manquait dans le texte initial ; mieux protéger les enfants et les jeunes adultes tout au long de leur parcours éducatif, de la maternelle jusqu’à la vie universitaire. Autant d’avancées nécessaires face à l’ampleur du phénomène et à sa gravité, puisque certaines victimes vont parfois jusqu’à se donner la mort.
Les enfants sont en effet toujours trop nombreux à être victimes de tels actes et à en souffrir, dans l’enceinte de l’établissement et/ou sur les réseaux sociaux.
Je tiens à saluer ici, une nouvelle fois, le travail de nos collègues Sabine Van Heghe et Colette Mélot dans le cadre de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Permettez-moi de citer un extrait de leur rapport : « Le harcèlement scolaire, surtout quand il est démultiplié par les réseaux sociaux, est un drame individuel, mais aussi collectif. Il bride la liberté individuelle, porte atteinte à l’égalité en droits et fracasse l’idéal de fraternité. »
Oui, chaque année, plus de 700 000 enfants sont cassés, abîmés par le harcèlement scolaire. C’est ce chiffre effroyable que rappelle sur son site l’association Les Papillons. Ces enfants peuvent être les nôtres, nos nièces, nos neveux, nos cousins, nos voisins. Nous sommes toutes et tous concernés et touchés.
Je le disais en première lecture, qui d’entre nous regarderait son enfant se débattre dans ses cauchemars, dans ses peurs, perdre confiance en lui et dans les adultes ? Nous nous devons d’agir et beaucoup a été fait depuis 2017, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
Dans la continuité de ces actions, notre groupe avait souhaité inscrire ce texte à son ordre du jour réservé. Nous avions déposé plusieurs amendements de rétablissement en première lecture, ici même en séance publique, car la version initiale du texte, votée de façon transpartisane par l’Assemblée nationale, nous semblait plus efficace.
Parmi les dispositions adoptées en commission au Sénat, nous avions notamment regretté l’exclusion des adultes de la définition du harcèlement scolaire, et sa limitation aux pairs, de même que la suppression du délit autonome de harcèlement scolaire et sa transformation en circonstance aggravante.
Nous sommes favorables à l’intégration d’une mention explicite, dans le code pénal, de la sanction du harcèlement scolaire et universitaire en tant que tel. Et nous sommes donc favorables à son rétablissement par l’Assemblée nationale.
Nous partageons également pleinement le maintien à l’Assemblée nationale de l’article 3 quater, introduit cette fois au Sénat par Mme Toine Bourrat et plusieurs de nos collègues. Celui-ci vise à modifier l’article du code de l’éducation relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des assistants d’éducation. Il prévoit ainsi la définition par décret des conditions dans lesquelles l’État peut conclure un contrat à durée indéterminée avec un assistant d’éducation (AED). C’est une avancée importante que nous approuvons.
Enfin, nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable, puisque nous n’en partageons pas l’objet, mais il est exact, au regard des conclusions de la commission mixte paritaire et de son déroulement, que de nouvelles avancées semblent compromises.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enfance est un territoire fragile et s’il est un lieu qui devrait être un sanctuaire pour nos enfants, c’est bien l’école, lieu de transmission des savoirs et de socialisation.
Entre 800 000 et 1 million d’élèves sont victimes chaque année en France de harcèlement scolaire. Pour ces enfants, le havre se transforme en geôle et l’étau se resserre parfois jusqu’à la mort. En 2021, vingt-deux enfants sont décédés des suites de harcèlement.
Agir contre la violence, c’est semer les graines d’une société de la bienveillance dans laquelle le respect de l’autre accompagne le respect de soi-même, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre.
Cette proposition de loi est le fruit du travail mené par Erwan Balanant, dans le cadre de la mission gouvernementale qui lui a été confiée. En tant que rapporteure de la mission sénatoriale contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, présidée par Sabine Van Heghe, j’ai bien sûr examiné cette initiative avec le plus grand intérêt.
Je regrette que le cyberharcèlement, qui prend le plus souvent naissance dans le harcèlement à l’école, en l’amplifiant, ait disparu du texte, alors que cette dimension dématérialisée prend une ampleur grandissante. Il est impossible, au XXIe siècle, de dissocier harcèlement scolaire et cyberharcèlement – M. le ministre l’a souligné et M. le rapporteur, Olivier Paccaud, a insisté sur ce point.
Si notre rapport n’a pas emprunté la voie de la réponse judiciaire, la demande de création d’un délit autonome de harcèlement scolaire vient d’une volonté des acteurs de terrain, confrontés chaque jour à cette violence insupportable. Nous pouvons le comprendre.
Mon souhait est pourtant de favoriser autant que possible la prévention, la détection et le traitement des situations de harcèlement scolaire.
Cette proposition de loi intègre une partie des propositions de la mission d’information sénatoriale : le stage de sensibilisation, la formation des professionnels et la mise à contribution des plateformes, notamment.
L’État n’est pas seul à bord. L’ensemble de la société doit se mobiliser. Pour cela, je souhaite que le prochain gouvernement érige la lutte contre la violence à l’école en grande cause nationale.
Nous devons agir plus particulièrement sur « le dernier kilomètre », en utilisant sur le terrain des dispositifs existants. Sensibiliser les élèves, les enseignants et les parents dès la rentrée scolaire me paraît primordial. La médecine scolaire a un rôle central à jouer dans la détection des situations de harcèlement. Or la pénurie de médecins qui touche de nombreux territoires entrave l’accès à la santé physique et psychologique de nombreux élèves.
Nous devons aussi prendre en charge l’après-harcèlement, en favorisant le remboursement d’un panier de soins indispensables pour accompagner les élèves victimes. Des stages pour renforcer l’estime de soi et apprendre des techniques de négociation et de gestion des conflits pourraient être proposés à ces élèves.
Nous devons progresser ensemble, en nous inspirant des initiatives vertueuses, aux échelles locale, nationale et européenne. Placer la parole et la confiance au centre des apprentissages, faire en sorte que le chemin de l’école soit celui du vivre ensemble, retrouver le sens de notre destin collectif, telle est la ligne d’horizon qui doit nous guider, avec une seule certitude : la honte doit changer de camp, pour que la jeunesse reste ce champ des possibles dans lequel chacun peut trouver sa place, grandir, étudier, s’épanouir dans le respect des valeurs qui fondent notre République.
Ne nous trompons donc pas de cible en tombant dans un arbitrage politique !
En dépit des réserves qui sont les miennes et parce que tous les outils doivent être actionnés afin d’éradiquer un fléau sans pitié, au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, je voterai contre la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteure pour avis lors de la première lecture de la proposition de loi qui nous réunit ce matin, j’ai pu auditionner les représentants d’associations de défense des victimes du harcèlement scolaire et je tiens à leur manifester tout mon soutien, tout comme je pense à ces jeunes enfants et adolescents victimes, harcelés par leurs pairs et qui vivent l’enfer.
Rappelons que la mission d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, présidée par notre collègue Sabine Van Heghe et dont la rapporteure était Colette Mélot, avait souligné en septembre dernier la nécessité d’une prise de conscience et d’une action rapides face à l’ampleur de ce phénomène.
Selon les chiffres donnés par cette mission, 6 % à 10 % des élèves subiraient une forme de harcèlement au cours de leur scolarité, et un quart des collégiens seraient confrontés à du cyberharcèlement. Au total, chaque année, entre 800 000 et 1 million d’enfants seraient victimes de harcèlement scolaire. Terrible constat !
Il est de notre devoir de lutter contre toutes les formes de harcèlement, et notamment le cyberharcèlement, qui prend une place de plus en plus importante dans notre société. Mais n’oublions pas que la priorité est d’éduquer ces jeunes afin qu’ils respectent leurs camarades, et d’aider à la libération de la parole afin que toute violence verbale, physique, psychologique ou numérique soit dénoncée. Pour ce faire, le rôle des parents est primordial.
Je tiens à revenir sur le point majeur d’achoppement avec nos collègues de l’Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire, et plus particulièrement sur le titre II de la proposition de loi, dont la commission des lois s’était saisie.
Tout en partageant, bien entendu, le souhait d’améliorer le droit pénal pour lutter contre le harcèlement scolaire, la commission a suivi les orientations de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, et refusé l’inscription dans la loi d’un délit autonome de harcèlement scolaire.
Nous ne négligeons pas l’enjeu symbolique, mais le champ de l’infraction spécifique et le quantum de peine proposé nous ont paru problématiques et surdimensionnés. Nous avons néanmoins reconnu l’importance de réprimer les faits de harcèlement qui interviennent dans les établissements d’enseignement, donc scolaires ou universitaires. Mais, en cohérence avec la position de la commission de la culture du Sénat et de son rapporteur, Olivier Paccaud, nous les avons limités aux faits de harcèlements entre pairs.
Il est regrettable que les députés se soient opposés à la rédaction du Sénat concernant les personnes susceptibles de commettre l’infraction de harcèlement scolaire.
Le Sénat refuse l’inclusion dans la définition du harcèlement scolaire des faits commis sur un enfant par un adulte, pour la simple et bonne raison qu’ils sont déjà inscrits dans la loi.
Par ailleurs, l’extension aux adultes, prévue par l’article 1er initial de la proposition de loi, risquerait de provoquer une instrumentalisation du délit de harcèlement par des élèves ou des parents d’élèves en conflit avec l’enseignant, et de contribuer à l’affaiblissement de l’autorité de ce dernier.
Lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, le Gouvernement et la commission avaient d’ailleurs été défavorables à l’inclusion dans la définition du harcèlement scolaire de faits commis par des adultes.
Le Sénat, dans sa très grande majorité, a donc souhaité réintégrer le harcèlement dans les établissements d’enseignement comme une circonstance aggravante du délit général de harcèlement prévu par le droit existant. Même si notre objectif est le même et si les autres divergences qui existent sur le titre II ne sont pas essentielles, notre désaccord sur la question du délit spécifique est majeur.
Nous regrettons que le Gouvernement et l’Assemblée nationale n’aient pas entendu, une nouvelle fois, la voix du bon sens. Est-il nécessaire de surlégiférer en permanence ? Pourquoi ne pas simplement compléter le droit existant ?
C’est pour ces raisons, entre autres, que notre groupe a décidé, à juste titre, de soutenir la motion tendant à opposer la question préalable déposée par M. le rapporteur.
Avant de conclure, je souhaite attirer votre attention sur la question spécifique du cyberharcèlement.
Je tiens à saluer le lancement, le 8 février dernier, de l’application 3018 visant à lutter contre le cyberharcèlement. C’est un premier pas, mais, dans le combat contre le cyberharcèlement, la France ne peut agir seule. L’Europe doit se saisir de ce sujet grave et inciter les plateformes à jouer leur rôle dans la lutte contre cette violence quotidienne et sournoise.
Les plateformes ont le devoir de prévenir ces faits et d’augmenter leur réactivité pour retirer les contenus participant au cyberharcèlement…
La présidence française du Conseil de l’Union européenne pourrait être l’occasion de prendre ce sujet à bras-le-corps.
Les voyages diplomatiques du Président sont nécessaires, mais trouver des solutions concrètes à ce problème de société me paraît également prioritaire. Profitons de ce semestre pour montrer l’exemple !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Mes chers collègues, nous poursuivrons l’examen de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire à la reprise de la séance.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.