Ce principe rompt avec la théorie néoclassique, chère à la Commission européenne, du taux de chômage d’équilibre de long terme, taux qui se situerait à 8, 2 % pour la France. En deçà, les salaires réels augmenteraient trop et provoqueraient inflation et baisse des profits. Il faut donc se résoudre à ce taux de chômage ou le faire baisser par des réformes structurelles qui affaiblissent le rapport de force au détriment des salariés. Ainsi en est-il de la réforme de l’assurance chômage.
Une autre manière de faire baisser ce taux réside dans les cadeaux fiscaux. Mais le fait de subventionner les emplois ne soutient en fait que les profits et les distributions de dividendes. Ainsi, les exonérations pour les entreprises se sont révélées hautement inefficaces en matière de création d’emplois : à peine 160 000 emplois créés en 2018, selon le comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), pour un coût cette année-là de plus de 40 milliards d’euros, soit une somme bien plus exorbitante que le dispositif présenté ici, évalué à 17 milliards d’euros.
En proposant à grande échelle, à chaque personne au chômage depuis plus d’un an qui en fait la demande une offre d’emploi effective, à temps choisi, a minima au SMIC horaire, et ce en mobilisant tous les chemins possibles de l’insertion, la proposition de loi rompt avec une pensée économique incapable de juguler le chômage et pose le premier jalon d’une nouvelle conquête sociale : la garantie à l’emploi pour tous les Français.
Le texte repose sur le postulat que personne n’est inemployable avec un accompagnement et une formation adaptés. Par ailleurs, il cible des cadres prioritaires d’activités sur les territoires qui sont la protection de l’environnement et l’aide aux personnes. Il vise en particulier à répondre à des besoins locaux non satisfaits dans la transition écologique, qui nécessite beaucoup d’emplois, des emplois porteurs de sens, au contraire des bullshit jobs, conceptualisés par l’anthropologue David Graeber.
Si la proposition de loi marque une volonté politique en rupture avec la doxa néolibérale, son ambition et sa mise en œuvre sont bien « localistes » et relèvent des territoires, via une gouvernance partagée. C’est le cas des projets de TZCLD, dont l’extension à tous les territoires prêts sera favorisée, sans exclure d’autres projets ayant leurs propres spécificités et respectant le cadre de la garantie d’emploi.
Complémentaire du revenu minimum garanti, la garantie d’emploi pour tous se justifie d’abord par l’urgence de mettre fin au chômage de longue durée, drame social absolu, principale entrée dans la grande pauvreté et l’exclusion sociale, et dont le coût est alarmant. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il serait responsable de la mort de 10 000 à 14 000 personnes par an en France. Il favorise les addictions, double le risque de suicide. De plus, il s’accompagne d’une perte massive de compétences des chômeurs, sans parler de ses conséquences sur les finances publiques. Lié à plusieurs déterminants sociaux, dont le handicap, il représente un énorme gâchis humain et mine la cohésion sociale, comme le potentiel de croissance des économies, d’après une recommandation du Conseil de l’Union européenne.
Les chômeurs de longue durée seront donc la priorité d’une telle garantie.
Parce que la garantie d’emploi entraîne l’avènement d’une société où l’emploi est conditionné non plus par les seuls besoins de rentabilité du capital, mais par les besoins communs démocratiquement définis, parce que cette garantie permet la participation de chacun à la solidarité organique chère à Durkheim, le groupe écologiste votera cette proposition de loi.