Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 18 janvier 2011 à 14h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous débutons aujourd’hui l’examen en deuxième lecture du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, ou LOPPSI 2, après son second examen par l’Assemblée nationale au cours du mois de décembre.

De nombreuses dispositions font, à ce stade, l’objet d’un accord entre nos deux assemblées.

Concernant l’encadrement des fichiers d’antécédents judiciaires et d’analyse sérielle, l’Assemblée nationale n’a pas apporté de modification de fond au dispositif adopté par le Sénat.

Il en va également ainsi de la plus grande partie des dispositions relatives à la vidéosurveillance, figurant à l’article 17.

Je vous rappelle qu’alors que le projet de loi déposé par le Gouvernement attribuait le contrôle des dispositifs aux commissions départementales et à la Commission nationale de la vidéoprotection, la CNV, le Sénat avait introduit la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, dans le dispositif, estimant que son expérience en matière de libertés publiques la qualifiait en la matière. Cette modification a été globalement approuvée par l’Assemblée nationale.

De même, une partie non négligeable du chapitre relatif à la sécurité quotidienne et à la prévention de la délinquance, introduit par l’Assemblée nationale, avait été approuvée par le Sénat, et n’a pas été modifiée de manière sensible par l’Assemblée nationale en seconde lecture. C’est le cas des dispositions relatives au couvre-feu de portée générale décidé par le préfet pour des mineurs de 13 ans ou encore de celles qui concernent le règlement intérieur destiné à encadrer les échanges d’informations au sein des groupes de travail des CLSPD, les conseils locaux de sécurité et de la prévention de la délinquance.

Le Sénat avait également adopté en termes identiques ou avec des modifications d’ordre rédactionnel la plupart des articles relatifs à la sécurité routière. L’Assemblée nationale n’a pas opéré de nouvelle modification substantielle, sauf pour un article. Il s’agit des dispositions relatives aux permis à points introduites par notre collègue Alain Fouché. Initialement, le délai de récupération de la totalité des points du permis était abaissé à un an au lieu de trois. La commission des lois de l’Assemblée nationale a décidé d’adopter une position intermédiaire en le portant à deux ans.

En séance publique, un nouvel amendement a été adopté qui vise à introduire une exception pour les délits routiers et les contraventions les plus graves : pour ces infractions, le délai restera fixé à trois ans. Par ailleurs, l’Assemblée nationale a accru les possibilités de faire des stages de récupération de points. Au total, ces dispositions ont paru équilibrées à la commission des lois, qui n’a pas souhaité les modifier une nouvelle fois.

Le Sénat avait par ailleurs globalement donné son accord aux dispositions introduites par la commission des lois de l’Assemblée nationale et relatives à la police municipale. Il avait ainsi approuvé l’attribution de la qualité d’APJ, c'est-à-dire d’agent de police judiciaire, aux directeurs de police municipale, la participation des policiers municipaux aux contrôles d’identité sous l’autorité d’un OPJ, c'est-à-dire d’un officier de police judiciaire, ou encore la simplification des règles d’agrément pour les agents de police municipale.

Le Sénat avait également étendu le champ d’application de la disposition prévoyant la participation des policiers municipaux aux dépistages d’alcoolémie. L’Assemblée nationale n’a apporté en seconde lecture que des amendements rédactionnels à ces articles.

Enfin, de nombreuses dispositions introduites par le Sénat sur l’initiative du Gouvernement ont été approuvées par l’Assemblée nationale. C’est le cas des mesures destinées à lutter contre les violences dans les stades ou dans les transports. Sur ce dernier point, néanmoins, la commission a supprimé une disposition introduite par l’Assemblée nationale en seconde lecture et qui déséquilibrait les règles relatives aux contrôles d’identité fixées par le code de procédure pénale.

Toutefois, l’Assemblée nationale a également profondément amendé certaines dispositions introduites par le Sénat ou refusé les modifications apportées par la Haute Assemblée aux dispositifs qu’elle avait introduits.

Ainsi, lors de l’examen du projet de loi par le Sénat en séance publique, le Gouvernement avait souhaité que le dispositif des peines planchers soit étendu aux primo-délinquants auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec la circonstance aggravante de violences.

Notre commission s’y était opposée, considérant notamment que ce dispositif présentait un risque de contrariété à la Constitution. À cette occasion, elle avait également réaffirmé son attachement à la cohérence de l’échelle des peines, ainsi qu’au pouvoir d’appréciation des juges. Pour ces raisons, nous avions émis un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.

Sensibles à ces arguments, nos collègues Gérard Longuet et Jacques Gautier avaient proposé de sous-amender l’amendement du Gouvernement afin de limiter son champ aux violences les plus graves. Le dispositif, ainsi sous-amendé, avait été adopté par le Sénat.

En seconde lecture, les députés sont largement revenus au dispositif initialement souhaité par le Gouvernement et l’ont même étendu à un certain nombre d’infractions supplémentaires, comme les violences sans circonstance aggravante.

En outre, s’agissant des conditions dans lesquelles les peines ainsi prononcées pourraient être aménagées, les députés ont adopté un amendement de leur commission des lois tendant à revenir au droit antérieur à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui a posé le principe de l’aménagement des peines égales ou inférieures à deux ans d’emprisonnement.

Dans la mesure où cet article présentait en l’état un risque d’inconstitutionnalité, qu’il faisait de l’emprisonnement des mineurs la règle dans de nombreux cas et qu’il remettait en cause certains principes essentiels de la loi pénitentiaire alors même que les décrets d’application de ce texte viennent tout juste d’être adoptés, votre commission des lois est revenue au texte voté par le Sénat en première lecture, lequel réserve le dispositif de peines planchers aux auteurs des violences les plus graves.

L’Assemblée nationale a également souhaité revenir aux dispositions proposées par le Gouvernement et relatives à la possibilité de poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants par la voie d’une convocation par OPJ. En première lecture, ces dispositions avaient été rejetées par notre commission et n’avaient été adoptées par le Sénat qu’après avoir été complétées par un sous-amendement, qui avait eu pour objet de restreindre leur champ d’application.

Compte tenu du retour opéré par l’Assemblée nationale aux propositions rejetées par la commission des lois, celle-ci est également revenue au texte voté par le Sénat.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’article 23 ter relatif à l’allongement de la peine de sûreté pour les auteurs de meurtre ou d’assassinat contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, les députés sont revenus à la rédaction proposée initialement par le Gouvernement. En effet, les dispositions introduites par celui-ci avaient été sous-amendées par MM. Jean Jacques Hyest, Gérard Longuet et Nicolas About, afin que, comme tel est le cas pour les meurtres ou assassinats concernant les mineurs de 15 ans, l’allongement de la peine de sûreté ne vise que les crimes accompagnés d’une circonstance aggravante. Il était ainsi précisé que le meurtre devait être commis en bande organisée ou avec guet-apens. L’Assemblée nationale ayant écarté toute référence à une circonstance aggravante, la commission des lois est revenue au texte élaboré par le Sénat en première lecture, en retenant la préméditation comme circonstance aggravante.

Enfin, d’autres désaccords entre nos deux assemblées portent sur les dispositions relatives à la sécurité quotidienne.

Les députés ont ainsi rétabli les dispositions qu’ils avaient introduites en première lecture concernant la possibilité pour le préfet de décider d’un couvre-feu à l’encontre d’un mineur déjà condamné, ou relatives à l’information du président du conseil général et du préfet par le procureur de la République sur les poursuites et les condamnations dont font l’objet les mineurs dans le département.

Dans la mesure où ces dispositions présentaient un risque d’inconstitutionnalité et semblaient en outre d’application très difficile, la commission des lois est revenue au texte du Sénat.

Par ailleurs, les députés ont introduit deux dispositions totalement nouvelles. La première étend l’imprescriptibilité aux crimes se traduisant par une disparition d’enfant. La seconde vise à singulariser la situation des étrangers reconnus coupables d’un crime, en contraignant les jurés des cours d’assises à se prononcer sur leur droit au séjour, dans le respect des limitations édictées par la loi du 26 novembre 2003.

Dans la mesure où elle considère qu’il est préférable de réserver le caractère exceptionnel de l’imprescriptibilité aux crimes contre l’humanité et où le droit positif permet d’ores et déjà de répondre largement aux préoccupations exprimées en la matière, la commission a supprimé la disposition qui étendait l’imprescriptibilité aux crimes se traduisant par une disparition d’enfant.

Voilà tracés, mes chers collègues, les grands axes des modifications adoptées par la commission des lois dans la perspective de la seconde lecture de ce projet de loi, que je vous demande d’adopter.

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