Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 15 février 2022 à 14h30
Restitution ou remise de biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Le présent texte diffère toutefois des deux autres, car il fait référence à une spoliation plus récente, massive et spécifique, celle des juifs de France.

Cette spoliation a précédé leur génocide, un génocide organisé avec la complicité et l’appui de l’État français. Spolier, voler des œuvres d’art appartenant à des individus en raison de leur appartenance, c’était vouloir les déposséder d’une part de leur sensibilité et de leur culture et briser les chaînes de transmission des idées et des valeurs.

Très tôt, lorsque la machine génocidaire s’est mise en place, ce processus a été combattu par quelques rares, trop rares, combattants de l’ombre – ou plutôt combattantes, car je pense évidemment à Rose Valland et à son incroyable travail d’archivage, de référencement et de suivi, qui a permis, à la Libération, de retrouver la trace de la plupart des œuvres spoliées par l’occupant nazi.

Son travail a par la suite guidé, dans l’immédiat après-guerre, toute une politique nationale de restitution, qui, si elle ne fut pas parfaite, permit de restituer une grande majorité des œuvres à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit.

Il y eut tout d’abord les travaux de la Commission de récupération artistique, qui permirent d’identifier 85 000 œuvres spoliées, d’en retrouver 61 000 et d’en restituer rapidement plus de 45 000.

Les 16 000 œuvres restantes ont été soit vendues, pour plus de 13 500 d’entre elles, soit confiées aux musées nationaux sous le statut « Musées nationaux récupération » (MNR), dont le bilan est plus mitigé – le mot est faible. Le rythme s’est ralenti extrêmement fortement au bout de cinq ans. Rappelons que, depuis 1950, 178 œuvres seulement ont été restituées sur les plus de 2 000 mises entre les mains des musées nationaux.

Pendant plus de cinquante ans, la question des restitutions disparaît quasiment de notre société : « Un secret de famille dans le monde des musées, de l’art, de la culture », comme l’écrit notre ancienne collègue sénatrice écologiste Corinne Bouchoux dans son rapport de 2013.

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