Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 15 février 2022 à 14h30
Choix du nom issu de la filiation — Discussion générale

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous l’ignorez peut-être, mais, jusqu’en 2000, les Français nés à Mayotte étaient identifiés par une série de vocables, sans distinction du nom et du prénom. L’ordonnance du 8 mars 2000 a alors créé un service d’état civil de droit commun.

Les personnes majeures relevant du statut civil de droit local applicable nées avant la publication de ladite ordonnance – c’était mon cas – devaient choisir un nom parmi les vocables figurant dans leur acte de naissance, parmi les vocables servant à identifier leurs ascendants, ou encore parmi les surnoms sous lesquels elles justifiaient être connues dans la société. Un magistrat veillait évidemment à ce que ces choix ne soient pas trop baroques.

Je reconnais que, dans mon département, cette possibilité élargie a pu entraîner une certaine confusion en matière de filiation.

Toutefois, en l’espèce, mes chers collègues, le texte qui nous réunit aujourd’hui ne révolutionne pas les règles de dévolution du nom de famille, qui doivent répondre à un enjeu de stabilité – nous sommes tous d’accord sur ce point. Il ne crée pas non plus un état civil à la carte.

Non, la présente proposition de loi vise simplement à faciliter les démarches des personnes qui souhaitent porter le nom du parent qui ne leur a pas été transmis à la naissance, tant à titre d’usage que s’agissant du nom de famille. Les mesures qu’elle contient s’inscrivent donc dans le strict cadre familial et dans la filiation. Ce point devrait pouvoir nous fédérer assez largement sur ces travées.

Concernant les règles relatives au nom d’usage, celui que l’on utilise dans sa vie quotidienne et sociale, le texte introduit la possibilité de remplacer le nom du parent qui a été transmis à la naissance par le nom de son autre parent et codifie ce que la loi de 1985 permet déjà, c’est-à-dire l’accolement du nom de ses deux parents.

Pour tenir compte de difficultés particulières auxquelles font face de nombreuses personnes, notamment les mères qui élèvent seules leurs enfants et doivent en permanence apporter la preuve de leur parentalité pour effectuer des démarches scolaires, administratives, médicales ou de loisir, nos collègues députés avaient prévu que l’un des deux parents puisse adjoindre unilatéralement son nom à celui de son enfant, à titre d’usage exclusivement.

La commission des lois a supprimé, pour les mineurs, ces deux facultés de substitution et d’adjonction unilatérale.

Nous vous proposerons de les rétablir, car elles nous semblent suffisamment assorties de garanties. La substitution du nom à titre d’usage est conditionnée à l’accord des deux parents titulaires de l’autorité parentale, ce qui permet de prévenir les conflits familiaux. Quant à l’adjonction unilatérale du nom de l’autre parent, le dispositif prévoit déjà l’information préalable en temps utile de l’autre parent pour que celui-ci puisse, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statuera dans le seul intérêt de l’enfant.

L’autre objectif du texte est de faciliter les démarches de ce millier de personnes qui demandent chaque année à changer de nom, parce qu’elles supportent leur nom plus qu’elles ne le portent, comme vous l’avez très justement dit, monsieur le garde des sceaux. Dans certains cas tragiques, il s’agit pour elles d’effacer le nom d’un parent incestueux, violent ou délaissant.

Aujourd’hui, la procédure est complexe, puisqu’il faut justifier d’un intérêt légitime ou affectif, se soumettre à de lourdes obligations de publicité et adresser sa demande au ministère de la justice. Elle est également longue, voire très coûteuse.

Grâce à cette proposition de loi, toute personne âgée de 18 ans pourra, au moyen d’un formulaire en mairie, une seule fois, choisir son nom de famille pour garder celui de sa mère ou celui de son père, ou les deux, dans le sens qu’il souhaite.

La commission a fait le choix de revenir sur la procédure simplifiée de changement de nom de famille étendue aux demandes consistant à porter le nom de famille du parent qui ne l’a pas transmis, en les exonérant seulement de la preuve de l’existence de motifs légitimes.

Nous souhaitons le rétablissement de ce dispositif : cette procédure simplifiée ne concernera qu’un nombre restreint de demandes consistant à opter pour le nom du parent qui n’a pas transmis le sien ; elle ne s’appliquera pas aux autres demandes de changement de nom.

Par ailleurs, elle ne crée pas de missions inconnues pour les officiers de l’état civil, qui sont déjà compétents en cas de demande de changement de nom fondée sur la disparité entre le nom porté en France et le nom porté à l’étranger et en cas de demande de changement de prénom.

Enfin, l’officier d’état civil pourra toujours, en cas de difficulté, saisir le procureur de la République, lequel pourra s’opposer à la demande.

Sur ces points majeurs, le texte tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale nous paraissait répondre de façon pragmatique à des difficultés modernes et à des situations douloureuses, tout en tenant compte de l’évolution de notre société ou de la libération de la parole. Je note d’ailleurs, madame la rapporteure, en saluant au passage la qualité de votre travail, que vous avez évolué vers plus de souplesse dans votre positionnement à l’article 2, par un amendement qui a été déposé tardivement, mais dont nous débattrons tout à l’heure.

Le groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), que je représente, espère que les débats sauront nous réunir dans la suite de la navette sur les moyens permettant d’atteindre effectivement les objectifs que nous partageons tous, sans pour autant priver le texte de ses principaux effets.

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