Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 17 février 2022 à 14h30
Combat contre le harcèlement scolaire — Discussion générale

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 700 000 élèves sont chaque année victimes de harcèlement scolaire et 10 % des élèves y font face au moins une fois dans leur scolarité. Le harcèlement scolaire est bien un fléau pour notre pays.

Des cours d’école, en passant par les réseaux sociaux et jusqu’aux jeux vidéo, les victimes n’ont aucun répit, avec parfois des conséquences terribles et définitives. Ces drames nous obligent et nous devons leur apporter une réponse. Tel est l’objet de cette proposition de loi.

Fruit des travaux d’Erwan Balanant à l’Assemblée nationale, ce texte reconnaît tout d’abord un nouveau droit, un principe essentiel : une scolarité sans harcèlement.

Pour faire respecter ce droit, un nouveau délit de harcèlement scolaire est créé, assorti d’un quantum de sanction très élevé : entre trois ans et dix ans d’emprisonnement et 45 000 euros à 150 000 euros d’amende selon la gravité. C’est sur ce point particulier que porte en grande partie le désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Notre Haute Assemblée a fait le choix de ne pas créer de délit spécifique, mais d’intégrer le harcèlement scolaire comme circonstance aggravante du harcèlement moral. Nous avions soutenu, en première lecture, cette réécriture et nous n’avons pas changé de ligne.

Nous considérions que le quantum de peine applicable à ce délit de harcèlement était beaucoup trop élevé pour des mineurs, surtout lorsque le harcèlement est un phénomène de groupe. Ces peines seraient quasiment inapplicables.

Nous comprenons que l’Assemblée nationale ait l’ambition de permettre, avec ce nouveau délit, une meilleure caractérisation des spécificités de ces agressions par les forces de l’ordre et d’attirer encore davantage l’attention de la société, des élèves et de la communauté éducative sur le sujet, mais nous estimons que l’enjeu réside plutôt dans la formation de tous les acteurs concernés, l’identification, la détection et la prévention.

Comme je l’ai dit en première lecture – certains l’ont également dit ce matin –, l’état de délabrement de la médecine scolaire dans notre pays est un frein à ce processus. Les médecins, infirmiers et infirmières scolaires pourraient être les vigies qui nous manquent tant.

Avec un peu moins de 1 000 médecins scolaires et 7 700 infirmiers et infirmières scolaires pour 12, 5 millions d’élèves, soit un médecin pour 14 000 élèves et un infirmier ou une infirmière pour 1 600 élèves, cette tâche est tout simplement impossible.

D’autres désaccords entre les deux chambres ont vu le jour, notamment sur la reconnaissance claire du cyberharcèlement, dont l’Assemblée nationale ne veut pas, ou encore sur les informations du tissu associatif, l’implication des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ou les stages de responsabilisation à la vie scolaire, dont le Sénat ne veut pas.

Mais c’est la suppression du délit de harcèlement qui a provoqué le plus d’incompréhension, surtout chez certaines associations de victimes. Il aurait été plus sain et salutaire de continuer à en débattre lors de cette nouvelle lecture, mais notre rapporteur a déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur ce texte – nous le déplorons.

Refuser le débat n’est jamais une solution, surtout sur des sujets aussi graves et sensibles. Nous aurions souhaité discuter de ce texte, confronter les visions des deux chambres pour lever ambiguïtés et incompréhensions. Nous aurions pu voter le texte de l’Assemblée nationale, même imparfait et trop répressif.

C’est pourquoi nous voterons contre cette motion.

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