Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 21 février 2022 à 17h00
Fonction publique des communes de polynésie française — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des années on entretient ce discours : les fonctionnaires seraient trop nombreux et trop protégés ; ils ne seraient pas assez efficaces. Cette incantation imprègne les mentalités : à force d’entendre parler de la fonction publique sous le seul angle des effectifs, nos concitoyens finissent par y croire ou par douter.

Le gouvernement actuel a nourri ce discours, avec ses objectifs initiaux de réduction des effectifs et sa loi de transformation de la fonction publique. Contractualisation, privatisation, précarisation et réduction du dialogue social ont été au programme.

Alors que la crise liée à la covid a mis un frein au dénigrement des fonctionnaires, il est primordial de reconnaître leur valeur au quotidien et de défendre leur place au côté du privé, qui n’a pas vocation à empiéter sur le public.

Qu’ils soient de métropole ou de nos outre-mer, les fonctionnaires se sont unis pour dénoncer non seulement ces attaques, mais aussi leurs conditions de travail, qu’il s’agisse du gel du point d’indice, du rétablissement de la journée de carence ou des suppressions de postes.

À l’affaiblissement général de leur pouvoir d’achat, les fonctionnaires grévistes de Polynésie ont ajouté des revendications précises, comme l’instauration d’une indemnité de départ volontaire, le maintien des droits acquis avant l’intégration dans la fonction publique communale ou encore des majorations de congés annuels spécifiques.

La fonction publique des quarante-huit communes de Polynésie française est récente : elle a été organisée en vertu de l’ordonnance de 2005, donnant un statut de droit public à ses agents. Ce nouveau statut uniforme leur permet de bénéficier de droits similaires à ceux des fonctionnaires publics territoriaux de métropole et leur confère les mêmes obligations.

Cette importante transformation statutaire nécessite des adaptations et des actualisations, comme celles détaillées dans l’ordonnance de 2021, dont la ratification nous est proposée aujourd’hui.

Mes chers collègues, vous connaissez notre désamour pour ce format à la disposition de l’exécutif. Mais nos travaux ont ceci de particulier que le Gouvernement a inscrit le présent texte à notre ordre du jour avant de le retirer sans réelle explication. Le Sénat a donc décidé de le remettre à son agenda.

L’ordonnance proposée par le Gouvernement permet des avancées qui semblent faire consensus localement et qui visent à améliorer le statut des agents communaux. Je pense à diverses mesures protectrices de nature déontologique, aux dispositions permettant de lutter contre les discriminations, les agissements sexistes et le harcèlement, ou encore à l’extension du congé parental.

Ces droits, comme les obligations qui les accompagnent, font sens et rendent homogènes les statuts des fonctionnaires de l’ensemble de la République, bien que la Polynésie française soit une collectivité particulière dotée d’une grande autonomie de fonctionnement.

Comme le prévoit l’article 14 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les règles relatives à la fonction publique communale relèvent de la compétence des autorités de l’État. L’extension de dispositions du droit commun en Polynésie nous conduit d’ailleurs à réfléchir aux limites de l’adaptation locale.

L’examen en commission des lois a permis de modifier certaines dispositions qui nous avaient alertés, comme le recul de la compétence des instances de dialogue social. Il a également permis d’ajouter des mesures demandées localement, comme l’inscription dans le statut du télétravail.

Certes, nous pouvons entendre l’argument avancé pour retirer du texte les notions de conflit d’intérêts et de laïcité. Mais, avec tout le respect que nous portons à nos concitoyens polynésiens et aux spécificités locales, nous ne sommes pas favorables à ces retraits.

À nos yeux, ces dispositions représentent de réelles avancées pour la protection des fonctionnaires – nous y reviendrons, nous aussi, en défendant nos amendements.

Pour défendre cette mise à jour du statut des agents, le Gouvernement retrouve son ton habituel. Il encourage ainsi le recours aux contractuels, propose le rétrécissement du champ d’action des instances représentatives du personnel ou encore le remplacement de la notation par un entretien d’appréciation de la « valeur professionnelle », qui individualise les agents.

De même, on a pu regretter que ce texte aboutisse davantage à une adaptation au droit commun de métropole qu’à une réelle prise en compte des spécificités locales. D’ailleurs, certaines revendications des représentants syndicaux n’ont pas été retenues.

Néanmoins, cette ordonnance résulte d’un travail abouti, mené avec les acteurs locaux et les représentants syndicaux : le retrait de notre ordre du jour, annoncé à la dernière minute par le Gouvernement, traduit donc une forme de mépris. À ce titre, je salue la ténacité de notre collègue Lana Tetuanui.

La grande majorité des dispositions retenues permettent de valoriser la fonction publique communale, et la patte de la commission des lois a permis de revenir sur des mesures insatisfaisantes.

Tout en rappelant ses limites, tout en soulignant la nécessaire revalorisation générale du statut de la fonction publique et des droits des fonctionnaires, nous considérons que ce texte est utile. Il permettra en effet de premières avancées, qui devront être complétées par un travail continu entre les acteurs locaux et le Gouvernement, lequel se doit d’être à leur écoute. C’est la raison pour laquelle nous voterons ce projet de loi !

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