Intervention de Nadine Bellurot

Réunion du 25 février 2022 à 9h30
Élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et amélioration des conditions sanitaires d'organisation des élections législatives — Adoption d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission modifiés

Photo de Nadine BellurotNadine Bellurot :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le contexte est en effet un peu particulier, pas seulement parce que nous sommes réunis salle Médicis et non dans l’hémicycle, mais surtout parce que se déroule, en Ukraine, au cœur de l’Europe, un conflit majeur. À cet égard, il peut sembler étonnant de débattre ce matin.

Il n’en demeure pas moins que la force de notre République et de notre pays réside dans la volonté de poursuivre le débat démocratique, malgré la conjoncture internationale.

Nous examinons la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d’organisation de l’élection présidentielle, ainsi que la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d’organisation des élections législatives dans le contexte lié à l’épidémie de covid-19, présentées par notre collègue Philippe Bonnecarrère et plusieurs de ses collègues. Je tiens à les remercier de cette initiative absolument indispensable dans un moment si proche d’élections capitales pour notre pays.

Ces deux textes proposent des éléments de réponse à des questions que le pouvoir exécutif a apparemment choisi, de manière assez difficilement compréhensible, de ne pas aborder. Le Gouvernement n’a en effet prévu aucune mesure pour tenir compte du contexte sanitaire et adapter les modalités d’organisation des scrutins à venir, pourtant majeurs pour la vie démocratique de notre pays.

Cette absence d’anticipation semble d’autant moins compréhensible que le Gouvernement, en prolongeant la possibilité de maintenir le passe sanitaire, désormais vaccinal, considère donc bien lui aussi que les circonstances sanitaires des élections à venir demeurent incertaines.

La persistance de l’épidémie de covid-19 pourrait en effet faire peser un risque important aussi bien sur la participation des électeurs aux scrutins présidentiel et législatifs que sur la sécurité sanitaire des personnes chargées de les organiser.

Par ailleurs, la question des conséquences de l’épidémie sur le déroulement de la campagne électorale et sur la tenue des meetings politiques et, plus généralement, la question de la couverture audiovisuelle de la campagne méritent également d’être posées.

La commission des lois partage donc pleinement les objectifs fixés dans ces deux textes.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je présenterai d’abord les dispositions communes à ces deux textes, avant d’aborder la disposition propre à la proposition de loi organique relative aux modalités d’organisation et de diffusion de débats avant le premier tour de l’élection présidentielle.

La commission des lois a tout d’abord souligné que les mesures communes correspondaient quasiment toutes à des dispositions déjà adoptées par le Parlement et mises en œuvre lors des élections locales et territoriales de 2020 et 2021 et qu’elles avaient par conséquent déjà pleinement démontré leur intérêt et leur efficacité.

Il en va ainsi de l’assouplissement des conditions de vote par procuration, qui passe par deux dispositions : l’ouverture du droit à la double procuration, d’une part, la facilitation de l’établissement des procurations à domicile, d’autre part.

Vous vous en souvenez, le droit pour chaque mandataire d’être porteur de deux procurations établies en France a été consacré à titre provisoire par la loi du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires. Cette disposition a été reconduite pour les élections départementales et régionales de 2021.

Cette mesure revêt un intérêt pratique indiscutable en facilitant, pour les électeurs ne souhaitant ou ne pouvant pas se déplacer au bureau de vote le jour de l’élection, la recherche de mandataires. Très concrètement, elle permet par exemple à un électeur de disposer d’une procuration pour ses deux parents ou ses deux grands-parents.

De manière quelque peu surprenante, si personne, je crois, parmi les élus et électeurs, ne conteste la pertinence d’une telle mesure, l’obstacle qu’oppose le ministère de l’intérieur est d’ordre technique… Le répertoire électoral unique, opérationnel, je le rappelle, depuis le 1er janvier 2022, a été en effet paramétré pour n’accepter qu’une seule procuration établie en France – un choix curieusement déconnecté de toute considération sanitaire et pratique, puisque nous sommes en pleine pandémie !

En tout état de cause, il ne revient pas au Parlement de légiférer en fonction des difficultés techniques qui se poseraient au ministère de l’intérieur en raison de son propre manque d’anticipation. C’est pourquoi la commission a adopté cette disposition de bon sens.

Les modalités liées à l’établissement des procurations à domicile sont aujourd’hui strictement encadrées. L’électeur doit en effet accompagner sa demande d’une attestation sur l’honneur de son incapacité à se déplacer dans une brigade de gendarmerie ou dans un commissariat de police en raison d’une maladie ou d’une infirmité grave ; il ne peut exprimer sa demande que par écrit. Les propositions de loi organique et ordinaire visent à reprendre le même dispositif que celui qui a été prévu lors du second tour des élections municipales de 2020, afin d’apporter à l’électeur plus de souplesse et de simplicité que ne lui offre le droit existant.

Ainsi, toutes les personnes vulnérables qui souhaitent éviter de prendre le risque d’une contamination pourront établir ou retirer une procuration depuis leur domicile. La commission a également adopté cette disposition, qui permettra elle aussi d’éviter que le contexte sanitaire ne constitue un frein à la participation électorale.

Par ailleurs, afin d’éviter une trop forte concentration des électeurs dans les bureaux de vote, les propositions de loi visent à ouvrir aux préfets la possibilité d’augmenter le nombre de bureaux de vote. Il s’agit là d’une mesure proposée par la commission des lois au mois d’octobre 2020 en vue des élections régionales et départementales qui étaient alors prévues au mois de mars 2021 ; elle avait à l’époque été adoptée par le Sénat, mais n’avait pas été retenue par l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, le code électoral oblige les préfets à fixer le périmètre des bureaux de vote avant le 31 août de l’année précédant le scrutin. Avec la disposition prévue par les deux propositions de loi, ils auront la possibilité, après cette date, de dédoubler ces bureaux de vote dans les communes. Il s’agit là d’un outil supplémentaire.

J’en viens à la disposition propre à la proposition de loi organique, relative à la couverture audiovisuelle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle.

Comme vous le savez, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la campagne électorale est encadrée par des conditions strictes, qui s’articulent en trois périodes : les médias doivent respecter, du 1er janvier au 7 mars, un principe d’équité, du 8 au 27 mars, un principe dit d’équité renforcée, enfin, pendant toute la période de la campagne officielle et jusqu’au vendredi précédant le second tour, un principe d’égalité stricte dans le traitement des temps d’antenne et des temps de parole des candidats.

Tout en s’inscrivant dans ce cadre, la proposition de loi organique prévoyait des dispositions complémentaires pour obliger l’ensemble des médias audiovisuels relevant de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à consacrer, chacun, au moins quatre heures d’antenne par semaine aux débats structurant l’élection présidentielle.

Cette proposition aurait pu poser des difficultés de mise en œuvre – la commission en a parlé avec l’auteur de ce texte. Elle mettait néanmoins en avant, à juste titre, la nécessité d’assurer une bonne information des électeurs.

C’est d’autant plus important que nous nous trouvons à six semaines d’une élection extrêmement importante pour la vie démocratique de notre pays et que tous les candidats ne sont pas officiellement déclarés.

À cette fin, la commission a préféré substituer l’obligation, pour l’ensemble des candidats, de débattre entre eux avant le premier tour de l’élection présidentielle. Il appartiendra bien sûr aux candidats et aux différentes chaînes de s’entendre sur les modalités concrètes d’organisation et de diffusion de ce débat, sous le contrôle de l’Arcom et dans le respect des principes d’équité ou d’égalité applicables selon la période à laquelle le débat a lieu.

Il s’agit d’une disposition extrêmement importante, qui répond à la préoccupation légitime de l’auteur de cette proposition de garantir la qualité du débat démocratique, d’autant que les délais sont très courts avant que n’ait lieu ce rendez-vous démocratique essentiel pour les électeurs.

En conclusion, ces deux textes proposent des dispositions bienvenues pour sécuriser le déroulement des scrutins à venir et prévenir le risque d’abstention que nous redoutons tous au regard de ce qui s’est passé lors des dernières élections.

En conséquence, mes chers collègues, je vous propose d’adopter ces deux textes dans la rédaction issue des travaux de la commission des lois.

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