Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est une erreur très commune, lorsqu’on fait face à un problème, de confondre la cause et l’effet : on accuse l’effet alors qu’il faudrait s’en prendre à la cause. C’est ce qui se produit quand, après qu’une alerte a été donnée, on dénonce celui ou celle qui l’a donnée au lieu de s’inquiéter du danger qu’elle révèle.
Voilà, en termes très généraux, l’écueil que nous nous proposons de corriger.
En adoptant aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur deux textes importants, la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, nous ferons – j’en suis sûr – œuvre utile.
Le principe est simple : il s’agit de renforcer le cadre légal de leur protection. Cela concerne tous ceux qui, au sein d’une entreprise, d’une organisation ou même d’une administration, prennent leur courage à deux mains, acceptent d’aller au-devant des difficultés, rompent avec la règle d’un collectif au service de l’intérêt général.
Le rôle de ces lanceurs d’alerte est crucial dans nos sociétés. Ces derniers nous rappellent à une forme d’engagement individuel, de dépassement de soi au service d’un intérêt supérieur. Nous devons donc leur offrir un cadre législatif sécurisant et adapté aux problématiques qu’ils peuvent rencontrer au cours de leurs démarches.
Ce faisant, nous tirons tous les enseignements des expériences passées et de parcours emblématiques, comme celui d’Irène Frachon, qui a déclenché le scandale du Mediator.
Mais surtout, nous transposons dans notre droit une nouvelle directive européenne. Il s’agit donc de renforcer le cadre prévu par la loi Sapin 2, déjà très rigoureux, qui avait fait de la France – cela vient d’être souligné – une référence en matière d’arsenal juridique dans ce domaine. Certaines de ces mesures sont renforcées par les deux textes que nous adopterons aujourd’hui.
Je remarque également que la proposition de loi, dans sa version issue de la commission mixte paritaire, va plus loin encore que ce que prévoit la directive européenne.
Ainsi, le texte vise à protéger les facilitateurs, qui jouent bien souvent un rôle clé dans les démarches entreprises par les lanceurs d’alerte, comme l’exigeait la directive.
Cependant, le texte européen se restreignait au cas des personnes physiques, alors que la nouvelle version de notre texte prévoit aussi la protection des facilitateurs sous la forme de personnes morales.
À ce propos, je tiens à couper court à une mauvaise idée qui a circulé à propos du texte.
Vouloir protéger les lanceurs d’alerte, ce n’est pas leur donner un blanc-seing en toutes circonstances ni encourager à la dénonciation, voire à la délation. C’est poser un cadre clair, où le statut du lanceur d’alerte est mieux défini, où les pratiques de dissuasion ou d’intimidation à son encontre sont mieux caractérisées et plus lourdement sanctionnées, où des points de contact clairement identifiés sont mis en place et où des procédures sont explicitées pour sécuriser les démarches sans verser dans l’écueil d’une société au sein de laquelle tout serait sans cesse dénoncé.
À cet égard, je regrette la suppression de l’article 4 bis, proposé sur l’initiative du Sénat, qui prévoyait pour les abus en matière de lancement d’alerte le même régime de sanction que pour les dénonciations calomnieuses, à savoir cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Cela aurait eu le mérite de clarifier les choses, donc d’éviter la délation.
De même, certains domaines ont été exclus du lancement d’alerte : la défense nationale, le secret médical et le secret de l’avocat. Ces garde-fous nous paraissent de bon aloi, car les alertes ne doivent pas mettre en danger les citoyens, que la loi vise également à protéger. Ce serait un comble que ce nouveau cadre juridique porte atteinte à la sécurité des Français.
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail des textes ayant fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. Je tenais toutefois à rappeler que le groupe Les Indépendants se félicite de leur adoption. Elle conduira, j’en suis certain, à mieux définir et mieux valoriser la figure du lanceur d’alerte dans notre société.