Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er prévoit de déroger au « principe d’inaliénabilité des biens constituant les collections des musées de France » ; Bernard Fialaire y a fait référence. Ce projet de loi n’est donc pas anodin !
Alors qu’une loi vise le plus souvent à tenter d’améliorer une organisation sociale, à résoudre des problèmes, ce texte a une haute portée mémorielle, morale, civilisationnelle même.
Rappelons que le droit de propriété est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à l’article XVII, que vous connaissez tous : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé… »
Nous le savons tous, la folie nazie et la peste brune se sont nourries de la haine du juif, mais aussi de la jalousie que pouvait susciter cette communauté.
Une restitution, c’est une réparation, mais ce n’est pas une résurrection. Les familles des propriétaires spoliés, qui le furent souvent avant d’être déportés puis exterminés, sont évidemment très attachées à ce qui est mis en œuvre aujourd’hui. Il est certainement bien tard pour y procéder, mais, par ce texte, la République peut non seulement « apaiser » quelques fantômes, mais aussi et surtout rappeler ce que fut le cauchemar national-socialiste dans son totalitarisme diabolique, avec la complicité d’un gouvernement collaborationniste indigne.
Elie Wiesel a écrit que l’oubli était une seconde mort. N’oublions donc jamais jusqu’où l’homme a pu perdre l’âme, en Allemagne, en France, en Europe, de 1933 à 1945.
Comme l’a dit de façon très émouvante Nathalie Goulet, ce texte est un second pas, après celui qui a été franchi par Jacques Chirac en 1995.