Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie M. Kanner et ses collègues du groupe SER d’avoir inscrit à notre ordre du jour cette proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.
Notre collègue Jean-Luc Fichet a conduit plusieurs auditions. Je le remercie de son travail.
Au-delà de nos divergences, sur lesquelles je reviendrai, le texte met en exergue la « valeur travail », dont l’importance transcende nos groupes politiques et les travées de cette assemblée. Le travail est facteur de progrès social. Il est l’axe de lutte contre les inégalités. Perdre un emploi entraîne une altération du niveau de vie et demeure un traumatisme social. Et quand la perte d’emploi dure et que les mois s’écoulent, les motivations s’affaiblissent pour laisser place à un certain désespoir, qui peut se révéler un obstacle supplémentaire au moment de postuler à des entretiens d’embauche. Nous pouvons nous accorder sur ce constat.
Cependant, comme je l’ai souligné précédemment, des divergences existent, et elles sont forcément nombreuses.
D’abord, sur le fond, je suis un peu surprise de l’article 1er de cette proposition de loi, qui pérennise le dispositif TZCLD, alors même que l’encre du projet de loi visant à prolonger son expérimentation et à étendre le dispositif est à peine sèche. Cela me permet de rappeler la proposition de loi de 2020, votée par une très grande majorité de cet hémicycle, dont les articles 4, 5 et 6 concernaient ce dispositif. Le texte rappelait que celui-ci avait, à sa création, en 2016, trois objectifs : éradiquer le chômage de longue durée dans les dix premiers territoires expérimentaux ; mesurer les effets positifs du retour à l’emploi ; vérifier l’équation financière sur lequel il repose. Les coûts directs et indirects de la privation durable d’emploi ne sont pas supérieurs au coût d’un emploi rémunéré au SMIC.
J’entends çà et là que ce dispositif serait à l’origine d’un certain nombre de réussites. Je me permets d’insister sur le fait que les évaluations sont nombreuses, coûteuses – elles atteignent quasiment 100 000 euros –, mais également contrastées. Si tel n’avait pas été le cas, nous l’aurions bien entendu inscrit définitivement dans notre paysage social. Mais, comme elles le sont, nous avons fait le choix, volontairement et ensemble, de prolonger l’expérimentation et de l’étendre à un certain nombre de territoires.
J’ai bien vu, monsieur le rapporteur, que vous aviez nuancé votre approche par rapport au texte initial, en précisant que vous souhaitiez aller au-delà des cinquante plus dix territoires, avec un cliquet que vous proposez de lever. Je rappelle tout de même que la ministre s’était engagée en commission mixte paritaire à ce qu’il n’y ait pas de limites sur les soixante territoires et que l’on puisse étudier au cas par cas la situation. Vous avez levé le décret, c’est-à-dire que vous n’avez pas poussé la refonte de l’expérimentation, contrairement à ce qui avait été annoncé préalablement. En tout état de cause, nous considérons que ce dispositif doit encore faire ses preuves. C’est pour cette raison que nous avons opté pour la prolongation de l’expérimentation.
Les articles 2 et 3 visent à amplifier les dispositifs aidés : 100 000 postes en CUI-CIE et 200 000 emplois CUI-CAE en collectivités ciblés sur les éco-activités. Nous partageons l’analyse selon laquelle les dispositifs d’accès et de retour à l’emploi sont fondamentaux, notamment lorsqu’ils s’appuient sur les structures du service public de l’emploi et les outils d’insertion professionnelle. Mais décréter que les besoins des demandeurs d’emploi nécessitent de quasiment doubler le nombre des places en SIAE et des emplois en parcours emploi compétences, c’est faire une erreur d’appréciation sur les forces humaines disponibles sur le terrain. C’est aussi refuser de s’attaquer à la racine des problèmes ; à cet égard, nos collègues Brigitte Devésa et Maryse Carrère ont souligné, entre autres points, les enjeux de formation. C’est nier, enfin, la réalité des tensions de recrutement en activités classiques que nous rencontrons dans de nombreux secteurs aujourd’hui.
J’en viens au titre II. Nous y retrouvons sans surprise les sujets de divergence classiques : une nouvelle forme d’imposition, à savoir un impôt annuel de solidarité sociale et climatique, la suppression de la flat tax, l’annulation de la baisse des impôts de production, une hausse de la taxe sur les transactions financières, le tout pour financer les 17 milliards d’euros de mesures pour le moins coûteuses. Malgré tout le respect que nous avons pour vous, chers collègues du groupe SER, nous ne nous retrouvons pas sur de telles approches.
Sur la forme, je me permets simplement d’évoquer le tweet de Laurent Grandguillaume, à qui nous devons le texte sur l’expérimentation et qui a été surpris du dépôt de cette proposition de loi. Il a sans doute manqué un brin de concertation ; certes, je crois que cela a eu lieu après.
Pour toutes ces raisons, de fond et de forme, nous confirmons la position que nous avons adoptée en commission des affaires sociales, et nous voterons contre ce texte.