Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 22 février 2022 à 21h30

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quel est l’intérêt de ce texte ?

Il nous permet tout d’abord de dresser un constat : la France est effectivement en train de régresser pour ce qui concerne le développement et la production de thérapies innovantes. Les groupes industriels, comme Sanofi, et nos instituts publics de recherche, qui, eux, manquent cruellement de moyens, n’ont pas réussi à développer des solutions vaccinales aussi rapidement que d’autres pays.

Je ne vous refais pas l’histoire, car elle est connue et nourrit une petite musique décliniste qui devient, hélas, trop familière ; la course au vaccin n’est que la partie émergée de l’iceberg.

En matière de biotechnologies et de biotechs, c’est vrai, la France n’est plus à la pointe de l’innovation, mais l’un des effets positifs de cette pandémie est que l’État français prend enfin la recherche médicale au sérieux. Il était temps ! Le Gouvernement a ainsi investi plus de 7 milliards d’euros du plan de relance dans les biotechnologies dans le cadre du plan Innovation Santé 2030. C’est une bonne chose.

Cependant, on entend désormais un autre refrain tout aussi problématique : l’innovation médicale deviendrait un enjeu de compétition économique entre puissances scientifiques, bien plus qu’un enjeu de santé.

L’amélioration du bien-être des individus, que ce soit en France ou à l’échelon mondial, serait un objectif qu’il faudrait certes toujours atteindre, mais qui ne serait plus qu’un parmi tant d’autres. Je crains que ce soit la logique qui sous-tende cette proposition de loi.

Ce modèle conduit à des évolutions intrinsèques. Le patient devient l’agent de sa propre santé, et le médecin devient de plus en plus un technicien dans un cadre institutionnel toujours plus guidé par les impératifs d’efficacité économique et de performance administrative. La logique de soins s’éloigne.

Cela étant, la médecine personnalisée et les biotechnologies recèlent des promesses de progrès médicaux majeurs pour nos concitoyens. Ainsi, en prenant en compte les caractéristiques biogénétiques, génétiques et épigénétiques dans le traitement de chaque individu, la médecine pourrait réaliser des progrès décisifs pour lutter contre le diabète, certains cancers ou maladies génétiques rares.

Dans ce contexte, comment faire advenir des avancées médicales vertueuses pour toutes et tous ?

Tout d’abord, j’attire votre attention sur un point : acheter des résultats rapides, en investissant massivement dans quelques superstars, est un leurre. La recherche – tel est son b.a.-ba – fonctionne sur le temps long. Elle repose sur un travail de fond et l’exploration de voies originales qui ne paraissent pas immédiatement fructueuses commercialement.

Or la recherche est aujourd’hui chroniquement sous-financée dans notre pays. Nous ne sortirons pas de l’ornière tant que 2, 2 % de notre PIB seulement lui sera consacré. À titre de comparaison, cet effort s’élève à 3, 1 % en Allemagne et à 2, 8 % aux États-Unis.

La recherche est une affaire de coopération, une affaire globale. De plus en plus, les enjeux liés à la recherche doivent se penser et être coordonnés au niveau européen, pour que celle-ci soit réellement efficace. La prochaine étape est donc, nous semble-t-il, de parvenir à concilier nos plans d’actions et d’investissement avec ceux de nos voisins européens.

Je tiens à affirmer dès maintenant l’importance d’une notion clé, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir lors de la discussion des amendements du groupe écologiste : la démocratie sanitaire.

Il s’agit, d’une part, de permettre aux citoyens et à la société civile d’être impliqués dans les prises de décision, et, d’autre part, de faire en sorte que les décisions relatives aux soins, aux médicaments et aux traitements soient prises avec un maximum de transparence.

Le risque est que les citoyens perdent confiance dans les mécanismes et le bien-fondé des décisions prises à cause de la technicisation et de la complexification croissante des enjeux liés à la santé. Nous avons, hélas, pu le constater ces derniers mois. C’est en tout cas sous ce prisme que nous abordons ce texte.

La présente proposition de loi, essentiellement technique, comporte toutefois des avancées indéniables. Je tiens notamment à saluer le travail de nos collègues sur les articles encadrant le Health Data Hub voulu par le Gouvernement.

La sécurisation des données de santé de nos concitoyens est essentielle. En effet, réserver l’hébergement et la gestion de ces données à des acteurs européens permet de s’assurer que ce sont bien les législations nationale et européenne relatives à la protection des données individuelles qui s’appliquent.

Malgré des différences de fond avec le texte de la commission, force est de constater que cette proposition de loi est un motif d’espoir pour nos concitoyens, qui veulent accéder plus rapidement à des traitements innovants.

C’est pourquoi le groupe écologiste votera en faveur de ce texte.

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