Intervention de Claude Raynal

Réunion du 24 février 2022 à 10h30
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, la remise du rapport public annuel est un moment important, car elle symbolise l’assistance que la Cour des comptes apporte au Parlement, laquelle dépasse largement le cadre de la présentation d’aujourd’hui.

Chaque année, la commission des finances mène des contrôles budgétaires, dont certains s’appuient sur les résultats d’enquêtes qu’elle demande à la Cour en application de l’article L. 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Hier encore, notre commission a entendu les magistrats de la Cour venus lui présenter son enquête sur les mesures de soutien à l’industrie aéronautique. La qualité de cette enquête, qui incluait des cahiers territoriaux, a été unanimement saluée.

Nous entendrons de nouveau la Cour au début du mois de mars sur l’élaboration, le pilotage et la mise en œuvre des crédits du plan de relance, puis avant la suspension estivale sur les dépenses de l’État pour l’outre-mer.

En outre, nous attendons avec intérêt la remise, au mois de septembre prochain, d’une enquête sur les scénarios de financement des collectivités territoriales, en vue de l’examen à l’automne d’un projet de loi de programmation de nos finances publiques, un événement qui n’a pas eu lieu depuis cinq ans.

J’en viens maintenant au contenu du rapport public annuel.

Le RPA dépeint tout d’abord une situation de nos finances publiques que nous connaissons bien, pour l’avoir suivie au cours de nos travaux sur les lois de finances initiale et rectificatives. Ces chiffres ont été rappelés. Cette situation s’explique pour partie par l’incidence de la crise sanitaire et économique en recettes et surtout en dépenses. Les dépenses de crise, comme l’activité partielle, le fonds de solidarité ou encore les mesures de relance, dont le montant s’est élevé à 70 milliards d’euros en 2020 et 90 milliards d’euros en 2021, étaient évidemment nécessaires.

Pourtant, au-delà de la crise sanitaire, nos finances publiques héritent notamment des conséquences des choix d’allégements de fiscalité faits par le Gouvernement. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, la perte durable de recettes fiscales pour les administrations publiques est évaluée à plus de 50 milliards d’euros au terme du quinquennat. Cette somme correspond peu ou prou à la baisse des dépenses publiques que l’on nous propose aujourd’hui de rechercher si l’on voulait ramener le déficit public à 3 % du PIB, correspondant au niveau avancé par la commission sur l’avenir des finances publiques, présidée par Jean Arthuis, pour sécuriser la soutenabilité de notre dette. Sans cette érosion des recettes publiques, notre dette aurait été inférieure d’environ 6 points de PIB par rapport à son niveau attendu en 2022, ce qui représente près de 160 milliards d’euros.

À ce jour, je crois pouvoir dire que les effets prétendument positifs de ces réformes fiscales, notamment celles de l’impôt sur la fortune, du prélèvement forfaitaire unique, comme celle des impôts de production, sont pour le moins peu documentés.

Il me paraît donc important de faire preuve de mesure dans la manière dont nous abordons les années qui s’annoncent sur le plan de nos finances publiques. Je remarque le retour d’une musique bien connue et qui nous appelle à une maîtrise « renforcée », « stricte », « sans faiblesse », « urgente » de nos dépenses publiques. Il est regrettable qu’ici ou là certains préconisent en même temps une nouvelle baisse des prélèvements en la gageant par des réformes « structurelles », dont on peine en réalité à saisir les contours.

Certes, je suis comme vous attentif aux risques pesant à terme sur notre soutenabilité budgétaire. Ceux-ci pourront d’ailleurs être réexaminés prochainement compte tenu de l’évolution de l’inflation et des taux d’intérêt. Toutefois, notre principal objectif doit être d’abord de soutenir notre croissance, le pouvoir d’achat des ménages et l’investissement. Or, comme nous l’avons vu dans le passé, un ralentissement ou une baisse brutale des dépenses aurait des effets très négatifs sur l’activité économique : ces éléments doivent être pris en compte, notamment au niveau européen.

Comme toujours, le RPA comprend des insertions thématiques, qui font souvent écho aux observations formulées par nos rapporteurs spéciaux. La Cour analyse ainsi les dispositifs déployés par l’État pour accompagner les étudiants. Comme le relevait notre collègue Vanina Paoli-Gagin dans son rapport budgétaire, la Cour note que la pandémie a révélé une précarité étudiante jusqu’alors ignorée des pouvoirs publics, en montrant notamment qu’une partie des étudiants non boursiers y étaient exposés – vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le Premier président.

Dans ce contexte, les mesures d’urgence mises en place ont souffert d’un ciblage inadéquat ; à titre d’exemple, le repas à 1 euro, créé en septembre 2020 au profit des seuls étudiants boursiers, n’a été généralisé qu’à la fin du mois de janvier 2021 à l’ensemble des étudiants. Ce constat invite à développer une connaissance plus fine de cette population, afin de créer des dispositifs mieux adaptés à ses besoins.

La Cour dresse aussi un bilan de l’efficacité du plan « 1 jeune, 1 solution ». Ce plan a contribué à modifier la structure de l’emploi : aux contrats très courts et d’intérim se sont substitués des emplois en CDI ou en CDD long, mais ses effets ont été faibles sur le taux d’emploi des jeunes.

La Cour insiste également sur la profusion de mesures contenues dans le plan : des dispositifs ont été déployés simultanément et de façon insuffisamment coordonnée entre les différents acteurs du service public de l’emploi.

Elle rejoint ainsi pleinement les constats formulés à plusieurs reprises tant par le rapporteur spécial des crédits de la mission « Plan de relance », Jean-François Husson, que par les rapporteurs spéciaux de la mission « Travail et emploi », Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian. Comme ces derniers l’avaient d’ailleurs souligné, le nouveau contrat d’engagement jeune, qui remplace la garantie jeunes, contribue à rationaliser cette politique, mais sa mise en œuvre, introduite par voie d’amendement sans étude d’impact ni d’ailleurs de débat parlementaire, reste entourée de fortes incertitudes.

S’agissant des grands aéroports français, la Cour pointe les limites d’un modèle économique qui reposait sur la perspective d’une forte croissance du trafic. Elle souscrit ainsi au constat et aux pistes formulées par notre collègue Vincent Capo-Canellas…

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