Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 21 février 2022 à 17h00
Fonction publique des communes de polynésie française — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Polynésie française, ce sont 48 communes réparties sur 121 îles, dont 76 sont habitées, sur un territoire plus grand que celui de l’Europe. C’est dire si ses spécificités sont nombreuses !

Je me souviens d’ailleurs du témoignage de maires de ce territoire, qui m’expliquaient que, pour aller d’un bout à l’autre de leur commune, il fallait franchir quelque 70 ou 80 kilomètres, passer d’une île à une deuxième, puis à une troisième. Il s’agit de conditions tout à fait particulières.

Voilà donc un beau pays – je le dis devant notre collègue Mme Lana Tetuanui, qui représente ce territoire et que nous saluons –, mais un pays à la très grande originalité ! Or, si la République française est une, elle doit bien sûr prendre en compte les spécificités de tous les territoires, notamment de ses territoires ultramarins.

À cet égard, la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française a eu un effet très bénéfique, en donnant un statut aux communes de Polynésie française.

Plus tard, en 2017, il y a eu ce mouvement de grève par lequel les fonctionnaires et contractuels des communes de Polynésie française ont voulu exprimer leurs revendications. Une concertation a suivi, concertation réelle, d’ailleurs étendue dans le temps et qui s’est avérée utile puisqu’elle a abouti, monsieur le ministre, à l’ordonnance du 8 décembre 2021.

Celle-ci permet – et permettra quand la loi sera votée – de transposer un certain nombre de dispositions relatives à la fonction publique territoriale aux communes de Polynésie française. Elle permet aussi, peut-être trop timidement dans certains domaines, d’adapter ces dispositions à un territoire dont j’ai dit succinctement – mais on pourrait être plus long – combien il avait de particularités.

Ce texte comporte évidemment des aspects très positifs. Il renforce les prérogatives du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française. Il crée des commissions administratives et une commission consultative paritaires. Il favorise l’accès à la fonction publique communale.

Notre rapporteur Mathieu Darnaud, que je salue, a présenté des dispositions améliorant le texte, notamment en matière d’accueil des personnes handicapées dans la fonction publique territoriale de Polynésie française. Je pense aussi aux dispositions qui permettront de recueillir l’avis des commissions administratives paritaires en matière d’avancement et de mutation des personnels. Je pense encore aux pouvoirs accrus des comités techniques paritaires.

Le texte comprend donc des mesures positives, améliorées par le travail de la commission des lois.

Nous avons été un peu surpris, monsieur le ministre, que le Gouvernement propose la ratification de l’ordonnance, nous laisse conduire le travail en commission, puis, brusquement, retire le texte de l’ordre du jour. Étonnés, nous nous sommes dit la chose suivante : quand le pouvoir exécutif faiblit, le pouvoir législatif doit exercer ses prérogatives. Aussi avons-nous demandé l’inscription de ce texte à l’ordre du jour, demande acceptée par la conférence des présidents, ce qui nous vaut le plaisir de nous retrouver dans cet hémicycle en ce lundi après-midi.

Ce texte nous semble pouvoir être amélioré sur trois points.

Sur le plan social, nous regrettons que les dispositions prévues à l’origine dans le texte aient été « rétrécies » par la commission des lois. Alors que les communes pouvaient initialement s’intéresser aux conditions de logement des personnels, cette mesure a disparu. Nous proposerons son rétablissement par amendement.

Se pose ensuite la question de la déontologie et des conflits d’intérêts. Sans vouloir caricaturer ou trop résumer ses propos, notre collègue spécialiste de ce territoire, Mme Lana Tetuanui, nous a expliqué que tout le monde se connaissait en Polynésie, que tout le monde s’entendait bien et que, de ce fait, il n’était sans doute pas nécessaire de parler de conflit d’intérêts, que cela n’existait pas.

Nous appelons néanmoins à la vigilance. Bien se connaître n’est pas une raison pour se priver de toute règle en matière de conflits d’intérêts. Au contraire, c’est peut-être parce que l’on se connaît bien qu’il faut encore plus veiller à éviter ce genre de conflits.

Aussi nous proposerons, par amendement, de rétablir les règles relatives à la déontologie et cette vigilance à l’égard des conflits d’intérêts. Je crois d’ailleurs avoir compris, lors de la réunion de commission qui vient de se tenir, que nous pourrions aboutir sur ce sujet, ce dont je me réjouirais.

Enfin, monsieur le ministre, une question nous préoccupe : alors qu’il était inscrit dans le texte initial que la valeur de la laïcité s’imposait au personnel des communes de Polynésie française, à l’issue d’un débat en commission, celle-ci a préféré retenir le terme « neutralité ».

Nous sommes très attachés à ce que la laïcité soit mentionnée. Inscrite, comme vous le savez, à l’article premier de la Constitution, il s’agit d’une valeur de tolérance – je tiens à le dire – et de respect, permettant à tous de vivre ensemble, quelles que soient les convictions, les croyances ou l’absence de croyance des uns et des autres.

Nous considérons que cette valeur positive doit s’appliquer dans tous les territoires de la République. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous serons très attentifs à la position que vous exprimerez au nom du Gouvernement sur les trois amendements identiques déposés afin de rétablir cette notion. Nous demanderons un scrutin public à l’occasion de ce vote, afin que chacun puisse se prononcer.

Nous avons, bien entendu, toutes les raisons de voter pour ce texte. La seule raison qui nous empêcherait de le faire serait le maintien du retrait de cette notion de laïcité.

Allant de pair avec la liberté, l’égalité et la fraternité, la laïcité doit tous nous réunir.

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