Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ia ora na.
L’examen du projet de loi portant ratification de l’ordonnance relative à la fonction publique des communes de Polynésie française est un moment attendu tant par les élus communaux de notre collectivité que par l’ensemble des 4 600 agents concernés, c’est-à-dire ceux soumis à ce statut, de création récente.
Permettez-moi tout d’abord de vous rappeler brièvement que les communes de Polynésie sont, dans le paysage institutionnel, des collectivités relativement nouvelles. En effet, quarante-cinq des quarante-huit communes existantes ont été créées par une loi de 1971 et n’ont commencé à fonctionner que vers la fin des années 1970.
Certes, ces collectivités se sont substituées aux districts ; mais ces dernières structures n’étaient pas dotées de la personnalité morale. Destinées avant tout à exécuter les décisions du gouverneur et de l’administration de l’État, elles ne disposaient que de quelques agents d’exécution.
Depuis lors, heureusement, les choses ont bien changé. L’institution communale, dotée de compétences effectives, œuvre au bien-être de nos populations, tout particulièrement dans les communes éloignées de l’île principale de Tahiti, au cœur d’archipels parfois situés à plus de 1 000 kilomètres du chef-lieu de notre collectivité.
En effet, dans la très grande majorité de nos îles, il n’y a pas d’autre administration que l’administration communale. La collectivité d’outre-mer est certes déconcentrée, mais elle ne peut être présente dans toutes les communes.
Bref – on l’aura compris –, ici plus qu’ailleurs, la commune est un rouage essentiel pour nos concitoyens.
Toutefois, jusqu’en 2005, le personnel communal était soumis à un statut de droit privé qui différait d’une commune à l’autre. Cette hétérogénéité statutaire était source de conflits et de nombreuses revendications ; une telle situation n’était guère propice à la mobilité des agents et, tout simplement, au bon fonctionnement de cette administration de proximité pourtant indispensable.
Dès lors, l’ordonnance du 4 janvier 2005 a créé un statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ; mais il a fallu attendre encore six années pour qu’il soit effectif. En effet, les textes d’application de l’ordonnance ne sont intervenus que tardivement. C’est pourquoi il a fallu reprendre l’ensemble de ce statut, qui, sans avoir été appliqué, était déjà devenu obsolète.
C’est à la suite d’un large mouvement de contestation de la part des agents, au cours de l’année 2017, que fut prise la décision de toiletter ce statut afin de le rendre plus attractif tout en le modernisant.
Ainsi, le Gouvernement avait déjà consulté la Polynésie française sur un projet d’ordonnance au cours de l’année 2018. Il me paraît important de rappeler ici les nombreux échanges entre les différents partenaires et les autorités parisiennes, et surtout l’important travail rendu par les élus et les représentants du personnel.
Or, à la fin de l’année 2020, nous constations que ce projet n’était toujours pas adopté. C’est pourquoi, en mai 2021, à la demande des membres du Conseil supérieur de la fonction publique communale, j’ai déposé une proposition de loi visant à adapter et à moderniser le statut de la fonction publique communale polynésienne.
Toutefois, ignorant cette proposition de loi, le Gouvernement nous a fait parvenir en juillet 2021 un nouveau projet d’ordonnance afin que les principes de la fonction publique territoriale métropolitaine soient introduits dans notre statut de la fonction publique communale.
Ladite ordonnance était finalement adoptée en décembre dernier et la Haute Assemblée saisie pour que nous puissions enfin, le 8 février, voter ce texte de loi en procédure accélérée. Mais le 27 janvier, contre toute attente, le Gouvernement faisait machine arrière et retirait de notre ordre du jour ce projet de loi de ratification sans que l’on sache pourquoi.
M. le questeur Jean-Pierre Sueur et les membres de la commission lois sont alors intervenus, ainsi que le président du Sénat lui-même : je les en remercie vivement. C’est grâce à eux que le présent texte a été réinscrit à notre ordre du jour.
Le projet de loi soumis à notre examen vise à étendre certains des principes de la fonction publique territoriale métropolitaine à notre fonction publique communale.
En soi, cette extension de dispositions métropolitaines est certainement une bonne chose. Pour autant, l’on ne peut agir en la matière que dans le respect des organisations particulières, qui plus est pour une collectivité d’outre-mer. Nombre de dispositions doivent être adaptées aux intérêts propres de la Polynésie.
Monsieur le ministre, je me réfère aux propos que vous avez tenus lors du congrès des maires de Polynésie, à Rikitea, dans l’archipel des Gambier.
Dans l’ensemble, tel a bien été le cas de l’ordonnance du 8 décembre 2021, dont certaines avancées sont à saluer. Mais il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de ses dispositions ne respectent pas nos spécificités : c’est pourquoi nous sommes convenus d’amender plusieurs articles de ce texte.
Mes chers collègues, les modifications qui vous sont proposées aujourd’hui sont le fruit d’un consensus entre les membres du Conseil supérieur de la fonction publique des communes polynésiennes, sous l’égide du Centre de gestion et de formation. C’est dire si, sur ce dossier, la Polynésie française parle d’une seule voix.
La première modification que nous appelons de nos vœux est également la plus importante. Il s’agit de la neutralité des agents, qui figure déjà dans l’ordonnance de 2005 et qu’il est désormais question de compléter par l’application expresse du principe de laïcité.
L’ordonnance va jusqu’à décliner la mise en œuvre du principe de laïcité en donnant au chef de service l’obligation de la faire respecter, y compris par la voie disciplinaire.
Nous touchons là au ciment de la culture polynésienne : nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles.
Mes autres amendements ont, hélas ! été écartés par la commission des finances : ils sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution, qu’il s’agisse du droit d’option ouvert à l’ensemble des agents n’ayant pas encore obtenu le statut de la fonction publique communale ; de la possibilité pour nos communes de mettre en place un dispositif de départ anticipé pour certains de leurs agents, lequel est déjà applicable dans le droit commun ; ou encore du principe consistant à protéger l’investissement des communes dans la formation du personnel des cadres d’emplois A et B.
Monsieur le ministre, j’aurais souhaité que le Gouvernement reprenne ces dernières dispositions : vous auriez ainsi témoigné de votre solidarité envers les élus polynésiens.
Mes chers collègues, malgré toutes les réserves que je viens d’émettre et l’incertitude sur la position du Gouvernement, les membres du groupe Union Centriste voteront ce texte. Nous vous invitons à faire de même.