Si je me permets cet effet d’estrade, madame la ministre, c’est pour dire combien ce texte est important, signifiant, et à quel point il renvoie à des événements douloureux. Tout cela n’a pas grand-chose à voir avec le Bénin !
La spoliation, c’est aussi le renvoi de mon père du lycée Charlemagne, à l’âge de 10 ans…
Je salue le travail de la mission d’étude sur la spoliation des juifs de France, présidée par M. Jean Mattéoli, qui fut président des Charbonnages de France, et que nous avons bien connu à Douai, ainsi que le rapport d’information de notre ancienne collègue Corinne Bouchoux, qui a été rappelé.
La spoliation a porté, outre sur des œuvres d’art, sur du linge de maison, sur les quelques biens de gens modestes, comme mes grands-parents, qui étaient de simples bouchers et ne possédaient pas grand-chose, mais qui ont tout de même été spoliés de tout, y compris de leur vie.
Par miracle, après la guerre, deux petits chandeliers ont été retrouvés. Comme dans la nouvelle Le Chandelier enterré de Stefan Zweig, ils sont désormais le bien le plus précieux de notre famille. C’est en pensant à eux que j’interviens à la tribune aujourd’hui.
Évidemment, cette loi est indispensable et bienvenue, comme dans l’affaire Altmann qui a inspiré le film La Femme au tableau, sur la restitution des tableaux de Klimt. Je salue, à cet égard, les représentants des familles qui assistent à notre débat depuis les tribunes.
Je veux toutefois consacrer mon temps de parole à toutes les autres personnes spoliées, celles dont on ne parle pas et que l’on a oubliées. Il ne faut pas réduire le sujet de la spoliation aux propriétaires d’œuvres d’art. Les 70 000 juifs de France étaient, dans leur majorité, des femmes et des hommes modestes – tailleurs, marchands ambulants, entre autres. Vous connaissez tous, comme moi, cette histoire douloureuse.
De la même façon que je possède des documents qui sont dans ma famille depuis 1942, je pense que d’autres personnes en France détiennent chez elles des documents analogues.
Madame la ministre, il faudrait que vous puissiez lancer un appel afin que ces documents originaux soient collectés et collationnés, en vue non pas d’une indemnisation, laquelle n’aurait pas beaucoup de sens, mais d’une reconnaissance. Il est important que ces documents soient exposés, par exemple dans un musée, et versés aux archives.
Il est par exemple important de savoir que le 29 août 1942, à l’hôtel des ventes de Douai, situé 7, rue du Gouvernement, a été enregistrée la spoliation, en date du 24 août 1942, de deux pieds de mannequin, pour une valeur de 250 francs de l’époque, d’une petite cuisine, pour 500 francs, qui appartenaient à ma grand-tante Léa Slomoniki.
Madame la ministre, aujourd’hui, vous n’êtes pas seulement la ministre de la culture : vous êtes aussi la ministre de la justice. De cela, vous devez être remerciée.