Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Réunion du 17 février 2022 à 10h30
Combat contre le harcèlement scolaire — Discussion en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteure pour avis lors de la première lecture de la proposition de loi qui nous réunit ce matin, j’ai pu auditionner les représentants d’associations de défense des victimes du harcèlement scolaire et je tiens à leur manifester tout mon soutien, tout comme je pense à ces jeunes enfants et adolescents victimes, harcelés par leurs pairs et qui vivent l’enfer.

Rappelons que la mission d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, présidée par notre collègue Sabine Van Heghe et dont la rapporteure était Colette Mélot, avait souligné en septembre dernier la nécessité d’une prise de conscience et d’une action rapides face à l’ampleur de ce phénomène.

Selon les chiffres donnés par cette mission, 6 % à 10 % des élèves subiraient une forme de harcèlement au cours de leur scolarité, et un quart des collégiens seraient confrontés à du cyberharcèlement. Au total, chaque année, entre 800 000 et 1 million d’enfants seraient victimes de harcèlement scolaire. Terrible constat !

Il est de notre devoir de lutter contre toutes les formes de harcèlement, et notamment le cyberharcèlement, qui prend une place de plus en plus importante dans notre société. Mais n’oublions pas que la priorité est d’éduquer ces jeunes afin qu’ils respectent leurs camarades, et d’aider à la libération de la parole afin que toute violence verbale, physique, psychologique ou numérique soit dénoncée. Pour ce faire, le rôle des parents est primordial.

Je tiens à revenir sur le point majeur d’achoppement avec nos collègues de l’Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire, et plus particulièrement sur le titre II de la proposition de loi, dont la commission des lois s’était saisie.

Tout en partageant, bien entendu, le souhait d’améliorer le droit pénal pour lutter contre le harcèlement scolaire, la commission a suivi les orientations de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, et refusé l’inscription dans la loi d’un délit autonome de harcèlement scolaire.

Nous ne négligeons pas l’enjeu symbolique, mais le champ de l’infraction spécifique et le quantum de peine proposé nous ont paru problématiques et surdimensionnés. Nous avons néanmoins reconnu l’importance de réprimer les faits de harcèlement qui interviennent dans les établissements d’enseignement, donc scolaires ou universitaires. Mais, en cohérence avec la position de la commission de la culture du Sénat et de son rapporteur, Olivier Paccaud, nous les avons limités aux faits de harcèlements entre pairs.

Il est regrettable que les députés se soient opposés à la rédaction du Sénat concernant les personnes susceptibles de commettre l’infraction de harcèlement scolaire.

Le Sénat refuse l’inclusion dans la définition du harcèlement scolaire des faits commis sur un enfant par un adulte, pour la simple et bonne raison qu’ils sont déjà inscrits dans la loi.

Par ailleurs, l’extension aux adultes, prévue par l’article 1er initial de la proposition de loi, risquerait de provoquer une instrumentalisation du délit de harcèlement par des élèves ou des parents d’élèves en conflit avec l’enseignant, et de contribuer à l’affaiblissement de l’autorité de ce dernier.

Lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, le Gouvernement et la commission avaient d’ailleurs été défavorables à l’inclusion dans la définition du harcèlement scolaire de faits commis par des adultes.

Le Sénat, dans sa très grande majorité, a donc souhaité réintégrer le harcèlement dans les établissements d’enseignement comme une circonstance aggravante du délit général de harcèlement prévu par le droit existant. Même si notre objectif est le même et si les autres divergences qui existent sur le titre II ne sont pas essentielles, notre désaccord sur la question du délit spécifique est majeur.

Nous regrettons que le Gouvernement et l’Assemblée nationale n’aient pas entendu, une nouvelle fois, la voix du bon sens. Est-il nécessaire de surlégiférer en permanence ? Pourquoi ne pas simplement compléter le droit existant ?

C’est pour ces raisons, entre autres, que notre groupe a décidé, à juste titre, de soutenir la motion tendant à opposer la question préalable déposée par M. le rapporteur.

Avant de conclure, je souhaite attirer votre attention sur la question spécifique du cyberharcèlement.

Je tiens à saluer le lancement, le 8 février dernier, de l’application 3018 visant à lutter contre le cyberharcèlement. C’est un premier pas, mais, dans le combat contre le cyberharcèlement, la France ne peut agir seule. L’Europe doit se saisir de ce sujet grave et inciter les plateformes à jouer leur rôle dans la lutte contre cette violence quotidienne et sournoise.

Les plateformes ont le devoir de prévenir ces faits et d’augmenter leur réactivité pour retirer les contenus participant au cyberharcèlement…

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