Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous dire ici ma forte déception face à l’absence d’accord en commission mixte paritaire sur cette proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire, dont j’ai salué le dépôt en première lecture et que nous n’avons eu de cesse d’améliorer durant la navette.
La responsabilité en incombe principalement à l’Assemblée nationale et à sa majorité, qui n’a absolument pas souhaité avancer vers des solutions de compromis. Cette attitude est à l’image de celle du Gouvernement, qui a, hélas ! fait peu de cas du rapport de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, que j’ai eu l’honneur de présider, et dont la rapporteure était Colette Mélot.
Ce refus de prise en compte de notre rapport sénatorial et de ses trente-cinq propositions immédiatement applicables, tout comme ce désaccord en commission mixte paritaire, fait perdre de précieux jours alors qu’il y a urgence pour notre jeunesse.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a accueilli plutôt favorablement cette proposition de loi en première lecture, principalement comme outil de mobilisation de l’ensemble de la société face à ce fléau, sans ignorer cependant la portée purement symbolique de certaines dispositions de ce texte.
Le nerf de la guerre contre le harcèlement scolaire, ce sont les moyens octroyés à l’éducation nationale pour recruter davantage de médecins, d’infirmières, de psychologues scolaires. Je regrette l’insuffisance de ces moyens, monsieur le ministre, alors que ces acteurs sont en première ligne pour lutter contre le fléau du harcèlement scolaire, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire lors de la présentation du rapport de notre mission sénatoriale.
Cette proposition de loi contient incontestablement des dispositions positives, comme la place donnée dans le code de l’éducation à la lutte contre le harcèlement scolaire, et l’extension de la définition du harcèlement scolaire au harcèlement universitaire.
Positifs aussi sont l’application des nouvelles dispositions de lutte contre le harcèlement aux établissements privés, le renforcement de la formation et de la sensibilisation de l’ensemble des personnels au contact des élèves, ou encore la saisie du matériel ayant servi au harcèlement.
Je regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas accepté la réécriture de l’article 4 de ce texte, proposée par le Sénat sur l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission des lois. En effet, nous ne sommes pas favorables à la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire, et nous trouvions que sa transformation en circonstance aggravante du délit de harcèlement était une bonne solution de compromis.
Le délit spécifique de harcèlement scolaire tel que l’Assemblée nationale le propose est assorti de peines particulièrement lourdes et totalement inapplicables. Notre mission d’information sénatoriale avait d’ailleurs préféré miser sur une meilleure prévention.
Autre regret, l’Assemblée nationale est revenue sur la rédaction de l’article 7 de la proposition de loi, en retirant l’ajout de notre groupe qui prévoyait un renforcement du concours des hébergeurs et fournisseurs d’accès à la lutte contre le harcèlement. Nous proposions la présentation périodique aux utilisateurs de vidéos de sensibilisation aux bons usages du numérique et à la prévention du cyberharcèlement, avec mention des peines encourues par les contrevenants et voies de recours pour les victimes, conformément aux préconisations de notre mission sénatoriale.
Quelques avancées proposées par le Sénat ont été conservées par l’Assemblée nationale, comme la prise en charge des témoins de faits de harcèlement au même titre que les victimes ou les auteurs, ou encore l’affirmation du rôle central des visites médicales dans l’identification des enfants victimes.
Je me félicite également de l’introduction au Sénat de dispositions permettant le recrutement des assistants d’éducation en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) après six ans d’activité, tout en regrettant que cette mesure de bon sens ne s’applique pas aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). C’est une différence de traitement injuste, incompréhensible et génératrice d’une colère légitime de ces personnels ô combien indispensables !
Notre groupe n’était pas en accord avec la totalité de la version sénatoriale de la proposition de loi.
Ainsi, nous n’étions pas favorables à l’ajout de dispositions concernant l’instruction en famille, le harcèlement scolaire pouvant servir de prétexte pour renforcer ce mode d’instruction que nous considérons comme inégalitaire.
Nous désapprouvions aussi l’exclusion du champ du texte des faits de harcèlement en provenance des enseignants ou du personnel des établissements : c’est un phénomène certes minoritaire, mais qui doit être considéré.
Nous saluons aussi le rétablissement de l’article 6, supprimé au Sénat, qui prévoit des stages de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire dans le cadre de stages de citoyenneté ou de formation civique, comme le souhaitait notre mission sénatoriale.
Je suis sûre qu’il aurait été possible de conjuguer les apports positifs de l’Assemblée nationale et du Sénat sur ce texte, et je regrette que cela n’ait pas été possible, en grande partie – je le répète – du fait de l’attitude dogmatique de la majorité à l’Assemblée nationale.
Notre groupe ne votera pas la motion tendant à opposer la question préalable, car il est opposé par principe à l’arrêt des débats, en particulier sur ce sujet qui préoccupe fortement nos concitoyens et qui touche nos enfants. Il aurait préféré pouvoir débattre en détail des différents points que je viens d’évoquer et voter en faveur du texte élaboré par l’Assemblée nationale qui, malgré sa frilosité et son aspect abusivement répressif, constituait tout de même une avancée pour lutter contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.