Intervention de Claude Kern

Réunion du 17 février 2022 à 10h30
Combat contre le harcèlement scolaire — Discussion en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Claude KernClaude Kern :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour une nouvelle lecture de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire.

Je souhaite exprimer ma déception quant à l’échec de la commission mixte paritaire sur un sujet qui s’annonçait pourtant transpartisan et ne prête guère à polémique.

Pour mémoire, le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement concernent entre 800 000 et 1 million d’enfants ; en d’autres termes, 6 % à 12 % des élèves subissent ou ont subi une forme de harcèlement au cours de leur scolarité. Chacun d’entre nous doit prendre conscience de cette réalité et mesurer le drame, individuel et collectif, que le harcèlement représente aujourd’hui pour l’école de la République. Nous parlons d’enfants ou d’adolescents durablement affectés par les menaces, les humiliations ou les violences physiques dont ils font l’objet.

Le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale comporte à nos yeux plusieurs écueils.

Le premier concerne le cyberharcèlement. Lors de l’examen du texte en première lecture au Sénat, nous nous étions attachés à y intégrer ce phénomène trop absent de la version issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Le cyberharcèlement crée un continuum du harcèlement scolaire, via les réseaux sociaux, les tablettes ou les smartphones, ne laissant aucun répit aux victimes. Il amplifie également l’aspect « meute » du phénomène. Je rappelle que, selon les chiffres de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, près d’un quart des collégiens y sont confrontés. Il est une facette importante du harcèlement scolaire et doit nécessairement être pris en compte si l’on veut traiter efficacement ce fléau.

Aussi le détricotage effectué par l’Assemblée nationale sur ce point nous paraît-il incompréhensible.

Le second point concerne la définition du harcèlement scolaire introduite par l’Assemblée nationale, qui a souhaité ne pas limiter le harcèlement scolaire à un harcèlement entre pairs.

Cette définition, incluant les adultes, est un très mauvais signal envoyé aux personnels de l’éducation nationale. Elle va à rebours des textes que nous avons défendus dans cet hémicycle – je pense par exemple à la proposition de loi créant la fonction de directeur d’école.

Cette définition ne fera que renforcer un climat de défiance de plus en plus insupportable pour les personnels de l’éducation nationale et déconstruire un peu plus l’autorité des professeurs.

Un autre point de désaccord majeur concerne la création d’un délit spécifique dans le code pénal. Nous ne sommes pas convaincus de la portée pédagogique de ce dispositif, qu’invoquent les députés, et craignons plutôt qu’il n’engendre une incohérence dans les peines applicables, voire une rupture d’égalité. Comme l’avait dit ma collègue Annick Billon lors de l’examen du texte en première lecture, ne laissons pas croire que la création d’un nouveau délit suffira à résoudre le problème. Si tel était le cas, nous aurions déjà pu le régler sur la base des textes existants.

Enfin, en supprimant du texte les articles 3 bis A, 3 bis B et 3 bis C, l’Assemblée nationale refuse toute possibilité d’assouplissement des dérogations à la carte scolaire, disposition défendue par nombre de nos collègues. Cet assouplissement nous semblait pourtant une mesure de bon sens. Cette possibilité leur étant refusée, les élèves victimes de harcèlement sont doublement victimes : ils n’ont parfois que la déscolarisation pour toute solution, ce qui les mène peu à peu à l’échec scolaire.

Pour conclure, je souhaite de nouveau saluer le travail de notre commission, du rapporteur, Olivier Paccaud, de la rapporteure pour avis du texte en première lecture, Jacqueline Eustache-Brinio, ainsi que celui de la mission d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

Nous regrettons que les recommandations de cette mission d’information n’aient pas été prises en compte dans l’élaboration du texte que nous examinons aujourd’hui.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste, dans sa très grande majorité, votera la motion tendant à opposer la question préalable.

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