Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte sanitaire particulièrement difficile pour notre système de santé, après deux ans d’une pandémie ininterrompue, qui laisse encore derrière elle de nombreux patients en réanimation – j’en profite pour rendre hommage une nouvelle fois aux soignants –, que nous examinons, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à reporter la possibilité d’avorter à seize semaines d’aménorrhée, soit quatorze semaines de grossesse au lieu de douze. Je rappelle que le délai légal était de dix semaines en 2001.

Environ 230 000 IVG sont réalisées aujourd’hui en France, soit une interruption pour trois grossesses.

Nous savons que chaque avortement est un drame et nous devons prévoir les moyens nécessaires pour que toutes les femmes soient accompagnées sur tout le territoire.

Néanmoins, plusieurs éléments sont à garder à l’esprit concernant les principales mesures de ce texte.

Tout d’abord, je tiens à rappeler en ce qui concerne l’allongement du délai légal de l’IVG à quatorze semaines que l’acte n’est pas le même à ce stade de la grossesse. Il ne se réalise pas dans les mêmes conditions et n’emporte pas les mêmes risques, physiques et psychiques, pour la femme.

Entre la douzième et la quatorzième semaine, l’embryon devient un fœtus et passe de 70 à 130 millimètres. L’organogénèse s’accélère et le fœtus se forme.

La pratique de l’IVG devient plus difficile, car elle implique la dilatation du col de l’utérus, avec un risque de complication hémorragique. Si de telles complications demeurent heureusement peu fréquentes, la probabilité de leur survenue n’est pas négligeable. Surtout, le risque s’accroît nettement par rapport à une IVG réalisée avant la douzième semaine de grossesse.

Certains praticiens refuseront d’ailleurs de réaliser cet acte au bout de quatorze semaines de grossesse. Je suis moi-même personnellement favorable à ce que le délai légal de l’IVG reste fixé à douze semaines et ne souhaite pas qu’on l’allonge de deux semaines.

Il est illusoire de vouloir forcer des médecins à pratiquer cet acte. Heureusement, ils n’y seront pas obligés : la clause de conscience est maintenue, et le médecin devra communiquer sans délai le nom d’un praticien susceptible de réaliser l’IVG.

Je partage certains éléments du diagnostic établi par les auteures de la proposition de loi, notamment sur les inégalités territoriales d’accès à l’IVG. Il faut améliorer la prévention et l’information sur les moyens de contraception, tant féminine – elle est parfois présentée par certains comme dangereuse – que masculine.

Rembourser aux femmes âgées de moins de 25 ans leur contraception est une bonne mesure.

Dans les prochaines années, nous devrons améliorer l’offre de soins dans l’ensemble du territoire, afin de maintenir le délai effectif de recours à l’IVG en deçà de douze semaines.

C’est pourquoi je suis favorable aux mesures qui visent à faciliter de façon concrète l’accès à l’IVG sans modifier le délai légal. Ainsi, la suppression du délai de réflexion imposé à toute femme souhaitant avorter est essentielle lorsque la durée de la grossesse a atteint douze semaines.

En renforçant les compétences des sages-femmes, afin qu’elles soient capables de réaliser des IVG médicamenteuses et instrumentales comme les médecins, on vise à augmenter le nombre de praticiens disponibles, de sorte que le délai de l’IVG ne dépasse pas douze semaines. Cette mesure va aussi dans le bon sens.

En tout état de cause, nous devrons renforcer les politiques de prévention auprès des plus jeunes, notamment au collège et au lycée, et tout leur expliquer. En effet, que l’interruption intervienne au bout de quatre, six ou douze semaines de grossesse, il faut garder à l’esprit la phrase de Simone Veil : « L’avortement est toujours un drame. »

Je le redis, nous devrons enfin trouver les moyens de maintenir le délai de réalisation des IVG en deçà de douze semaines de grossesse.

Une majorité des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires n’est pas favorable à ce texte. Cela étant, certains d’entre eux s’abstiendront, car ils ne souhaitent pas voter une motion tendant à opposer la question préalable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion