Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons plutôt mal 2022. Le Sénat aurait pu prendre de bonnes résolutions, mais c’était sans compter la motion tendant à opposer la question préalable, qui met directement un terme à l’examen de ce texte en nouvelle lecture. Sans surprise, la commission mixte paritaire n’a pas été conclusive. Hélas, le conservatisme est un terrain qu’il faut labourer sans cesse, avec patience et détermination.

Il ne s’agit pas seulement de rallonger le délai légal de l’IVG en le faisant passer de douze à quatorze semaines. On parle de parcours de femmes pour qui avorter est non pas un choix, mais une nécessité.

Nombreux sont les obstacles : pressions sociale et familiale, violences au sein du couple, humiliations, sans parler des professionnels de santé qui opposent leur clause de conscience et se permettent des jugements qui fragilisent encore plus ce droit fondamental. L’IVG n’est pas un acte anodin. Chaque femme ayant eu recours à cette pratique pourra témoigner de sa douleur psychique, parfois même physique. J’entends certains réfractaires à ce texte parler de bioéthique, alors même que le CCNE a statué en faveur de l’allongement, considérant qu’il n’y avait aucune évolution majeure du fœtus durant ces deux semaines supplémentaires.

Le droit à l’avortement n’est pas entièrement effectif en France.

Il faut savoir que certains territoires sont complètement dépourvus de centres IVG et que d’autres dont confrontés à des fermetures. Des femmes font parfois plus de cent kilomètres pour pouvoir avorter. Dans un pays comme la France, on ne peut tolérer cette inégalité. Il est de notre devoir de permettre à ces femmes de choisir leur avenir et de ne pas les condamner à une grossesse forcée.

J’aimerais terminer sur ces mots de Gisèle Halimi : « Voulez-vous contraindre les femmes à donner la vie par échec, par erreur, par oubli ? Est-ce que le progrès de la science n’est pas précisément de barrer la route à l’échec, de faire échec à l’échec, de réparer l’oubli, de réparer l’erreur ? C’est cela le progrès. C’est barrer la route à la fatalité. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion